samedi 3 novembre 2018

Le Cimetière au XIXe Siècle : Bénédiction du Cimetière, Puissance des démons sur les morts



Extrait de "Le Cimetière au XIXe siècle" de Mgr Gaume :






Xe Lettre, tirée de "Le Cimetière au XIXe Siècle"


Bénédiction du Cimetière


Puissance des démons sur les morts




Mon cher ami,

Lève-toi ; prends ton chapeau et suis-moi. Nous allons assister à la bénédiction du cimetière. Chemin faisant, tu apprendras, ce que plusieurs ignorent, que la bénédiction du cimetière est une fonction réservée aux évêques. Ce détail te donne déjà une idée de la sainteté du lieu où nous allons. Mais que vois-je ? quel mystérieux spectacle !
Aux quatre coins du cimetière sont quatre croix, hautes d’environ cinq pieds, et au milieu, une croix beaucoup plus élevée. Devant chacune de ces cinq croix est planté un pieu, à peu près de la hauteur des croix. Le sommet de chaque pieu est garni de trois pointes propres à recevoir trois cierges.
Ces croix et ces pieux ont été plantés la veille de la bénédiction, une nuit seule en sépare le placement, de l’auguste cérémonie qui va se déployer sous nos yeux. De plus, un grand vase rempli d’eau et un plus petit contenant du sel se voient au pied de la croix principale.
Je t’entends, mon cher Frédéric, et bien d’autres avec toi : Pourquoi tout cet appareil et que signifie tout cela ? Telle est la question à laquelle je vais répondre.
Ces pieux, composés d’un bois qui n’a plus de vie, et qui ressemblent à des ossements décharnés, sont l’image de l’homme dans le tombeau. Ils ont été plantés hier, parce que le jour d’hier qui n’est plus figure la vie du temps, ombre fugitive, dont chaque seconde emporte une partie. Ils ont été plantés aux quatre coins du cimetière, pour rappeler que la mort étend son empire aux quatre coins du monde.
Les trois cierges éteints, mais réels, représentent le germe impérissable de vie, déposé dans nos corps, par les trois personnes de la Sainte Trinité. Bientôt, à la parole du pontife, ces cierges s’allumeront, et je te dirai la signification mystérieuse de leur lumière.
La croix placée au milieu du cimetière, et plus élevée que les autres, c’est la vive image de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est Celui-là même qui a vaincu la mort et qui est la résurrection et la vie ; c’est le premier-né d’entre les morts, protégeant de son ombre tutélaire ses enfants et ses frères endormis.
Placée au milieu du cimetière, cette croix mystérieuse dit que le Verbe, par qui tout a été fait, tout a été racheté, est le centre de toutes choses, le Roi du ciel et de la terre, dont l’empire, plus puissant que celui de la mort, s’étend sur le passé et sur l’avenir, sur les morts comme sur les vivants.
Par la place qu’elles occupent aux quatre extrémités du cimetière, les autres croix proclament que le sang restaurateur du Calvaire a coulé sur le monde entier, à l’orient, à l’occident, au nord et au midi ; et qu’au jour de la résurrection ce sang immortel rappellera tous les hommes à la vie, dans tel siècle ou sous tel climat que la mort les ait frappés. Voilà pourquoi les pieux, images de l’homme mort, sont placés devant les croix, principe de la résurrection.
De cette résurrection générale, les cierges sont le vif emblème. Nous disons qu’un flambeau est mort, quand il est éteint : il revit quand on l’allume. Si donc, mon cher Frédéric, ces cierges éteints t’ont rappelé comme à moi, l’homme mort ; quand nous les verrons allumés, nous verrons l’homme ressuscité. Tel est le mystère dont j’avais promis de te dire la consolante signification, l'eau et le sel placés au centre du cimetière attendent la bénédiction de l’Évêque, pour devenir le puissant élément de sanctification, qui s’appelle l’eau bénite.
Maintenant que tu connais la signification des divers objets offerts à tes regards, je te demande si la sainte Église, notre mère, la grande institutrice de l’homme, pouvait exprimer dans un langage plus saisissant et plus intelligible à tous, aux savants comme aux ignorants, déplus magnifiques vérités ?
S’il est vrai que l’homme, quel qu’il soit, riche ou pauvre, enfant ou vieillard, n’est pas un pur esprit ; en sorte qu’il a besoin, comme dit le concile de Trente, du secours des choses sensibles pour s’élever à l’intelligence des choses spirituelles ; que les grands philosophes, contempteurs de nos augustes cérémonies, trouvent donc un moyen plus parfait de faire comprendre à tous les vérités qui échappent à nos sens. Pour moi, pénétré de reconnaissance et d’admiration, je dirai toujours avec sainte Thérèse : « Je me ferais couper le cou pour la plus petite cérémonie de l’Église. »
Plus éloquentes encore et plus belles, s’il est possible, sont les prières employées dans la bénédiction du cimetière. Nous allons en rappeler quelques-unes.
Voici le pontife qui s’avance précédé du clergé ; il est revêtu de ses ornements, enveloppé dans la chape blanche, rehaussée de diverses couleurs, la mitre en tête et le bâton pastoral à la main. À son aspect tous les cierges s’allument : c’est l’annonce de la résurrection, dont il vient proclamer la certitude sur le théâtre même de la mort. S’étant assis, il adresse au peuple une courte instruction sur la sainteté du cimetière ; puis, dans une belle prière, il demande à Dieu qu’au grand jour du jugement, les corps déposés dans ce lieu sortent glorieux du tombeau et, réunis à leurs âmes, jouissent avec elles des joies de l’éternité.
La prière achevée, l’Évêque tombe à genoux avec toute l'assistance ; et, pour obtenir le succès de sa demande, on récite les litanies des saints. Aux derniers versets, le pontife se relève et, s’adressant à Dieu, il dit trois fois en faisant le signe tout-puissant de la croix : « Que vous daigniez purifier et bénir ce cimetière : nous vous le demandons : écoutez-nous. Que vous daigniez purifier, bénir et sanctifier ce cimetière : nous vous le demandons : écoutez-nous. Que vous daigniez purifier, bénir, sanctifier et consacrer ce cimetière : nous vous le demandons : écoutez-nous. » Au signe de la croix et à la prière, le pontife ajoute le troisième élément sanctificateur : il bénit Peau et en asperge le cimetière dont il fait le tour. Revenu auprès de la croix centrale, il demande qu’au sou de la trompette angélique, tous les corps ici déposés se relèvent pour jouir des félicités éternelles.
Après avoir encensé la croix principale, image de Notre-Seigneur, il prend les trois cierges, allumés sur le pieu, les fixe au sommet de la croix. Il fait de même pour les quatre croix, placées aux quatre coins du cimetière. C’est ainsi qu’il annonce la résurrection générale de tous les hommes, opérée par la vertu de la croix. Rien n’est plus éloquent.
Viennent ensuite deux prières et une préface de toute beauté, tant pour la forme que pour le fond. Dans une langue qu’on dirait tombée du ciel, l’Église, par la bouche de son pontife, passant en revue tous les mystères du temps et de l’éternité, rappelle à son divin époux tous les titres qu’il a à sa confiance : sa puissance infinie, sa sagesse, sa bonté, sa miséricorde égales à sa puissance. Puis elle le prie de bénir ce cimetière, comme il bénit autrefois la sépulture d’Abraham, le père des croyants ; et ainsi qu’il donna pour toujours la terre promise aux enfants d’Israël, d’assurer aux corps ensevelis dans ce cimetière un repos inviolable, contre toute profanation, ab omni spurcitioe inquinamento ; contre toute tentative des mauvais esprits, abomni incursione malorum spirituum ; enfin, qu’ayant dans la personne de Lazare, enterré depuis quatre jours, ressuscité tout le genre humain, il daigne appeler à la résurrection glorieuse tous les corps déposés dans ce lieu, acheté au prix du sang du calvaire.
Quelle haute idée ces admirables prières, jointes à ces magnifiques cérémonies, nous donnent du cimetière chrétien et de la sainteté de notre corps ! Toutefois, en excitant ton admiration, ton respect et ta confiance, elles provoqueront, sans aucun doute, ton étonnement. En effet, elles supposent que les démons peuvent troubler la paix des tombeaux et tourmenter les morts. Il en est ainsi, mon cher Frédéric.
Non-seulement elles le supposent, mais elles l'affirment, et nous sommes obligés de le croire (insistant sur ce point, l’Église l’affirme deux fois dans deux différentes prières. Ab omni incussione malorum spirituum..... Ab immundorum spirituum insidiis). Il n’y a pas de monument plus authentique de la croyance de l’Église, que le Rituel et le Pontifical romains. J’ajoute que cette croyance, comme toutes les autres, fait partie du dépôt de la Tradition universelle, confiée à la garde infaillible de notre sainte Mère.
Et d’abord, croirais-tu que les païens eux-mêmes en avaient conservé la connaissance plus ou moins confuse ? Pour ne pas entrer dans une foule de détails, qu’on trouve partout, qu’il me suffise de te rappeler la peur qu’ils avaient des mânes impies, impii manes, et leurs pratiques pour les éloigner des tombeaux.
Afin de sauvegarder sa demeure des attaques des mauvais génies, un Grec païen avait écrit sur sa porte : Hercule, Dieu protecteur, habite ici. Beaucoup plus tard, les habitants d’Antioche, pour conjurer les désastres d’un tremblement de terre, œuvre ordinaire des démons, avaient écrit sur les murs de leurs maisons : « Le Christ est ici, arrêtez. »
Aujourd’hui encore, au milieu de l’invasion satanique où nous vivons, sur combien de portes chrétiennes n’ai-je pas vu affichée une image du cœur de Jésus, avec ces mots : Arrêtez, le cœur de Jésus est ici ? Rien de nouveau sous le soleil de l’Église.
Si donc il est hors de doute que les démons peuvent nuire aux vivants et troubler leurs demeures, pourquoi Dieu, dans ses mystérieux conseils, ne leur donnerait-il pas le même pouvoir à l’égard des morts ? Comme nous l’avons vu, c’est même pour paralyser ce pouvoir que l’Église bénit les cimetières. Elle a raison ; car, de siècle en siècle, des faits authentiques prouvent que Dieu permet, parfois, aux démons, terribles ministres de sa justice, d’infliger des châtiments à la dépouille des coupables.
Parmi une foule d’exemples rapportés dans l'histoire, je ne citerai que les suivants. Ici, c’est un débauché dont la flamme vengeresse a fouillé la tombe et consumé les restes ; là, c’est une femme indigne, arrachée de sa couche mortuaire. À Milan, c’est un impie enterré dans un lieu saint, que deux esprits, à face terrible, arrachent du tombeau et jettent hors de l’enceinte sacrée. Ailleurs, c’est un dragon, torturant dans sa tombe un prince criminel. Faut-il ajouter que les mauvais esprits ont le pouvoir de se revêtir des corps des morts ou du moins de leurs formes ? d’où les revenants, les sabbats, les vampires et les apparitions très-connues des spirites modernes.
En bénissant les cimetières avec tant de solennité, l’Église sait donc bien ce qu'elle fait. Si elle connaît la puissante haine des démons, elle sait aussi que les prières, les bénédictions, l’eau bénite qui ont défendu l’homme pendant sa vie, peuvent encore le défendre après le trépas. Sa foi est la foi des siècles.
De là, l’usage universel d’enterrer avec le défunt des objets bénits : scapulaires, croix, médailles, chapelets.
De là, cette dernière parole qui, de la bouche du prêtre, tombe dans la fosse du chrétien et dont le sens profond n'est pas assez compris : Requiescat in pace, qu’il repose en paix ! Ce souhait de l’Église ne s’adresse pas seulement à l’âme, mais au corps comme à l’âme, à l’homme tout entier. Il suppose que, jusque dans la tombe, le corps de l’homme peut être inquiété. Par qui ? Par le démon.
De là encore cette courte, mais mystérieuse inscription, gravée des milliers de fois sur les loculi des premiers chrétiens, héroïques habitants des catacombes : in pace ; en paix. Paix à son âme, en paix avec l’Église ; paix à son corps, placé dans une terre bénite et protégé par la prière contre les attaques du démon ; paix inviolable jusqu’à la résurrection glorieuse.
De là, enfin, cette autre inscription, plus explicite que les autres : Christus hic est : Le Christ est ici. C’est donc un immense avantage pour le corps, comme pour l’âme, d’être enterré dans une terre bénite.
Pardonne-moi, si tu peux, la longueur de cette lettre : mais compte médiocrement sur mon ferme propos.

Tout à toi.




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