mardi 28 juillet 2020

Quel est le Dessein de Satan envers celui qu'il possède


Délivrance d'une démoniaque au tombeau de Sainte Claire


I. Les hommes se trompent en ce sujet, en ce que chacun attend de voir au corps du possédé la réflexion des effets lesquels ils s'imaginent le plus au diable : les uns une extrême difformité, les autres des opérations merveilleuses.
Le diable ne fait pas tout en toutes occasions ; mais conduit tellement ses desseins que comme il n'y omet rien de ce qui leur est nécessaire, ainsi il n'y admet rien de superflu.


II. Le diable traite autrement avec les âmes pieuses, autrement avec les sorciers ordinaires, autrement avec les Magiciens.

III. L'intention de Satan en la possession, est d'exercer sa rage : et son dessein est non seulement d'être ennemi, mais ennemi découvert : et de traiter l'homme en ce monde, comme il le traite en enfer.

IV. Combien que comme il a lors quelque espèce de conversation sensible avec les assistants, il puisse faire des effets à leur égard, qui ne dépendent point de l'intention première qu'il a envers l'Énergumène.

V. Dieu qui a posé à toutes choses les limites qu'il a voulu, en a posé aussi à Satan, lorsqu'il tente, lorsqu'il déçoit, lorsqu'il se transfigure, et lorsqu'il possède.
Entre les manières de nuire à l'homme permises à Satan, il n'y en a point de si grandes qu'il ne puisse accomplir, ni de si petites qu'il n'embrasse bien volontiers.



Tout ce qui précède la possession, peut être référé aux causes dispositives, ou aux applicatives que nous avons déduites. Voyons maintenant ce qui la suit. Car d'autant que ce sont effets qui tombent sous les sens, chacun estime y avoir droit de jugement, chacun en discourt à sa façon, et chacun y a besoin d'ouverture et de conduite. Et à cause qu'en toute possession il y a deux esprits, deux natures, et deux personnes jointes ensemble : Chacun pense être bien fondé s'il s'attend de voir au possédé la réflexion des effets, lesquels ils s'imaginent le plus au diable. Dont les simples qui le conçoivent avec une étrange difformité, se promettent de voir une difformité bien extrême au corps du démoniaque : Et les esprits plus capables qui se représentent Satan comme un Agent élevé en intelligence, et en puissance par-dessus tout ce qui est et paraît au monde, veulent voir à tout propos des effets miraculeux, ou en l'une, ou en l'autre qualité. Or combien que cette attente des uns et des autres soit posée sur un principe assuré, et tirée d'une conception véritable : Si est-elle défectueuse ainsi que l'imagination de laquelle elle dépend est imparfaite. Car il ne suffit pas à celui qui veut être l'arbitre des effets dans lesquels l'opération du diable intervient, de considérer qu'on suppose que c'est un diable qui opère ; et un diable difforme en son être, puissant et intelligent en ses œuvres : Si d'abondant il ne remarque en général, quelle est la façon de laquelle cet Esprit conduit ses actions ; et s'il ne considère en particulier, quelle est la qualité du dessein duquel il veut être le Juge. Car Satan ayant plusieurs desseins contre les hommes : Il en conduit un chacun avec telle dextérité, qu'il ne se rend, ni défectueux, ni superflu, quant aux moyens de les acheminer. Mais comme son intention est tant active qu'elle accompagne tous ses mouvements de ce qui leur est nécessaire : Ainsi son intelligence est tant exacte à discerner justement ce qui est de propre d'avec ce qui est contraire ou aucunement éloigné de son intention, qu'elle n'y admet rien d'inutile et de superflu. Tellement que par le moyen de son activité il emploie contre tous les hommes tout ce qu'il a de Naturel et d'Acquis, c'est-à-dire tout ce qui est en lui (car il n'a plus rien d'infus :) Et par le moyen de cette intelligence exacte, il ne déploie contre un chacun, sinon ce qui est de propre à son humeur, et ce qui est de convenable à la condition du dessein qu'il a pris contre lui.

Ainsi quand il traite avec les âmes pieuses, il n'emploie que la CAPACITÉ qu'il a des dons rares et surnaturels à faire, ou plutôt contrefaire des effets miraculeux pour les décevoir. Au lieu qu'il ne la met point en usage envers les sorciers ordinaires, n'employant que sa MALIGNITÉ pour aider à leur malice : Ni envers les esprits curieux, qui le veulent avoir pour familier, dans lesquels il ne déploie, ni cette Capacité, ni cette Malignité, mais sa seule INTELLIGENCE : et non encore en toute son étendue, mais seulement au regard des choses secrètes, et non des connaissances naturelles ou divines, dans lesquelles nous les trouvons aussi peu versés que ceux qui n'ont jamais été instruits sous un tel Pédagogue. Et quand il agit avec ces esprits éminents en curiosité et en malice, que nous appelons vulgairement Magiciens, il emploie bien quelque partie de son intelligence, et de sa puissance, comme traitant avec des esprits participants de la curiosité des uns et de la malice des autres : Mais il ne produit aucun effet de cette habilité aux dons rares et surnaturels, de laquelle il se sert envers les âmes pieuses ; même il ne leur ouvre pas tous les ressorts de sa puissance : Magis enim, dit saint Cyprien, invante Doemone potentatus est ad perniciosa et ludicra, sans passer plus outre. Tant il accommode justement ses propriétés naturelles à ses desseins, ne départant et ne déployant à un chacun, sinon celle qui est la plus propre à le séduire, et la plus convenable à la qualité du dessein qu'il a pris de lui nuire.

Or L'INTENTION formelle de Satan en la possession est d'exercer sa rage, et non pas d'employer aucune de ses mauvaises qualités : d'autant qu'il a pour tout dessein d'être, non seulement ennemi, car il l'est toujours et partout, mais ennemi découvert, et d'agir avec le possédé en qualité d'ennemi, c'est-à-dire, par force et non par fraude, comme en ses illusions ; par douleurs, et non par plaisirs et appâts, comme en ses tentations ; par tourments, et non par merveilles, comme en ses transfigurations : et en somme de traiter le possédé en la même manière qu'il traite l'homme en l'Enfer. Car comme il n'y suppose plus de fraude, de plaisirs, de merveille, mais il exerce, et sans plus sa rage contre celui qui est damné, ne lui faisant part que de la même peine qu'il endure. Ainsi en une possession il ne prétend pas user de sa fraude à séduire et attirer, mais seulement de sa fureur à forcer l'esprit de celui qu'il possède. Ni de sa puissance à le rendre instrument de ses feintes merveilles ; mais de son envie, à faire dès ce monde cette pauvre créature compagne de sa misère.

Que si l'œil de quelqu'un a remarqué des accidents miraculeux en un possédé, que sa raison observe aussi que comme en l'ordre de nature il  a des effets nécessaires et d'autres contingents : Ainsi en la conduite des desseins de Satan, et nommément en celui de la possession, il y a des effets qui ont un juste rapport à son intention première de nuire au possédé, et d'autres qui dépendent d'une intention fortuite de ce malin esprit avec les assistants. Car comme il alors quelque espèce de conversation sensible avec eux, il peut faire quelque effet à leur égard, qui ne dépendra point de cette intention première qu'il a envers l'Énergumène. Ce qui est accidentellement joint à une possession, et ne l'oblige pas en d'autres rencontres, à faire mêmes effets, ni à former des desseins pareils : L'un et l'autre étant libre à Satan, contingent à la possession, peu fréquent en l'usage, même rarement observé en l'Écriture (où il y a tant d'accès de possédés décrits) et dépendant d'une rencontre trop particulière pour être partout égal. DISONS donc que comme l'ordre de nature ne dépend pas des effets contingents, sans lesquels il ne laisse ni d'être, ni d'être reconnu : Qu'ainsi le cours ordinaire du dessein et des effets de Satan envers l'Énergumène, ne dépend pas de la contingence de ces Accidents, lesquels ne sont, ni les décisifs, ni les constitutifs d'une possession. Et recueillons de ce discours que tout ainsi comme lorsque Satan possède quelqu'un spirituellement par le péché, il n'a pas intention de départir aucune étincelle d'intelligence à son esprit, ni aucun effet de sa puissance à son corps : ainsi quand il se lie à quelque personne pour la posséder réellement, ce n'est pas pour lui communiquer son intelligence comme aux esprits curieux, ni sa puissance comme aux Magiciens, ni sa malignité pour nuire aux autres comme aux Sorciers ; mais seulement sa misère et sa peine comme aux Damnés.

En quoi Dieu qui veille sur notre ennemi bien qu'il lâche la bride à ses volontés, si met-il des bornes à son pouvoir, et comme il a posé des limites telles qui lui plaît à toutes choses, et à Satan même, lorsqu'il tente, lorsqu'il déçoit, lorsqu'il se transfigure : Il a pourvu aussi d'un règlement sur les possessions, dans lesquelles comme l'Ange malin se résout de nuire, et se détermine d'incommoder l'esprit et d'altérer le corps auquel il réside, Dieu lui détermine la qualité, la quantité, et les autres circonstances de cette altération, la réglant et modérant selon les divers sujets pour lesquels il permet que ce mal arrive. Et d'autant qu'entre ces sujets il y en a de plus et de moins notables de particuliers et de publics : cette disproportion met autant d'inégalité entre les possessions, qu'il y a de divers degrés dans lesquels l'altération du corps humain peut monter et rabaisser : Eu égard qu'il suffit à une possession que le malin esprit réside au corps avec pouvoir de l'altérer en quelque manière ; laquelle ne peut être si grande, qu'il ne puisse accomplir, étant plus capable d'agir que l'homme n'est de pâtir ; et ne peut aussi être si petite, que l'Ennemi ne la veuille bien : et que, puisque d'ailleurs il prend bien le soin d'épier toutes les actions de la personne, et de lui tendre partout des pièges pour la surprendre, il ne prenne plus volontiers le soin de la posséder et de la tourmenter selon les lois et les saisons qui lui seront permises et prescrites.
La raison nous conduit à ainsi juger de la variété et de l'inégalité des possessions, et l'expérience nous y confirme : Car il apprend comme dans les uns ce mal furieux reçoit des intervalles, dans les autres il est continu : Dans les uns il est plus excessif, dans les autres plus modéré : Dans les uns il n'a pouvoir que sur l'altération du corps, dans les autres même sur la vie, selon que saint Cyprien raconte au sermon de Lapsis. Dieu limitant le pouvoir de Satan ou selon les secrets de son jugement, ou selon les sujets apparents pour lesquels il le permet. Et comme le Prince ferme le camp de cordage que l'ennemi n'ose franchir selon les lois du duel. Ainsi en ce duel de Satan contre l'homme, Dieu pose des limites qu'il n'ose outrepasser nonobstant sa fureur ; non plus que la mer enragée n'outrepasse le sable que Dieu a posé pour borne à sa tourmente.


Extrait de Traité des Énergumènes par l'Illustrissime et Révérendissime Cardinal De Berulle, Instituteur et premier Supérieur  Général de la Congrégation de l'Oratoire de Jésus.


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