mercredi 31 juillet 2019

Comment M. Vianney abolit les danses à Ars



Le Saint Curé d'Ars en prière
Nous avons vu que les populations de ce plateau étaient ardentes aux plaisirs. La danse surtout y faisait le passe-temps favori du dimanche et des fêtes. Tout a été dit sur les dangers que ce divertissement peut avoir. Saint Jean Chrysostome dans ses homélies, saint Jérôme dans ses lettres, saint Ambroise et saint Basile dans leurs admirables discours, ont épuisé la matière, au point que ceux qui veulent en parler après eux n'ont plus qu'à être l'écho de leurs enseignements. La danse est rarement un exercice innocent ; mais, au village, elle emprunte du laisser-aller qui s'établit dans les rapports, de l'affranchissement de tout contrôle grave et prudent, de l'absence de toute barrière imposée par le respect et les bienséances, un caractère particulièrement dangereux. Les jeunes gens y trouvent un aliment à leurs passions, et les jeunes filles y perdent, avec leur pudeur, le goût de la piété et le sentiment des joies simples. M. le Curé d'Ars y voyait le principal obstacle à ses projets de réformation.
Un jour, il apprend qu'un ménétrier est arrivé dans sa paroisse, et qu'il s'apprête à faire danser. « Mon ami, lui dit-il, vous faites là un métier que le bon Dieu n'aime pas. — Monsieur le Curé, il faut bien vivre. — Oui, mon ami, mais il faut mourir aussi ; et j'ai quelque crainte qu'à la mort vous ne vous trouviez pas bien d'avoir vécu de la sorte. Tenez, nous allons faire un marché. Combien vous donne-t-on par jour ? — Vingt francs. — En voici quarante ; et laissez-nous tranquilles. »
La fête du patron approchait : c'était une époque critique ; elle ne passait jamais sans un cortège obligé de danses, de fanfares, de joies tumultueuses ; les environs y accouraient ; Trévoux et Villefranche envoyaient leurs contingents. Cette foule bigarrée, cette dissipation et ce bruit gâtaient le pays pour bien longtemps. C'était là l'ennemi qu'il s'agissait d'attaquer et de vaincre. On pouvait prévoir que la lutte serait vive et la victoire chaudement disputée ; mais pour les cœurs généreux, les chances de succès se mesurent à la grandeur de l'entreprise. Notre saint Curé était résolu d'en finir avec un scandale qui désolait son âme. Le difficile était de savoir comment il s'y prendrait. Il se souvient d'un endroit de l'Évangile où il est question d'un démon qui ne se chasse que par le jeûne et la prière (S. Marc, IX, 28) ; et le voilà qui ne prend plus de nourriture, qui passe les jours et les nuits en oraison ; c'était toujours son grand moyen, quand il voulait obtenir de Dieu des grâces importantes de conversion et de salut ; nous en parlerons au chapitre de ses austérités ; le voilà qui se prosterne avec une grande abondance de larmes, aux pieds de Jésus crucifié, lui demandant, par ses cinq plaies, source éternelle de miséricorde, d'avoir pitié de son peuple, de faire mourir à l'amour du monde ceux pour l'amour desquels il a daigné mourir en croix lui-même.
À ces moyens surnaturels qu'on ne saurait trop recommander à l'imitation des pasteurs, il se demanda s'il n'en joindrait pas un autre. Invectiver en pareil cas, fulminer des anathèmes, est chose facile ; mais les invectives touchent peu et convertissent encore moins. Il dira pourtant sa pensée à son peuple ; il lui rappellera que la vie est une chose sérieuse ; que nous n'avons pas été créés et mis au monde pour danser... ; que le temps passé dans les divertissements défendus est un vol fait à Dieu ; qu'il y a du temps ainsi perdu et profané une vengeance inévitable qui s'exerce même dans ce monde ; qu'il y a de la folie à sacrifier son éternité pour un instant de plaisir.
« Dans le monde, mes frères, on ne pense qu'à se divertir. Cependant, on ne peut pas offrir une danse en expiation des fautes de sa pauvre vie ; Si vous ne voulez que vous amuser en ce monde, alors n'offensez pas le bon Dieu !... Mais ce sont justement ceux qui ont le moins peur d'offenser le bon Dieu qui ont toujours les plaisirs en tête...
« Un jour, saint Éloi portait le viatique à un malade ; il passait sur une place où l'on dansait. Il y eut un des danseurs qui dit : Il faut nous mettre à genoux. Mais un autre répondit par un affreux blasphème. Saint Éloi l'ayant entendu s'écria : « Seigneur, punissez-le !... » Ils tombèrent tous raides morts... Saint Éloi les ressuscita ; puis il dit : « Seigneur, faites-leur voir ceux qui les entourent. » Ils virent qu'ils étaient environnés de démons...
« Voyez, mes frères, les personnes qui entrent dans un bal laissent leur ange gardien à la porte, et c'est un démon qui le remplace ; en sorte qu'il y a bientôt dans la salle autant de démons que de danseurs. »
« Voici ce que dit le Saint-Esprit par la bouche d'un prophète : « Les gens du monde se divertissent au son des instruments... ; un moment après, ils sont dans l'enfer. » Il faut avoir perdu la tête pour aller à la danse, quand on sait que la danse peuple les enfers... J'ai vu, un jour, un vieillard qui allait à la danse avec son bâton et ses lunettes ! un autre allait voir danser avec un enfant sur les bras et un enfant à la main ! Je pensais : Il conduit tout cela en enfer...
« Celui qui veut s'amuser avec le diable, disait saint Pierre Chrysologue, ne pourra pas se réjouir avec Jésus-Christ. On ne va pas au ciel sans l'avoir mérité, et on ne le mérite pas en désobéissant à Jésus-Christ qui a condamné le monde et ses plaisirs. N'a-t-il pas dit : Ce maudit monde ! ce malheureux monde ! ce malheureux monde ! je ne prierai pas pour lui ?... Voyez, mes frères, Notre-Seigneur ne dit pas : Bienheureux ceux qui rient ! bienheureux ceux qui dansent ! il dit, au contraire : Bienheureux ceux qui pleurent ! bienheureux ceux qui souffrent ! »
Ainsi parlera le Curé d'Ars ; mais ses supplications, ses larmes et son visage empreint d'une tristesse si vraie et si profonde en diront encore plus que ses paroles. C'est au tribunal de la pénitence surtout qu'il épanchera l'amertume de son âme ; c'est là qu'il s'adressera tour à tour, avec force et avec douceur, à ces jeunes filles qui sacrifient ce qu'elles ont de plus précieux à un moment d'ivresse et de folie, et à ces mères qui, pour n'avoir pas aujourd'hui le courage de résister à un caprice de leur enfant, pleureront demain sur les suites de leur funeste complaisance.
Comment ce langage n'aurait-il pas été droit au cœur de ceux qui l'entendaient, quand surtout ils en venaient à examiner de près la vie de leur pasteur et à en scruter les détails ? quel poids immense donnaient à sa parole ses pénitences, ses mortifications, ses jeûnes, sa prière continuelle ! « Notre Curé fait tout ce qu'il dit ; il pratique tout ce qu'il enseigne : jamais nous ne lui avons vu prendre sa part d'aucun plaisir ; son seul plaisir à lui est de prier le bon Dieu : il faut bien qu'il y en ait, puisqu'il en trouve. Suivons donc ses conseils ; après tout, il ne veut que notre bien (Manuscrit de M. Renard). » Ces réflexions se faisaient le soir, au coin du feu, dans les familles : elles préparaient peu à peu les esprits à recevoir la direction que le bon pasteur voulait leur imprimer.


(Extrait de Le Curé d'Ars par l'Abbé Alfred Monnin)



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