mardi 1 octobre 2019

De l'amour du Père Surin pour la pauvreté, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ



Extrait de "L'Homme de Dieu, en la personne du R.-P. Jean-Joseph Surin" par H.-M. Boudon :

 
R.-P. Jean-Joseph Surin
Les amours de Jésus pour la pauvreté sont inconcevables. Au même moment que le divin Sauveur se fait voir au monde, il y paraît vêtu des livrées de cette vertu ! il y entre par sa plus rigoureuse pratique, n'ayant pour Maison qu'un antre ou une étable, pour tous ses meubles qu'un peu de paille et des pierres ; il en sort tout nu sur une croix ; il y passe sa vie dans la petite boutique d'un pauvre charpentier ; exerçant même le métier d'un chétif artisan où il se met dans la dépendance des aumônes et libéralités des bonnes Âmes, dans le temps de ses divines prédications. Il a révélé à sainte Thérèse, que bien des fois il a couché au serein sans avoir aucune maison pour se retirer ; mais l'Évangile nous apprend que si les oiseaux ont des nids et les renards des tanières pour s'y retirer ; qu'il n'avait pas où reposer sa tête. Cette vérité prononcée par la bouche du Dieu de toute vérité et éternité, nous découvre par son expression, que la pauvreté du Fils de Dieu ne peut souffrir de comparaison. Laissons-nous aller ici à la douleur, aux regrets et aux soupirs dans la vue de ce qui se passe dans le Christianisme parmi un peuple fidèle qui le croit son Dieu, et qui croit qu'il est très présent dans le sacrement adorable de l'Eucharistie. Considérons-le souvent dans de chétifs tabernacles ou de chétifs Ciboires et Calices d'un étain noir et hideux ayant à peine un corporal raisonnable pour y placer son divin corps ; et voyons s'il n'est pas bien juste de dire dans nos jours, que les Paysans tous pauvres qu'ils sont, ont des maisons à se mettre ; ont de la toile pour se faire des chemises ; et qu'il se trouve parmi les Chrétiens des gens riches qui ont même des pots d'argent qui servent à ce qu'il y a de plus vil en la vie ; Et le souverain de toutes choses n'a pas où mettre son divin corps décemment. Riches Bénéficiers qui trouvez si bien dans le revenu des pauvres qui fait votre subsistance, de quoi avoir des chevaux et des carrosses, de quoi habiller si proprement vos Laquais, et de quoi avoir de si beaux meubles ! Ne trouverez-vous jamais de quoi pour placer honnêtement le corps de votre Maître et de celui qui sera votre Juge, dans tant de Cures et de chapelles qui dépendent de vos bénéfices ? Ô l'horreur des horreurs ! Si l'Écriture nous assure que celui qui n'a pas soin de ses domestiques a renié la foi, et est pire qu'un infidèle, quelle Apostasie ! qu'elle infidélité dans les bénéficiers, dans ces seigneurs de paroisse, dans ces gens accommodes qui négligent si pitoyablement le corps de leur Dieu. Ah ! au moins donnez-lui une petite partie de ce que vous donnez à vos laquais. Donnez-lui une petite partie de ce que vous donnez à vos chevaux. Vous le verrez bientôt au jour de votre mort, et pour lors quel sera contre vous son effroyable Jugement.
Jésus a donc été l'incomparable en sa pauvreté ; il en porte encore un état extrême par ce que nus venons de dire. Apprenez cela. Eh ! quel moyen de n'avoir pas une sainte passion pour l'état pauvre. Il est vrai que tout le monde ne le peut pas être actuellement ; c'est une grâce dont plusieurs ne sont pas dignes ; mais au moins, il faut être pauvre d'affection. Il faut dans le sens de l'Apôtre, que ceux qui sont riches soient aussi peu engagés dans l'affection de leurs biens que s'ils n'en avaient point. Il faut remarquer ici que souvent on s'y trompe ; que souvent plusieurs pensant être fort détachés de leur argent et de leurs revenus, de leurs maisons, terres et meubles, ils les ont bien avant dans leur cœur. Certainement il faut dire que les richesses à l'homme vraiment Chrétien sont beaucoup à charge. Feu Monsieur de Renty dont la vie a été donnée au public, se jetait quelquefois à genoux devant son directeur, lui disant : Ah mon père ! n'y a-t-il pas moyen d'être pauvre. J'ai entendu dire au digne Auteur du Livre du Chrétien intérieur, que ses biens lui étaient insupportables, et que si sa famille ne voulait pas les prendre (car elle avait de la peine à le voir réduit dans l'état de pauvreté, qu'il les donnerait au premier venu ; et enfin il les quitta et se fit pauvre, pour suivre plus à l'aise Jésus pauvre.
Le Père Surin avait reçu la grâce de la pauvreté par la profession de la vie Religieuse ; mais il n'avait pas reçu cette grâce en vain ; il s'y était rendu fidèle. Cette grâce est un des Privilèges de l'état Religieux, mais il faut prendre garde à le bien conserver, à le bien soutenir, à n'en point souffrir la diminution par des relâchements qui ne deviennent que trop communs et qui sont une source de grands maux dans les Monastères. Les saints Religieux ont toujours recherché à être les plus pauvres, soit dans leurs habits, soit dans leurs chambres ; et enfin en toutes choses. L'on rapporte du bienheureux Louis de Gonzagues, qui était Prince de naissance, et qui se fit Religieux de la Compagnie de Jésus qu'il ne put souffrir dans sa chambre un livre qu'on lui avait baillé pour étudier, parce qu'il lui paraissait trop beau. Car enfin, l'âme qui est pénétrée de la pauvreté d'un Homme-Dieu, a toutes ses inclinations au plus grand dénuement, et extérieur et intérieur.
Le Père avait bien toutes ses sciences, et en tout il gardait une pauvreté vraiment Apostolique. On l'a vu longtemps dans une chambre sans Table, sans Oratoire, ayant pour tout meuble un petit escabeau, et dans le reste il était également pauvre, c'était par cette vertu qu'on le voyait dans une si grande indifférence pour tout ce qu'on lui présentait, étant content de tout, comme un pauvre qui n'a rien que ce qu'on lui veut donner.
Or cet amour pour la pauvreté lui donnait de grandes tendresses pour tous les pauvres ; il avait un plaisir incroyable de prêcher aux pauvres de la Campagne ; il en prenait toutes les occasions avec joie, et était ravi quand elles se présentaient. Ses délices étaient d'aller aux Hôpitaux ; de visiter les plus abandonnés de secours humains, et de baiser leurs ulcères avec de grands sentiments de dévotion. Un jour allant à la campagne, on lui avait donné ce qu'il fallait pour payer le passage d'une rivière ; mais ayant rencontré un pauvre il ne peut s'empêcher de lui donner ce qu'il avait ; ce qui l'obligea de supplier un bon Ecclésiastique, qui m'a dit la chose, de lui payer sont passage ; et comme cet Ecclésiastique lui demandait si on ne lui avait rien donné pour le passage ; oui, lui répondit-il, mais j'ai trouvé un pauvre qui m'a demandé l'aumône, et comment serait-il possible d'avoir quelque chose, et de ne le pas donner à une personne qui est dans le besoin. La compassion qu'il avait pour les pauvres était si grande ; qu'il eût volontiers donné son sang pour les soulager dans leurs misères. Si j'avais disait-il quelquefois, de l'or, ou de l'argent dans mes os, je les ferais de très-grand cœur casser et briser, pour l'en tirer, afin de les assister ; il assurait d'autres fois, que la vue de leurs misères, et l'impuissance ou il se trouvait des les assister, lui causait une des plus grandes peines de la vie, et le désir d'en sortir par la mort. Ce n'est pas que ces peines lui ôtassent rien de sa profonde paix, qu'il assurait être très grande, dans l'extrême pauvreté qu'il portait par un esprit de grâce. L'amour qu'il avait pour la pauvreté lui donnait encore une dévotion très spéciale envers les Saints qui ont excellé dans cette vertu ; ainsi, il en avait une très-particulière pour Saint François d'Assise, le grand amant de la pauvreté ; et il célébrait sa Fête avec une sainte allégresse, et des sentiments d'une piété extraordinaire.



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