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mercredi 27 septembre 2017

Soeur Benigna, petite secrétaire de l'amour de Dieu : "Écris, ma Bénigne" (2/9)




DÉLICIEUX PASSAGES DU JOURNAL DE SŒUR BENIGNA



Écris, ma Bénigne, apôtre de ma miséricorde, écris ceci : la principale chose que je désire faire connaître, c’est que je suis tout amour ; la plus grande peine que l’on puisse me faire, c’est de douter de ma bonté. Non seulement mon Cœur éprouve de la compassion, mais il se réjouit quand il y a beaucoup à réparer, pourvu qu’il n’y ait pas de malice. Si tu savais combien je travaillerais dans une âme, même remplie de misères, si elle me laissait faire… L’Amour n’a besoin de rien, mais il ne faut pas qu’il trouve de résistance. Souvent, tout ce que je requiers d’une âme pour la rendre sainte, c’est de me laisser faire… Les imperfections, quand on ne les aime pas, ne peuvent me déplaire. L’âme doit s’en servir comme autant de degrés pour s’élever jusqu’à moi, moyennant l’humilité, la confiance et l’amour : Je m’abaisse vers l’âme qui s’humilie et je vais la chercher dans son néant pour l’unir à moi.

Bénigne, écris pour la gloire de mon Cœur ; car lorsque l’artiste fait de belles choses avec des moyens infimes, toute la gloire lui en revient.

Comme le feu se nourrit de combustibles et s’accroît à mesure qu’on l’alimente, ainsi ma miséricorde se nourrit de misères qu’elle consume et plus elle en trouve, plus elle grandit. Ô ma Bénigne ! si les hommes savaient combien je les aime et comme mon Cœur jouit lorsqu’on croit à mon amour ! On y croit trop peu, trop peu… On ne sait pas le tort que l’on fait à Dieu en doutant de sa bonté !... Les péchés peuvent être énormes et nombreux ; mais pourvu qu’on revienne à moi, je suis toujours prêt à tout pardonner, à tout oublier. Tu es l’apôtre de la miséricorde de Dieu… j’ai jeté mes regards sur toi afin que tu deviennes le canal des divines miséricordes. Écris donc que je fais mes plus beaux chefs-d’œuvre avec les sujets les plus misérables, pourvu qu’ils me laissent faire. Lorsqu’une âme se repent de ses fautes et les déplore de tout son cœur, crois-tu que je sois assez dur pour ne pas oublier ?... Tu ne connaîtrais pas mon Cœur si tu pensais ainsi. Mon Cœur très aimant a tellement soif du salut des âmes qu’au premier mouvement de leur retour vers Dieu, je ne puis plus contenir ma joie ; je cours à leur rencontre. Le plus grand dommage que le démon puisse causer à une âme après l’avoir fait tomber dans le péché, c’est de la jeter dans la défiance. Tant qu’une âme a confiance, le retour est facile ; mais si le démon parvient à lui fermer le cœur, oh ! comme il me faut lutter pour la reconquérir. Écrits, ma Bénigne, écris afin qu’on le sache : il est certain que cent péchés m‘offensent plus qu’un seul, mais si ce seul péché est une défiance de moi, il me blesse mon Cœur plus que cent autres, parce que la défiance le blesse, mon Cœur, au plus intime. J’aime tant les hommes !... Oui, on a une idée trop étroite de la bonté de Dieu, de sa miséricorde, de son amour pour ses créatures. On mesure Dieu aux créatures, et Dieu n’a pas de limites ; sa bonté est sans bornes… Oh ! pouvoir user de Dieu et ne pas le faire !... Pourquoi cela ? Parce que le monde ne le connaît pas. Je suis un trésor infini que mon Père a mis à la disposition de tous… Ceux qui me rebutent ne comprendront leur malheur que dans l’éternité. J’aime les hommes, je les aime tendrement comme mes frères ; bien qu’il y ait une distance infinie entre eux et moi, je n’en tiens pas compte.

Je fais une levée en masse et j’appelle les âmes à combattre pour l’Amour. Les plus généreuses sont celles qui restent en première ligne…

Tu as des yeux, eh bien ! lis… qu’y a-t-il d’écrit dans mon Cœur ? AIME-MOI !... Si tu m’aimes, tu répareras ; si tu répares, tu me consoleras, et si tu me consoles, tu agiras en épouse fidèle : amour, réparation, consolation, fidélité.

Ma Bénigne, jamais tu ne pourras m’aimer de tout ton cœur comme je veux être aimé de toi, si tu ne te hais toi-même de tout ton cœur. Sacrifie tes intérêts et satisfactions personnels à la plus grande gloire de Dieu. Tu ne seras pas vraiment réparatrice si tu te contentes de regarder superficiellement les plaies que les pécheurs font à mon Cœur ; il faut les examiner de près… Les pécheurs me haïssent, toi, aime-moi de toutes tes forces ; les pécheurs blasphèment mon saint Nom, toi, loue-moi ; les pécheurs écartent mon souvenir, toi, tache de m’avoir toujours présent à l’esprit, éloignant toute autre pensée. Que toutes tes actions portent l’empreinte de la réparation et tu consoleras mon Cœur. Que ta vie soit une vie d’amour et de réparation.

La méditation


Ne crois pas que pour faire une bonne retraite, tu sois obligée de méditer sur l’enfer… Tu feras cependant cette méditation, mais avec moi, dans une atmosphère d’amour ; le fruit que tu dois en retirer, c’est de t’enflammer de zèle afin d’empêcher les âmes d’y tomber. Du reste, dans la méditation, l’âme doit s’approprier seulement ce qui lui convient. Si tu fais rigoureusement des considérations sur l’enfer sans t’appliquer à réformer ce qu’il y a de défectueux en toi, tu sortiras de la retraite telle que tu y es rentrée, tandis que tu dois en sortir transformée.

— Que dois-je faire, mon Jésus, dois-je écrire les belles choses que vous m’avez dites, ou bien cette oraison ?
— Je préfère que tu parles de cette oraison, elle instruira les âmes et leur montrera comment il faut goûter le saint Évangile. Il faut vivre de l’Évangile comme on vit de l’air, de la lumière des aliments… Écris comme tu peux, et moi je ferai comprendre…

— Donc hier soir, Jésus eut la bonté de me donner comme point de méditation ces paroles : « Par un baiser, tu trahis le Fils de l’Homme »

Par un baiser ? Qu’est-ce donc qu’un baiser ?... Un baiser est un témoignage d’amour et Judas s’en sert pour trahir Jésus… Oh ! que de fois, sous prétexte d’amour pour Jésus, je me suis rassurée en m’examinant, me disant que je n’avais pas voulu l’offenser et que, par conséquent il n’avait pas péché… Et tous ces retours sur moi-même qui entravent l’action du divin amour dans mon âme, voilà un baiser !... une trahison, sous l’apparence de l’amour. Ô Jésus, merci de m’avoir donné une lumière si salutaire, merci mon Jésus ! Un baiser, c’est peu de chose… Judas en baisant notre adorable Sauveur ne l’a pas même blessé légèrement et cependant, ce baiser fut le premier anneau de cette chaîne de souffrances qui commença pour Lui au Jardin des Oliviers et se termina par la mort de la croix… La Passion est la conséquence d’un baiser !... Ô mon Jésus, quelle leçon ! Qui pourrait mesurer les conséquences d’une petite faute ! Quand j’écris, je mettrais volontiers parfois les choses à mon avantage, mais j’ai l’inspiration de ne pas le faire, dans l’intention d’arrêter, sil était possible, la diffusion des mauvaises lectures, ou du moins d’empêcher un auteur d’insérer un mauvais article dans son journal. Ce journal, en combien de mains tomberait-il ? Et si grâce à un acte de fidélité, je suis cause qu’il porte un mauvais article de moins ?... Il est douloureux de penser que par notre immortification, nous pouvons être coupables, pour ainsi dire, de beaucoup de mal qui ne se commettrait pas si nous avions la générosité de nous vaincre et d’attirer ainsi la lumière et la grâce divine sur les âmes.

L’anéantissement


Ma Bénigne, je vais t’expliquer ce grand mot : anéantissement. L’anéantissement, c’est la mort… Il te vient une pensée qui te plaît : la retrancher, l’oublier, c’est la mort de cette pensée ; quand tu sacrifies un désir, c’est la mort de ce désir ; quand tu as une volonté et que tu y renonces, c’est la mort de cette volonté ; chaque acte de mort est un acte de vie parce qu’au moment où tu meurs à la nature, tu vis à Dieu.

L’anéantissement de la créature pour son Dieu est le comble de la perfection. Quand une âme est arrivée au point de se complaire dans le mépris d’elle-même par amour pour Dieu, elle est parvenue au sommet de la perfection.

La paix


Ma Bénigne, tout ce que je fais en toi, je le fais pour t’établir dans la paix. Pour que Dieu agisse dans une âme, il faut qu’il y trouve la paix. Lorsque tu n’es pas en paix, ni tu ne m’entends, ni tu ne sens ma présence ; cependant je suis en toi.

Le parfum du lys diffère de celui de l’œillet : moi qui suis le Prince de la paix, je donne le parfum de la paix ; et comme là où est renfermé un lys, tout est imprégné de son odeur, ainsi, toi qui me renfermes chaque jour dans ton cœur par la sainte communion, tu dois respirer le parfum de la paix. Que tout en toi exhale ce parfum.

Résolutions de Marie Consolata


Je veux n’avoir plus qu’une seule ambition : être à Jésus pour toujours. Je prends la résolution de lui donner chaque jour de nouveaux témoignages d’amour. Grâce à Dieu, il me semble que je n’ai pas d’attache extraordinaire aux choses de ce monde… J’aime les automobiles, mais si j’avais à choisir entre les richesses de ceux qui possèdent des automobiles et la pauvreté de Jésus-Christ, je préférerais être mendiante pour son amour… Cependant, je me préoccupe de tant de choses tandis que je ne devrais penser qu’à Dieu seul ! Que de personnes auxquelles je pense souvent et que j’aime tendrement ! En agissant ainsi, puis-je dire que j’aime mon Dieu ?... N’est-ce pas faire acte de propriété que de disposer d’un cœur qui ne m’appartient plus ?... Je m’aperçois que ma volonté veut toujours prévaloir sur celle des autres ; il me semble qu’il n’y a de bien que ce que je fais… Il m’en coûte de céder et je ne m’y résous pas facilement… Oh ! ce fameux moi, comme il est vivant… Quand je réussis en quelque chose, je ne m’empresse pas de l’enseigner aux autres afin qu’ils aient aussi le plaisir de réussir… Je dois absolument veiller sur mon cœur puisque bientôt, pour l’amour de Jésus, je laisserai les créatures afin de ne plus m’occuper que de Lui. Il ne faudra pas, lorsque je serai au monastère, me remplir le cœur que j’aurai laissé… Je veux changer de vie et me dépouiller de tout… Le ruban élastique dont je me sers pour fermer mes livres me parait un objet de luxe, je m’en passerai. Je prends trop de plaisir à jouir d’une bonne santé et je m’attriste quand je suis fatiguée… Je n’aime pas à porter des souliers usés, mon amour-propre en souffre… Je me mire souvent, je puis bien l’éviter. Oui, pour l’amour de Jésus, je mortifierai mes sens et ferai l’opposé de ce que mon amour-propre me suggérera. Je me suis permise de caresser un chien… mais je ne le ferai plus, parce que mon cœur est tout à Jésus. Quand j’entreprends un travail, je me fie trop à moi-même et lorsqu’il est achevé, je suis toute fière de montrer que j’ai su me tirer d’affaire… c’est encore de l’orgueil. Eh bien ! dès aujourd’hui, je m’arrangerai si bien, que tout ce que je ferai ne sera ni admiré, ni estimé, donnant ainsi une bonne leçon à ma nature orgueilleuse. Je souffrirai joyeusement puisque Jésus le veut ; je ne rechercherai pas le calme et la tranquillité, mais je laisserai Jésus faire autour de moi ce qui lui plaira. Je serai fidèle à pratiquer la vertu, même dans les plus petites choses ; par exemple, je me tarai quand je voudrai parler, et je parlerai quand j’aurai envie de garder le silence. Que Jésus me bénisse, me guide et m’éclaire.

Extraits d’une lettre édifiante du directeur spirituel de sœur Benigna-Consolata


« J’ai lu dans la vie du Bienheureux Vianney une chose qui m‘a frappé et qui, je le crois, vous fera du bien. Il est dit que ce grand Serviteur de Dieu possédait le secret de se concentrer dans l’action présente, sans s’occuper de celle qu’il venait de faire, ni de la suivante. C’est d’ailleurs la théorie et la pratique de votre saint Fondateur (saint François de Sales) : “Transportez doucement, dit-il, votre esprit d’une action à l’autre sans empressement, sans inquiétude.” Sœur Bénigne agit-elle ainsi ? C’est le démon qui nous fait agir autrement. En pensant à l’action passée et en vous préoccupant de celle qui viendra, vous gâtez la présente. Laissez donc le passé à la miséricorde de Dieu, et abandonnez l’avenir à sa paternelle Providence… Votre délicatesse de conscience est une preuve de l’amour que vous porte votre Époux, mais le scrupule est une maladie. Or, il suffit que vous ayez la volonté de plaire à Dieu en tout et de ne l’offenser en rien. Soyez convaincue cependant, que, malgré notre vigilance, nos œuvres porteront toujours ici-bas la marque de fabrique, c’est-à-dire celle de l’imperfection. À l’exemple de la Bienheureuse Marguerite-Marie, laissez à Jésus le soin de réparer vos défauts et ne vous en mêlez plus ; sinon, sans même vous en apercevoir, vous vous perdrez dans la recherche de vous-même et de vos satisfactions, ce qui alanguit l’esprit, et entrave la mystérieuse et amoureuse opération de Jésus en vous. Je te bénis de tout mon cœur.

La religieuse et ses liens familiaux, d’après Sœur Benigna Consolat


“Oh ! comment peut-on penser que le monastère est le tombeau des affections !! Si le Seigneur — quand il s’agit de répondre à son appel — donne la force de briser les liens que lui-même a formés, il ne nous demande pas cependant d’oublier ceux que nous aimons ; au contraire, la vie religieuse accroît surnaturellement notre affection, l’ennoblit et la divinise.”

Conseils de perfection


Marie, ne vas plus mendier l’amour des créatures… te le donneraient-elles entièrement, tu n’en serais pas satisfaite… Dieu seul peut te suffire. Tu as besoin d’un cœur qui t’aime, qui te comprenne, c’est le Cœur de Dieu qu’il te faut. Parle-moi comme tu le ferais avec un ami de la terre auquel on dit tout. Je te connais, je partage tes peines, je m’offre à toi pour être le modèle sur lequel tu dois soigneusement te former. Vis de telle sorte que Jésus puisse vraiment vivre en toi ; sois seulement un vêtement, une apparition, afin que Lui-même règle toutes tes actions, tous tes désirs, toutes tes volontés. Comprends-tu avec quelle perfection tu dois te conduire si tu veux manifester Jésus vivant et régnant en toi ? Pour cela, il faut que ton visage soit toujours souriant, même quand tu souffres cruellement de l’intérieur. Je veux que tu sois douce et cordiale envers tous, mais surtout envers ceux qui te donnent l’occasion de t’immoler et de te sacrifier.

Je vais faire de ton âme un chef-d’œuvre de ma grâce, prends garde de ne pas en interrompre l’action bienfaisante ; tâche de seconder mes inspirations et sois fidèle à les suivre. Mortifie le goût naturel que tu as de tant vouloir parler et entendre, et quand tu sens que la nature prend le dessus, fais tout le contraire de ce qu’elle veut, afin de l’assujettir complètement à la grâce.

Affectionne-toi au recueillement, au silence, à la solitude ; tout commencement est difficile, surtout lorsqu’il s’agit de pratiquer la vertu ; mais ne crains pas, tu deviendras forte avec ma grâce, pourvu que tu tiennes ta petitesse toujours abîmée dans ma miséricorde.

Sache pour toi, et apprends-le aux autres, que, pour avoir une vertu solide, il faut l’attendre du Cœur de Jésus. Qui veut se sauver n’a qu’à venir se réfugier dans cette Arche bénie d’où l’on ne contemple la tempête sans en être secoué, sans en être menacé. Ô mon épouse ! découvre à tous le lieu de refuge que tu as choisi pour ta demeure perpétuelle ; fais-moi la charité de l’enseigner à d’autres, afin qu’ils viennent me trouver. J’ai des trésors pour tous, et quiconque vient à moi en emporte…

Sais-tu quel est le chemin le plus court pour arriver au ciel ? C’est la confiance en mes mérites et la fidélité à la grâce…

Ma Bénigne, lorsqu’une âme reçoit bien les humiliations, je lui donne un nouveau trait de ressemblance avec moi. Quand tu dis tes coulpes, choisis toujours celles qui t’humilient le plus… sois une bonne économe pour le ciel. Pour greffer, une plante, il faut l’écorcer ; ainsi dois-tu faire par la mortification, afin que moi, qui suis ta greffe, je prenne vie en toi…

La pureté de l’amour consiste dans la pureté du sacrifice, et il n‘y a pas de sacrifice qui me plaise autant que celui qu’on me fait de son honneur et de sa réputation. Lorsqu’une âme est arrivée à aimer le mépris pour que Dieu soit glorifié en elle, je la regarde avec tant d’amour que si elle pouvait me voir, elle en mourrait de joie… Mais on craint le mépris comme on craindrait un monstre. Pourquoi tant d’âmes n’arrivent-elles pas au sommet de la perfection ?... parce qu’elles ont peur du mépris… Ma Benigna, je t’ai déjà donné la soif du mépris, mais je l’accroîtrai encore en toi.

Un avertissement bien reçu peut, le temps qu’il dure, faire arriver une âme dans mon intimité, ce qu’elle n’aurait peut-être obtenu qu’après deux ou trois ans de vie ordinaire.

Le temps qu’on emploie à s’humilier n’est pas du temps perdu, non seulement pour celles qui s’humilient, mais aussi pour celles qui ont alors à pratiquer la patience.

Bénigne, la charité est douce, mais la suavité de la charité est plus douce encore. Que tes paroles soient un parfum de suavité. Je veux que tu sois au monastère ce que le parfum est à la fleur : il la trahit lorsqu’elle est dans l’ombre. Je te tiendrai cachée pour te garder en sûreté ; mais toi, ma Bénigne, n‘oublie pas ta mission qui est de m’attirer les cœurs par ta suavité…

Bénigne, la charité doit coûter ; l’âme doit s’imposer des sacrifices continuels pour bien exercer la charité.

Tu ne dois pas chercher ailleurs que dans ta constante fidélité aux recommandations de l’obéissance la raison des grâces extraordinaires que je te fais. Oh ! si l’on connaissait la valeur d’un acte d’obéissance !...

Je te veux fidèle, ma Bénigne, mais par amour. Un petit acte de fidélité peut être le principe de grandes grâces…

— Ma Bénigne, ma mesure est comble, tu as mis jusqu’au dernier grain.
— Mon Jésus, qu’est-ce qui vous pousse à me parler de nouveau ?
— Bénigne, c’est l’humiliation de ton âme et ta fidélité constante malgré l’aridité ; si tu n’y trouvais aucun goût, moi j’en trouvais.
— Mon Jésus, comment avez-vous pu endurer cet état si longtemps ?
— C’était pour ton bien. Je veux te préparer à recevoir de nouvelles grâces ; je t’ai enlevé les consolations afin de te donner l’occasion de pratiquer la charité parfaite. Un » Ave Maria « dit au temps de l’aridité, avec une ferveur non sensible, mais de pure volonté, a beaucoup plus de valeur à mes yeux qu’un rosaire entier récité au milieu des consolations. Écris cela pour réconforter les âmes…

Tu as agi avec une paix qui m’a ravi le Cœur, tu as agi en fille d’amour. Ma Bénigne, tu le sais, une petite épine peut faire une grande déchirure, mais si on a soin de l’ôter avec attention, on en voit à peine la trace. Quand tu crains de m’avoir déplu, dis tout de suite: “Mon Jésus, si je vous ai offensé en quelque chose, faites moi la grâce de le réparer et daignez m’éclairer afin qu’une autre fois j’accomplisse mieux votre volonté.”

Que ton regard soit celui de Jésus, doux et serein, et quand tu souffres des peines intérieures, sois souriante comme lorsque tu me vois d’une vue intellectuelle. Cela coûte, mais là se trouve la vertu. Pour ton maintien, si tu veux qu’il ressemble à celui de Jésus, abîme-toi dans la considération de ton néant ou, si tu veux, dans le souvenir de ta confession générale : cela te donnera une teinte d’humilité… fais-en l’essai et cette résolution suffira.

Mortifications difficiles


Je veux que tu fasses de plus grandes pénitences. Avec le consentement de ton Père spirituel, tu te ceindras les reins avec une corde à nœuds qui te meurtrira la chair sans toutefois attirer les soupçons autour de toi ; pour cela, tâche d’être toujours joyeuse. Je continuerai à t’éprouver par des peines extérieures et intérieures. Je veux que tu arrives à ne te rechercher en quoi que ce soit, et je te promets la grâce de l’égalité d’humeur qui t'est si nécessaire pour te maintenir dans la pratique de la vertu.

Je veux que tu honores particulièrement mon divin Cœur dans le mois qui lui est consacré ; pour cela, je t’éveillerai à 4 heures au lieu de 4 h 30, pour m’entretenir avec toi. Tu porteras la corde toute la journée, y ajoutant deux autres nœuds, et la nuit tu te coucheras dessus afin de rendre ton sommeil pénible. Je t’appellerai à deux reprises différentes pendant la nuit ; tu descendras du lit pur te mettre à genoux, et tu baiseras la terre. La première fois, ainsi qu’il t’a été dit par mon ministre, tu prononceras cinq fois le nom de » Jésus « ; la seconde, tu diras trois fois : » Jésus crucifié, crucifiez-moi avec vous. « Que la souffrance ne t’effraie pas ; tu n’es capable de rien, c’est pourquoi je me sers de toi pour accomplir mes desseins. Je me sers des instruments les plus vils et les plus misérables, pour mieux faire ressortir l’œuvre de ma grâce.

Fais en sorte qu’en toute rencontre où le corps pourrait trouver du soulagement, il ne trouve, au contraire, que de la gêne et de la souffrance : refuse-lui jusqu’à la moindre satisfaction.

Dans les heures pénibles


Sache qu’en ces moments pénibles où il te semble que le démon va t’arracher de mon Cœur, tu m’es plus étroitement unie par les liens d’un fort amour ; tu es l’heureuse proie de mon amour… et tu aurais peur du démon, quand le Tout-Puissant est avec toi ? Je suis la cuirasse de ton âme, ne crains donc pas les coups qui te sont destinés : un soldat ne redoute pas les pièges de l’ennemi lorsqu’il se voit puissamment défendu. Et ce que je te dis n’est pas seulement pour toi, mais pour tant et tant d’âmes qui se trouvent dans les mêmes conditions… Je te le dis afin que par ton moyen beaucoup d’autres le sachent… La confiance est la clé qui ouvre les trésors de ma miséricorde.

C’est bien inutilement que tu cherches à combattre la sécheresse qui te désole ; c’est moi qui permets tout… N’essaie pas de lutter davantage pour te recueillir et t’absorber en moi, cela ne fait qu’accroître ta peine. Tu marches dans l’obscurité, c’est vrai, mais tu n’es pas seule, je suis là… abandonne-toi donc à moi comme une pauvre aveugle qui se laisse conduire avec une entière confiance. Je te parle directement et je me sers aussi de mon ministre dévoué ; ensemble nous prévenons les obstacles que tu pourrais rencontrer, afin que tu les évites avec soin. Suis fidèlement nos conseils et ne crains pas ; celui-là seul se perd qui le veut absolument malgré les sollicitations réitérées de ma grâce.

Tu es dans une telle aridité que tu ne vois même pas ce qui se passe en toi ; mais sois tranquille… arme-toi de bonne volonté, et ces difficultés se dissiperont. Et puis, tu es avec ton Dieu qui est lui-même ta force et ta récompense. Je me plais tant à te voir combattre que je ne veux pas t’en ôter l’occasion, c’est pourquoi je permets cette lutte intérieure ; je veux éprouver ton amour et ta fidélité. Ne sois pas étonnée si je te parle si familièrement, j’aime à traiter ainsi avec mes enfants. Je trouve en eux mes délices ; mais hélas ! beaucoup ne savent que faire de mes paroles de vie éternelle. Toi, du moins, garde-les soigneusement et sache en faire profit pour toi et pour les autres.

— Mon Jésus, vous pouvez tout, ne voulez-vous pas m’enlever mes peines ?
— Non, ma Bénigne, parce que, en te les ôtant, je te priverais d’autant de couronnes ; à chaque peine dont tu triomphes, tu acquiers un mérite. De même, lorsque je permets la tentation, c’est pour donner à l’âme l’occasion de mériter, et non par cruauté. Mon amour a de multiples inventions pour enrichir les âmes…

La sensibilité


Courage, mon épouse, courage ; ton Dieu est toujours là, bien que tu ne le voies pas, que tu ne l’entendes pas. Le sentiment, tout en donnant la certitude, diminue la foi. J’ôte la consolation sensible à l’âme que je veux exercer parfaitement dans cette vertu ; il s’agit de croire sans voir, de croire sans comprendre et sans vouloir comprendre, c’est ainsi qu’on assujettit la raison et qu’on glorifie Dieu. Veux-tu lui faire plaisir ?... ne scrute pas ses desseins à ton égard, laisse-le te traiter comme il lui plait. Il peut faire en une minute, par un seul acte de sa volonté, une chose qui demanderait de nombreuses années de labeurs. Tu aimes beaucoup la prière, c’est bien ; mais crois-tu qu’en priant aussi longtemps que tu le désires et que tu en as l’habitude, tu satisfais pleinement à tes devoirs. Moi qui vois bien plus clair que toi, j’aperçois au fond de ton cœur un ver rongeur… Au-dehors, il ne parait rien, mais moi je découvre tout au fond, cette complaisance secrète, cet orgueil raffiné qui se cache sous les apparences de la piété et te font embrasser des pratiques ne servant d’ordinaire qu’à nourrir ton amour-propre. Que fait alors le divin Époux ? Il coupe, il tranche sans pitié, sans compassion, sans écouter les gémissements de la pauvre nature blessée ; j’enlève tout ce qui est gâté et corrompu afin que le dommage ne devienne pas plus grand…

— Je souffre en voyant que je ressens tant de plaisir à recevoir un cadeau de raisins et que je n’en éprouve pas autant quand je reçois mon Jésus.
— Mais ce n’est rien, c’est chose commune à toutes les créatures, par devoir vous m’aimez plus que tout, mais vous éprouvez plus de sensibilité pour les choses naturelles.

Les pauvres pécheurs


Prie beaucoup pour les pécheurs, et je t’accorderai tout ce que tu me demanderas. Je te mets comme intermédiaire entre les pauvres pécheurs et ton céleste Époux ; plaide donc leur cause et dis-moi : “Mon Jésus, voudriez-vous laisser perdre ces âmes pour lesquelles vous êtes mort sur la croix ? Vous êtes la Résurrection et la Vie, soyez-le donc pour tous ces cœurs ensevelis depuis si longtemps dans les ténèbres de la mort. Dès maintenant, je vous remercie de cette victoire que vous remportez sur l’ennemi infernal qui les tenait sous l’esclavage du péché, puisque vous m’avez assurée vous-même que j’obtiendrais tout ce que je vous demanderais avec confiance.”

Écoute, je veux te demander, en échange de l’amour infini que je te porte, un témoignage d’affection. Je veux que tu t’offres tout spécialement à mon divin Cœur pour sauver les pauvres pécheurs. En joignant les œuvres à la prière, tu obtiendras plus facilement ce que nous désirons avec ardeur : le salut des âmes. Il s’agit donc de me faire un sacrifice généreux de la part des mérites qui te restent encore sur la donation que tu m’as faite en faveur des âmes du Purgatoire, par l’acte héroïque de charité. Il ne te reviendra rien de ce que tu souffriras ; abandonne-moi tout, afin que j’en dispose à mon gré en faveur des âmes dont tu demandes la conversion. Cette généreuse offrande t’attirera les plus spéciales bénédictions de Dieu et te fera participer aux bienfaits de la Rédemption, puisque tu sacrifies tout ce que tu es, tout ce que tu as, tout ce que tu fais pour ces pauvres âmes qui, grâce à toi, obtiendront de mon Cœur miséricorde et pardon. Mais il faut de la générosité, une générosité absolue qui ne recule pas devant les sacrifices, même les plus coûteux. Ici je veux que tu te fasses un saint scrupule de n’en laisser passer aucun sans me l’offrir ; plus tu éprouveras de répugnance, plus tu recevras de grâces particulières. Que cette promesse t’encourage de telle sorte que désormais tu n’aies plus jamais doute ni hésitation devant l’épreuve ; accepte-la d’un cœur généreux, d’un cœur généreux supportes-la, et en récompense, tu recevras de moi ce que tu désires, ce que tu espères.

Tu ne peux croire le plaisir que j’éprouve à remplir ma mission de Sauveur ; c’est tout mon contentement et je fais mes plus beaux chefs-d’œuvre des âmes que j’ai retirées de plus bas, que j’ai sorties de la fange. Quand les péchés ont été pardonnés, ils deviennent pour l’âme des fontaines de grâces, parce qu’ils lui sont source perpétuelle d’humilité…

Mission spéciale de la sœur

 
Mon Jésus, pardonnez-moi la liberté que je prends de vous parler ainsi : Vous pouvez tout, faites donc que les hommes vous connaissent, vous aiment et vous servent avec tout le respect et l’amour que vous méritez.
— Je me sers à cette fin des créatures. Exécuteurs de ma volonté, et instruments de ma miséricorde, ce sont les hommes qui me font connaître. Je choisis moi-même ces âmes destinées à faire revivre l’esprit chrétien dans la société et dans le peuple ; je les forme moi-même ; je les comble de grâces, les préparant ainsi à leur mission. Il y en eut dans le passé, il y en a présentement, et j’en susciterai d’autres dans l‘avenir. Tu es une de ces âmes, Marie : maintenant dans la famille, plus tard dans le monastère, et enfin du monastère dans le monde, doit se répandre le suave parfum des vertus que je cultive en toi avec tant d’amour.

Les hommes se fatiguent, les hommes font tous leurs efforts pour opposer une digue à la corruption des temps ; mais l’unique remède pour guérir la société gravement malade, ne peut venir que de mon divin Cœur. On ne sait comment résoudre le difficile problème de la « question sociale » qui préoccupe tant aussi les âmes les plus généreuses : Qu’on me laisse faire ! C’est moi qui, à tout, apporterai le remède. Dans les plus grandes nécessités, dans les plus grands désordres, ma divine grâce s’impose souveraine et domine les cœurs. Je prépare l’œuvre de ma miséricorde ; je veux renouveler la société, mais ce sera l’œuvre de l’amour ; je me servirai de toi pour me communiquer à mes créatures et leur faire connaître ma volonté.

Bienheureux celui que Dieu choisit pour être l’instrument de ses miséricordes auprès des âmes. Mais il ne doit pas se rendre inutile par son infidélité ; au contraire, il doit avoir un soin extrême de tout faire afin de mériter de nouvelles grâces pour lui et pour les autres. C’est à toi-même, Marie, que s’adressent ces paroles, je vais te les expliquer : Une âme ne peut avoir de plus grande satisfaction, ni de joie plus sincère que lorsqu’elle peut faire du bien autour d’elle, surtout aux âmes… Ta mission à toi, c’est de faire tout le bien que tu pourras au plus grand nombre d’âmes possible… mission pénible et douloureuse qui te coûtera bien des sacrifices ; mais il te restera la consolante pensée que tu augmentes ainsi la gloire de ton Dieu. Je te dis ces choses afin de t’encourager à souffrir, parce que bientôt il te faudra boire le calice que je t’ai préparé. Ô ma pauvre bien-aimée ! par combien de tourments je te ferais passer afin de t’épurer, de te purifier, afin qu’il n’y ait plus rien en toi qui puisse déplaire à ton Dieu… Prépare-toi à souffrir de nouvelles peines et tentations. Pareilles à des fantômes épouvantables, elles envahiront ton esprit ; cependant, je te le répète, ce seront de simples fantômes que la lumière de ma présence fera disparaître en un instant. La nature sera broyée, mais l’esprit vivra ; tu sentiras en toi une nouvelle vigueur et, de ces épreuves supportées avec une patience héroïque, il te restera un désir de souffrir qui ne te laissera pas de repos.

J’ai besoin que tu me prêtes ta tête, ta vie, tes facultés qui sont mes dons, que tu te livres tout entière pour devenir l’instrument de ma miséricorde. Le désir de voir et de savoir mon adorable Cœur toujours plus connu et aimé, doit t’exciter à recevoir docilement cette mission… Accepte-la pour l’amour que tu portes à mon Cœur, entre dans l’ordre de la Visitation… Le monastère sera la chaire d’où tu me feras connaître. N’ayant pas besoin de la force, je m’appuie sur la faiblesse ; je me sers des ignorants pour confondre les forts…

Liens entre le directeur spirituel et Marie-Consolata Ferrero


Vos cœurs sont comme les eaux d’une même source, qui au commencement, prennent une voie séparée, puis s’unissent enfin pour former un ruisseau plus fort et plus avantageux. Ils sont comme deux tiges de lys peu éloignées l’une de l’autre ; en croissant, elles entremêlent leurs fleurs dont la candeur immaculée et le suave parfum réjouissent le Cœur de Dieu. Vous êtes telles, âmes bien-aimées de mon ministre saint et de ma fidèle servante, qu’unies dans mon Cœur par son embrassement amoureux, vous devez en recevoir la mission de le faire connaître et aimer de plus en plus. La route vous est ouverte, mais elle se présente bien épineuse et semée d’obstacles.

Vœux d’amour, et d’humilité dictés par Jésus


Je fais vœu d’aimer Dieu de tout mon cœur, et, pour son amour, je tâcherais d’aimer mon prochain comme Il me l’a enseigné.

Mon Dieu, Grandeur infinie, moi, petit atome de misère, de l’abîme profond de mon néant, je m’offre, me consacre et m’abandonne tout à vous. Mon Dieu, je confesse et reconnais que vous êtes ce que vous êtes, infiniment grand, infiniment puissant, infiniment bon, infiniment parfait en tous vos divins attributs ; et moi, je suis ce que je suis, c’est-à-dire, un néant coupable et une misère pécheresse. Grand Dieu de miséricorde, vous avez daigné regarder ce petit rien, vous lui avez donné la grâce d’être raisonnable, vous l’avez comblé de grâces que vous seul pouvez énumérer. Pour honorer votre infinie miséricorde, je vous fais vœu d’humilité :

Je ne me plaindrai jamais, ni intérieurement, ni extérieurement de quelque traitement que je reçoive, soit de Dieu, soit des créatures. Au rien, rien n’est dû, et il ne se plaint jamais ;

Je ne parlerai de moi que par obéissance, c’est-à-dire quand les supérieurs le voudront ou le désireront, et par charité, quand cela pourra être utile au prochain ; jamais pour ma satisfaction personnelle ou quelque autre fin humaine ;

Je n’éviterais pas de dire les choses qui me mortifient, à moins que cela n’importune mes supérieurs de m’écouter, ou ne me fasse manquer à mes devoirs ;

Je me tiendrai en esprit sous les pieds de tout le monde avec la conviction de mon profond néant et, quand je n’en serai pas empêchée par l’obéissance ou la pratique de mes devoirs, je me ferai autant que possible la servante de tous ;

Je serai heureuse et tressaillirai de joie de pouvoir, dans les occasions que mon Dieu m’offrira, lui prouver mon amour en écrasant mon amour-propre.

Jésus, mendiant d’amour


Voie, je mendie l’amour de mes créatures qui me le refusent pour le prodiguer aux choses qui passent ; elles ne pensent même pas à me le donner à moi. Si tu savais, Marie, combien c’est douloureux de tant aimé et de ne pas être aimé !... Moi, je ne me lasse pas, je demande toujours de l’amour et personne ne m’en donne ; et non seulement on ne m’aime pas, mais on me hait. Sais-tu ce qui m’empêche de frapper les pécheurs ? Ce sont les prières des justes ; elles désarment ma divine Justice.

Tu ne saurais croire, mon épouse, le plaisir que j‘éprouve à demeurer avec mes créatures !... Je suis toujours à la recherche de cœurs qui m’aiment ; n’en trouvant qu’un petit nombre, je déverse sur eux la plénitude de mes grâces ; j’aime tellement les âmes qui me sont fidèles et qui me laissent faire en elles ce que je veux, que je m’empresse de les contenter comme si c’était une loi pour moi.

Les méchants triomphent… peu d’âmes me restent fidèles… on m’abandonne pour rechercher le bonheur là où il n’est pas. Ô mon épouse ! peut-on être heureux en violant une loi sainte, bonne et facile comme la mienne ?

Ma bien-aimée, cherche-moi des victimes qui veuillent s’immoler pour la gloire de mon Cœur. Mon Cœur est plein de miséricorde, non seulement pour toi, mais pour tous.

Ô ma Bénigne ! sois l’apôtre de mon amour ! Crie fort, afin que tout le monde l’entende, que j’ai faim, que j’ai soif, que je meurs du désir d’être reçu par mes créatures. Je suis dans le sacrement de mon amour pour mes créatures, et elles en font si peu cas ! Oh ! toi, du moins, fais autant de communions spirituelles qu’il te sera possible, pour suppléer aux communions sacramentelles qui ne se font pas. Une à chaque quart d’heure, ce n’est pas assez… Fais-les plus courtes, sous des formes différentes, mais très nombreuses. Si une épouse voyait son époux mourir de faim, elle irait mendier pour lui de porte en porte… Ma Bénigne, cherche-moi des âmes qui fassent la sainte communion… Ô ma Bénigne ! ce qui me fait le plus de peine, c’est de voir l’indifférence qu’on a pour moi… On me hait… on me fuit comme on fuirait un malfaiteur, moi qui ne demande qu’à combler les âmes de mes bienfaits ; mais je ne le puis, parce qu’on n’en veut pas… J’ai soif de l‘amour de mes créatures… Les Séraphins m’aiment ardemment, les Saints aussi, et leur amour est pur et parfait… J’ai beaucoup d’amour au ciel, mais je vais en chercher encore sur la terre, parce que sur la terre, l’amour est libre…

Petites histoires


J’étais plongé dans la considération de ma nullité, voyant en moi tant de misères, lorsque j’entendis Jésus me dire suavement : “Vends-les à ma miséricorde…”

Un autre jour, j’avais mis à côté de la feuille de papier sur laquelle j’écrivais, une statuette de l’Enfant Jésus… un léger mouvement la fit tomber ; aussitôt je la relevai et donnai un baiser à Jésus en lui disant : “Si vous n’étiez pas tombé, vous n’auriez pas eu ce baiser.” Il me répondit avec une bonté toute particulière : « Il en est ainsi, ma Bénigne, quand tu as commis une faute involontaire ; tu ne m’offenses pas, mais l‘acte d’amour et d’humilité que tu fais ensuite, de propos délibéré, c’est le baiser que tu me donnes et que je n’aurais pas reçu, si tu n‘avais pas commis cette imperfection. »

Le martyre d’amour


Ma Bénigne, le martyre d’amour consiste à s’abandonner à l’Amour comme le bois au feu, comme l’or dans le creuset : le feu consume le bois et le réduit en cendres, le feu purifie l’or et le rend resplendissant. Une âme abandonnée à l’Amour ne peut plus arrêter les opérations de l’Amour, à moins que, par son infidélité, elle ne se dérobe à son action. Comme le feu consume le bois tant qu’il en trouve, ainsi l’Amour continue son œuvre jusqu’à ce que l’âme soit arrivée au degré de perfection que Dieu demande d’elle. Il suffit de se livrer à l’Amour et alors l’Amour fait le reste. Cependant, observe bien ceci : quand le bois est vert, le feu doit avant tout consumer l’humidité, et il lui faut plus de temps ; mais s’il est sec, il est aussitôt consumé et d’autant plus rapidement qu’il est plus sec. Ainsi en est-il des âmes : celles qui sont encore pleines d’elles-mêmes ont beaucoup de difficulté à se laisser travailler par l’Amour, mais les âmes mortes à elles-mêmes sont vite consumées. Je ne me lasse pas de voir des misères tant que je trouve de la bonne volonté. Mon amour se nourrit en consumant les misères ; l’âme qui m’en apporte le plus, si son cœur est contrit et humilié, est celle qui me plaît davantage, parce qu’elle me donne ainsi l’occasion d’exercer plus pleinement mon office Sauveur. Surtout ce que je tiens à te dire, ma Bénigne, c’est que l’âme ne doit jamais avoir peur de Dieu, parce que Dieu est toujours près à faire miséricorde, et le plus grand plaisir du Cœur de ton Jésus est de conduire à mon Père le plus grand nombre possible de pécheurs ; ils sont ma gloire, ma Bénigne, ils sont mes joyaux… Je les aime tant, les pauvres pécheurs ! Écoute, ma Bénigne, ma Joie, écris ceci : Le plus grand plaisir qu’on puisse me faire, c’est de croire à mon amour ; plus on y croit, plus mon plaisir est grand, et si l’on veut que mon plaisir soit immense, il ne faut pas mettre de bornes à cette foi en mon amour… Mais ma Bénigne, pour en venir au côté pratique du martyre d’amour, en quoi consiste-t-il ? À se laisser consumer par l’Amour. L’Amour est assez ingénieux pour savoir tout enlever à l’âme sans avoir l’air de lui rien enlever. Laisse-le faire et il te dépouillera. Il commencera par l’extérieur, comme le feu qui consume d’abord l’écorce ; puis il pénétrera dans l’intime. Bénigne, donne à l’amour tout ce qu’il te demande et ne lui dis jamais : c’est assez. Plus tu lui donneras, plus il te demandera, mais toujours avec une grande suavité… L’Amour augmentera en toi le désir de te donner. J’ai bien peu d’âmes ainsi livrées à l’amour parce qu’il en coûte… certaines commencent bien, mais retournent en arrière ; elles ont peur du sacrifice… Je les compare à ceux qui se privent de cueillir une rose de peur de s’y piquer. L’amour vrai ne fait pas ainsi : là où il voit un sacrifice, il s’élance comme sur une proie, il l’étreint, l’embrasse, et plus le sacrifice est caché, intime, connu de Dieu seul, plus il le fait volontiers. Courage donc… Dis-moi que tu me donnes pour toujours ta volonté parce que tu veux n’avoir d’autre mouvement que celui de l’Amour ; puis, reste ferme et sache que lorsqu’une âme veut commencer généreusement, elle est toujours bien reçue de mon Cœur. Tu peux réparer le temps perdu par une plus grande fidélité, et surtout en usant des trésors de mon très doux Cœur.

L’Amour veut se précipiter en toi ; l’Amour te consumera, mais avec tant de douceurs qu’en souffrant le martyre d’amour, tu voudras toujours souffrir. Ma Bénigne, la soif que j’éprouve de sauver le plus grand nombre d’âmes possible, m’en fait chercher des généreuses que je puisse associer à mon œuvre d’amour… Tu seras la victime de ma divine justice et le soulagement de mon amour… Tu seras consumée par l’amour… Oui, ma petite épouse, j’accepte ton sacrifice dans toute l‘expansion de mon amour : je t’immolerai, mais ce sera toujours avec le glaive de l’amour… Je t’enchaînerai, mais par les liens de l’amour… Je te consumerai, mais dans le feu de mon amour…

Ressemblance entre l’Hostie consacrée et l’âme religieuse


Âme religieuse, vous dit Jésus, regarde en esprit la sainte Hostie. Qu’y vois-tu ?... Qu’elle est blanche, qu’elle n’a pas la plus petite tâche.


Voici la première Qualité : la pureté.


Il y a trois sortes de pureté dans une action :

Il faut qu’elle soit pure dans l’intention ; autrement, elle reste comme ces fruits beaux en apparence, mais qui ont un ver au-dedans. Je ne mets pas de fruits véreux sur la table de mon Père éternel, au paradis.

Pureté dans l’exécution : il faut faire cette action du mieux qu’on le peut, par amour.

Une fois faite, ne point la souiller par des regards de complaisance.


Seconde Qualité : la douceur.


L’Hostie est ronde, elle n’a ni pointes, ni angles qui puissent faire mal au toucher.

L’âme religieuse doit ainsi être douce et condescendante avec le prochain ; ne jamais lui faire aucun mal, ne jamais rien lui refuser, autant qu’il se peut. Si elle est obligée de donner un refus, elle doit l’accompagner de tant de suavité qu’il soit ainsi compensé.


Troisième qualité :


L’Hostie est petite : vois comme je me contente de peu. Je me cache sous les espèces du pain.
Ainsi, l’âme religieuse doit apprendre à se contenter de peu, à ne pas se faire entendre ; et puis, elle doit avoir en grande estime les petites choses.

Un pain est beaucoup plus gros qu’une hostie ; cependant, l’hostie me contient et non le pain. De même, si l’amour consacre toutes les petites choses dont ta vie est composée, elles me contiennent parce que tu en fais autant de petits actes de charité, et je m’unis toujours plus à toi. Au contraire, une action plus grande, plus apparente, mais faite pour une fin humaine et non par amour, ne me contient pas.


Quatrième qualité :


L’Hostie est légère, cependant, elle me contint tout entier.

De même une âme consacrée par l’amour devient légère parce que l’amour la dépouille de la volonté, du jugement, des désirs ; ainsi dépouillée, elle fait mes délices et, de ces âmes fidèles, je forme une armée pour sauver le monde. Le monde court à l’abîme, mais je l’arrêterais dans sa course vertigineuse au moyen de cette petite troupe d’âmes généreuses qui combattront sous ma conduite.

Finalement, l’Hostie n’a plus que l’apparence du pain, elle est toute Jésus. Ainsi, une âme qui se laisse posséder par l’amour ne vit plus pour elle, mais toute pour l’amour.

Âme religieuse, laisse-toi en tout guider par l’amour ; il te conduira toujours au sacrifice par le chemin le plus court, celui de l’obéissance. Si tu obéis, tu aimes ; si tu aimes, tu obéis.

Une âme religieuse qui croirait me plaire sans une vraie obéissance serait comme un invité aux noces qui, se présentant au festin sans la robe nuptiale, mérite d’être chassé dehors. Mais je ne veux pas une obéissance d’esclave ; celle-là ne m’honore pas. Je veux une obéissance d’amour qui cherche à faire toujours mieux pour me plaire toujours davantage.

L’union de cœur avec la supérieure est, pour la religieuse, le passeport pour le ciel.







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