vendredi 6 juillet 2018

La réalité des apparitions démoniaques



Extrait de "La réalité des apparitions démoniaques" Par le R.P. D. Bernard-Marie MARÉCHAUX :


Sainte Françoise Romaine rencontrant
trois démons déguisés en religieux
Avant Jésus-Christ, le diable singe le dieu, conséquemment il se pare de couleurs séduisantes, il s’entoure d’un appareil imposant ; après Jésus-Christ, il est contraint de se montrer tel qu’il est, hideux et repoussant. (...)

Pourquoi le diable apparait-il aux saints de préférence au commun des fidèles ? C'est que les saints ont surmonté les tentations ordinaires ; alors l’esprit mauvais, en désespoir de cause, emploie les grands moyens, il essaie d’intimider les serviteurs de Dieu par des visions effrayantes, de les terrasser par des assauts furieux.
Pourquoi se montre-t-il à certains Saints, et non à d’autres ? Il est impossible de le dire d’une manière positive. Cela rentre dans l’ordre des secrets jugements de Dieu. On serait tenté de croire que le diable persécute surtout les saints, qui étant des convertis, ont secoué son joug tyrannique. Et pourtant il s’est acharné, avec une furie sans pareille, sur des saints et des saintes qui ont toujours été, dès leur bas âge, des anges de pureté.
Pourquoi, toutes proportions gardées, a-t-il attaqué d’une manière plus agressive les solitaires, que les saints vivant en communauté ou dans le monde ? C’est que les premiers, séquestrés de toute créature, placés en dehors des appâts du vice et des séductions du péché, n’offraient aucune prise au diable, qui en était réduit à les assaillir en face et comme à visage découvert.
On remarquera aussi que l’esprit infernal apparaît fréquemment aux saints à l’article de la mort. Cela n’est pas surprenant. Il essaie désespérément de troubler leur agonie. Bossuet tient qu’il osa se montrer aux regards de Jésus agonisant sur la croix. Mais pour l’ordinaire, ce n’est qu’un horrible fantôme aussitôt chassé.
Les apparitions du diable affectent toutes les formes, c’est le véritable Protée de la fable : déguisement en ange de lumière ou même sous les traits du Sauveur ; aspect d’une femme lascive ; apparence d’un géant tout noir, épouvantable, ou même hideusement mutilé ; formes fabuleuses, moitié humaines et moitié bestiales ; formes purement bestiales. Il lui arrive parfois de se mêler sous des traits communs, au commerce ordinaire de la vie.

L’ère des persécutions ne nous offre pas beaucoup d’apparitions du démon. La raison en est simple. Aux époques de persécutions violentes, le diable se sert des tyrans et des bourreaux pour mettre à l'épreuve la foi des chrétiens ; il n'a pas besoin, comme dans les temps de paix, de se faire lui-même le tentateur et le tortionnaire des serviteurs de Dieu.
Consultez d'ailleurs les actes des martyrs : ce n’est pas proprement leur vie qui est racontée, mais simplement leur interrogatoire qui est reproduit et la série de leurs tourments qui est détaillée. D’après l'affirmation formelle du Sauveur, c'est l’Esprit-Saint qui parle en eux et qui leur inspire une joie surhumaine au milieu des tortures les plus atroces. Par contre, c’est le diable qui agit dans leurs persécuteurs, et qui les stimule à inventer des raffinements de cruauté que l’homme, laissé à lui-même, n’oserait se permettre vis-à-vis de son plus mortel ennemi. L’esprit mauvais, qui organisa le drame de la passion du Fils de Dieu, n’apparaît que trop visiblement aux martyrs dans la personne de leurs juges iniques et de leurs bourreaux inhumains. Il n’y a pas lieu de s’étonner s’il n’emploie pas d’autre mode d’agression.

Et néanmoins on trouve en plusieurs actes des martyrs des faits d’apparitions démoniaques.

Saint Potitus est un enfant de treize ans, d’une virginale innocence. Le diable lui apparaît sous les traits du Sauveur ; éclairé d’en haut, il démasque l’illusion. Alors l’esprit infernal se transforme en taureau furieux, et fait mine de fondre sur lui ; mais le saint enfant se munit du signe de la croix, et l’horrible fantôme s’évanouit. Quelque temps après, Potitus est appréhendé comme chrétien, et cueille, avec une constance admirable, la palme du martyre. (Act. SS. Jan., t. II, p. 37.)

(...)

La genèse des tentations de saint Antoine est très intéressante à suivre (Cf. Vie de saint  Antoine,  par  saint  Athanase). Le diable commence par exciter en lui un tourbillon de pensées formées de réminiscences mondaines. Puis il l’attaque par des illusions nocturnes, par des fantômes lascifs. Antoine reste inébranlable. Alors le diable se montre visiblement à lui dans toute la hideur qui lui convient. C’est tout d’abord un enfant horrible et noir, qui se roule à ses pieds et se lamente en lui disant : « J’en ai séduit beaucoup, trompé beaucoup, et me voilà vaincu par ta pénitence. Je suis l’esprit de fornication. » — Antoine répond : « Oui, en vérité, tu es bien méprisable. Ta noirceur et ton âge font voir le peu que tu vaux. Le Seigneur est mon soutien, je triompherai de mes ennemis. » Telle fut la première victoire de saint Antoine sur le démon.
Cependant notre saint se retire dans un sépulcre abandonné. Alors le diable en vient contre lui, par une progression logique, à la violence ouverte. Ce sont là ces fameuses tentations de saint Antoine qui ont été vulgarisées par la peinture. Une fois les démons se jettent sur l’athlète du Seigneur, et le laissent comme mort ; ses disciples accourent au bruit, ils le relèvent inanimé et ne respirant plus. Une autre fois il font irruption dans le réduit du saint, et se précipitent sur lui sous des formes bestiales ; ils le battent, le mordent, le traînent çà et là comme un chien traîne une guenille. Antoine brave toute cette bande hurlante et sifflante. « Si vous avez tant soit peu de force, dévorez-moi donc ! Votre multitude même, et ces formes bestiales que vous prenez sont un indice de votre faiblesse. Le signe de la croix et ma confiance dans le Seigneur me rendent invincible. » A ce moment, le Seigneur fait pénétrer un rayon de lumière dans ce cloaque de démons ; ils s’évanouissent en un clin d’œil, et le saint se trouve guéri de toutes ses blessures. Il soupire vers son libérateur : « Où donc étiez-vous, ô bon Jésus ? » Une voix répond : « Antoine, j’étais là présent, j’assistais au combat ; maintenant que tu as vaincu, ton nom deviendra fameux dans tout l’univers. »
Plus tard saint Antoine prononce devant les frères assemblés une instruction célèbre, où il les prémunit contre les pièges des démons. Il faudrait lire d’un bout à l’autre ces pages merveilleuses. Le saint déclare que tout d’abord le diable essaie de pervertir le cœur par des pensées impies ou obscènes. Puis, voyant qu’il n'aboutit à rien, il met en œuvre la terreur et la violence. Il prend des formes de femmes, de bêtes, de serpents ; il revêt des corps monstrueux, dont la tête, dit le saint, s’en va toucher au toit des maisons ; il se transforme en une infinité de spectres, jusqu’à simuler des troupes de soldats. Un signe de croix fait évanouir tous ces fantômes. — Le saint donne ensuite des marques pour distinguer les apparitions angéliques d’avec les apparitions démoniaques, même alors que celles-ci se dissimulent sous de spécieuses apparences. Les premières se résolvent dans un sentiment de paix, les secondes dans un trouble profond. — Il termine en relatant diverses apparitions du diable dont il a été témoin, et dont on ne saurait nier, d’après le contexte, la réalité physique et extérieure.
D’après ce lumineux exposé de saint Antoine, les apparitions du diable étaient communes parmi les solitaires. Que l’on consulte la vie des plus signalés parmi les Pères du désert, on verra que tous plus ou moins ont eu affaire aux esprits infernaux se manifestant à eux visiblement. (...) Saint Hilarion est infesté par leurs attaques, il est en butte aux prestiges les plus effrayants : ainsi le diable lance sur lui un chariot traîné par des chevaux emportés, le saint fait un signe de croix, et tout s’évanouit.
Que parmi tous ces phénomènes, il y en ait quelques-uns qui se passent dans la seule imagination, c’est possible ; car le diable a le pouvoir d’ébranler fortement l’imagination. Mais quand les disciples de saint Antoine accouraient au bruit terrible qui se faisait dans sa cellule, quand ils le relevaient tellement brisé de coups qu’ils le tenaient pour mort, ce n’était pas une affaire d'imagination ; la manifestation démoniaque était incontestablement physique et réelle.

Passons maintenant en Occident.
Je ne puis mieux faire que de mettre en avant les vies de saint Martin par Sulpice-Sévère, et de saint Benoît par saint Grégoire le Grand, deux documents d’une haute et incontestable autorité.
Sulpice-Sévère était un disciple de saint Martin, il pouvait parler savamment des gestes de son maître. La vie qu’il en a écrite, par son caractère grave, discret, littéraire, a conquis tous les suffrages, et rallié les hypercritiques les plus exigeants.
Généralement on ne s’inscrit pas contre un fait qui est affirmé nettement par Sulpice-Sévère. Or, voici ce que cet auteur raconte des apparitions du diable à notre grand saint Martin. « Un jour entouré comme d’un éclat de pourpre, royalement vêtu, la tête ceinte d’un diadème en or incrusté de diamants, les pieds chaussés de brodequins d’or, le visage serein, la bouche souriante, en telle sorte que rien ne trahit sa provenance infernale, le diable se tint debout à côté de saint Martin, alors qu’il priait dans sa cellule. Le saint fut comme étourdi à son aspect, et garda un profond silence. Ce fut le diable qui le rompit : « Ouvre les yeux, Martin, je suis le Christ ; ayant résolu de descendre sur la terre, j’ai voulu me manifester à toi. » — Le saint ne répondit pas. Alors le diable redoublant d’audace, continua en ces termes : « Martin, pourquoi hésites-tu à croire ce que tu vois ? Je suis le Christ. » Le saint éclairé d’en haut, lui fit alors cette réponse : « Jésus n’a aucunement dit qu’il viendrait vêtu de pourpre et ceint d’un diadème. Pour moi, je ne croirai au Christ que s’il se montre à moi en la manière qu’il a souffert pour moi, et portant les stigmates de sa passion. » — À cette parole, le diable s'évanouit comme la fumée, et remplit la cellule d'une telle puanteur qu’il fut facile à Martin de reconnaître à qui il avait eu affaire.
« Ce fait, ajoute Sulpice-Sévère, je le tiens de la propre bouche de saint Martin. Ce que je dis, afin qu’on ne l'estime pas fabuleux. » (De vita Beati Martini.) Cette assertion du narrateur est absolument convaincante. Quant au caractère physique de l’apparition, il ressort de tout le contexte, du dialogue engagé avec le saint, et enfin de cette horrible puanteur qui trahit la présence de l’esprit impur.
Le diable apparut encore à saint Martin au moment de sa mort. Le narrateur nous représente le grand thaumaturge étendu sur son lit, et les regards tournés vers le ciel. On craint que cette immobilité ne le fatigue, et on le conjure de prendre une position plus commode : « Laissez-moi, s’exclame-t-il, regarder le ciel... Et ayant dit ces mots, il vit le diable qui se tenait près de lui... Que me veux-tu, s’écrie-t-il, bête cruelle ? Tu ne trouveras rien en moi, malheureux, qui t’appartienne ! Le sein d’Abraham me recevra. » Et le grand saint expire parmi les chants des Anges. (Epist. III Sulp. Sev. ad Basulam.)

(...)

C’est surtout à son arrivée au mont Cassin, que le diable se déchaîne contre saint Benoît. Il ne va pas jusqu’à le frapper. Mais il se montre à lui sous un aspect terrifiant, et le poursuit de vociférations qui sont entendues par tous les moines.
« Il ne va pas le trouver, nous dit saint Grégoire, comme en cachette par la voie d’un songe, mais ouvertement, en sorte que le vénérable Père attestait le voir de ses yeux corporels, sous un aspect hideux, et tout incandescent de flammes qu’il jetait par les yeux et par la bouche. Il hurlait lamentablement : Benoit Benoît ! Et comme le saint ne lui répondait pas, il reprenait en jouant sur son nom : Maudit et non béni, pourquoi me persécutes-tu ? » Est-ce suffisamment clair ? Saint Benoît attestait à ses disciples, lesquels l'ont redit à saint Grégoire, que le diable se manifestait à ses yeux corporels. D’ailleurs, les lamentations furieuses qu'il poussait étaient entendues dans tout le monastère.
Saint Grégoire s’étend ensuite sur la guerre que l’esprit mauvais menait sans relâche contre le grand saint et les moines ses enfants. Il ne se montre pas toujours visiblement à leurs yeux ; mais sa malice s’exerce par des effets physiques. C’est une pierre qu’on ne peut soulever pour une construction ; c’est un incendie fantastique, excité pour troubler les frères ; c’est une muraille brutalement renversée qui écrase un jeune moine. En tout cela, saint Benoît, de ses yeux éclairés, reconnaît l’action des démons, et, par un simple signe de croix, il remédie à tous les maux qu’ils lui font ou écarte tous ceux qu’ils veulent lui faire (la puissance de saint Benoit contre le diable est perpétuée dans la médaille qui porte son nom, et qui a mérité d'être appelée chasse-diable. Les missionnaires de tous ordres se complaisent à rapporter les merveilleux effets opérés par cette médaille dans les contrées païennes, où l'action diabolique est souvent tangible).
Parfois il contraint le diable à se dévoiler. Il le fait voir à un moine qui à toute force voulait quitter le monastère, sous la forme d’un dragon prêt à le dévorer. Une autre fois, chose curieuse ! il aperçoit l’esprit infernal déguisé en médecin, monté sur une mule et se dirigeant vers le monastère. Avant que le saint ait eu le temps de prendre ses précautions contre cette agression bizarre, l’irréconciliable ennemi rencontre un vieux moine en train de puiser de l’eau, entre dans son corps, le jette à terre et le tourmente horriblement. Saint Benoît accourt, il donne un soufflet au moine, ou plutôt au diable en la personne du moine, et il le chasse instantanément.
Il y aurait bien des réflexions intéressantes à faire sur ces récits dont l’authenticité n’est pas contestable. Non seulement saint Benoît voit le diable dans une réalité objective, mais il le force parfois à prendre une réalité objective. Nous rencontrons plusieurs fois ce phénomène dans la vie des saints. — Sa manière aussi de chasser le diable est très suggestive. Le saint frappe de quelques coups de verge ou d’un soufflet le moine obsédé ; et l’esprit de malice déguerpit, comme s’il était lui-même battu ou souffleté.
Saint Grégoire, en ses Dialogues (lib. III), rapporte un fait qui se passa en sa présence. Il réconciliait une église qui avait été polluée par la présence des ariens hérétiques. Durant la cérémonie, les assistants sentirent très distinctement comme un pourceau qui courait de-ci de-là et qui gagnait la porte en menant un grand bruit. Ils ne virent rien, mais ils entendirent et sentirent. C’était, dit saint Grégoire, l’esprit immonde, qui était contraint de fuir l’église réconciliée.
Les leçons de l’office de saint Agathon, pape, mentionnent des apparitions publiques du diable à Rome, lors d’une grande peste qui éclata sous son pontificat (678-681). Voici le fait, tel qu’il est raconté par Paul Diacre, auteur estimé. « Durant l’épidémie, beaucoup de personnes virent très nettement un ange et un démon qui de nuit parcouraient la ville ; au commandement de l’ange, le démon frappait certaines portes d’un épieu qu’il tenait à la main ; et à chaque coup répondait pour le jour suivant la mort d’un des habitants des maisons ainsi désignées. Il fut alors révélé que la peste ne cesserait que par l’érection d’un autel à saint Sébastien dans la basilique de Saint-Pierre-ès-liens. » (À et. SS. Jan., t. II, p. 624.)
On dira peut-être que l’imagination frappée des Romains leur a fait croire à des apparitions qui n’existaient pas. Je réponds que la mort des habitants dans les maisons désignées n’était pas une affaire d’imagination.
Qu’on veuille bien lire, dans M. l’abbé Ribet, les horribles infestations diaboliques, dont saint Gutlac, moine en Angleterre vers la fin du septième siècle, fut l'objet. Elles renchérissent encore sur les tentations de saint Antoine. (Act. SS. Ap. t. I, p, 41.) — Le même auteur mentionne, comme antagoniste du diable, saint Oswald, archevêque d’York, contemporain et ami de saint Dunstan au dixième siècle : l’esprit mauvais lui apparaît sous toute espèce de formes ; à la fin, il se transfigure en ange de lumière, mais le saint découvre l’illusion et le chasse d’un signe de croix. (Act. SS. Feb., t. III, p. 758.)
À cette même époque, dixième siècle, Dieu suscita saint Romuald, fondateur des moines camaldules. Sa vie a été écrite par saint Pierre Damien, docteur de l’Église, sur la relation de ses disciples les plus recommandables. J’en détache la page suivante relative aux luttes du saint avec les démons.
« Un soir, tandis qu’il psalmodiait complies, les esprits de malice entrent avec un fracas soudain dans sa cellule, le jettent par terre et le rouent de coups. Romuald soupire vers le ciel : Ô cher Jésus, ô bien-aimé Jésus, m’avez-vous abandonné ? À cette invocation, les esprits méchants sont mis en fuite ; une suavité pénétrante d’amour divin remplit le cœur du saint, qui se trouve réconforté et guéri. Il se lève de terre, et reprend le verset de complies qu’il avait interrompu. Toutefois le sang coulait de son front, car les démons y avaient fait une blessure en le heurtant avec la fenêtre de sa cellule, et toute sa vie, il en garda la cicatrice. » — Bien des fois par la suite, saint Romuald revit les démons sous des formes visibles. Ils se tenaient à sa fenêtre, avec l’apparence de corbeaux affreux ou de vautours, qui semblent guetter un cadavre ; ils se présentaient à lui comme des géants monstrueux à la peau noire. Le serviteur de Dieu les provoquait, leur reprochait leur faiblesse et leur lâcheté ; ils s’enfuyaient alors, comme s’il leur eût décoché des flèches. (Act. SS. Feb., t. II, p. 110-111.)
Saint Pierre Damien a également écrit la vie de saint Odilon, abbé de Cluny, son contemporain. Il raconte que le saint abbé entrant en agonie, le diable osa lui apparaître ; mais le moribond chassa avec force l’esprit infernal, en le menaçant du jugement de Jésus-Christ. (Act. SS. Jan., t. I, p. 76.)
À saint Odilon succéda comme abbé de Cluny saint Hugues, dont l’influence sur son époque fut considérable. Il eut comme narrateurs de sa vie les prélats les plus fameux, Hildebert, évêque du Manset Raynald, archevêque de Lyon. Ce dernier raconte que saint Hugues fut appelé auprès du pape Étienne IX, alors qu’il se mourait à Florence. Or, un jour que le saint abbé était absent, le diable se montra aux regards du Pontife et le glaça d’effroi : au retour de saint Hugues, l’horrible vision disparut. Aussi Etienne IX exigea que l’abbé de Cluny ne le quittât plus un seul moment, et il mourut entre ses bras en odeur de sainteté et en réputation de miracles. (Act. SS. Ap., t. III, p. 657.)
Une autre fois saint Hugues fut convoqué à un concile réuni à Autun. Il s’agissait de soustraire Hugenon, évêque de ce siège, à la tyrannique rapacité de Robert, duc de Bourgogne. Les évêques étant réunis, saint Hugues fut délégué auprès du duc, qu’il ramena à des sentiments pacifiques. On lui demanda alors de haranguer la foule qui était là. En commençant son discours, le saint abbé fait cette objurgation : S'il y a ici des ennemis de la paix, au nom du Dieu tout-puissant, je leur commande de se retirer ! Il avait à peine achevé ces mots, qu’un géant d'aspect terrible quitte l’assemblée, suivi d’une troupe de satellites. Nul des assistants ne connaissait aucun de ces gens-là. On demeura convaincu qu’ils n’étaient autres que des démons, lesquels, frappés par l’objurgation du saint, avaient quitté l’assemblée où ils semaient la discorde. (Loco citato, p. 667.)
La longue vie de saint Hugues nous amène jusqu’aux temps de saint Bernard. — On ne voit pas que ce grand saint ait eu des visions corporelles du diable. Son historien Guillaume raconte qu’étant à l’extrémité dans une maladie qu’il fit, et chacun attendant son dernier soupir, il fut transporté en esprit au tribunal de Dieu, où le diable comparut en posture d’accusateur ; mais le saint le réduisit au silence par ses réponses. (Sti. Bern. Vita, lib. I auctore Gugliel., c. XIII) Évidemment tout ceci se passa invisiblement et spirituellement.
Maintes fois, dans ses sermons, le saint abbé de Clairvaux prémunit ses enfants contre les surprises du diable. Au sermon vu sur le psaume qui habitat, il fait allusion aux apparitions physiques de Satan.
« Si Dieu, dit-il, permettait à un de ces princes des ténèbres de faire irruption parmi vous avec toute sa rage, et dans l’énormité de son corps ténébreux, qui donc pourrait supporter cette vue et des yeux et du cœur (1) ? Il y a quelques jours, vous vous en souvenez, l’un d’entre vous fut réveillé dans son sommeil par une vision fantastique si forte, qu’il put à peine de toute la journée reprendre ses sens et retrouver sa tranquillité d’esprit. Et vous avez tous été saisis de crainte, quand ce pauvre frère épouvanté poussa une épouvantable clameur. » En ce passage, saint Bernard donne clairement à entendre que seule l’imagination du frère fut frappée ; mais il constate que le diable peut apparaître et apparaît quelquefois corporellement.

(1) Il résulte de ce passage que Dieu ne permet pas au démon d'apparaître indifféremment à toute sorte de personne, et que rares sont les âmes capables de supporter une vision aussi monstrueuse. Bien des saints ont attesté qu'il y avait de quoi mourir de peur. Une simple hallucination, venant d'un cerveau faible, ne saurait produire des effets aussi terrifiants, aussi foudroyants.


Relaterai-je, en terminant cette partie de mon étude, un trait de la vie de saint Étienne, évêque de Die, chartreux, qui vécut de l’an 1150 à l’an 1208 ? (...) Voici le fait. Le saint ne pouvait amener son peuple à l’exacte observation du repos dominical. Un jour, dans une grande assemblée, il pria Dieu de faire voir à ses diocésains les esprits de malice qui les excitaient à travailler le dimanche. Aussitôt apparurent publiquement de tous côtés des formes hideuses de démons. Le peuple s’exclama d’épouvante, se signa tout affolé, et finalement se rendit aux exhortations du saint. (Act. SS. Sept., t. III, p. 186, 191.)
Ceci rappelle un trait analogue de saint Robert, fondateur et abbé de la Chaise-Dieu au onzième siècle. Passant dans la campagne un dimanche, il vit une femme qui ramassait des légumes, et près d’elle un démon qui la stimulait à ce travail. Il s’exclama : Oh ! quel horrible compagnon hante cette malheureuse ! — Et depuis lors, observe son historien, Marbode, évêque de Rennes, le saint tonna avec plus de force encore, dans ses prédications, contre le travail du dimanche. (Act. SS. Àp., t. III, p. 329.)

(...)

La vie du fondateur illustre des Frères-Prêcheurs, saint Dominique, ne nous offre pas beaucoup de notables apparitions du diable. Néanmoins il eut des luttes à soutenir contre l’esprit des ténèbres.
On montre à Sainte-Sabine, sur l’Aventin, un énorme caillou incrusté dans le pavé de l’église, qui, d’après la tradition, fut lancé par le diable au saint pendant qu’il était en oraison. Satan d’ailleurs, est coutumier du fait : nous lisons, dans la vie de saint Dunstan, archevêque de Cantorbéry, qu'il tenta également de le lapider durant sa prière.
Entre autres phénomènes diaboliques racontés dans la vie de saint Dominique, voici un fait très remarquable qui arriva pendant ses prédications ; il est relaté parle vénérable Humbert de Romans, cinquième général de l’ordre des Frères-Prêcheurs, et reproduit par l’historien officiel du saint, Thierry d’Appolda.
« Étant à Fanjou (Fanum Jovis, près de Toulouse), le bienheureux Dominique, après avoir prêché la foi catholique et réfuté l’hérésie, s’était retiré à l’église pour y prier. Neuf femmes du pays, de condition noble, vinrent l’y trouver. Elles se jetèrent à ses pieds en lui disant : Aidez-nous, serviteur de Dieu ! Si ce que vous avez dit est vrai, l’esprit d'erreur nous a aveuglées. Vous nous avez ébranlées. Priez Dieu qu’il nous fasse connaître la vraie foi, dans laquelle nous voulons vivre et mourir pour être sauvées. — Tout en continuant à prier en lui-même, après un moment de silence, le saint leur répondit : J’ai confiance que Dieu, qui ne veut la perte de personne, va vous montrer à quel maître vous vous étiez attachées. — À ces mots, elles virent bondir du milieu d’elles, un chat horrible de la taille d’un gros chien, les yeux rouges comme de la braise, la langue tendue quasi d’un demi-pied et toute sanguinolente, la queue courte et redressée, exhalant une odeur intolérable. Après avoir couru çà et là pendant quelque temps, sur un commandement du saint, il bondit après la corde de la cloche qui pendait au milieu de l’église et disparut par le trou donnant dans le clocher. — Voilà, dit Dominique, qui représente sensiblement à vos yeux le maître auquel vous, aviez donné votre foi. — Et les neuf personnes, rendant grâces à Dieu, se convertirent, et plusieurs prirent l’habit religieux à Notre-Dame de Prouille. »
Ce fait est très digne d’attention. Il se produit devant neuf personnes, il amène leur conversion à toutes, il décide l’entrée de plusieurs en religion ; enfin l’une d’elles, Bérengère, encore vivante au moment du procès de canonisation de saint Dominique, en dépose sous la foi du serment, et sa déposition nous a été conservée. Il est difficile de trouver un fait mieux attesté et plus convaincant. (Act. SS. Aug., t. I, p. 567-643.)

Le frère d’armes de saint Dominique, saint François d’Assise, eut à soutenir contre les démons des combats plus terribles encore. Voici quelques extraits de sa vie, écrite sur des documents contemporains, par le P. Candide Chalippe, récollet :
« En l’année 1211,1a ville d’Arezzo se trouvait extrêmement agitée de dissensions intestines. François, étant logé dans un faubourg, vit sur la ville une foule de démons qui excitaient les citoyens à s'entr’égorger. Pour mettre en fuite ces malins esprits, il envoie Silvestre comme son héraut, et lui donne cet ordre : Allez-vous-en devant la porte de la ville, et de la part du Dieu tout-puissant, commandez aux démons, en vertu d'obéissance, de se retirer immédiatement. Et ils disparurent. » (T. 1er, liv. II, p. 137.)
Cette vision à la rigueur pourrait être réputée imaginative ; le trait suivant est absolument positif et réel.
« Un soir, François se retira dans une église abandonnée. Les démons employèrent toutes sortes d'artifices pour troubler son oraison. Puis ils l'attaquèrent en sa propre personne, comme saint Athanase le raconte de saint Antoine. Plus ils le secouaient, plus il s'appliquait à prier. Alors ils se jetèrent sur lui avec plus de fureur, ils le poussèrent rudement de tous côtés, le traînèrent sur le pavé et le chargèrent de coups. Le matin, le saint ne put dissimuler à ses compagnons ce qui lui était arrivé : l'extrême faiblesse où il était l’obligea de consentir à ce qu'ils allassent au village voisin lui chercher une monture pour l'amour de Dieu. » (T. Ier, liv. h, p. 191-192.)
Saint Bonaventure, observe l'auteur, déclare que saint François fut souvent tourmenté de la sorte par les démons.
Les principaux disciples de saint Dominique et de saint François n’échappèrent point aux infestations diaboliques.
La vie du bienheureux Jourdain de Saxe, deuxième général de l’ordre des Frères-Prêcheurs, signale deux apparitions du diable, évidemment extérieures, sous des apparences fallacieuses (Une première fois, il est vu par un religieux ; une seconde fois, il apporte au bienheureux du pain et du vin (Act. SS. Feb., t. II, p. 730.)).
L’esprit mauvais ose se présenter à la porte de la cellule de saint Thomas d’Aquin, sous les traits d’un Ethiopien hideux. (Ad. SS. Mart., t. l,p. 174.)
Saint Vincent Ferrier. raconte à l’un de ses confidents qu’un jour un démon, se déguisant en vieillard vénérable, lui avait tenu des propos insidieux pour l’engager à diminuer ses austérités : démasqué par le serviteur de Dieu, il s’était évanoui en poussant un grand cri, et en laissant après lui une puanteur intolérable. (Ad. SS. Ap., t. 1, p. 486.)
Du côté de saint François, je pourrais citer bien des saints, bien des pieuses vierges, que le diable essaya de réduire par la violence. Je me borne au grand saint populaire, saint Antoine de Padoue. Les grottes de Brives, but d’un célèbre pèlerinage, rappellent un assaut furieux dont l’illustre thaumaturge fut l’objet de la part du diable. Il priait dans l'une de ces grottes, quand l’esprit de malice se présenta à ses regards, puis bientôt après se jeta sur lui avec rage. Il le serrait à la gorge, quand le saint invoqua Marie par ces mots qui étaient familiers : Ô gloriosa domina ! La sainte Vierge apparut, portant l’enfant Jésus, à son fidèle serviteur ; et le diable s'évanouit. C’est en souvenir de cet événement que la sainte Vierge est honorée, dans les grottes de Brives, sous le nom caractéristique de Notre-Dame de Bon-Secours.
La vie de saint Antoine mentionne encore d’autres apparitions de l’esprit mauvais. Un jour, ceci se passe au diocèse de Limoges, les démons essaient de détourner les frères de l’oraison, en se montrant à eux comme une bande de pillards qui ravagent le champ du voisin : saint Antoine les rassure et dissipe l’illusion. — Une autre fois, le saint prêchait. Soudain un courrier arrive avec fracas, et porte ostensiblement à une dame qui était au sermon la nouvelle de la mort de son fils. Saint Antoine, qui n’a rien pu entendre, s’arrête, et s’adressant à la dame : « Ne craignez rien, lui dit-il, la nouvelle est fausse, votre fils est vivant, celui qui est venu est un démon qui se propose de troubler ma prédication. » Tandis qu’il parlait ainsi, le prétendu courrier disparut on ne sait comment. (Act. SS. Jan., t. III, p. 218.)
Je prends les saints dominicains et franciscains, parce que sur la fin du moyen âge ils remplissent l’Église de Dieu de l’éclat de leurs vertus. Les saints appartenant à d’autres ordres, aux treizième et quatorzième siècles, ne furent pas épargnés par l’ennemi de tout bien. Dans l’ordre de Saint-Benoît, saint Silvestre, fondateur des moines silvestrins, fut précipité par le diable du haut d'un escalier, et il se fût tué sans le secours de la très sainte Vierge ; le bienheureux Bernard Toloméi, fondateur des moines olivétains, fut plusieurs fois assailli et battu par les esprits infernaux. Dans l’ordre de Saint-Augustin, saint Nicolas de Tolentino eut à subir des violences semblables à celles dont saint Antoine fut l’objet ; et les leçons de son office, quoique très succinctes, font mention de ces luttes, après lesquelles le saint restait brisé, et devait être relevé et soigné par ses frères.

Sur la fin du quatorzième siècle, naquit à Rome sainte Françoise, dite sainte Françoise Romaine, surnom caractéristique, car on retrouve en elle la constance et la force d’âme du patriciat romain. Elle est célèbre dans l’Église par l’assistance visible d’un ange, et par ses luttes quasi quotidiennes avec l’esprit des ténèbres qui font de sa vie très innocente un long martyre. La substitution de l’innocent au coupable, depuis la Rédemption de Notre-Seigneur, est la grande loi du monde moral.
Venue au monde dans un temps calamiteux, où le désordre était partout, sainte Françoise fut une victime. Dieu permit au démon de se déchaîner contre elle, et de lui faire payer quelque chose de la rançon des pécheurs. Le récit de tous les phénomènes surnaturels, qui se sont succédé sans interruption en cette sainte, nous a été transmis par son confesseur Don Jean Mattiotti, curé de Sainte-Marie du Transtévère. C’était un caractère timide et très réservé : il fallut toute l’évidence des faits pour le convaincre des voies extraordinaires par lesquelles Dieu faisait marcher sa pénitente. Les apparitions diaboliques, dont est remplie la vie de sainte Françoise, offrent cette progression, cette stratégie, que faisait remarquer saint Antoine à ses disciples.
Tout d’abord le diable se présente sous des dehors inoffensifs et en quelque sorte indifférents. C’est un faux ermite qui frappe à la porte du palais Ponziani où habitait la sainte, et engage un colloque avec Paolucci, son beau-frère ; c’est un vieillard qui l'accoste dans les rues de Rome, où l’accompagne sa belle-soeur Vannosia. Une nuit, l’esprit des ténèbres ose lui apparaître sous l’aspect d'un jeune homme ; Françoise éveille son mari, et le fantôme disparaît.
Ensuite viennent les menaces, et des scènes horribles. Une nuit, le diable transporte la sainte sur une loggia, et fait mine de la précipiter sur la voie publique. Une autre nuit, il ne craint pas d’apporter dans sa chambre un cadavre infect, et il la roule dessus, de sorte que les vêtements de la sainte gardèrent une puanteur que rien ne put faire complètement disparaître.
Plus tard je lis le récit de plusieurs tentations insidieuses. Le grand séducteur revêt l’image du Sauveur des hommes ; il vient à Françoise sous les traits de son confesseur, le curé Mattiotti ; il se déguise en ange de lumière ; il tente d'orgueil l’humble matrone, elle voit quatre démons s’agenouiller devant elle en protestant qu'elle est une grande sainte.
Enfin ce sont des coups et des violences. Celles-ci commencent au palais Ponziani, où la sainte demeurait avec son mari, son fils, sa belle-fille et quelques compagnes fidèles ; elles continuent au monastère de la Tour des Miroirs, qu’elle avait fondé, et où elle se retira après la mort de son mari. Toutes les personnes qui cohabitent avec elle entendent le bruit des terribles flagellations que le démon lui inflige. Mabilia, sa belle-fille, la trouve jetée dans la ruelle de son lit, et impuissante à se mouvoir. Rita, sa confidente, la relève toute livide, les cheveux en désordre, les vêtements souillés, la bouche pleine de cendre ; car les démons l’avaient roulée dans la cendre, et lui en avaient rempli la bouche comme pour l’étouffer. « Les procès de canonisation, dit un récent historien de la sainte, sont pleins des dépositions des oblates de la Tour des Miroirs relatives à ces faits. Elles rapportent qu’elles trouvèrent souvent leur sainte mère jetée à terre, la figure sur le pavé, la coiffure arrachée et introuvable ; que ses vêtements étaient tout déchirés, et son corps couvert de meurtrissures livides ; qu’elles la virent même frappée sous leurs yeux et toute frissonnante sous les coups. Les vieilles fresques de Tor de Specchi représentent quelques-unes de ces luttes mystérieuses (Vie de sainte Françoise Romaine, par Dom Rabory - Liv. III, ch. iv, p. 559). »
Comment éluder la force de semblables témoignages ? Les filles spirituelles de sainte Françoise ne voient pas le diable ; mais elles voient leur mère dont le corps tressaute sous les coups redoublés de nerf de bœuf que lui portent des mains invisibles. Aux signes avant-coureurs de ces assauts terribles, la sainte essaie de renvoyer ses chères oblates : « Ne restez pas ici, » leur commande-t-elle. Interrogée, elle tâche de détourner la question. Poussée à bout, elle avoue qu’elle a le diable devant les yeux sous une forme terrifiante, et que cette vue lui est un supplice plus affreux que tous les coups dont il la martyrise. « Je me jetterais, dit-elle, dans une fournaise, pour ne pas le voir. »

Contemporaine de sainte Françoise, quoique plus jeune qu’elle, sainte Colette eut pour mission de réformer l’ordre de saint François d’Assise. C’est une sainte Thérèse française. Sa vie fut écrite par son confesseur, auquel elle ne cachait rien des phénomènes surnaturels dont elle était l'objet. Cette vie renferme un chapitre intitulé : De la cruelle persécution des démons. Il faudrait le lire en entier.
Les démons lui apparaissent sous toute espèce de formes. Parfois ils font mine de se jeter sur elle comme des lions et des serpents. D'autres fois ils la molestent, en remplissant sa cellule de fourmis, de mouches importunes, et même de limaçons et d’escargots. Enfin ils la battent, avec des bâtons longs et noueux, qui semblent lui broyer les os. Ces bâtons leur servent aussi d’instruments pour faire du vacarme durant son oraison. Ils sont si peu imaginaires, qu'on en a trouvés épars dans sa cellule ou son oratoire.
J’arrive à un phénomène plus extraordinaire encore.
« Une chose remarquable, dit le biographe de la sainte, c’est que, pour des raisons connues de Dieu et d'elle seule, elle eut la faculté de faire voir à plusieurs de ses confesseurs ces formes hideuses de démons. Ceux-ci, en les voyant, n’en conçurent ni crainte ni angoisse, tranquillisés qu'ils étaient par la présence de la sainte mère. Et toutefois la vision était si horrible, qu’ils l’estimaient capable de leur faire perdre l’esprit, si elle s’était présentée à leurs regards en l’absence de la sainte. Une première fois, l'un des confesseurs vit un lionceau tout noir, qui était d’abord immobile, puis qui se mit à aller et venir. Une autre fois, ce fut un grand serpent, hideux au-delà de toute expression, qui se tenait entre la sainte mère et lui. » (Act. SS. Mart., t. I, p. 571.)
Inutile d’insister sur la réalité de ces apparitions. Elles nous confirment dans ce sentiment que, si elles frappent les regards des grands serviteurs ou insignes servantes de Dieu, c’est que seuls ils ont assez de force d’âme pour les supporter. Aux petits, aux faibles, Dieu, comme un bon père, épargne ces visions qui les rendraient fous, ou les feraient mourir de saisissement.

Il est une sainte, devant laquelle tous les fronts s'inclinent, (...) c’est sainte Thérèse. L’Église a déclaré sa doctrine vraiment céleste. Elle est universellement reconnue comme la maîtresse des voies mystiques. Nul mieux qu’elle n’a distingué spéculativement et pratiquement, les différents genres de visions, intellectuelles, imaginatives, et objectives ou physiques.
Il est clair que le témoignage de sainte Thérèse est d’un très grand poids. A-t-elle vu le diable ? Écoutons sa réponse. « Je l'ai vu, dit-elle, rarement sous quelque figure, mais il m’est apparu très souvent sans en avoir aucune, comme il arrive dans les visions intellectuelles, où, ainsi que je l’ai dit, l’âme voit clairement quelqu'un présent, bien qu’elle ne l’aperçoive sous aucune forme (M. l’abbé Ribet remarque très judicieusement que le diable ne peut apparaître intellectuellement par lui-même ; c'est Dieu qui le manifeste de cette manière. Les apparitions intellectuelles sont du ressort divin). » Je l'ai vu rarement sous quelque figure, mais je l’ai vu. Cette affirmation de la vierge d’Avila est d’autant plus caractéristique, qu'elle est plus sobre, et quelle démêle mieux l’intellectuel de l’imaginaire et du réel. (Sa vie, ch. XXXI)
Sainte Thérèse, apercevant le diable sous une figure, l’a-t-elle vu en imagination seulement, ou bien par une réalité externe et physique ? Les extraits suivants vont répondre, en ne laissant subsister aucun doute sur l’extériorité de l'apparition.
Au chapitre xxviii de sa vie écrite par elle-même, la sainte déclare que trois ou quatre fois le diable essaya de contrefaire à ses yeux Notre-Seigneur, « mais, ajoute-t-elle, s’il peut prendre la forme d'un corps qui serait de chair, il ne saurait contrefaire cette gloire qui resplendit dans le corps de Notre-Seigneur quand il se montre â nous. »
Au chapitre xxxi de la même autobiographie, elle détaille plusieurs apparitions du diable sous une forme effrayante. « Je me trouvais un jour dans mon oratoire, lorsqu'il m'apparut, à mon côté gauche, sous une forme hideuse. Pendant qu’il me parlait, je remarquai particulièrement sa bouche, elle était horrible. De son corps sortait une grande flamme claire (Saint Benoît le Toit comme tout incandescent) et sans mélange d’ombre. Il me dit d’une voix effrayante que je lui avais échappé, mais qu’il saurait bien me ressaisir. Ma crainte fut grande, je fis comme je pus le signe de la croix : il disparut, mais il revint aussitôt. Mis en fuite par un second signe de croix, il ne tarda pas à reparaître. Je ne savais que faire ; enfin je jetai de l’eau bénite du coté où il était ; et il ne revint plus. »
Une autre fois, la sainte raconte que, sans se faire voir, il la tourmenta par des douleurs si étrangement terribles, par un trouble si affreux d’esprit et de corps, qu’elle se voyait à bout de résistance. Elle s'abandonna, par un acte héroïque, au bon plaisir de Dieu, pour souffrir ainsi, s’il y allait de sa gloire, jusqu’à la fin du monde. Alors Dieu lui révéla son persécuteur. « J’aperçus près de moi, dit-elle, un négrillon (Il apparaît à saint Antoine et à saint Benoît sous cette forme qui trahit son impuissance avec sa méchanceté), d’une figure horrible, qui grinçait des dents, désespéré d’essuyer une perte là où il croyait trouver un gain. » — Une autre fois encore les mêmes attaques se renouvelèrent. La sainte chassa le diable avec de l’eau bénite ; en ce moment, deux religieuses, qui entraient dans sa cellule, sentirent une odeur très mauvaise comme de soufre.
Encore deux citations. « Je crus une nuit que ces maudits esprits allaient m’étouffer ; on leur jeta beaucoup d’eau bénite, et j’en vis soudain fuir une multitude, comme s’ils se précipitaient du haut d’un rocher. Une autre fois, je disais quelques oraisons fort dévotes, quand le démon se mit sur le bréviaire pour m’empêcher d’achever. » Le signe de croix le fit disparaître, à deux reprises il revint ; l’eau bénite le chassa définitivement (Sainte Thérèse exalte la puissance de l'eau bénite. Le signe de croix chasse le diable, mais il revient. L'eau bénite le fait disparaître pour tout de bon, et pour ainsi dire nettoie la place).

Aux cotés de sainte Thérèse apparaît l’héroïque saint Jean de la Croix, son collaborateur. D’après sa vie écrite avec tant de piété sur les documents contemporains parle Père Jérôme de Saint-Joseph, il fut la terreur des démons, et mérita pour cela d’être appelé un nouveau Basile.
Le démon lui dressa des embûches dès son bas âge. « Le vénérable François de Yépez, son frère, rapporte que, dans leur première enfance, un jour qu'ils se trouvaient tous deux accompagnés de leur mère aux abords de la ville de Médina, un monstre horrible sortit soudain d’une mare voisine, et se dirigea vers le petit Jean la gueule ouverte, comme pour l’avaler. Mais lui, sans s’émouvoir, se défendit avec le signe de la croix, et le monstre disparut aussitôt. »
Plus tard on ne voit pas que le démon ait apparu au saint sous des formes effrayantes. Mais on lit les deux traits suivants qui sont extrêmement curieux et très significatifs.
Une religieuse d’Avila fut tentée par d’horribles pensées de blasphème et d'impureté. Le saint entreprit de la soulager en cette redoutable épreuve. Que fit le démon ? Il eut l’audace de se présenter à la pauvre religieuse sous la figure de Jean de la Croix, afin de la jeter dans le désespoir par des remontrances sévères. Le saint, quoique absent, fut averti miraculeusement du piège, et il le déjoua. Le démon ne se tint pas pour battu ; il contrefit l’écriture et la signature de l’homme de Dieu, et fit parvenir à la religieuse un billet plein d’insinuations perfides. Saint Jean de la Croix, pressé par un avertissement intérieur, accourut près de sa brebis en danger, et se fit remettre le billet qui était bien digne de celui que Tertullien appelle le grand faussaire (lnterpolator naturæ. Tert. De cultu foemin, in fine.). Il détrompa la religieuse, et grâce à des exorcismes, la délivra à tout jamais des infestations démoniaques.

(...)

« (Saint) Jean de Dieu passait la nuit en prière, quand un de ses serviteurs, qui couchait dans la chambre voisine de la sienne, l’entendit qui poussait de profonds gémissements, comme s’il luttait contre quelqu’un. Il accourut à ce bruit insolite, et il trouva le saint à genoux, tout inondé de sueur, qui s’exclamait : Jésus, délivrez-moi de la puissance du diable, Jésus, restez avec moi ! En ce moment, le serviteur, regardant à la fenêtre, y vit comme une bête fauve d’aspect horrible qui semblait avoir été expulsée de la chambre du saint. Épouvanté, il éveilla les autres serviteurs : « Ne voyez-vous pas, leur dit-il, le démon qui semble jeté par la fenêtre, et qui vomit des flammes ? » Ils ne virent rien, mais ils relevèrent Jean de Dieu tout brisé et tout couvert de meurtrissures ; et ils le mirent sur son lit où il dut rester pendant plusieurs jours. »
Le diable apparut encore au saint sous diverses formes : d’une femme., qui se glisse dans sa cellule ; d’un porc, qui se jette sur lui, le fait tomber, et le traîne dans une eau fangeuse ; d’une chouette, qui cherche à le troubler dans son oraison, en faisant mine de sucer l’huile de la lampe du sanctuaire.
Voici une apparition dont la réalité physique n’est pas niable.
« Ce n’est pas seulement chez lui, mais dehors, que le démon harcelait Jean de Dieu, raconte son biographe. Une nuit, il heurta un pauvre qui gisait dans la rue ; c'était une sorte de monstre, les bras et les jambes démesurément longs, la tête pelée et d’un rouge ardent. Sans s’arrêter à ces singularités, n’écoutant que son bon cœur, le saint demande au pauvre s’il veut aller à l’hôpital. « Je ne puis marcher, dit le pauvre, il faudrait m’y transporter. » Jean le charge sur ses épaules ; mais, après quelques pas, il s’arrête épuisé ; la sueur ruisselle de tous ses membres. Jésus, s’exclame-t-il, venez à mon secours ! À ce mot, le prétendu pauvre bondit et disparait avec un bruit strident. — Le diable, observe le narrateur, voulait sans doute, en usant de ce prestige, détourner Jean de Dieu de porter les pauvres sur ses épaules ; mais ce fut en vain ; car les vrais pauvres ne fatiguèrent jamais ce tout charitable saint. » (Ad. SS., Mart., t. I, p. 827-842.)
Je passe à saint Philippe de Néri. Nombreuses sont les agressions du diable contre lui ; je détache quelques fragments des récits des Bollandistes.
« Tandis que le saint vivait à l’hôpital de la Charité, il commanda à l’un de ses disciples d’exorciser une femme possédée. Le démon furieux lui apparut la nuit suivante sous un aspect terrible, et remplit sa chambre d'une telle puanteur, qu’elle fut très longtemps à se dissiper.
« Un jour, il prêchait dans la chapelle de l’hôpital. Tout d'un coup il s’interrompit : « Mes frères, dit-il, un démon veut faire irruption parmi nous ; à genoux, et en prière ! » S'agenouillant lui-même, et traçant le signe de la croix contre l'infernal ennemi, il s’écria : Tu n'entreras pas ! À ces mots, le diable disparut et le saint reprit sa prédication.
« Un jour, le Père Philippe descendait de l’église. L’exécrable ennemi se présenta à lui sous l’aspect d’un enfant de six à sept ans, qui pressait un linge contre sa bouche, et semblait se moquer de lui. Le saint l’incrépa d’un visage sévère, et il s’évanouit comme une fumée. Galloni était avec lui. Philippe lui demanda s’il avait vu l’enfant ; sur sa réponse affirmative, « sachez, lui dit-il, que ce n’était pas un enfant, mais un démon qui méditait quelque mauvais coup. »
(...)
Un jour, près du Colisée, trois démons assaillirent le saint, et l’eurent mis à mal, s’il n’eût invoqué la sainte Vierge.
Quand on songe que ces faits se sont produits en pleine ville de Rome vis-à-vis d’un saint qui était en rapport intime avec le pape et les cardinaux aussi bien qu’avec le menu peuple, qu’ils ont été contrôlés minutieusement au moment de sa canonisation après avoir été surabondamment attestés, on se demande quelle garantie plus grande on pourrait avoir de leur authenticité.

(...)

Le continuateur du P. Giry raconte ce qui suit du R. P. Jérôme d’Estienne, mort en Provence l’an 1712 en odeur de sainteté, religieux de l’ordre des Minimes.
« Les démons ont exercé sur son corps la plus cruelle tyrannie. Il passait quelquefois les nuits entières à combattre, par l'oraison et la patience, contre les puissances infernales. Des témoins, qui avaient ouï les coups qu’il avait reçus, lui demandèrent un jour ce qui s’était passé dans sa chambre.
« Je crois, répondit-il, que tous les démons de l’enfer sont venus me visiter cette nuit... » — D’autres témoins l’ont entendu s’écrier, dans ces combats nocturnes, en s'adressant aux démons : « Si mon Dieu vous le permet, frappez, déchargez sur moi votre colère, meurtrissez tous mes membres, brisez mes os, répandez mon sang... Oui, si c’est par son ordre, ne m’épargnez pas (Supplément à la Vie des Saints, du P. Giry, 4e volume). »

(...)

(Après celles dirigées contre Sainte Véronique Giuliani) Plus violentes encore et non moins insidieuses furent les attaques de l’esprit mauvais dirigées contre la vénérable Claire-Isabelle Fornari, Clarisse du couvent de Todi, morte en odeur de sainteté l’an 1744.
« Furieux des nombreuses conversions qu’elle opérait, l’ennemi de tout bien essaya premièrement de la jeter dans le découragement et le désespoir. Tentations, angoisses intérieures, violences extérieures, tout fut employé par lui pour vaincre cette humble vierge. Cette lutte dura plusieurs années. Les démons accablaient de coups la servante de Dieu et la précipitaient parfois du haut des escaliers du monastère : mais la sainte fille se relevait sans avoir éprouvé aucun mal.
D’autres fois, ils lui apparaissaient sous des formes effrayantes ; ou même, se transformant en anges de lumière, ou prenant les traits de ses directeurs. Ils cherchaient à lui persuader des doctrines contraires à la foi. L’enfer semblait avoir reçu tout pouvoir de la faire souffrir, excepté celui de la tenter à l’endroit de la chasteté. Toutes ces luttes et ces combats ne servirent qu’à faire éclater davantage la puissance de la grâce divine, et le démon dut se retirer couvert de honte et de confusion. Ne pouvant ébranler sa foi et sa confiance en Dieu, les anges maudits essayèrent de la perdre dans l’esprit de ses supérieurs : l’évêque reçut plus d'une fois des lettres remplies de calomnies à son adresse, et les démons furent obligés d’avouer qu’ils en étaient les auteurs (Vie des Saints du Pèlerin, n° 774). »

(...)

Carmelo Falco était un opulent propriétaire des environs de Nicosie. Une violente épidémie se déclara dans une de ses bergeries située dans la haute montagne. Il demanda un père capucin pour donner une bénédiction préservatrice à son bétail. Le père arriva suivi de frère Félix et se rendit sur les lieux. Or, parmi les bergers, on avait reçu récemment un jeune étranger qui se faisait nommer Agostino, qui était d’une force extraordinaire, mais d’allures suspectes en fait de religion.
La bénédiction donnée, maître Falco voulut servir une collation aux deux religieux : frère Félix demanda à ce que les bergers y prissent part ; sa requête fut accueillie avec empressement, et bientôt tous se trouvèrent réunis autour des pères, sauf toutefois le mystérieux Agostino. On le chercha de tous côtés, il s’était caché ; on le découvrit enfin, mais il refusa de quitter sa cachette. Informé de cette résistance, le bienheureux Félix s’écria : « Eh bien, moi, je vous dis que Dieu va le contraindre à venir et à dire ce qu’il est ! » Alors il se passa une scène extraordinaire. Se transportant près d’Agostino, le serviteur de Dieu lui jette l’extrémité de la corde, qui sert de ceinture aux capucins, sur les épaules, et l’y maintenant, lui dit d’un ton solennel : « Au nom de Dieu, suis-moi ! » L’autre suit, comme s’il eût été attaché ; mais il marchait sur ses pieds et sur ses mains à la façon des bêtes, et il faisait, pour résister à la force spirituelle qui l’entraînait, les mêmes contorsions que fait un animal furieux que l’on a attaché par le cou et qu’on emmène malgré lui. Arrivé au lieu où les bergers étaient réunis, le bienheureux Félix, tenant toujours sa corde sur les épaules d’Agostino, lui crie : « Au nom de Jésus-Christ et de Marie, sa mère, je te commande de dire qui tu es, et pourquoi tu es venu dans cette bergerie. »
Les traits du malheureux se contractent d’une façon hideuse ; il écume, il rugit comme une bête féroce ; et finalement il déclare qu’il est un démon sorti de l’enfer, qu’il est venu dans la bergerie pour faire au troupeau tout le mal possible, et surtout pour perdre les bergers en les détournant de la prière et en les rendant progressivement vicieux.
« Au nom de Jésus-Christ, reprit le bienheureux, je t’ordonne, démon maudit, de rentrer en enfer, sans nuire à aucune créature ! » Le démon démasqué ne pouvait se soustraire à cette objurgation ; mais, comme autrefois les esprits infernaux chassés du corps des hommes demandèrent à Notre-Seigneur permission de passer dans une bande de pourceaux, il demanda qu’il lui fût permis d’entrer, pour en faire sa proie, dans le corps d’un animal quelconque. Sur la sollicitation des assistants, le bienheureux Félix le lui permit. On vit alors comme un éclair, un hurlement prolongé retentit, la forme humaine du prétendu Agostino s'évanouit, et le démon sauta dans les membres d’un petit veau qui se trouvait à l’attache près de la porte ; et en un instant, du pauvre animal il ne resta que quelques ossements calcinés. Ce fait si extraordinaire fut, je le répète, attesté sous la foi du serment, lors des premiers procès de béatification du serviteur de Dieu, par cinq témoins oculaires.
Il y aurait une étude spéciale à faire sur ce phénomène du démon se mêlant sous forme humaine à la vie courante. Qu’il suffise de rappeler ici un trait de la vie de saint Gilduin, chanoine en Bretagne au onzième siècle, consigné dans la Mystique de M. l’abbé Ribet : un démon sous forme humaine se met au service d’un batelier pour le perdre temporellement et éternellement, le saint découvre l’esprit maudit et le met en fuite, comme fit le bienheureux Félix pour le soi-disant Agostino.

Notre Saint-Père le pape Léon XIII, qui n’est certes pas un petit esprit, ni un ignorant, ni un crédule, a décrété que tous les prêtres, en terminant la sainte messe, adresseraient du pied de l’autel une prière au glorieux saint Michel archange, pour lui demander qu’il replonge en enfer les esprits de malice qui parcourent le monde pour perdre les âmes. En un mot, l’illustre Pontife tient pour avéré qu’il y a de nos jours un déchaînement insolite de démons. Et ils ont manœuvré avec une habileté si raffinée, qu’ils réussissent à faire nier jusqu'à leur existence, alors qu’ils sont partout, qu’ils bouleversent tout, et qu’ils entraînent dans la perdition un nombre incalculable d’âmes. Telle est la situation présente.
Le diable commence par aveugler ceux dont il poursuit la perte ; il n’arrive à ses fins qu’en se cachant ; le comble de son astuce est de provoquer la mise en doute, la négation de l’enfer. Mais les hommes de Dieu, les saints lui ôtent son masque ; il est contraint de se montrer à leurs yeux dans toute sa laideur abjecte, dans toute la brutalité de sa haine contre l'humanité et surtout contre l’humanité rachetée.
C’est ce que nous avons remarqué dans les siècles précédents, c’est ce que nous allons remarquer au dix-neuvième siècle. Prenons quelques exemples.
Au commencement du siècle vivait à Rome une admirable femme, qu’on peut appeler une nouvelle Françoise Romaine, la vénérable Anna-Maria Taïgi. Ce n’était pas une religieuse d’une vie retirée et contemplative ; c’était une bonne mère de famille, vaquant aux soins du ménage parmi de nombreux enfants. Elle jouissait de la continuelle vision d’un soleil mystérieux, orné de caractéristiques emblèmes, dans lequel elle voyait se produire les événements les plus cachés, se manifester le secret des âmes, et même se peindre l’avenir. Les plus signalés personnages fréquentaient son humble logis ; et les cardinaux s’y rencontraient avec des généraux et des diplomates. Elle mourut en odeur de sainteté ; son procès de canonisation est ouvert, c’est une merveille d’information : en voici quelques extraits relatifs aux luttes de la servante de Dieu avec le diable.
Écoutons le cardinal Pédicini, qui la fréquentait beaucoup. — « L’ennemi de tout bien, voyant qu’il ne gagnait rien par les assauts contre la foi, prit bien souvent la forme d’un vénérable religieux, afin d’exhorter Anna-Maria à abandonner son genre de vie... Gomment compter les assauts des esprits infernaux qui la tentaient sous les formes les plus séduisantes et par les suggestions les plus humiliantes ? Elle leur opposait le bouclier de la patience et de la prière. Les démons, se voyant déçus, se tournaient contre son corps, tantôt en la saisissant au cou, tantôt en l’accablant par des coups douloureux et épouvantables. »
Écoutons son confesseur le P. Philippe Louis de Saint-Nicolas, carme du couvent de la Victoire, qui prêta serment à chaque déposition, et apposa sa signature au bas de toutes les pages des procès-verbaux. — Anna-Maria avait obtenu la conversion d’un jeune débauché. « Elle dut payer cette grâce bien cher. Impossible de décrire la rage des démons pour la perte d’une telle âme. La nuit qui suivit la première entrevue du repenti avec la servante de Dieu, les esprits infernaux se rendant visibles, essayèrent de l’étrangler, après l’avoir accablée d’injures, le prêtre qui amena le jeune homme et qui est encore aujourd’hui mon pénitent, passa toute cette nuit dans des frayeurs et dans des bruits diaboliques qu’il pourra seul décrire. » La foi d’Anna-Maria fut combattue d’une manière extraordinaire par les démons ; ils lui livraient des assauts incessants, surtout aux époques de ses peines intérieures, et en mille autres circonstances que l’astucieux serpent savait choisir. La pauvre femme entendait des voix : « Qui t’a donné à entendre que l’éternité existe?... Tout finit avec le corps... Oh ! insensée, considère ce qu’ont pensé, ce que pensent les gens d’esprit ! Regarde aussi les prêtres qui débitent ces fables, comme ils vivent ! S’ils y croyaient, ils ne seraient pas si fous ! Amuse-toi, amuse-toi ! » Et autres suggestions sur tous les points de la religion, surtout contre le Saint-Sacrement. « Le démon lui apparut sous diverses formes, tantôt comme religieux ou abbé, tantôt comme prélat ou comme un beau jeune homme, en l’excitant à des choses indignes par des actions qui dénotaient l’esprit impur et corrupteur. »

(...)

Le vénérable Jean-Baptiste Vianney, curé d’Ars, clôturera cette revue de l'ingérence démoniaque dans la vie des saints. Mort le 5 août 18S9, il répandit dans toute la France, et même dans toute l’Église, un éclat de sainteté très doux et très pénétrant. Qu’elle est attirante cette figure de prêtre, encadrée de longs cheveux blancs, émaciée, extatique, imprégnée de la mansuétude de Jésus-Christ ! La sérénité de ce front vous calme, la flamme humide de ce regard vous subjugue, la clémence de ces lèvres vous séduit ; ces mains sont faites pour délier les consciences, pour rendre les âmes à la liberté.
La vie de ce saint prêtre a été écrite par un témoin avec une simplicité évangélique, sans aucun apprêt de style, sans aucune prétention de pensée. Elle offre un caractère d’absolue vérité. Détachons-en ce qui concerne les rapports de M. Vianney avec celui qu’il appelait familièrement le grappin, avec le démon (Vie du curé d'Ars, par M. l’abbé A. Monnin).
Le saint prêtre demeurait seul dans son modeste presbytère. Le démon venait le troubler durant son sommeil, ou plutôt durant ses longues prières nocturnes. Un écho de ces bruits étranges transpira dans le pays, et y causa une légitime émotion. On crut que des maraudeurs en étaient les auteurs. « Des personnes charitables vinrent s’offrir à faire le guet autour de la maison ; quelques jeunes gens armés s'établirent en embuscade au clocher pour surveiller les abords de la cure. Des paroissiens zélés voulurent coucher dans la chambre voisine de celle de M. le curé. Il y en eut parfois qui furent très effrayés, entre autres le charron du village, André Vachère. Une nuit que son tour de faction était venu, il s’installa avec son fusil dans la chambre. Quand vint minuit, un bruit effroyable se fit entendre à côté de lui dans la pièce même ; il lui sembla que les meubles volaient en éclats sous une grêle de coups. La pauvre sentinelle de crier au secours, et M. le curé d’accourir. On regarde, on examine, on fouille les coins et les recoins, mais inutilement. »
Le bruit de ces événements vint aux oreilles des confrères de M. Vianney. En général, ils se montrèrent sceptiques. « Si M. le curé d’Ars, disaient-ils, vivait comme les autres, s’il prenait sa dose de sommeil et de nourriture, cette effervescence d’imagination se calmerait, son cerveau ne se peuplerait pas de spectres, et toute cette fantasmagorie infernale s’évanouirait. »
Un soir que le saint curé se trouvait dans un presbytère voisin en compagnie de plusieurs confrères avec lesquels il devait passer la nuit, les quolibets ne lui furent pas épargnés, et même le badinage dépassa la mesure. On le traita de visionnaire, de maniaque. « Allons ! allons ! mon cher curé, lui disait-on, faites comme les autres, nourrissez-vous mieux, c’est le meilleur moyen d’en finir avec toutes ces diableries... Votre cure est un taudis malpropre, les rats y sont chez eux, ils y prennent leurs ébats jour et nuit, et vous croyez que c’est le diable. » Le bon curé ne répondit pas un mot ; il se retira dans sa chambre, insensible à tout, sauf à la joie d’avoir été humilié. « Un instant après, dit l’historien de M. Vianney, messieurs les rieurs se souhaitaient une bonne nuit et regagnaient leurs appartements respectifs, avec l’assurance de philosophes qui, s’ils croyaient au démon, n’avaient du moins qu’une foi très médiocre à son intervention dans les affaires du curé d’Ars. »
« Mais voilà qu’à minuit ils sont réveillés en sursaut par un affreux vacarme. La cure est sens dessus dessous ; les portes battent, les vitres frissonnent, les murs chancellent, de sinistres craquements font craindre qu’ils ne s’écroulent. En un instant, tout le monde est debout. On se souvient que le curé d’Ars a dit : « Vous ne serez pas étonnés, si par hasard vous entendez du bruit cette nuit. » On se précipite vers sa chambre, il reposait tranquillement. « Levez-vous, lui crie-t-on, la cure va tomber. — Oh ! je sais ce que c’est, répond-il en souriant ; il faut aller vous coucher, il n’y a rien à craindre. » On se rassure, et le bruit cesse. À une heure de là, quand tout est redevenu silencieux, un léger coup de sonnette retentit. L’abbé Vianney se lève, et trouve à la porte un homme qui avait fait plusieurs lieues pour venir se confesser à lui. Il se rend aussitôt à l’église, et y reste jusqu’à la messe occupé à entendre un grand nombre de confessions. »
Les confrères cessèrent de plaisanter M. Vianney. Un missionnaire qui assistait au tintamarre diabolique, M. Chevalier, de pieuse mémoire, disait en racontant l’aventure : « J’ai promis au bon Dieu de ne plus me moquer de ces histoires d’apparitions et de bruits nocturnes ; quant à M. le curé d’Ars, je le tiens pour un saint. »
L’épisode suivant de ces luttes avec Satan est des plus caractéristiques. « Une des fantaisies les plus bizarres du démon, celle qui trahit le mieux ses ignobles instincts, est l'histoire du tableau contre lequel il s’est acharné si longtemps. M. le curé avait sur son palier, à la place même où Ton voit encore aujourd’hui une image grossière de la sainte Vierge, une toile qu’il aimait beaucoup, bien que ce fût une œuvre très médiocre. La vue de cette peinture parlait à son âme et l’attendrissait en lui rappelant le plus doux, le plus chaste et le plus divin de nos mystères : c’était une Annonciation.
« Voyant que M. le curé honorait cette sainte image d’un culte particulier, que faisait ce méchant grappin ? Tous les jours, il la couvrait outrageusement de boue et d’ordure. On avait beau la laver, on la retrouvait, le lendemain, plus noire et plus contaminée que la veille. Ces lâches insultes se renouvelèrent jusqu’à ce que M. Vianney, renonçant aux consolations qu'elle lui donnait, prit le parti de la faire enlever. Beaucoup ont été témoins de ces odieuses profanations, ou du moins en ont pu observer les traces sensibles. M. l’abbé Renard, un ami de M. Vianney, dit avoir vu ce tableau indignement maculé : la figure de la sainte Vierge n’était plus reconnaissable.
« Ce fait doit être mis au rang de ceux dont il est le moins permis de douter. Nous avons entendu M. le curé y faire publiquement allusion, et, parmi ses auditeurs assidus, il n'en est point qui n'en sache les détails par cœur. »
Relatons encore un témoignage très authentique et très saisissant.
« En 1829, au plus fort de cette lutte, un jeune prêtre du diocèse de Lyon, le fils de la bonne veuve d’Écully avec laquelle nous avons fait connaissance, dès les premières pages de ce livre, et qui rendit de si touchants services à M. le curé, l’abbé Bibot, vint à Ars faire une retraite auprès de l’homme de Dieu. M. Vianney, qui avait encouragé et guidé ses premiers pas dans la carrière sacerdotale, le reçut avec une extrême bonté, et voulut qu’il logeât chez lui.
« Je connaissais particulièrement ce prêtre, dit M. l’abbé Renard, et la Providence me favorisa en faisant coïncider avec le sien un voyage que je fis dans ma paroisse natale.
«Dès notre première entrevue, la conversation tomba sur les choses extraordinaires qui se passaient à Ars, et dont la rumeur remplissait le pays : « Vous couchez à la cure, lui dis-je, eh bien ! vous allez me donner des nouvelles du diable. Est-il vrai qu’il y fait du bruit ? l’avez-vous entendu ? — Oui, me répondit-il, je l’entends toutes les nuits. Il a une voix aigre et sauvage qui imite le cri d’une bête fauve. Il s’attache aux rideaux de M. le curé et les agite avec violence. Il l’appelle par son nom ; j’ai saisi très distinctement ces paroles : Vianney ! Vianney ! que fais-tu là ? Va-t’en ! va-t’en ! — Ces bruits et ces cris ont dû vous effrayer ? — Pas précisément. Je ne suis pas peureux, et d’ailleurs, la présence de M. Vianney me rassure. Je me recommande à mon ange gardien, et je viens à bout de m’endormir. Mais je plains sincèrement le pauvre curé ; je ne voudrais pas demeurer toujours avec lui. Comme je ne suis ici qu’en passant, je m’en tirerai tant bien que mal, à la garde de Dieu ! — Avez-vous questionné M. le curé là-dessus ? — Non, la pensée m’en est venue plusieurs fois, mais la crainte de lui faire de la peine m’a fermé la bouche. Pauvre curé ! pauvre saint homme ! Comment peut-il vivre au milieu de ce tapage ? »
Après de semblables attestations, il n’est pas permis de douter que le diable ne soit intervenu physiquement, par des effets sensibles, un nombre incalculable de fois, dans le presbytère d’Ars. Mais le saint curé a-t-il vu son infernal ennemi ? Sa discrétion était extrême, il n’a certainement pas dit tout ce qu'il a vu. À la question posée, l’auteur de sa vie répond par les deux faits suivants.
« M. Vianney vit un jour, à trois heures du matin, un gros chien noir, les yeux flamboyants, le poil hérissé, grattant la terre du cimetière à l’endroit où avait été déposé, quelques semaines auparavant, le corps d’un homme mort sans confession. La vue de ce chien l’effraya beaucoup ; il ne douta pas que ce ne fut le diable, et courut se réfugier dans son confessionnal. — On lit, dans la légende de saint Stanislas Kostka, que, pendant une maladie qui lui vint à la suite de ses mortifications, l’angélique jeune homme vit aussi le démon sous la forme d’un horrible chien prêt à s’élancer sur lui. L’affreuse vision se renouvela trois fois, trois fois il la mit en fuite avec le signe de la croix.
« M. Vianney a encore raconté que le diable lui était aussi apparu, sous la forme de chauves-souris qui remplissaient la chambre et voltigeaient autour de son lit ; les murailles en étaient toutes noires. » Je pourrais relever bien d’autres faits, car les infestations diaboliques auxquelles le saint curé fut en butte sont très variées. Ceux qu’on vient de lire suffisent amplement à ma preuve. Ils sont d’une authenticité hors de conteste ; ils ont été, on peut le dire, publics ; de plus ils emportent une réfutation des plus originales de toutes les objections qui ont cours contre la réalité des manifestations diaboliques. Les chers confrères du saint curé ont été guéris de leur incrédulité d’une façon trop piquante, pour que la leçon qu’ils ont reçue ne profite pas à d’autres qu’à eux.

(...)

Qu’on me permette d’ajouter un mot. On s’explique facilement qu’il y ait du monstrueux, de l’invraisemblable, de l’incohérent même, dans les phénomènes diaboliques. Mais comment se fait-il que le diable, qui a tant d’esprit, se montre parfois si ridicule et si bête ? Car enfin il était d’une sottise achevée, quand il contrefaisait grossièrement une sainte Marie-Madeleine de Pazzi, une sainte Véronique Giuliani ; il pouvait bien se douter que sa ruse misérable serait éventée au premier jour. Cela démontre à mon sens, et mieux que tout autre chose, jusqu’où va la malice de l’esprit infernal. Dieu ne lui laisse pas toute liberté, il resserre son action dans un cercle très restreint, il force le vieux serpent à ramper et à manger la terre. Or, cette malice est telle que, ne pouvant éclater autrement que par des actes grotesques, incapable de se contenir, elle éclate ainsi. Et puis, même réduit à traduire sa haine par des grimaces bêtes, le diable se propose un but ; il affirme son action ; il cherche à troubler les saints. Père du mensonge, il sait que le plus stupide mensonge trouve toujours quelque créance. Ne ferait-il commettre qu’un jugement téméraire en singeant un saint ou une sainte, il se tiendrait pour satisfait. Dans sa guerre continuelle et intensive contre Dieu et les hommes, tous les moyens lui sont bons et rien ne lui paraît négligeable.
En somme, dans mon étude, le diable apparaît ce qu’il est : méchant d’une méchanceté irréductible, abominable et abject.
Chose étrange ! les spirites lui reconnaissent les mêmes caractères. Il y a quelques années, l’excellente revue romaine, la Civilià cattolica, publiait des articles très documentés sur le spiritisme, avec de nombreux extraits des livres d’Allan-Kardec et de divers auteurs ou journaux spirites. Or, Allan-Kardec et ces auteurs déclarent qu’il y a des esprits menteurs, bouffons, méchants, obscènes, et qu’ils sont nombreux, plus nombreux même que les bons esprits ; ils relatent des traits d’abjecte méchanceté de leur part. Il leur est arrivé d’injurier, de harceler, de souffleter de pauvres malheureux fourvoyés dans les réunions spirites. Ils s’acharnent de préférence sur ceux qui offrent le moins de résistance. Ils sont aussi lâches que cruels. Bref, c’est la reproduction, avec des variantes tenant au milieu, de ce que nous lisons dans la vie des saints.
La vérité de nos dires se trouve ainsi contresignée par les déclarations des pontifes du spiritisme. Seulement cet être invisible, trompeur et malicieux, dont ils constatent l’existence et dépeignent les agissements, les spirites l’appellent : un esprit. Et nous, chrétiens, nous le stigmatisons de son vrai nom : le diable.



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