mardi 20 novembre 2018

Adjutricem populi, de Sa sainteté le Pape Léon XIII, pour le retour des dissidents par le Saint Rosaire




ADJUTRICEM POPULI


LETTRE ENCYCLIQUE DE N. T. S. P. LÉON XIII


PAPE PAR LA DIVINE PROVIDENCE


POUR LE RETOUR DES DISSIDENTS PAR LE SAINT ROSAIRE


AUX PATRIARCHES, PRIMATS, ARCHEVÊQUES, ÉVÊQUES


ET AUTRES ORDINAIRES, EN PAIX ET COMMUNION

AVEC LE SIÈGE APOSTOLIQUE


(5 septembre 1895)




À nos vénérables frères les patriarches, primats, archevêques, évêques et autres ordinaires, en paix et communion avec le Siège apostolique.

LÉON XIII, PAPE

Vénérables Frères, Salut et bénédiction apostolique.


II convient de célébrer par des éloges toujours plus magnifiques et d'implorer avec une confiance toujours plus vive la Vierge Mère de Dieu, puissante et très miséricordieuse auxiliatrice du peuple chrétien. En effet, les motifs de confiance et de louange se multiplient avec ce trésor varié de bienfaits tous les jours plus abondants, répandus de tous côtés par Marie pour le bien commun.

Et, en retour d'une telle munificence, les catholiques n'omettent certes pas les devoirs d'un très profond dévouement ; car, autant que jamais, malgré la grande rigueur de ce temps pour la religion, il nous est donné de voir l'amour et le culte de la Bienheureuse Vierge s'accroître et s'enflammer dans toute la société. Un témoignage éclatant de ce fait se trouve dans le rétablissement et la multiplication générale des Confréries établies sous son patronage ; dans la construction de somptueux monuments dédiés à son auguste nom ; dans les pèlerinages, à ses temples les plus vénérés, accomplis par des foules très pieuses ; dans la tenue de Congrés dont les délibérations ont pour objet d'accroître sa gloire ; dans d'autres manifestations de ce genre, excellentes en elles-mêmes et d'un heureux augure pour l'avenir.

Et, fait remarquable qu'il Nous est bien doux de rappeler, parmi les formes multiples de cette piété envers Marie, déjà le Rosaire, ce mode de prière si excellent, est de plus en plus estimé et pratiqué. C'est, disons-Nous, une très grande joie pour Nous ; car, si Nous avons consacré une grande part de Nos sollicitudes à propager la dévotion du Rosaire, Nous constatons manifestement avec quelle bienveillance la Reine du ciel, ainsi invoquée, a répondu à Nos vœux, et Nous espérons qu'elle voudra ainsi adoucir les douleurs et les amertumes que doivent Nous apporter les jours prochains.

Mais c'est surtout pour l'extension du royaume du Christ que Nous attendons de la puissance du Rosaire un secours plus efficace. Le but que Nous poursuivons très ardemment à l'heure actuelle est la réconciliation des peuples séparés de l'Église, à maintes reprises Nous l'avons indiqué ; mais, en môme temps, Nous avons déclaré que le succès doit être cherché surtout par les prières et les supplications adressées à la Toute-Puissance divine. Cette conviction, Nous l'avons affirmée récemment encore à l'occasion des solennités de la Pentecôte, en recommandant d'adresser, à cette intention, des prières spéciales au divin Esprit : à cette invitation, on a répondu partout avec un grand empressement. Mais, étant donnée l'importance de ce projet très difficile et la persévérance nécessaire à toute vertu, le conseil de l'Apôtre : Persévérez dans la prière, est très à propos ; d'autant plus que les heureux débuts de l'entreprise semblent un doux encouragement à cette insistance dans la prière. Aussi. Vénérables Frères, rien ne sera plus utile à cette entreprise ni plus agréable pour Nous si, durant tout le mois d'octobre prochain, vous et vos peuples, vous invoquez instamment la Vierge Mère par la récitation du Rosaire dans les formes prescrites. Car Nous avons de puissants motifs pour confier avec la plus grande espérance à sa protection Nos projets et Nos vœux.

Le mystère de la très grande charité du Christ envers nous est clairement mis en lumière par ce fait qu'il a voulu, à sa mort, laisser sa Mère à son disciple Jean, par ce testament mémorable : Voici votre fils. Or, en la personne de Jean, selon le sentiment constant de l'Église, le Christ a désigné le genre humain, et, plus spécialement, ceux qui s'attacheraient à Lui par la foi. C'est dans ce sens que saint Anselme de Cantorbéry a dit : Ô Vierge, quel privilège peut être plus estimé que celui par lequel tu es la Mère de ceux dont le Christ daigne être le Père et le Frère ?

Marie a assuré et rempli généreusement cette grande fonction et cette mission laborieuse dont les débuts furent consacrés au cénacle. Elle a admirablement soutenu les commencements du peuple chrétien, par la sainteté de son exemple, l'autorité de ses conseils, la douceur de ses encouragements, l'efficacité de ses saintes prières ; vraiment Mère de l'Église, Docteur et Reine des apôtres, à qui Elle communiqua également une part des divins oracles qu'Elle conservait dans son cœur.

Il serait impossible de dire tout ce qu'Elle a ajouté d'étendue et d'efficacité à ces secours, lorsqu'Elle a été élevée, auprès de son Fils, à ce faîte de la gloire céleste qui convenait à sa dignité et à l'éclat de ses mérites. Car de là, selon les desseins de Dieu, Elle a commencé à veiller sur l'Église, à nous assister et à nous protéger comme une Mère, de sorte qu'après avoir été coopératrice de la Rédemption humaine, Elle est devenue aussi, par le pouvoir presque immense qui lui a été accordé, la dispensatrice de la grâce qui découle de cette Rédemption pour tous les temps. Aussi est-ce avec raison que les âmes chrétiennes se portent vers Marie, obéissant comme à une impulsion naturelle ; c'est pour cela qu'elles lui communiquent avec confiance leurs pensées et leurs œuvres, leurs angoisses et leurs joies, et qu'elles se recommandent elles-mêmes, avec tout ce qui est à elles, à sa sollicitude et à sa bonté, avec un abandon tout filial.

C'est de là aussi que s'élèvent son droit de nombreuses louanges de tout pays et de tout rite, se multipliant à travers les siècles : tels que les titres qui lui sont donnés de notre Mère, notre Médiatrice, de Réparatrice du monde entier, de Dispensatrice des dons de Dieu.

Et puisque le fondement et le principe des dons divins, par lesquels l'homme est élevé au-dessus de l'ordre de la nature vers les biens éternels, est la foi, pour acquérir cette foi et pour la faire fructifier, c'est à bon droit qu'on proclame l'excellence de l'action secrète de Celle qui a engendré l'Auteur de la foi, et qui, en raison de sa foi, a été saluée Bienheureuse : Personne, ô Vierge très sainte, n'est rempli de la connaissance de Dieu que par vous ; personne n'est sauvé que par vous, ô Mère de Dieu ; personne n'obtient un don de la Miséricorde que par vous.

Et certes, il ne paraîtra pas exagéré d'affirmer que c'est surtout sous sa conduite et avec son aide, que la sagesse et la doctrine évangélique se sont répandues si rapidement à travers des obstacles et des difficultés immenses, dans l'universalité des nations, fondant partout un nouvel ordre de justice et de paix. C'est ce qui a inspiré l'âme et la prière de saint Cyrille d'Alexandrie, lorsqu'il s'adresse en ces termes à la Vierge : Par vous les apôtres ont prêché aux nations la doctrine du salut ; par vous, la Croix bénie est célébrée et adorée dans le monde entier ; par vous les démons sont mis en fuite et l'homme lui-même est rappelé au ciel ; par vous, toute créature retenue dans les erreurs de l'idolâtrie est ramenée à la connaissance de la vérité ; par vous, les fidèles sont parvenus au saint baptême, et dans toute nation des Églises ont été fondées.

Bien plus, comme l'a proclamé le même docteur, c'est Elle qui a donné et consolidé le sceptre de la vraie foi, et Elle n'a cessé de s'employer à maintenir, parmi les peuples, ferme, intacte et féconde, la foi catholique. Il existe sur ce point des preuves nombreuses et assez connues, et qui ont éclaté parfois d'une manière admirable.

Ce fut surtout aux époques et dans les pays où il y avait à déplorer l'alanguissement de la foi par suite de l'indifférence, ou son ébranlement par le fléau pernicieux des erreurs, que le secours miséricordieux de l'auguste Vierge se fit sentir. Alors, grâce à son impulsion et à son appui, des hommes éminents en sainteté et en zèle apostolique se sont levés pour repousser les efforts des méchants, pour ramener et exciter les esprits à la piété de la vie chrétienne.

Puissant à lui seul comme un grand nombre, Dominique de Guzman se consacra à cette double tâche, ayant, mis avec succès sa confiance dans le rosaire de Marie. Et personne ne peut mettre en doute quelle grande part a la Mère de Dieu dans les services rendus par les vénérables Pères et Docteurs de l'Église, qui ont travaillé avec un zèle si remarquable à la défense et à la manifestation de la vérité catholique.

C'est à Celle, en effet, qui est le Siège de la divine sagesse qu'ils rapportent avec reconnaissance la féconde inspiration de leurs écrits, et c'est par Elle, par conséquent, et non par eux-mêmes, que la malice des erreurs, comme ils le proclament, a été confondue. Enfin les Princes et les Pontifes romains, gardiens et défenseurs de la foi, les uns dans la direction de leurs guerres saintes, les autres dans la promulgation de leurs décrets solennels, ont toujours imploré le nom de la divine Mère, et n'ont jamais manqué d'en éprouver la puissance et la faveur.

C'est pourquoi, avec autant de vérité que de magnificence, l'Église et les Pères rendent gloire à Marie : Salut, ô bouche toujours éloquente des apôtres, ô solide fondement de la foi, rempart inébranlable de l'Église ; salut, ô vous par qui nous avons été inscrits au nombre des citoyens de l'Église une, sainte, catholique et apostolique : salut, source divine, grâce à laquelle les fleuves de la sagesse divine, roulant les eaux très pures et très limpides de l'orthodoxie, refoulent le flot des erreurs. Réjouissez-vous, parce que, seule, vous avez détruit toutes les hérésies dans le monde entier.

Cette part considérable qu'eut la Très Sainte Vierge dans l'expansion, les combats, les triomphes de la foi catholique, rend plus évident le plan divin à son égard et doit éveiller chez tous les hommes de bien une grande espérance pour ce qui est aujourd'hui dans les vœux de tous.

Il faut se confier à Marie, il faut supplier Marie ! Que ne pourra-t-Elle pas pour réaliser par sa puissance ce relèvement si désirable de la religion, qui mettrait les esprits d'accord par la profession de la même foi dans toutes les nations chrétiennes, et qui unirait les volontés par le lien de la charité parfaite ? Que ne voudra-t-Elle pas faire pour que les nations, dont son Fils unique a instamment demandé à son Père l'union la plus étroite, et qu'il a appelées par un seul baptême au même héritage de salut acquis à un prix d'une valeur infinie, se dirigent toutes ensemble vers son admirable lumière ? Combien ne voudra-t-Elle pas déployer de tendresse et de prévoyance soit pour alléger les longues fatigues que ce souci impose à l'Église, l'épouse du Christ, soit pour réaliser dans la famille chrétienne ce bienfait de l'unité qui est le fruit insigne de sa maternité ?

L'espoir de la prochaine réalisation de ces biens semble confirmé par l'opinion et la confiance qui grandissent dans les âmes pieuses, que Marie sera l'heureux lien par la forte et douce énergie duquel tous ceux qui aiment le Christ, partout où ils se trouvent, formeront un seul peuple de frères, obéissant, comme à un Père commun, à son Vicaire sur la terre, le Pontife romain.

Ici la pensée se reporte, d'elle-même, à travers les fastes de l'Église, vers les magnifiques exemples de l'antique unité, et s'arrête plus volontiers aux souvenirs du grand Concile d'Éphèse. La souveraine communauté de foi, la participation aux mêmes sacrements qui unissait alors l'Orient et l'Occident, parut en effet s'affirmer alors avec une fermeté singulière, et briller d'une gloire plus pure, lorsque les Pères du Concile, ayant régulièrement sanctionné le dogme qui déclare la sainte Vierge Mère de Dieu, la nouvelle de cet événement, sortant de la très religieuse cité transportée de joie, remplit tout l'univers chrétien de la même allégresse.

Toutes ces raisons, qui soutiennent et développent la confiance d'être exaucé par la puissante et très bonne Vierge, doivent être comme autant de stimulants qui excitent le zèle que Nous demandons aux catholiques pour la prier. Qu'ils réfléchissent combien ce zèle est beau, combien il leur sera utile à eux-mêmes, combien il sera doux et agréable à la Sainte Vierge. Car, possédant l'unité de la foi, ils manifestent ainsi qu'ils estiment grandement, et a bon droit, la valeur de ce bienfait, et qu'ils veulent le garder très précieusement. Or, ils ne peuvent mieux manifester leur amour fraternel, à l'égard des dissidents, que s'ils leur viennent puissamment en aide pour recouvrer le seul bien, le plus grand de tous. Cette affection fraternelle, vraiment chrétienne, qui survit dans toute l'histoire de l'Église, a toujours demandé sa principale force à la Mère de Dieu, qui est le meilleur artisan de la paix et de l'unité.

Saint Germain de Constantinople l'invoquait en ces termes : Souvenez-vous des chrétiens qui sont vos serviteurs, recommandez les prières de tous, aidez les espérances de tous ; affermissez la foi, unissez les Églises entre elles. Les Grecs lui adressent encore cette prière : Ô Vierge très pure, à qui il a été donné d'approcher sans crainte de votre Fils, priez-le, ô Vierge très sainte, pour qu'il accorde la paix an monde, et qu'il inspire même esprit à toutes les Églises, et tous, nous vous glorifierons.

Ici s'offre un motif spécial pour lequel la Sainte Vierge doit écouter plus favorablement Nos prières en faveur des nations dissidentes ; c'est que ces nations, et surtout les nations orientales, ont jadis bien mérité d'Elle. C'est à elles qu'on doit pour beaucoup la propagation et l'accroissement de son culte ; c'est chez elles qu'ont vécu de véritables apologistes et défenseurs de sa dignité, des panégyristes illustres par l'ardeur et la suavité de leur éloquence, des impératrices très agréables à Dieu, qui ont imité l'exemple de la Vierge très pure, l'ont célébrée par leur munificence, et ont élevé, en son honneur, des édifices et des basiliques avec une pompe royale.

Il Nous plaît d'ajouter quelque chose qui n'est pas étranger au sujet, et qui est glorieux pour la Sainte Mère de Dieu. Personne n'ignore que beaucoup de ses images, à diverses époques, ont été apportées d'Orient en Occident, surtout en Italie et à Rome ; nos pères les ont recueillies avec un souverain respect et les ont honorées magnifiquement, et leurs enfants s'appliquent, à l'envi, à entourer de la même piété ces images très sacrées.

L'esprit aime à reconnaître dans ce fait comme un augure de bienveillance et de faveur de la part d'une Mère si attentive. Car il semble signifier que ces images sont chez nous comme les témoins des temps où la famille chrétienne était partout étroitement unie, et comme les précieux gages d'un commun héritage ; c'est pourquoi leur aspect, selon que la Vierge même nous en avertit, doit inviter les cœurs à se ressouvenir pieusement de ceux que l'Église catholique rappelle avec amour à l'ancienne concorde et à la joie qu'ils goûtaient dans son sein.

Ainsi donc, un grand secours a été divinement donné en Marie pour l'unité chrétienne. Et ce secours, s'il n'y a pas un mode unique de prière qui puisse le mériter, Nous croyons qu'aucun autre n'est meilleur ni plus salutaire que celui du Rosaire. Précédemment déjà, Nous avons fait observer que l'un de ces principaux avantages est de fournir au chrétien un moyen court et facile d'alimenter sa foi et de la préserver de l'ignorance et du péril de l'erreur : c'est ce qu'attestent clairement les origines mêmes du Rosaire. On voit, en outre, à l'évidence, combien une foi qui s'exerce ainsi, soit par la prière vocale réitérée, soit par la méditation des mystères, le rapproche de Marie. Car, chaque fois que, en prière devant Elle, nous déroulons la sainte couronne, selon le rite, nous nous remémorons l'œuvre admirable de notre salut, en sorte que nous repassons en esprit, comme si la réalité était devant nos yeux, chacun des actes par la suite et l'accomplissement desquels la Mère de Dieu est devenue aussi notre Mère.

L'excellence de cette double dignité, le fruit de ce double ministère apparaissent dans une vive lumière, si l'on considère pieusement la Vierge Marie associée à son Fils dans chacun des mystères joyeux, douloureux et glorieux. Il en résulte que l'âme s'embrase dans le sentiment d'une affectueuse reconnaissance pour Elle et, dédaignant toutes les choses périssables, s'efforce par une ferme résolution de se rendre digne d'une telle Mère et de ses bienfaits. Et comme par cette fréquente et pieuse commémoration de ces mystères, cette Mère, la meilleure des mères, ne peut point n'être pas favorablement touchée et se sentir émue de compassion pour les hommes. Nous avons conclu que la prière du Rosaire est particulièrement opportune pour plaider auprès d'Elle la cause de nos frères dissidents. Cela rentre tout à fait dans la mission de sa maternité spirituelle. Car ceux qui sont du Christ, Marie ne les a enfantés et Elle ne pouvait les enfanter que dans une même foi et dans un même amour ; car, est-ce que le Christ, est divisé ? Donc, tous nous devons vivre en commun la vie du Christ, pour que nous produisions des fruits pour Dieu dans un seul et même corps.

Tous ceux donc que le triste malheur des temps a séparés de cette unité, il faut que cette même Mère, qui n'a cessé d'être accrue par Dieu dans la perpétuelle fécondité d'une sainte progéniture, les enfante en quelque sorte de nouveau à Jésus-Christ. II est manifeste qu'Elle le veut ardemment Elle-même, et si nous lui donnons les guirlandes de la prière la plus agréable a son cœur, Elle leur obtiendra en abondance les secours de l'Esprit vivifiant. Plaise à Dieu qu'ils ne refusent pas de seconder les dispositions de leur miséricordieuse mère, et que, songeant à leur salut, ils écoutent cette douce invitation : Mes petits enfants, vous que j'enfante de nouveau, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous.

Ayant éprouvé cette vertu du Rosaire de la Sainte Vierge, plusieurs de Nos prédécesseurs ont appliqué leurs soins à le répandre parmi les nations orientales. Et d'abord Eugène IV, par sa constitution Advesparascente, donnée en i834 ; puis, Innocent XII et Clément XI, par l'autorité desquels de grands privilèges furent, à cet effet, accordés à l'Ordre des Frères Prêcheurs. Les fruits ne se firent pas attendre, grâce au zèle et à l'activité des religieux de cet Ordre, et ils sont attestés par des documents nombreux et éclatants, bien que la longue rigueur des temps ait été un obstacle aux progrès de cette œuvre.

À notre époque, la même ardeur pour la dévotion du Rosaire, que Nous avons louée au début de cette lettre, se fait sentir en ces régions dans beaucoup de cœurs, et Nous espérons que, dans l'avenir, ce fait, qui correspond à Nos desseins, sera très utile à la réalisation de Nos vœux.

À cette espérance vient se joindre un heureux événement, qui concerne également l'Orient et l'Occident, et répond pleinement à Nos vœux. Nous voulons parler du projet dont le célèbre Congrès eucharistique de Jérusalem a eu l'initiative, visant la construction d'un temple en l'honneur de la Reine du très saint Rosaire, à Patras, dans l'Achaïe, non loin des lieux où la protection de Marie fit éclater la gloire du nom chrétien.

Déjà un grand nombre d'entre vous, sollicités par le Comité fondé avec Notre approbation, se sont empressés de contribuer à cette entreprise par des souscriptions, y ajoutant même la promesse de s'y intéresser jusqu'à son achèvement. Ces faits ont montré qu'on pouvait commencer les travaux avec la grandeur qui convient à cette œuvre, et Nous avons donné l'autorisation de poser prochainement, en grande pompe, la première pierre de cet édifice.

Ce temple demeurera, au nom du peuple chrétien, comme monument d'une perpétuelle reconnaissance à notre Avocate et à Notre Mère du ciel. On l'y invoquera sans cesse dans les rites latin et grec, pour qu'Elle daigne mettre le comble à ses anciens bienfaits par de nouvelles faveurs.

Et maintenant, vénérables Frères, Notre exhortation revient à son point de départ. Oui. que tous, pasteurs et troupeaux, surtout dans le mois prochain, se réfugient pleins de confiance sous l'égide de l'auguste Vierge. En public et en particulier, qu'ils ne ressent, par les chants, par la prière, par les vœux, de s'unir pour l'invoquer et la supplier comme Mère de Dieu et notre Mère : Monstra te esse Matram. Que sa maternelle clémence conserve à l'abri de tout péril sa famille universelle, qu'Elle la conduise à une véritable prospérité et surtout qu'Elle la fonde dans la sainte unité. Qu'Elle regarde avec bienveillance les catholiques de toute nation, et que, les unissant par les liens do la charité, Elle les rende plus actifs et plus constants pour soutenir l'honneur de la religion, d'où découlent en même temps pour l’État tous les biens les plus précieux.
Qu'avec une très grande bienveillance, Elle regarde aussi les dissidents, ces nations grandes et illustres, ces âmes élevées qui se souviennent du devoir chrétien ; qu'Elle suscite en eux les plus salutaires désirs, et qu'après les avoir fait naître, Elle les soutienne et en favorise l'accomplissement.
Pour les dissidents d'Orient, qu'Elle les fasse bénéficier de la dévotion si grande qu'ils ont envers Elle, et des hauts faits de leurs ancêtres accomplis en si grand nombre pour sa gloire. Pour les dissidents d'Occident, qu'Elle les fasse bénéficier du souvenir du bienfaisant patronage par lequel, pendant tant de siècles, Elle a éprouvé et récompensé la grande piété envers Elle de toutes les classes de la société.
Qu'elle intercède pour les uns et pour les autres, partout où ils sont, en voix unanime et suppliante des nations catholiques, et que Notre voix leur vienne en aide, criant jusqu'au dernier souffle : Monstra te esse Matrem.
En attendant, comme présage des dons célestes et en témoignage de Notre bienveillance, Nous vous accordons tendrement la Bénédiction Apostolique à chacun de vous, à votre clergé et à votre peuple.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre le 5 septembre de l'année MOCCCXCV, la dix-huitième de Notre pontificat.


LÉON XIII, PAPE.





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