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dimanche 11 août 2019

Découverte du saint corps de Sainte Philomène







L'opération des miracles a pour fin de confirmer la foi (S. Thom. 2. 2. loc. cit.)


La mémoire du juste survit à tous les siècles ; elle participe de mon éternité... (Ps. III)



Extrait de "Vie et miracles de Sainte Philomène, Vierge et Martyre, surnommée la Thaumaturge du XIXe siècle", par M. Jean-François Barelle, de la Compagnie de Jésus :


Le psalmiste disait (Ps. LXXVII) que Dieu est admirable dans ses saints et dans les œuvres que par eux et pour eux il opère en faveur de son peuple. Le fruit, ajoutait-il, de ces œuvres merveilleuses est un accroissement de force et de courage dans le cœur de ses enfants ; et il en bénissait le Seigneur. Nous trouvons une nouvelle preuve de cette parole divine dans l'invention des saintes reliques de notre Thaumaturge (ce nom se donne aux saints que Dieu rend célèbres par un grand nombre de miracles). Depuis à peu près quinze siècles, comme nous le dirons plus tard, elles étaient ensevelies et ignorées du monde entier ; et voilà que tout à coup elles apparaissent, couronnées d'honneur et de gloire, aux yeux de l'univers. Quel est donc ce prodige ? Qui peut l'avoir opéré, sinon la main de celui qui dicta ces mots à son prophète : La mémoire du juste survit à tous les siècles ; elle participe de mon éternité... (Ps. III) ? Le juste seul mérite donc d'être appelé sage, puisque ce n'est pas sur le sable mouvant de ce monde qu'il élève l'édifice de ses vertus et de sa gloire, mais sur le roc impérissable, sur les montagnes de Dieu... (Ps. LXXXVI). Ô ! si les insensés habitants de la terre pouvaient comprendre et goûter ce langage ! Quoi qu'il en soit, telle est la leçon que Dieu a voulu leur donner ; si leur folie les empêche d'en profiter, elle n'en sera pas moins grandement utile à ceux qui marchent déjà dans la voie droite ; et à la vue de ce que le Seigneur a fait pour exalter son humble servante Sainte Philomène, ils se sentiront animés d'une nouvelle ardeur, et ils courront, ils voleront avec la rapidité de l'aigle dans les sentiers étroits, mais aussi pleins de joie et d'espérance, dont le terme est la vie et la gloire éternelles.
Le corps de Sainte Philomène fut donc trouvé en 1802 , le 28 du mois de mai, pendant les fouilles que l'on a coutume de faire à Rome, chaque année, dans les lieux consacrés par la sépulture des martyrs. Ces opérations souterraines se faisaient, cette année-là, dans les catacombes de Sainte Priscille, sur la nouvelle voie Salaria. On découvrit d'abord la pierre sépulcrale, qui se fit remarquer par sa singularité. Elle était de terre cuite, et offrait aux regards plusieurs symboles mystérieux, qui faisaient allusion à la virginité et au martyre. Ils étaient coupés d'une ligne transversale, formée par une inscription dont les premières et les dernières lettres paraissaient avoir été effacées par les instruments des ouvriers qui cherchaient à la détacher de la tombe. Elle était ainsi conçue :

(FI) LUMENA PAX TECUM FI (AT)

(Philomène, la paix soit avec toi ! ainsi soit-il).

Le savant Père Marien Partenio , jésuite, croit que les deux dernières lettres FI doivent se rattacher au premier mot de l'inscription, suivant l'ancien usage, dit-il, qui était commun aux Chaldéens, aux Phéniciens, aux Arabes, aux Hébreux ; et même aussi, ajoute-t-il, on en trouve quelque trace parmi les Grecs. Je laisse aux érudits à discuter ce point, et je me contente de faire remarquer, avec le même Père, que dans les pierres sépulcrales, mises par les chrétiens sur la tombe des martyrs qui confessèrent le nom de J.-C. dans les premières persécutions, au lieu de la formule IN PACE, généralement plus usitée, on mettait celle-ci, qui a quelque chose de plus animé et de plus vif : PAX TECUM.
La pierre ayant été enlevée, apparurent les restes précieux de la Sainte Martyre, et tout à côté un vase de verre extrêmement mince, moitié entier, moitié brisé, et dont les parois étaient couvertes de sang desséché. Ce sang, indice certain du genre de martyre qui termina les jours de Sainte Philomène, avait été, selon l'usage de la primitive Église, recueilli par des chrétiens pieux, qui, lorsqu'ils ne le pouvaient pas par eux-mêmes, s'adressaient quelquefois aux païens, et même aux bourreaux de leurs frères, pour avoir, ainsi que leurs vénérables dépouilles, ce sang sacré, offert avec tant de générosité à celui qui, sur la croix, sanctifia, par l'effusion du sien, les sacrifices, les douleurs et la mort de ses enfants.
Pendant que l'on s'occupait à détacher des différentes pièces du vase brisé le sang qui y était collé, et que l'on en réunissait avec le plus grand soin les plus petites parcelles dans une urne de cristal, les personnes qui étaient présentes, et parmi lesquelles se trouvaient des hommes de talent et d'un esprit cultivé, s'étonnent en voyant tout à coup étinceler à leurs yeux l'urne sur laquelle, depuis quelques instants, leurs regards étaient attachés. Ils s'approchent de plus près ; ils considèrent à loisir ce prodigieux phénomène, et, dans les sentiments de la plus vive admiration jointe au plus profond respect, ils bénissent le Dieu qui se glorifie dans ses Saints. Les parcelles sacrées, en tombant du vase dans l'urne, se transformaient en divers corps précieux et brillants, et c'était une transformation permanente : les uns présentaient l'éclat et la couleur de l'or le mieux épuré ; les autres, de l'argent ; d'autres, des diamants, des rubis, des émeraudes et d'autres pierres précieuses : en sorte qu'au lieu de la matière dont la couleur, en se dégageant du vase, était brune et obscure, on ne voyait dans le cristal que l'éclat mélangé de couleurs diverses, telles qu'elles brillent dans l'arc-en-ciel.
Les témoins de ce prodige n'étaient pas hommes à douter de ce qu'ils avaient vu de leurs yeux, et de ce qu'ils avaient examiné avec une attention réfléchie. Au reste, ils savaient que Dieu n'est pas si avare de ses dons, surtout envers ceux qu'il comble, dans le ciel, de toutes les richesses de sa gloire, qu'une semblable merveille dût lui coûter beaucoup d'efforts ; ils la considéraient non-seulement en elle-même et comme une ombre de cette clarté toute céleste, promise dans les livres saints au corps et à l'âme du juste (SAP. III, 7), mais encore dans les heureux et salutaires effets qu'elle produisait dans leur cœur, dont ils sentaient se ranimer la foi... ; et s'ils eussent voulu rapprocher le présent du passé, pour se justifier à eux-mêmes leur pieuse croyance, ne pouvaient-ils pas se rappeler, entre plusieurs autres faits semblables, celui qu'on lit dans la Vie de Saint Jean Népomucène, dont le corps, ayant été jeté dans la Moldave, fut distingué au milieu des eaux pendant la nuit, à la vive lumière qui lui servait comme de vêtement ?... Ce que nous venons de dire de Sainte Philomène est plus admirable sans doute ; mais aussi, qu'il y a loin de ce prodige à celui dont il était et le signe et le gage, je veux dire à la résurrection des corps, quand les élus seront transformés en la gloire même de J.-C. !
En lisant ce qui précède, on aura été frappé sans doute de la permanence de cette miraculeuse transformation. Aujourd'hui encore elle excite l'admiration de tous ceux qui vont vénérer cette précieuse relique... Ils voient encore dans la même urne les mêmes corps lucides, mais leur éclat n'a pas toujours la même vivacité, et les couleurs dont ils brillent ont, en divers moments, des nuances diverses : tantôt c'est le rubis, tantôt c'est l'émeraude qui domine ; tantôt leur éclat est comme terni par une légère couche de cendre. Une fois seulement on le vit s'effacer totalement, et les yeux épouvantés de ceux qui en furent les témoins ne virent plus dans l'urne sainte qu'un peu de terre ordinaire. Mais bientôt cette nouvelle merveille cessa, et ce fut quand les yeux indignes d'un personnage mort peu après, subitement, eurent aussi cessé de profaner de leurs regards la sainteté de ces vénérables reliques... Dieu ! que les œuvres de votre puissance sont à la fois aimables et terribles !
Il se présente ici à mon esprit une difficulté qui se sera peut-être aussi présentée à celui de mes lecteurs. Ce prodige, comme nous l'avons dit, s'opéra d'abord au moment de l'extraction du saint corps des catacombes. Les témoins oculaires durent en parler, et par conséquent il dut s'ébruiter dans Rome. Comment donc s'est-il fait que, depuis le 25 du mois de mai de l'année 1802 jusqu'au milieu à peu près de l'an 1805, un objet digne de tant de respect, au lieu d'être exposé sur les autels pour y recevoir les hommages des fidèles, ait été tenu caché et confondu au milieu de plusieurs autres corps de saints Martyrs, qu'il n'avait pas plu au Seigneur d'honorer d'une manière si éclatante ? Mais je pense à la sage lenteur et à la circonspection toute surnaturelle de la cour de Rome, quand il s'agit de prononcer sur ces événements extraordinaires ; je m'arrête surtout à considérer les vues de la Providence sur ce dépôt sacré, et la difficulté s'évanouit. Oui, Dieu voulait, et tout ce qui est arrivé depuis concourt à le prouver, qu'après avoir jeté un premier éclat, semblable à celui de l'aurore, ce nouveau soleil, fait à l'image de celui qui éclaire tout homme venant au monde, restât encore un peu de temps caché sous les nuages, jusqu'au jour où il aurait tout disposé pour le montrer à la face de l'univers, brillant des plus éblouissantes splendeurs, et d'autant plus admirable qu'ayant en quelque sorte pour tente une autre Nazareth, sa gloire ainsi que celle de J.-C. paraîtrait avec évidence ne lui venir que du Père céleste, jaloux de la couronner seul, afin que l'on vît mieux ce que peut, ce que fait son amour en faveur de ceux qu'il honore. Gloire lui soit à jamais rendue !



Reportez-vous à Méditation pour la Fête de Sainte Philomène, Litanies de Sainte Philomène, Neuvaine en l'honneur de Sainte Philomène, Cantique en l'honneur de Sainte Philomène, et Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Foi de M. Vianney.