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jeudi 18 juin 2020

De la paix du cœur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin


Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME I, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :




De la paix du cœur



En quoi consiste la paix du cœur ?

À se conserver sans trouble dans le service de Dieu.


D'où vient ordinairement le trouble ?

Il vient de l'émotion causée par les passions, de l'empressement pour les occupations extérieures, et de l'abattement où l'on tombe à la vue de ses fautes.


Comment est-ce que les passions émues excitent le trouble ?

En ce qu'elles agitent et inquiètent le cœur, par les mouvements contraires qu'elles y produisent. Celles qui se soulèvent le plus souvent, et le plus aisément, sont la colère, le désir et l'aversion naturelle qu'on a pour certains objets qui choquent.


Comment est-ce que la colère trouble ?

Rien n'a moins besoin d'explication. Il est naturel qu'on s'irrite et qu'on s'emporte, quand on se voit contrarié, et il est encore plus naturel que la contrariété et l'emportement produisent le trouble et l'agitation.


Comment peut-on empêcher cet effet de la colère ?

En se tenant sur ses gardes, pour étouffer la première émotion qui s'élève dans le cœur. On réprime ces sortes de mouvements, en pratiquant la douceur, qui ne souffre aucune aigreur, sous quelque prétexte que ce soit, non pas même pour faire la correction, qu'on doit suspendre jusqu'à ce que l'indignation soit passée, et qu'on ait recouvré sa première tranquillité.


Comment est-ce que le désir est contraire à la paix du cœur ?

Chacun sent par son expérience qu'un désir véhément ne laisse ni paix, ni repos, jusqu'à ce qu'il soit accompli. Cette impatience se fait surtout remarquer dans les personnes vives ; à peine ont-elles commencé un ouvrage, qu'elles en voudraient voir la fin, et elles sont dans l'inquiétude jusqu'à ce qu'il soit achevé.


Quel est le remède à ce mal ?

C'est de renoncer à tout, de prendre un soin particulier de combattre tous les désirs et toutes les affections naturelles, et de les étouffer d'abord, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus dans l'âme que le désir de faire la volonté de Dieu, et de lui plaire en toutes choses. Quiconque ne prendra pas cette voie, ne se maintiendra jamais en paix.
Il en est de même de cette passion, qui s'irrite à la rencontre des objets désagréables, et qui se donne de grands mouvements pour les éviter : on ne saurait la dompter que par une générosité constante à surmonter ses répugnances, jusqu'à ce qu'on se soit accoutumé à voir toutes choses d'un œil tranquille, et qu'à la rencontre des plus fâcheuses on soit comme un rocher qui ne fuit point à l'approche des vaisseaux, mais qui demeure immobile au milieu de la mer, sans que rien puisse l'ébranler ou le faire changer de place.


Comment est-ce que les occupations troublent la paix ?

Par le désir et l'empressement, par l'agitation et l'inquiétude qu'elles causent à un homme qui voudrait suffire à tout, et qui se sent chargé au-delà de ses forces. C'est ce qui a fait dire à l'Auteur du Livre de l'Imitation de Jésus-Christ, que la tranquillité ne court pas moins de risque dans les occupations, que la tempérance dans les festins, et la chasteté dans les conversations avec le sexe.


Comment peut-on prévenir ce mal ?

En fermant, pour ainsi dire ; l'entrée de son âme aux choses du dehors dont on s'occupe : ce qui se fait en trois manières. La première est de ne s'appliquer à ce qu'on fait, qu'autant qu'il en est besoin pour le bien faire, réservant sa principale attention pour vaquer à Dieu dans son intérieur. La seconde, c'est que quand on ne peut pas empêcher l'esprit de s'appliquer fortement, on empêche au moins le cœur de s'attacher aux occupations extérieures, et d'y mettre son affection : car il est surtout important que le cœur soit tout à Dieu, et qu'on ne cherche que lui en tout ce qu'on fait. La troisième, est, que l'on se hâte de retirer son affection, dès qu'on s'aperçoit qu'elle se glisse dans ce qu'on fait, de peur que la passion ne se forme, que le trouble et les fautes ne viennent à la suite de la passion, et que la paix intérieure ne soit détruite. Il ne faut donc pas se remplir de ce qu'on fait (comme disent quelques-uns) mais il faut plutôt se remplir de Dieu, c'est à-dire, l'avoir présent à son esprit, et agir uniquement pour lui.


Comment doit-on se comporter lorsque les affaires et les occupations viennent en foule, et qu'on ne sait par où commencer ?


Une âme persuadée que rien n'est plus important pour elle, que d'éviter le trouble et le dérangement de son intérieur, doit pourvoir d'abord à sa paix, et réunir ses forces au dedans: ensuite elle doit s'appliquer à ce qui presse le plus.
Un homme qui voit le feu prendre à sa maison, court à ce qu'il a de plus précieux pour le sauver. C'est ainsi que doit faire une personne qui se voit sur chargée d'occupations : il faut que son premier soin soit de rentrer en elle-même pour assurer sa tranquillité, elle pourvoira ensuite aux affaires du dehors le mieux qu'elle pourra. Ce n'est point par amour-propre qu'elle doit se donner cette préférence, ni par attache à son repos ; mais par un effet du zèle que Dieu veut qu'elle ait pour régler son intérieur.


Comment est-ce qu'on perd la paix à la vue de ses fautes ?

C'est que la pensée d'avoir failli, afflige, désole, et fait perdre courage.


Que faut-il donc faire, quand on est tombé en quelque faute ?

Dès qu'on sent son cœur frappé (ce qui est ordinaire aux personnes exactes à leur devoir quand elles ont ait quelque faute) il ne faut point alors trop s'attacher à pénétrer les causes et les motifs de son péché ; il suffit de le reconnaître, de le détester, d'en prendre occasion de s'humilier, et d'en faire quelque réparation ; après quoi il ne faut plus y penser, mais reprendre incontinent son premier train, et marcher devant Dieu avec joie et confiance, comme avant sa chute.


Faut-il se comporter ainsi après toute sorte de faute ?

Pour répondre à cette question, il faut distinguer de deux sortes de personnes ; celles qui ont avec Dieu une étroite liaison, et qui sont accoutumées à converser familièrement avec lui ; et celles dont la fidélité souffre beaucoup d'imperfections et de négligences. Les unes et les autres doivent se conduire, comme nous venons de dire, à l'égard des fautes légères. Si elles viennent à tomber dans quelque faute notable ; par exemple, dans quelque emportement, ou dans quelque manquement considérable, elles doivent témoigner à Dieu leur repentir avec beaucoup d'humilité et de ferveur, sans rien perdre de leur tranquillité. Quelquefois même dans ces occasions Dieu donne une telle confiance aux personnes attachées à son service, qu'elles n'ont autre chose à faire, dès qu'elles aperçoivent leurs fautes, que de s'en remettre à Dieu, de se jeter dans son sein par un abandon sans réserve, et de contribuer à le servir avec plus de ferveur qu'auparavant. Si leur aveuglement est qu'elles ne connaissent leur faute que longtemps après l'avoir commise, dès qu'elles viennent à s'en apercevoir, elles doivent imiter ce Prophète, qui après avoir lavé son péché dans les larmes de la pénitence, se remit à servir Dieu, et à traiter avec lui d'une manière pleine d'amour et de familiarité.
Cependant il est ordinaire aux personnes qui pratiquent la dévotion, et qui veulent avancer en vertu, de se rebuter, et de s'inquiéter beaucoup à la vue de leurs fautes : elles s'impatientent, à cause qu'elles sont impatientées : et comme si les promesses qu'elles ont faites à Dieu devaient les rendre impeccables, elles s'étonnent d'être capables de tomber. La véritable sagesse consiste à s'établir dans une paix solide, fondée sur la confiance en Dieu, et à l'épreuve de nos faiblesses.
On voudrait être d'abord parfait, parce qu'on en a formé la résolution ; on ne peut pas soutenir la vue de ses misères : ce sont là évidemment des effets de l'amour-propre. Ces retours amers, ces réflexions chagrinantes, et ces regrets turbulents auxquels on s'abandonne, ne font-ils pas retarder l'ouvrage de la perfection, en formant une espèce de nuage qui empêche de connaître, et de reprendre le chemin où l'on marchait auparavant.
La raison de cette conduite que nous prescrivons ici, est tirée de la bonté du Seigneur et de la fragilité de l'homme. Dieu qui veut lier avec nous un saint commerce d'amitié, sait bien que nous ne sommes pas impeccables ; et il est content de nous, pourvu que nous ne l'offensions pas avec réflexion et de propos délibéré : s'il en exigeait davantage, ce ne serait pas un Dieu infiniment bon, qui se glorifie d'avoir pitié de notre faiblesse. Il est vrai néanmoins que l'amitié qui est entre Dieu et nous, pour être parfaite, demande de notre part une résolution ferme et constante de ne point pécher volontairement et avec pleine connaissance ; et on ne peut pas nier que les fautes commises avec réflexion, ne soient des infidélités qui éloignent beaucoup de Dieu.


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