jeudi 28 février 2019

Sermon sur l'Enfer, par M. J.-M.-B. Vianney






SERMON SUR L'ENFER


par M. J.-M.-B. Vianney



La religion dans laquelle vous avez eu le bonheur de naître et d'être instruits est pleine de dogmes consolants et ineffables ; elle a des encouragements pour les faibles, des consolations pour les pauvres, elle soulage celui qui souffre et sèche les larmes sur la joue de celui qui pleure. On aime à la voir, cette religion sainte, nous prêchant un Dieu au cœur paternel, toujours prêt à pardonner à tous les prodigues, quels que soient leurs défauts et quelque nombreux que soient leurs crimes ; on aime la religion lorsqu'elle nous montre, au Calvaire, un sauveur étendant les bras pour bénir ses bourreaux, Jérusalem et le monde.
Mais, voyez-vous, mes enfants, à côté de ces dogmes consolants, il y en a de terribles. Si Dieu est plein de miséricorde et de tendresse pour le pécheur qui revient à lui, s'il le prévient et le comble de ses faveurs, il est inexorable et sévère au jour de ses châtiments contre celui qui a méconnu et méprisé sa grâce. En coulant sur le Calvaire, le sang du fils de Dieu a effacé des milliers de péchés, bien grands, bien épouvantables, mais il n'a pas effacé l'enfer ! L'enfer demeure et demeurera toujours, parce que, les vérités terribles de la religion demeureront comme les vérités consolantes, l'enfer demeure parce que la justice de Dieu demeure. Rien ne saurait anéantir l'enfer. Un peuple révolté pourra démolir une prison, un bagne, il ne démolira jamais l'enfer, il ne pourra jamais en arracher un seul prisonnier.
Oui, mes enfants, l'enfer demeure ! et Dieu veut que la vérité de cet enfer soit prêchée à toute créature humaine. Malheur au prêtre qui ne prêcherait pas l'enfer ; malheur à vous si vous n'y songez jamais, ou si vous n'y croyez pas : votre doute ne sera pas long ; bientôt à côté du mauvais riche, vous vous écrierez : Que je souffre dans ces flammes !

Il y a un enfer ; qu'est-ce que l'enfer ? pour qui l'enfer ?

1° Il y a un enfer, et rien de plus certain que cette vérité reconnue par toutes les nations civilisées et barbares. Si cette vérité nous était apportée par un mort venant de l'autre monde, vous pourriez peut-être me dire : il se trompe ou il nous trompe ; mais non, celui qui ne se trompe et ne trompe jamais, celui qui connaît et voit dans l'éternité mieux que nous connaissons dans nos cœurs, Jésus-Christ, le fils de Dieu, la lumière du monde, voilà le prédicateur de l'enfer.
Écoutez quelques-unes de ses paroles : « Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu... jetez-le dans les ténèbres extérieures où il y a des pleurs et des grincements de dents. » Le mauvais riche est enseveli dans l'enfer. Allez au feu éternel.
Rien donc n'est plus certain que l'enfer, aussi saint Paul en avait-il frayeur ; direz-vous que Paul était un ignorant ou un lâche ? On n'a pas vu l'enfer, dites-vous ? mais ne devons-nous croire que ce qui tombe sous nos sens. Avez-vous vu votre âme ? avez-vous vu Dieu ? et parce que vous ne sauriez les voir, doutez-vous pour cela de l'existence de Dieu, de votre propre existence.
Dans le monde il y a des bons et des mauvais, des Abels et des Cains, des vierges prudentes et des vierges folles. Il faut un autre monde où chacun reçoive selon ses œuvres, autrement Dieu ne serait pas juste, il ne serait pas raisonnable. Jamais législateur en établissant une loi, n'a oublié de mettre une peine pour ses infracteurs, et vous voulez que le grand législateur appelé Dieu, ait dit au monde : Je veux être adoré, voici la loi, mais si vous ne m'adorez pas, si vous blasphémez, vous n'avez rien à craindre. Je veux que vous respectiez le bien, la vie de votre prochain, de votre frère, mais si vous devenez voleur, assassin, vous n'avez rien à craindre ; si vous trempez la main dans le sang de votre père, de votre mère, parricides vous n'avez rien à craindre ! Dieu est trop bon ! dites-vous ? Oui, mes enfants, Dieu est bon, infiniment bon, mais il est juste. N'est-ce pas Dieu qui a dit à Adam en punition de sa désobéissance : Tu es poussière et tu retourneras en poussière ? n'est-ce pas Dieu qui fit tomber, sur le monde, un déluge d'eau et sur l'impure Sodôme un déluge de feu ? Dieu peut détruire la terre, le soleil et les étoiles, il ne saurait détruire l'enfer ; il ne serait plus juste, il ne serait plus Dieu.

2° Une séparation éternelle, des remords éternels, un feu éternel, voilà l'enfer.
Souvent, sur cette terre, les séparations sont bien cruelles ; on pleure bien amèrement sur le bord de la mer, sur les bords d'une tombe, au pied d'un échafaud : et cependant ici bas, au moment des plus tristes adieux, on peut toujours prononcer ce mot consolant : au revoir. Mais le réprouvé, il faudra qu'il dise un éternel adieu à tout ce qui pouvait faire son bonheur, au ciel qui serait devenu sa demeure, à Dieu dont il a entrevu la splendeur et la gloire, à Marie, à ses parents, à ses amis qu'il ne doit plus revoir.
Les remords sont bien déchirants : Judas accablé de honte se livre au désespoir et se donne la mort ; et cependant, ici bas, on peut toujours trouver quelques consolations, un peu d'espérance, on peut toujours, comme le prodigue, revenir à la maison paternelle. Mais combien terrible sera le retour du réprouvé sur lui-même, lorsque, sortant des bras de la mort, il se trouvera en face du souverain juge, et foudroyé par sa parole qui le condamne, il se verra plongé dans les flammes éternelles. « Malheureux que je suis, s'écriera-t-il, ma perte vient de moi, je suis le seul instrument de ma ruine, je pouvais en suivant la voix de ma conscience mériter une éternité de délices ; et pour poursuivre de vaines chimères, pour un peu d'or, pour un instant de plaisir trompeur, je vais souffrir à jamais dans cet horrible séjour. » Oh ! qu'insensé serait l'homme qui s'arracherait les yeux pour le triste plaisir d'être aveugle ! eh ! je suis mille fois plus insensé, j'ai privé sans raison mon corps et mon âme de la lumière éternelle, de la beauté infinie de Dieu. Tout lui retracera ses fautes, et les démons lui rappelleront sans cesse les biens qu'il a perdus, et s'étudieront avec une infernale constance à entretenir et augmenter ses tourments.
Il est des cœurs endurcis que le remords semble ne pas pouvoir atteindre même après qu'ils se sont souillés des actions les plus infâmes. Il est des cœurs qui ne savent pas s'attendrir même sur la tombe d'un père, d'une mère, d'une épouse ; cœurs insensibles, au jour des vengeances vous n'aurez, pas seulement à souffrir une éternelle séparation, un éternel remords, mais aussi un feu éternel. Ce feu allumé par la colère de Dieu fait souffrir beaucoup, il dévore, il consume, il ne tue pas, mais il fait endurer mille morts et conserve pour l'éternité.

3° Enfin, pour qui l'enfer ?
Volontiers, le monde laisserait à Dieu la liberté d'envoyer à l'enfer ceux que lui-même envoie au bagne ou à l'échafaud ; mais il ne voudrait pas que Dieu punisse les impudiques, les profanateurs du dimanche, ceux qui refusent de se confesser et de communier. Mais mes enfants, ce n'est pas le monde qui doit vous juger, et quand vous paraîtrez devant le tribunal de Dieu, Dieu ne consultera point les volontés du monde, les maximes du monde. L'évangile, le catéchisme, voilà la loi, le code d'après lequel nous serons tous jugés. Oh ! mon Dieu si je mourais a cette heure, que deviendrais-je ? suis-je prêt à paraître devant vous, à subir votre jugement, ma place ne serait-elle point dans l'enfer. Oh ! je veux craindre comme David, comme Paul et saint Jérôme et tous les saints, je veux craindre l'enfer et votre justice. Je veux, pendant qu'il est temps, recourir à votre bonté, aller me jeter aux pieds de votre ministre dans le saint tribunal. Donnez-moi, ô ! mon Dieu, de vous aimer, et en même temps de vous craindre, de pleurer et détester mes fautes afin que vous me les pardonniez.



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