vendredi 16 août 2019

Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Humilité de M. Vianney



Extrait de "Esprit du Curé d'Ars, M. Vianney dans ses catéchismes, ses homélies et sa conversation" (1864) :

 
Pour qui ne connaissait pas le Curé d'Ars, au récit des choses merveilleuses qui s'accomplissaient autour de lui et qui lui méritaient les ovations de la foule, il était naturel de supposer que dans cette atmosphère de gloire qui l'environnait, l'orgueil était sinon un piège, au moins sa tentation. Quelle épreuve, en effet, de rester humble parmi les témoignages les plus expressifs et les plus retentissants de la vénération publique ! Un jour, on insinuait cette idée devant lui ; il comprit, et levant les yeux au ciel avec une expression profonde de tristesse et presque de découragement : « Ah ! dit-il, si seulement je n'étais pas tenté de désespoir ! »
Un jour, il reçut une lettre pleine de choses inconvenantes ; peu après, il en reçut une autre qui ne respirait que la vénération et la confiance, et dans laquelle on l'appelait un saint. Il en fit part à ses chères Filles de la Providence : « Voyez, leur dit-il, le danger qu'il y a à s'arrêter aux sentiments humains. Ce matin, j'aurais perdu la tranquillité de l'âme, si j'avais voulu faire attention aux injures qu'on m'adressait, et ce soir, j'eusse été grandement tenté d'orgueil si je m'étais fié à tous ces compliments. Oh ! comme il est prudent de ne pas se prendre aux vaines opinions et aux vains discours des hommes, et de n'en faire aucun cas ! »
Il disait encore à propos de ces lettres : « J'ai reçu deux lettres par le même courrier : dans l'une on disait que j'étais un grand saint, dans l'autre, que j'étais un hypocrite et un charlatan... La première ne m'ajoutait rien ; la seconde ne m'ôtait rien. On est ce qu'on est devant Dieu ; et puis pas plus !...»
Une autre fois, il disait : « Le bon Dieu m'a choisi pour être l'instrument des grâces qu'il fait aux pécheurs, parce que je suis le plus ignorant et le plus misérable de tous les prêtres. S'il y avait eu, dans le diocèse, un prêtre plus ignorant et plus misérable que moi. Dieu l'aurait pris de préférence. »
Le Curé d'Ars avait une sentence qui revenait souvent dans sa conversation : On dit du mal de vous, on dit ce qui est vrai ; on vous fait des compliments, on se moque de vous... Lequel vaut le mieux qu'on nous avertisse, ou qu'on vous trompe ? qu'on vous prenne au sérieux, ou qu'on vous raille ?
M. Vianney ne parlait jamais de lui le premier. Si on l'interrogeait, il répondait avec une modestie qui commandait la réserve et un laconisme qui réduisait l'interlocuteur au silence. Puis il coupait court pour tout ce qui le regardait et ne cherchait qu'à détourner l'entretien. Au reste, il épuisait en pareille rencontre toutes les formes du mépris, et son humilité était ingénieuse à en inventer de nouvelles. Il faisait l'éloge d'un prêtre qu'il estimait, et disait, dans son langage imagé et pittoresque, qu'il y avait en lui de l'hirondelle et de l'aigle.
« Et en vous, Monsieur le Curé, qu'y a-t-il ?
— Oh ! ce qu'il y a en moi ? On s'est servi pour former le Curé d'Ars d'une oie, d'une dinde et d'une écrevisse. »
« Que vous êtes bon, disait le saint homme à un missionnaire récemment arrivé à Ars, de venir nous aider !
— Monsieur le Curé, sans parler du plaisir que nous avons de vivre près de vous, c'est un devoir que nous remplissons.
— Oh ! non, c'est de la charité.
— Monsieur le Curé, ne croyez pas cela. Il n'y a point de charité de notre part.
— Oh ! si. Vous voyez bien que quand vous êtes là, ça va encore ; mais quand je suis tout seul, je ne vaux rien. Je suis comme les zéros qui n'ont de valeur qu'à côté des autres chiffres... Je suis trop vieux, je ne suis bon à rien.
— Monsieur le Curé, vous êtes toujours jeune par le cœur et par l'âme.
— Oui, mon ami, je peux dire, comme ce saint à qui on demandait son âge, que je n'ai pas encore vécu un jour. »
Dans le besoin que M. Vianney éprouvait de s'amoindrir et de se rapetisser, il faisait un emploi continuel du mot pauvre. C'était sa pauvre âme, son pauvre cadavre, sa pauvre misère, ses pauvres péchés. Il avait toujours la langue levée pour reconnaître ses fautes, et, à l'en croire, sa vie entière n'aurait pas suffi à les pleurer. Il n'avait que des accusations à former contre lui-même.
L'humilité de son cœur lui faisait répandre de vraies larmes sur sa faiblesse et son ignorance. Ces larmes ne pouvaient être essuyés que par la générosité de son courage qui le pressait de se jeter à corps perdu, avec toutes ses impuissances, entre les bras de Dieu. Il se reprochait tout. On aurait cru qu'il avait vieilli dans le mal, qu'il était le plus vil et le plus malheureux des pécheurs. « Que Dieu est bon, disait-il souvent, de supporter mes immenses misères ! »
« Dieu m'a fait cette grande miséricorde de ne rien mettre en moi sur quoi je puisse m'appuyer, ni talent, ni science, ni force, ni vertu... Je ne découvre en moi, quand je me considère, que mes pauvres péchés. Encore le bon Dieu permet-il que je ne les voie pas tous, et que je ne me connaisse pas tout entier. Cette vue me ferait tomber dans le désespoir. Je n'ai d'autre ressource contre cette tentation du désespoir, que de me jeter au pied du tabernacle, comme un petit chien aux pieds de son maître... »
Le serviteur de Dieu était du petit nombre de ceux qui parlent de l'humilité humblement. « Monsieur le Curé, comment faire pour être sage ? lui demandait un jour quelqu'un.
— Mon ami, il faut bien aimer le bon Dieu.
— Eh ! comment faire pour aimer le bon Dieu !
— Ah ! mon ami, humilité ! humilité ! c'est notre orgueil qui nous empêche de devenir des saints. L'orgueil est la chaîne du chapelet de tous les vices, l'humilité la chaîne du chapelet de toutes les vertus. Hélas ! on ne conçoit pas comment et de quoi une si petite créature que nous peut s'enorgueillir !... Le diable apparut un jour à saint Macaire, armé d'un fouet comme pour le battre, et il lui dit : “Tout ce que tu fais, je le fais : tu jeûnes, moi je ne mange jamais ; tu veilles, moi je ne dors jamais. Il n'y a qu'une chose que tu fais et que je ne puis faire. — Eh ! quoi donc ? — M'humilier !” répondit le diable ; et il disparut... Ah ! mon ami, il y a des saints qui mettaient le démon en fuite en disant : “Que je suis misérable !” »

Voici sur le même sujet quelques pensées du serviteur de Dieu :

« L'humilité est comme une balance ; plus on s'abaisse d'un côté, et plus on est élevé de l'autre. »
« Ceux qui nous humilient sont nos amis, et non ceux qui nous louent. »
« On demandait à un saint quelle était la première des vertus ? — C'est, répondit-il, l'humilité. — Et la seconde — L'humilité. — Et la troisième ? — L'humilité. »
« Jamais nous ne comprendrons notre pauvre misère. ça fait frémir rien que d'y penser ! Dieu ne nous en donne qu'un petit aperçu. »
« Si nous nous connaissions à fond comme il nous connaît, nous ne pourrions pas vivre ; nous mourrions de frayeur. »
« Les saints se connaissaient mieux que les autres, c'est pourquoi ils étaient humbles. Ils entraient dans de grandes confusions en voyant que Dieu se servait d'eux pour faire des miracles. Saint Martin était un grand saint et se croyait un grand pécheur. Il attribuait à ses péchés tous les maux qui arrivaient de son temps. »



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