vendredi 13 décembre 2019

De la conversation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin



Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME II, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :


Le Christ et les Disciples d’Emmaüs


De la conversation



De quelles conversations prétendez-vous parler ici ?

Il n'est pas question des entretiens que les personnes d'un même domestique ont nécessairement ensemble. Il s'agit des conversations que les hommes lient les uns avec les autres pour entretenir le commerce de la société civile ; ce qui les engage à trois sortes de visites : les unes sont nécessaires, les autres sont de pures civilité ; les troisièmes appartiennent à la piété et à la dévotion.


Comment faut-il se comporter dans les visites nécessaires ?

Comme elles roulent ordinairement sur des affaires qu'on traite, on doit y apporter trois sortes de dispositions ; la première est d'être persuadé qu'il y a une providence qui gouverne toutes choses, et que c'est lui faire outrage que de se conduire dans les affaires comme si on n'avait nulle dépendance de ses ordres. C'est l'excès où tombent les politiques du siècle, qui sont ardents dans leurs poursuites, qui se livrent à l'empressement, aux soucis, et aux inquiétudes, et qui attendent tout de leur industrie ; comme s'il n'y avait pas un Dieu, à qui seul appartient de disposer des succès pour sa gloire, et pour l'avantage de ses créatures. Les gens de bien n'entreprennent rien que dépendamment de Dieu ; et après avoir consulté sa volonté, ils implorent son se cours pour réussir dans leurs entreprises et ils mettent leur confiance en sa bonté. Par cette conduite ils conservent toujours leur paix et leur tranquillité intérieure ; ils mettent le Ciel dans leurs intérêts, et ils font si bien que leurs affaires particulières deviennent l'affaire de Dieu. C'est pour cela que l'Écriture, parlant des guerres entreprises après avoir consulté Dieu, les appelle les combats du Seigneur. Au contraire, ceux qui dans la conduite des affaires n'écoutent que l'intérêt ou la passion, sont ordinairement téméraires dans leurs projets, emportés dans l'exécution, et sujets à être ou accablés par le désespoir, ou troublés et transportés par la joie, selon que les choses leur succèdent.
La seconde disposition qu'il faut apporter au maniement des affaires, c'est la droiture de conscience et la crainte de Dieu qui forment l'homme de probité, en qui il n'y a ni fraude, ni injustice, et qui lui donnent droit de prétendre à la protection du Ciel, selon cette parole de l'Écriture (Ps. 3, 4) : Celui qui a le cœur et les mains pures... mérite les bénédictions de son Dieu. Rien ne fait plus d'honneur à la Religion que cette manière de procéder, pleine de bonne foi et de droiture, et on peut dire de ceux qui se comportent de la sorte, qu'ils sont la bonne odeur de J.C.
La troisième disposition où il faut être en traçant avec les hommes , consiste à veiller sur soi-même pour modérer l'application de l'esprit, qui débauche et qui emporte le cœur quand on se livre aux affaires. C'est l'excès ordinaire où tombent les prudents du siècle ; ils s'occupent de leurs projets jusqu'à y mettre toute leur affection, jusqu'à ne trouver rien de beau ni d'avantageux que ce qu'ils désirent, jusqu'à fermer les yeux à tous les objets du salut. Mais les gens de bien pensent au présent sans oublier l'avenir ; et tandis qu'ils donnent aux affaires temporelles les soins nécessaires pour les faire réussir, ils étendent leurs vues plus loin, et passant par-dessus les objets que le monde leur présente, ils tournent leur principale attention vers les biens de l'éternité. S. Denis a dit de ces hommes spirituels, qu'ils ont des yeux qui voient au-delà de ce monde visible, Oculos supermundanos.
Et il ne faut pas croire que cette conduite les rende moins propres aux affaires ; au contraire, ils en deviennent plus éclairés, plus actifs, plus vigilants et plus habiles, par la lumière et par la force que leur communique la pensée des biens avenir. Cette application aux objets surnaturels et divins dans les hommes spirituels, n'est point une distraction qui les détourne de leurs emplois ; c'est une élévation d'esprit qui les attache à la considération de ce qui est principal et essentiel. Ils imitent en cela la manière dont J. C. conversait avec les hommes sur la terre, et comme ils sont revêtus et animés de son Esprit, ils pourraient dire après lui à ceux qui leur demanderaient raison de leur conduite : Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'emploie aux choses qui regardent mon Père ?


Comment faut-il se comporter dans les visites d'honnêteté ?

Pour sanctifier ces visites, qui sont destinées à se donner mutuellement des témoignages d'amitié, il faut éviter trois défauts qui ont coutume de s'y glisser. Le premier, est l'oisiveté où on tombe lorsqu'on s'entretient de bagatelles, ou lorsque la conversation roule sur des railleries et des médisances, et que tout le fruit qu'on en tire est d'avoir su s'amuser et se défendre de l'ennui. Le temps est trop précieux pour le perdre de la sorte. La vertu de mande de ceux qui la pratiquent, qu'ils mêlent dans leurs visites des discours utiles, qui puissent servir à l'âme de nourriture solide, et contribuer au repos de la conscience.
Le second défaut est la liberté qu'on se donne de faire et de recevoir toutes sortes de visites, sans faire le discerne ment des personnes dont l'entretien est dangereux. Les plus coupables en ce genre sont les mères, qui pour se conformer aux lois et aux coutumes du monde, laissent leurs filles sur leur bonne foi, et leur permettent de s'entretenir indifféremment avec tous ceux qui se présentent, sous prétexte qu'ayant dessein de les établir dans le monde, c'est une nécessité de souffrir l'abord et les visites des jeunes gens. Funeste complaisance, qui livre des âmes innocentes à des langues dissolues, dont les discours empoisonnés corrompent bientôt l'esprit et le cœur des jeunes personnes sans expérience. Les mères chrétiennes qui ont la crainte de Dieu en partage, et qui s'intéressent au salut de leurs enfants, n'ont garde de donner à leurs filles une semblable liberté. Et pour ce qui regarde leur établissement temporel, elles s'en reposent sur la bonté du Père céleste, qui ne manque point de pourvoir aux besoins de ceux qui cherchent premièrement le Royaume de Dieu et sa justice.
Le troisième défaut qui se glisse dans les conversations, c'est la vanité ; ceux en qui ce vice règne ne s'entretiennent que de bagatelles, de pompes, d'intrigues, de plaisirs et de vanités mondaines. La plupart des femmes ne savent parler que de leurs modes, de leurs jeux et de leurs parures. Pour éviter ces trois défauts, les personnes qui ont leur perfection à cœur, retranchent autant qu'elles peuvent les visites de pure civilité, et se réduisent à celles qui sont nécessaires ; elles ne marchent que par devoir, ou pour se procurer l'avantage de parler de Dieu avec des personnes de piété.


Quelle est la troisième sorte de visites ?

Ce sont celles qui regardent le service de Dieu, et qui contribuent à l'avancement dans la vertu ; les visites qu'on rend aux personnes Religieuses pour s'entretenir de Dieu et des choses du salut, celles qu'on fait aux pauvres pour les soulager, aux affligés pour les consoler, ou aux personnes de piété avec lesquelles on est uni par les liens d'une sainte amitié, et par la conformité des sentiments et des dispositions. L'homme spirituel doit se borner à ces visites, qui sont véritablement utiles, et se passer de toutes les autres qui ne contribuent point à faire aimer Dieu ; ce qui doit être le but de toutes les conversations humaines.



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