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dimanche 7 avril 2019

De la réformation de la hardiesse ou du courage



Extrait du Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, Tome II, par le R.P. Jean-Joseph Surin :


Craignez le Seigneur ! Saint Vincent Ferrier, proclamé par l’Église,
comme étant l'Ange de l'Apocalypse annoncé par Saint Jean.



De la réformation de la hardiesse ou du courage



Qu'est-ce que le courage ?

C'est l'effort que fait l'âme, pour atteindre à un bien difficile à acquérir.


Qu'est-ce que réformer cette passion ?

C'est, premièrement, la modérer et la retenir dans de justes bornes ; c'est, en second lieu, s'en servir à propos.


Pourquoi faut-il mettre des bornes à la hardiesse ?

Pour l'empêcher d'aller jusqu'à la témérité, comme il arrive à la plupart des hommes, qui outrent ordinairement le courage, surtout en trois sortes d'occasions. Premièrement, lorsqu'il s'agit de conserver une fausse liberté dans laquelle ils se sont établis ; ils suivent aveuglément leur impétuosité naturelle ; ils font et disent tout ce qu'ils veulent, sans aucun égard à la droite raison et à la vertu. C'est la chaleur du sang et la vivacité de l'esprit , qui favorisent ce penchant dans la jeunesse. Comme elle n'a pas l'avantage de la réflexion et de l'expérience, qui retiennent les gens sages ; si la grâce et la crainte de Dieu ne viennent à son secours, elle ne saurait manquer d'être indocile, imprudente et téméraire. Nous avons parlé ailleurs de ce défaut, qui porte les jeunes gens à parler sans réflexion, à prononcer sans discernement, et à blâmer sans égard jusqu'aux choses qui regardent Dieu et son Église. On voit quelquefois de jeunes filles, prendre dans le commerce du grand monde, un certain air déterminé, avec lequel elles se mettent au-dessus des bienséances, et oublient ce qu'elles doivent à la pudeur et à l'humilité, qui devraient faire leur caractère.
Secondement, le courage a besoin d'être modéré et retenu dans toutes les rencontres où il y a danger d'offenser Dieu. C'est le grand défaut des hommes, de ne pas assez craindre ces occasions dangereuses ; de s'y jeter avec hardiesse, et de vouloir paraître courageux, où ils devraient se faire une gloire d'être timides, à l'exemple des plus vertueux et des plus saints Personnages. Ces téméraires devraient avoir toujours devant les yeux l'Ange de l'Apocalypse, qui disait d'une voix forte : Craignez le Seigneur.
II y a une troisième sorte de personnes, qui abusent de leur courage, et qui ont grand besoin de le modérer. Ce sont certains spirituels, qui voulant d'abord s'élever, affectent des singularités sublimes et extraordinaires, et n'ont jamais en bouche que de grands termes mystiques, dont ils ne pénètrent pas le sens. C'est en oubliant leur faiblesse, et en se confiant en leurs propres forces, qu'ils s'égarent de la sorte ; et leur chute est d'autant plus lourde, que l'état où ils ont voulu s'élever était plus haut. Il appartient à la prudence, à l'humilité, et à la chaste crainte de Dieu, de réprimer le courage dans les occasions dont nous venons de parler.


Quelles sont les occasions où le courage doit avoir lieu ?

Comme nous ne parlons ici que de ce qui regarde le service de Dieu, ces occasions se réduisent à trois.


Quelle est la première ?

C'est lorsqu'il s'agit de se donner tout à Dieu, et d'entreprendre comme il faut l'ouvrage de la perfection. Les âmes lâches n'en sont pas capables : et la plupart des hommes mènent une vie imparfaite, parce qu'ils n'ont pas assez de courage pour surmonter les obstacles que le monde et leur faiblesse naturelle opposent à leur sanctification. La difficulté consiste en ce que pour réussir dans cette importante affaire, il faut être résolu à ne rien refuser à Dieu, comme étaient saint Paul et saint Augustin, lorsqu'ils disaient au commencement de leur conversion : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ?


Quelle est la seconde occasion où le courage est nécessaire ?

Il ne suffît pas d'entreprendre avec générosité, il y a des moyens nécessaires qu'il faut prendre, et qui sont accompagnés de grandes difficultés, qu'il faut dévorer. Le recueillement est une de ces pratiques pénibles, qui rebutent les commençants. Il s'agit d'être toujours intérieurement attentif à Dieu et à soi-même, de fuir les entretiens et les occupations inutiles, les empêchements du dehors, et tout ce qui ne sert qu'à contenter la curiosité ; tout cela est nécessaire au parfait recueillement, sans lequel on ne saurait faire aucun progrès : Mais tout cela est bien difficile, et il faut avoir de la générosité pour se raidir contre tant d'obstacles. La victoire de soi-même ne coûte pas moins à la nature. Se mortifier sans relâche ; être sans cesse occupé à résister à son penchant, à contrarier son humeur, à lutter contre ses inclinations, et à se détacher de tout ce qui contente l'amour- propre, pour mourir à soi-même ; c'est le fruit de plusieurs efforts, qui ne peuvent être que l'effet d'un grand courage. Autre source de peines et de combats continuels ; c'est le dégagement des créatures, sans lequel on ne saurait ni conserver la liberté de cœur, ni être propre à l'union divine. À quoi il faut ajouter le respect humain et la fausse complaisance, qui retardent si fort les âmes, et dont la victoire demande tant de force et de générosité.


Quelle est la troisième occasion où l'on doit montrer du courage ?

C'est lorsqu'il s'agit de former de grandes entreprises pour la gloire de Dieu, et de vaincre de grandes difficultés pour les faire réussir. Ce désir de faire beaucoup pour Dieu, a fait le caractère de toutes les grandes âmes. Saint Paul, dans l'ardeur de ce désir, défiait toutes les créatures : qui nous séparera, disait-il, de l'amour de Jésus-Christ ? Ces hommes généreux n'avaient devant les yeux que les croix, les dangers, les persécutions, les naufrages, les supplices et la mort, et c'est ce qui augmentait leur amour pour Dieu. Le courage de S. Xavier redoublait à la vue des mers orageuses, des périls et des tempêtes ; et alors il se sentait pressé d'un désir incroyable de travailler pour Dieu, et pour le salut des âmes. Sainte Thérèse était dans la même disposition : elle aimait la croix, jusqu'à ne pouvoir s'en passer ; elle ne soupirait qu'après les occasions de faire de grandes choses pour son Époux céleste ; et c'est son courage héroïque qui lui a mérité le nom de femme forte.
Les grandes entreprises sont propres des enfants de Dieu, qui trouvent leur force dans leur courage, et qui tirent leur courage du zèle qu'ils ont pour le service de leur Père céleste. Souvenons-nous, mes Frères, (disait un fervent Religieux à ses Compagnons, sur le point de souffrir le martyre par la main des hérétiques) souvenons-nous de ne jamais dégénérer des nobles sentiments des enfants de Dieu. Il avait appris cette maxime du Père Balthazar Alvarez, qui avait été son Maître dans la vie spirituelle.




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