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samedi 21 mai 2016

Par quelles armes battre le Tentateur ?


Apparition de la Sainte Croix dans le ciel à Migné en 1846


PAR QUELLES ARMES BATTRE LE TENTATEUR ?


Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! Tel fut le cri de la Très Sainte Vierge, en son gémissement, à Lourdes les 25, 26, 27 et 28 février 1858. Douze ans auparavant, le 19 septembre 1846, la Femme de la Genèse promise au monde était venue exciter ses troupes au combat, en leur disant d'employer les mêmes armes. Elle leur demandait de reprendre la pratique de l'abstinence et du jeûne et de revenir en même temps qu'à la mortification à la prière, en particulier à la sanctification du dimanche. À Lourdes aussi, Marie avait demandé que la prière fût jointe à la pénitence. Elle avait particulièrement recommandé la récitation du chapelet et montré avec quel respect il doit être dit.
Vingt ans avant les reproches et les avertissements de Marie à la Salette, Dieu lui-même avait appelé l'attention, par une manifestation dans les airs, sur le grand symbole du sacrifice. À Migné, le 17 décembre 1826, la croix apparut aux yeux des populations étonnées, comme au temps de Constantin, faisant un premier appel à la France pour sa conversion. Prière, conversion, pénitence, ce sont les conditions, divinement voulues de toutes les miséricordes.
Comment ce triple appel fut-il reçu ? Si nous promenons les yeux à la surface des choses, nous ne pourrions être qu'infiniment désolés. Partout et dans toutes les classes de la société, l'amour du plaisir, le luxe, la luxure n'ont cessé de faire de jour en jour des progrès croissants. La leçon de 1870 a donné à ces progrès quelques heures d'arrêt. Dès le lendemain, ils ont repris leur course avec fureur. Inutile de dire où l'on en est aujourd'hui.
Et la prière — du moins la prière publique — n'entendons-nous pas de jour en jour son bruit s'éteindre dans nos cités ? Savez-vous, demande le cardinal Pie, pourquoi le premier de tous les peuples, celui que l'Esprit-Saint a nommé un peuple de géants, savez-vous pourquoi il a disparu de la terre ? L'Écriture va nous le dire : Non exoraverunt antiqui Gigantes, qui destructi sunt confidentes virtuti suœ, et ces hommes qui se fiaient à leurs forces ont été détruits. Nous voulons rendre justice à notre siècle ; par plus d'un côté, c'est un siècle de géants. Mais au milieu de toutes ces merveilles et de tout l'éclat de cette gloire, la religion regarde autour d'elle avec anxiété. Car, hélas ! si la prière allait se taire parmi nous ; si l'esprit allait cesser de purifier, de vivifier la matière ; si les hommes croyant se suffire à eux-mêmes allaient dire à Dieu de se retirer ; si le malheur que Mardochée suppliait le Seigneur d'écarter de son peuple quand il disait : « Ne fermez pas la bouche de ceux qui chantent vos louanges » allait fondre sur nous ; le jour ne tarderait pas à venir, où, sur les ruines fumantes de notre patrie et sur les débris dispersés de notre civilisation, les générations pourraient dire : « Ces hommes géants n'ont pas prié, et tandis qu'ils se confiaient en leurs forces, ils ont été détruits. »
Grâce à Dieu, au-dessous des Surfaces, se passent des choses plus consolantes et plus rassurantes. Il reste des milliers et des milliers de saintes âmes qui tous les jours et cent fois le jour élèvent vers le ciel ces supplications : Pardonnez nos offenses, les nôtres, et celles de votre peuple ; ne le laissez pas succomber aux tentations qui l'assaillent de toutes parts ; délivrez-le du mal dans lequel est plongé le monde contemporain. Et à ces conjurations elles joignent ces désirs d'une puissance plus grande sur le cœur de Dieu parce que ceux-ci procèdent du pur amour : Père, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit, comme il était au commencement. Que cette gloire soit telle qu'a voulu se la procurer la pensée créatrice, la pensée rédemptrice et la pensée sanctificatrice, au premier jour du monde ; qu'elle soit donnée dans sa plénitude à La Trinité divine, maintenant à l'heure où nous sommes, et toujours jusqu'à la fin du monde terrestre, pour réaliser dans les siècles des siècles, dans l'éternité des cieux, tout le concept de la prédestination.
À ces prières adressées à Dieu, s'ajoutent celles à la Très Sainte Vierge. De combien de millions de bouches, et combien de fois chaque jour, s'élèvent vers le trône de Marie ces paroles de vénération, d'admiration, de confiance et d'amour « Je vous salue, Marie, pleine de grâce. » Je sais que je puis faire monter vers vous mes plus confiantes prières, car Dieu est avec Vous, vous êtes la Bénie entre toutes les femmes, qui fûtes montrée au genre humain dans la désolation et la terreur de sa chute, comme le canal de bénédiction par qui nous viendrait le salut. De plus, votre fruit, le fruit de vos entrailles est le Béni, en qui réside la plénitude des miséricordes et des bontés divines.
Que de prières s'ajoutent chaque jour à celles-là sur toute la surface du monde, variées à l'infini comme l'est la diversité des états d'âme, et comme le demande la vicissitude des événements du monde, mais toutes finissant pas se confondre en un même vœu : le règne de Dieu sur la terre par le développement de la vie surnaturelle dans les âmes.
Puis viennent, de temps à autre, les prières extraordinaires dont les Papes donnent le signal. Alors de toutes les parties de l'univers, du sein de toutes les foules, du fond de tous les monastères, du pied de tous les autels des supplications ardentes sont envoyées vers le trône de Dieu.
Aux prières privées il faut joindre la sainte Liturgie, — l'office divin et la messe, — d'une bien plus grande puissance, car elle est la prière de l'Église, la prière de l'Épouse parlant à son Époux. Aussi la secte maçonnique a tout fait pour la supprimer. Elle a cru y réussir en 93 en fermant les églises, en massacrant prêtres et religieux ; et de nos jours, c'est par l'exil des personnes consacrées au service divin, c'est par des tentatives de nouvelle fermeture des églises et de spoliation des vases sacrés qu'elle a rouvert l'ère des persécutions.
« Ne dites pas, c'est le cardinal Pie qui parle, que l'Église ayant des promesses d'immortalité, il semble inutile de prier pour elle. Il est, des grâces très importantes, très nécessaires, que Dieu n'accorde à son Église elle-même qu'eu égard aux prières de ses enfants. Ce que peuvent faire descendre de lumière, de force, de saintes inspirations, de généreuses résolutions dans le cœur du Vicaire de Jésus-Christ et de toute la hiérarchie supérieure, les prières, les invocations, les soupirs des prêtres fervents, des humbles lévites, des vierges consacrées, des pieux fidèles, nul ne peut le dire autant que cela doit être su et compris. Si nous avons une Église saintement régie et merveilleusement conservée au milieu de tant d'éléments d'anarchie et de dissolution ; si nous avons un Pape (Pie IX) héroïquement ferme, à une époque de transactions et de compromis universels, un épiscopat et tous les Ordres ecclésiastiques solidement unis au Vicaire de Jésus-Christ, n'en doutez pas, cela est dû aux prières de la grande famille chrétienne. »
En même temps que la prière, il y a dans l'Église les exorcismes. Car, dès la seconde période de la guerre déclarée au surnaturel et à la civilisation chrétienne, aux premiers jours de la Réforme, l'ange de l'Apocalypse cria : « Malheur ! Malheur ! Malheur à ceux qui habitent sur la terre ». Et un ange ministre des vengeances du Seigneur reçut la clef du puits de l'abîme. Il l'ouvrit et les démons s'en échappèrent, nombreux comme une invasion de sauterelles. Ils avaient à leur tête, comme roi, l'ange de l'abîme qui se nomme en hébreu Abaddon (perdition, ruine, par opposition au Christ sauveur) et Apollyon, c'est-à-dire destructeur. C'était bien en effet le commencement des destructions et des ruines, le commencement de la perdition par l’anti-christianisme. Le pape Grégoire XVI dans l'Encyclique Mirari vos où il condamna la doctrine de Lamennais dit : Vere apertum dicimus puteum abyssi (1). 
Ces démons échappés de l'enfer aux jours de la Réforme ne sont pas encore refoulés dans l'abîme. La preuve, que c'est la pensée des souverains Pontifes, en est dans l'exorcisme que les papes Léon XIII et Pie X font formuler par tous les prêtres qui viennent de célébrer la messe et par les fidèles qui joignent leurs voix à celle du ministre de Dieu : « Saint Michel, archange, défendez-nous en ce combat : contre la malice et les embûches du démon, soyez notre secours. Que Dieu lui fasse sentir (à Satan) son empire, nous le demandons instamment. Et vous, chef de la milice céleste, par la vertu divine, refoulez en enfer Satan et les autres esprits mauvais, qui sont répandus dans le monde pour perdre les âmes. »
Ce qui donne à l'exorcisme comme à la prière sa pleine puissance, c'est l'union qu'a la personne qui prie ou qui exorcise avec le divin Rédempteur, en tant que Rédempteur, en tant que victime d'expiation. Plus cette union est intime et plus favorablement est accueillie la médiation entre Dieu et le monde. La grande médiatrice, Marie, s'est associée sur le calvaire au sacrifice de Jésus et la douleur de son âme, traversée, par le glaive que Siméon lui avait prédit, eut, comme le dit la sainte liturgie, l'amertume et l'infini de l'étendue des mers.
Ceux qui combattent sous ses ordres, ceux du moins qui sont aux premiers rangs, partagent son martyre et c'est par ce martyre qu'ils réparent l'iniquité et appellent la miséricorde.
Adimpleo ea quœ desunt passionum Christi in carne mea. Mystérieuses paroles ! Saint Augustin les expliquant dit : Jésus-Christ a souffert tout ce qu'il devait souffrir. Élevé en croix, il a dit : « Tout est consommé », c'est-à-dire rien ne manque à la mesure de mes souffrances. Tout ce qui a été écrit de moi est maintenant accompli. Les souffrances de Jésus sont donc complètes. Oui. Mais seulement dans le Chef. Restent encore à endurer les souffrances de Jésus dans son corps mystique, dans ses membres. Nous sommes en effet le corps et les membres de Jésus-Christ. L'Apôtre était un de ses membres ; voilà pourquoi il dit : J'accomplis dans ma chair ce qui manque aux souffrances de Jésus-Christ.
Au dernier chapitre de l'Apocalypse se lisent d'autres mystérieuses paroles : « Le moment est proche. Que celui qui est injuste fasse encore le mal, que l'impie se souille encore. Que le juste pratique encore la justice et que le saint se sanctifie encore ». Dans la terrible menace faite aux endurcis dans la première partie de ce verset et dans la pressante exhortation faite aux justes dans la seconde, certains auteurs ascétiques ont vu une loi de la Providence, en vertu de laquelle, aux grandes époques de l'histoire du monde, alors que Dieu se dispose à déployer la puissance de son bras, s'il y a souvent parmi les hommes recrudescence de malice et de corruption, il y a aussi recrudescence de justice et de sainteté.
L'adorable Providence dont toutes les voies sont justice et miséricorde aime à faire surabonder le bien où abonde le mal. Elle attend que les mérites aussi bien que les démérites de la pauvre humanité soient montés bien haut pour descendre avec ses miséricordieuses sévérités. Et ces mérites elle les suscite dans des âmes privilégiées à qui elle donne une vocation d'expiation et de sacrifice.
Cette conviction entretient dans l'espérance contre toute espérance, l'âme finalement abandonnée à Dieu. Au plus fort des jours mauvais, elle se demande si le mal qui déborde ne serait pas secrètement compensé par l'augmentation du bien caché dans l'intimité des âmes avec Dieu.
Il est nécessaire que nous nous arrêtions un peu longuement sur ce point, car c'est ici que se manifeste la lutte entre la lumière et les ténèbres, entre les puissances de ce monde et les vertus d'En-haut.


Extrait de "La conjuration antichrétienne" de Mgr Delassus (Tome III, Ch. LXI).



1. La fumée qui de nos jours sort du puits de l'abîme et obscurcit le soleil, ce sont « ces idées modernes », qui voilent, dans presque tous les esprits, les vérités surnaturelles. Et ces sauterelles, ce sont les démons, qui, d'une part, excitent les francs-maçons et les journalistes, les orateurs et les romanciers, qui se sont mis à leur service, à employer tous leurs talents à propager la libre-pensée et les idées révolutionnaires, et qui, d'autre part, portent les lecteurs et les auditeurs à les accueillir avec faveur et à faire de ces suggestions la règle de leur conduite publique et privée. Les Encycliques de Pie IX et particulièrement son Syllabus, les lettres de Léon XIII, Humanum genus et Immortelle Dei y venant confirmer et développer l'Encyclique de Grégoire XVI, n'ont pu encore désillusionner les hommes de notre temps des erreurs sorties de l'abîme depuis le XVIe siècle et contre lesquelles Pie VI, Pie VII, et Léon XII les avaient déjà prémunis.




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