lundi 7 décembre 2020

Les Pifferari




Lettre aux enfants des catéchismes de première communion


Rome, le 24 décembre.


Je n'ai pas oublié, mes chers enfants, qu'à mon départ de Paris, je vous ai promis de vous raconter ce qui me paraîtrait plus intéressant pour vous dans les fêtes de Rome et en particulier dans les fêtes de Noël, qui sont plus de votre âge que les autres solennités de l'Église.
Tout le mois de décembre sert, à Rome, de préparation à la fête de Noël ; mais, la veille, la ville offre un spectacle bien singulier et en même temps bien consolant pour un cœur chrétien. La joie se répand sur tous les visages ; on va, on vient, on se remue ; ici ce sont les cochers des cardinaux qui tirent de leurs remises les vieux carrosses des grandes cérémonies ; là, des valets de pied qui préparent leur livrée d'ordonnance à la porte des palais ; ailleurs des marchands qui circulent avec les bonbons du petit Jésus et les gâteaux du réveillon ; les rues sont encombrées, on se presse dans les églises ; on commence à se saluer avec la touchante exclamation de Noël !... Mais je ne veux pas m'arrêter à ces détails ; aussi bien, il n'y a rien dans tout cela dont vous ne puissiez vous faire facilement l'idée, et je tiens à vous faire connaître ce qui caractérise ici la veille de Noël. Je veux parler des Pifferari et de leur musique que l'on entend partout...
Qu'est-ce que cela ? me direz-vous. Écoutez, je vais vous l'apprendre. Le mot de Pifferari, qui peut-être vous a déjà fait sourire, est italien et signifie un pasteur ou un berger. — Les Pifferari sont donc des bergers qui passent leur vie, le reste de l'année, sur les montagnes dont la ville de Rome est entourée de tous côtés (C'est surtout des Abruzzes et de la Sabine qu'ils viennent), et qui s'occupent à garder les troupeaux, comme les anciens pasteurs, dont il est parlé dans l'évangile qu'on lira cette nuit à la messe.
Je ne sais si les bergers de l'Évangile ressemblaient à ceux d'aujourd'hui ; mais je puis vous assurer que si le nom sous lequel on les désigne vous paraît curieux, leur costume ne vous le paraîtrait pas moins. Je vous amuserais, si je vous en faisais seulement la description ; mais non, la description serait insuffisante... Il faudrait les voir, ces braves gens, avec leurs culottes courtes, jaunes, rouges ou vertes, rehaussées de lanières de peau de chèvre ou de brebis, leurs longs gilets à basques, les espèces de sandales qu'ils ont aux pieds, les bandes de lin qui entourent leurs jambes en guise de chausses ou de bas, leurs vestes arrondies et aussi variées en couleur que leurs culottes, leurs chapeaux à formes bizarres, tantôt pointus,
tantôt tout ronds, quelquefois relevés par un coin sur l'oreille, presque toujours avec une rosette et un large ruban de couleur jaune ou écarlate, leurs manteaux enfin aussi bizarres dans leurs formes que les chapeaux et aussi variés pour la couleur que les culottes et les vestes rondes : il y en a de bleus, il y en a de marrons, il y en a de verts, il y en a de rouges, et j'ai appris que ces derniers étaient ordinairement les débris du vestiaire de quelque pieux cardinal, dont la charité avait couvert leurs épaules.
Tels sont donc nos Pifferari. — Je me suis laissé aller malgré moi à vous faire leur portrait ; encore ai-je oublié de vous décrire leurs longs cheveux noirs qui descendent jusque sur leurs épaules, leurs yeux vifs, leur marche lente et incertaine ; et de vous parler des instruments de musique qu'ils portent tous avec eux, et qui sont l'accompagnement indispensable de leur personne. Ces instruments sont simples comme tous ceux des bergers : c'est le haut-bois, espèce de flageolet champêtre à sons plaintifs et sourds ; c'est là musette, horrible ensemble de peaux tendues et gonflées, dont ils tirent des sons aigus et nasillards, mais pleins d'une mélancolique naïveté.
Dès le commencement de l'Avent, les Pifferari descendent par troupes des montagnes, et se partagent les quartiers de la ville, qu'ils font résonner de leur musique et de leur canzonette. Et c'est leur apparition qui révèle aux insouciants le temps heureux de l'année où l'on se trouve. Ne vous en étonnez pas, mes enfants ; il est juste que, quand il s'agit d'annoncer les fêtes de la crèche, cette mission soit confiée à des bergers, puisque ce furent des bergers qui les premiers furent les ambassadeurs de la naissance de l'Enfant-Dieu.
Tout le temps donc de l'Avent, les Pifferari vont dans la vielle de porte en porte, comme vous voyez à Paris ces joueurs d'orgue de Barbarie qui entrent dans les cours de nos maisons, ou s'installent au milieu des carrefours et des rues : seulement ce ne sont pas des airs profanes que font entendre les Pifferari, mais de joyeux noëls. Le plus souvent ils marchent trois ensemble : un vieillard, un homme dans la maturité de l'âge, et un enfant. C'est peut-être pour rappeler l'antique tradition qui suppose que, comme les rois mages, les bergers vinrent à la crèche au nombre de trois. Le premier joue du haut-bois ; le second, de la musette ; pour l'enfant, il n'a d'ordinaire qu'un léger chalumeau ou simplement un triangle.
Lorsque les Pifferari rencontrent à la porte de quelque maison, ou dans le coin retiré d'une cour, quelque image de la Vierge, et cela est bien fréquent à Rome, ils se rangent autour du modeste sanctuaire, et c'est là qu'ils établissent leur orchestre. Bien entendu qu'on ne manque pas de gratifier leur musique de quelque pièce de monnaie. Si l'offrande a été généreuse, ils reviennent le lendemain et le surlendemain. Quelquefois, on les loue pour une neuvaine, et chaque jour vous les voyez arriver à l'heure indiquée et jouer les airs demandés. D'autres fois c'est pour le mois tout entier qu'on s'arrange avec eux. C'est ce qui s'est fait dans la maison où j'habite et j'en ai été bien édifié : tous les jours, à l'heure marquée on voyait venir ces braves gens ; et, comme pour ajouter à la fête, un jeune garçon d'écurie ne manquait pas d'allumer un petit cierge aux pieds de la Madone, autour de laquelle se rangeaient les Pifferari.
Aujourd'hui, veille de Noël, c'est le jour de leur triomphe : ils se sont tellement multipliés dans la ville, que je crois vraiment que toutes les montagnes sont désertes, et que les troupeaux dorment sous la seule garde des chiens : on en rele ncontre de tous côtés, et de tous côtés aussi on entend retentir les sons de leurs haut-bois, de leurs chalumeaux et de leurs musettes. Quoique cette musique, comme je vous l'ai déjà dit, mes enfants, ne soit gère harmonieuse à l'oreille, que j'aime à l'entendre ! Elle parle à l'âme et au cœur, et je suis sûr que si vous étiez là avec moi vous en diriez autant.
Voici quelques fragments des cantates qu'ils réservent pour ce jour :
« Ô douce Vierge, aimable fille de sainte Anne, voilà que vous portez avec vous le Bon petit Jésus. Tout à l'heure les Anges vont crier : Venez, hâtez-vous, allez à la cabane de Jésus enfant ; il est né dans une pauvre étable où mangent les bœufs et les ânes. »
La dernière strophe est encore plus touchante : « Que durant la sainte nuit de Noël qui approche, ô Vierge Immaculée, bienheureuse au ciel, sur la terre notre avocate, la prière que nous avons chantée à Jésus enfant, lui soit représentée par vous. »
Adieu. Si vous n'avez pas de Pifferari pour vous chanter noëls, chantez-les donc vous-mêmes seuls ou avec votre mère et vos frères et sœurs... Du moins, songez à bien parer vos jeunes cœurs pour demain ; qu'ils soient fervents et bien remplis d'amour pour l'enfant Jésus ; et que surtout, je vous le répète encore, ils se dilatent et se laissent aller à toute la joie de cette fête chrétienne.

(Extrait de Les Fêtes de Noël à Rome, par M. l'Abbé V. Dumax)


Reportez-vous à Les Boutiques de Noël et le PræsepioRegard sur le triple sacrifice du Jour de Noël, Noël, Jour de sainte allégresse, Lumière sur Noël, La crèche, Méditation pour la Fête de Noël : Vous trouverez un Enfant enveloppé de langes, et couché dans une Crèche, Instruction sur la Fête de Noël, Pratique de la Dévotion à l'enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 21e Méditation : Cependant Marie ne perdait rien de toutes ces choses et les méditait dans son cœur, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 22e Méditation : Ils portèrent Jésus à Jérusalem, afin de l'offrir au SeigneurDévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 20e Méditation : Ayant été averti en songe de ne point aller trouver Hérode, ils retournèrent en leur pays par un autre chemin, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 19e Méditation : Se prosternant, ils l'adorèrent ; puis ayant ouvert leurs trésors, ils lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe, Discours aux jeunes époux, du Pape Pie XII, durant l'Octave de l’Épiphanie, le 10 janvier 1940, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 18e Méditation : Voici que l'étoile qu'ils avaient vue en Orient parut, allant devant eux, jusqu'à ce qu'elle vint s'arrêter sur le lieu où était l'enfant, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 17e Méditation : À la nouvelle de la naissance du saint Enfant, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 16e Méditation : Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l'adorer, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 15e Méditation : Voici que les Mages vinrent de l'Orient à Jérusalem, Méditation pour le Jour des Rois : Que votre Règne arrive, Instruction sur la Fête des Rois, Méditation sur l’Épiphanie : Les Mages confessent Jésus-Christ devant les hommes, Méditation sur l’Épiphanie : Les Mages à Jérusalem, Méditation pour l’Épiphanie : La vocation des mages prédite et figurée, notre vocation à la foi de Jésus-Christ, Méditation sur l’Épiphanie : Les Rois-Mages, Méditation sur l’Épiphanie : Du ministère de Marie dans la vocation des Gentils à la Foi, Remerciement, offrande et prière au Verbe de Dieu incarné, pour l'Octave de l'Épiphanie, Méditation sur l’Épiphanie, Méditation sur la Nativité, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 14e Méditation : On lui donna le nom de Jésus, Litanies du Saint Nom de Jésus, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 13e Méditation : On lui donna le nom de Jésus, nom qui lui avait été donné par l'ange, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 12e Méditation : Après huit jours, le saint Enfant fut circoncis, Instruction sur la Circoncision, Méditation sur la Circoncision, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 11e Méditation : Les bergers revinrent en glorifiant et en louant Dieu de tout ce qu'ils avaient vu et entendu, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 10e Méditation : Les bergers se disaient les uns aux autres : Allons jusqu'à Bethléem, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 9e Méditation : Gloire à Dieu au plus haut des Cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 7e Méditation : Tout à coup l'Ange du Seigneur parut auprès d'eux, Salutation à Marie et à Jésus naissant, Litanies du Saint Enfant-Jésus, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 1re Méditation : Marie s'étant rendue avec Joseph à Bethléem, le temps de son divin enfantement arriva, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 2e Méditation : Je vous annonce un grand sujet de Joie, il vous est né aujourd'hui un Sauveur, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 3e Méditation : Marie mit au monde son fils premier-né, et l'enveloppa de langes, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 4e Méditation : Marie, après avoir enveloppé de langes le saint Enfant, le coucha dans la crèche, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 5e Méditation : Voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 6e Méditation : Il y avait là aux environs des bergers qui veillaient et se relevaient les uns les autres pendant la nuit, pour la garde de leurs troupeaux, Litanies du Saint Enfant-Jésus, et Dévotion au Saint Enfant-Jésus : Prière d'amour et Consécration.