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samedi 27 mars 2021

Fête des Rameaux : Ouvrez-vous, ouvrez-vous, ô portes éternelles !



Cette fête n'est que la commémoration de l'entrée de Jésus-Christ à Jérusalem ; saint Matthieu nous rapporte que le Maître, pour obéir à la volonté d'en haut, se rendit dans cette ville où la mort l'attendait : il fallait qu'il accomplît les vues de son père, et que, l'heure approchant, la victime, déjà figurée par l'Isaac de l'ancienne loi, gravit la montagne, au sommet de laquelle allait bientôt se dresser la croix de son supplice.
Mais le peuple, qu'étonnait encore le récit des derniers miracles de ce Nazaréen qu'il respectait alors, le peuple, apprenant qu'il s'approchait de la ville, courut au-devant de lui, pour jouir de la vue de cet homme extraordinaire qui rendait la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds ; qui faisait marcher les paralytiques, changeait l'eau en vin, la disette en abondance, et qui venait récemment de dire à un cadavre : — Lève-toi !... — sans que la mort même osât résister au commandement de sa voix !
À mesure que Jésus approchait de la ville, les flots du peuple grossissaient comme ceux d'une mer qui bat le rivage ; des cris de joie retentissaient ; tous ces hommes, cueillant des branches de palmier et d'olivier aux arbres qui bordaient la route, agitaient leurs trophées, en chantant la gloire de ce triomphateur.
Le récit évangélique nous transmet ce fait en quelques lignes, et rien n'approche de la grandeur qui plane sur la majesté toute biblique de cette simple description de l'entrée à Jérusalem.
L'Église en retrace, dans la fête des Rameaux, toute la sublimité : le prêtre, escorté des fidèles, se présente à la porte fermée du temple, et dit : — Ouvrez-vous, ouvrez-vous, ô portes éternelles ! Ouvrez-vous, et le roi de gloire entrera.
Et des voix intérieures répondent :
Quel est ce roi de gloire ?
C'est le Dieu fort et puissant, le Dieu terrible, invincible dans les batailles ; ouvrez-vous, ouvrez-vous, ô portes éternelles !

Ce n'est qu'au troisième ordre que le portique sacré donne passage au prêtre, et alors un chant de triomphe éclate sous les hautes voussures du saint édifice ; les fidèles, tenant leurs rameaux, chantent la gloire du Seigneur.
Il est un pieux usage que le souffle même des impures révolutions n'a pu détruire, et, en ceci, le peuple de France est, du moins, resté fidèle aux saintes coutumes de ses pères ; ce jour-là, après la messe, chacun emporte avec soi le rameau bénit qui doit porter bonheur à la famille. Dans presque tous les villages, on accroche ces branches de buis dans tous les coins de la chaumière ; on en plante à l'angle des champs, sur le toit des étables, et il n'est pas un lit de laboureur qui n'ait à son chevet un rameau bénit, qui semble protéger la maison comme l'âme de celui qui en a fait le palladium de sa vie.
C'est une douce croyance que celle qui place tous les intérêts de l'homme sous la sauvegarde de Dieu, et on ne doit jamais désespérer de l'avenir d'une nation qui croit toujours aux saintes choses qui firent la gloire et le bonheur de ses pères.


Exorde du Sermon pour le Dimanche des Rameaux


Dites à la fille de Sion : Voici votre roi, qui vient à vous plein de douceur. (Matth. 21, 3)


Les oracles des prophètes, les manifestations du Seigneur aux patriarches, les sacrifices et les oblations de la loi, ses signes et ses figures, annonçaient depuis plusieurs siècles à l'infidèle Jérusalem, que son libérateur et son roi ne tarderait par de la visiter et de paraître au milieu d'elle. Le précurseur lui-même, cet ange du désert prédit dans Malachie, avait enfin paru sur les bords du Jourdain, pour préparer les voies au roi de gloire, et dire à son peuple : le voici ; et Jérusalem n'avait plus d'excuse, si elle venait à le méconnaitre et à le recevoir indignement dans son propre royaume.
Cependant, cet avènement si heureux, que tant de justes avaient demandé, que tant de siècles avaient attendu, que tant de préparatifs avaient annoncé, et qui annonçait lui-même des biens si magnifiques aux hommes, loin de faire renaître la joie au milieu de cette ville ingrate, et de lui rappeler ses anciens jours de gloire et de magnificence, la jette dans un trouble universel et dans des alarmes publiques : Commota est universa civitas. Tout est ému dans Jérusalem, lorsqu'on y voit entrer aujourd'hui en triomphe le Fils de David. Les prêtres, les Pharisiens, témoins des acclamations et des chants d'allégresse d'une population obscure et de quelques juifs spirituels et fidèles, se trouvent agités de mille mouvements divers de frayeur, d'inquiétude, de jalousie, de tristesse ; une terreur universelle se répand parmi eux : il semble que c'est un tyran qui vient porter dans les murs de Jérusalem l'effroi et le carnage, et emmener, comme autrefois, ses citoyens en servitude, plutôt qu'un roi pacifique qui vient la délivrer par sa présence et la purifier par l'effusion de son sang. Il n'est que ce petit nombre d'âmes simples et innocentes qui vont au-devant de lui hors des portes de la ville, et qui lui font un innocent triomphe de leurs cris de joie, et des branches d'arbres dont elles couvrent et ornent sa route.
Voilà, mes frères, ce qui se passe encore aujourd'hui parmi nous. Depuis le commencement de cette sainte carrière, l'Église n'a cessé de nous annoncer que le roi de gloire approchait, et qu'il venait se donner à nous pour être notre Pâque : ses prières, ses purifications, ses cérémonies ont été comme autant de voix qui nous ont avertis de sa venue ; ces jours mêmes de pénitence qui vont finir, elle ne les avait établis que pour nous préparer à le recevoir par la communion aux jours solennels où nous allons entrer. Aujourd'hui, comme pour réveiller nos désirs et notre attente, elle nous annonce qu'enfin il est proche et sur le point de se donner à nous : Dicite filioe Sion : ecce rex tuus venit tibi mansuetus. Or, quelle impression fait sur vous, mes frères, cette heureuse nouvelle ? Une impression de trouble, de frayeur, de tristesse, en sentant approcher le devoir pascal ; chacun retombe sur sa propre conscience, et, n'y trouvant que des habitudes criminelles, des plaies envieillies et honteuses, frémit dans la seule pensée qu'il faut se mettre en état de recevoir le roi de gloire : on dirait qu'il vient à nous armé de terreur et d'indignation, pour nous juger et pour nous perdre ; et non accompagné de sa seule douceur, pour nous sauver et pour nous servir de nourriture : Ecce rec tuus venit tibi mansuetus. Il n'est qu'un petit nombre d'âmes fidèles qui vont au-devant de lui par leurs désirs, et qui le voient arriver avec une sainte allégresse. Et ce qu'il y a de plus affligeant, c'est que, malgré cette frayeur, cette tristesse, ces alarmes d'une conscience troublée, il y en aura peu d'entre vous qui ne se présentent à Jésus-Christ pour le recevoir, et qui ne croient avoir satisfait à la loi de l'Église, après l'avoir reçu avec des dispositions si opposées à celles qu'il exige de nous. Insensés, qui ne pensent pas que recevoir Jésus-Christ dans ces dispositions, ce n'est plus manger la Cène du Seigneur, c'est manger et boire sa propre condamnation. (Massillon)

(Tiré de Les Fêtes de l’Église romaine)


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