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lundi 9 septembre 2019

Divino afflante spiritu, Lettre encyclique de Sa Sainteté le Pape Pie XII, sur les Études bibliques






DIVINO AFFLANTE SPIRITU


LETTRE ENCYCLIQUE DE SA SAINTETÉ LE PAPE PIE XII


SUR LES ÉTUDES BIBLIQUES


(30 septembre 1943)




À nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques, évêques et autres Ordinaires en paix et communion avec le Siège apostolique, ainsi qu'à tout le clergé et aux fidèles de l'univers catholique,


Vénérables Frères et chers Fils, Salut et Bénédiction Apostolique



1. Sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, les écrivains sacrés ont composé les livres que Dieu dans sa paternelle bonté a voulu donner au genre humain « pour enseigner, convaincre, corriger, former à la justice, en vue de rendre l'homme de Dieu parfait, apte à toute bonne œuvre » (II Tim. III, l6 sq.). Ce trésor, qui lui est venu du ciel, l'Église le tient comme la source la plus précieuse et une règle divine de la doctrine de la foi et des mœurs. Il n'est donc pas étonnant qu'elle l'ait gardé avec le plus grand soin tel qu'elle l'a reçu intact des mains des apôtres ; qu'elle l'ait défendu contre toute interprétation fausse et perverse ; qu'elle l'ait employé avec zèle dans sa tâche de procurer aux âmes le salut éternel, comme d'innombrables documents de toute époque l'attestent clairement.

2. Mais parce que, dans les temps modernes, la divine origine des Saintes Écritures et leur interprétation correcte ont été particulièrement mises en question, l'Église s'est appliquée à les défendre et à les protéger avec encore plus d'ardeur et de soin. Aussi le saint Concile de Trente, dans un décret solennel, a-t-il déjà déclaré, au sujet de la Bible, qu'on devait en reconnaître « comme sacrés et canoniques les livres entiers, avec toutes leurs parties, tels qu'on a coutume de les lire dans l'Église catholique et tels qu'ils sont contenus dans l'ancienne édition de la Vulgate latine » (Sessio IV décret. I ; Ench. Bibl. n. 45).

3. Puis, de notre temps, le Concile du Vatican, voulant réprouver de fausses doctrines sur l'inspiration, a déclaré que l'Église tient les Livres Saints pour sacrés et canoniques, « non parce que, œuvre de la seule industrie humaine, ils auraient été approuvés ensuite par son autorité, ni pour cette seule raison qu'ils contiendraient la vérité sans erreur, mais parce que, écrits sous l'inspiration du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur et ont été transmis comme tels à l'Église » (Sessio III cap. II, Ench. Bibl. n. 62).

4. Plus récemment cependant, en dépit de cette solennelle définition de la doctrine catholique, qui revendique pour ces « livres entiers, avec toutes leurs parties », une autorité divine les préservant de toute erreur, quelques écrivains catholiques n'ont pas craint de restreindre la vérité de l'Écriture Sainte aux seules matières de la foi et des mœurs, regardant le reste, au domaine de la physique ou de l'histoire, comme « choses dites en passant » et n'ayant — ainsi qu'ils le prétendirent — aucune connexion avec la foi. Mais Notre Prédécesseur Léon XIII, d'immortelle mémoire, dans son Encyclique Providentissimus Deus du 18 novembre 1893, a confondu à bon droit ces erreurs et réglé l'étude des Livres Divins par des instructions et des directives très sages.

5. Puisqu'il convient de célébrer le cinquantième anniversaire de la publication de cette Encyclique, considérée comme la loi fondamentale des études bibliques, après avoir affirmé dès le commencement de Notre Pontificat Notre intérêt pour les sciences sacrées (Sermo ad alumnos Seminariorum... in Urbe [24 juin 1939] ; Acta Ap. Sedis, XXXI [1939], p. 245-251), Nous avons jugé très opportun, d'une part, de rappeler et de confirmer ce que Notre Prédécesseur a établi dans sa sagesse et ce que ses Successeurs ont ajouté pour affermir et parfaire son œuvre ; d'autre part, d'indiquer ce que les temps présents semblent postuler, afin de stimuler de plus en plus à une entreprise aussi nécessaire et aussi louable tous les fils de l'Église qui s'adonnent à ces études.

6. Le premier et principal soin de Léon XIII fut d'exposer la doctrine de la vérité des Livres Saints et de la venger des attaques lancées contre elle. Il proclama donc avec insistance qu'il n'y a absolument aucune erreur quand l'hagiographe, traitant des choses de la nature, « a suivi ce qui apparaît aux sens », comme dit le Docteur angélique (cf. Ia, q. LXX, art. 1 ad 3), parlant « ou par une sorte de métaphore, ou comme le comportait le langage usité à cette époque ; il en est encore ainsi aujourd'hui, sur beaucoup de points, dans la vie quotidienne, même parmi les hommes les plus savants ». En effet, « les écrivains sacrés ou, plus véritablement — ce sont les paroles mêmes de saint Augustin (De Gen. ad litt. II, IX, 20 ; P. L., XXXIV, col. 270 s. ; C. S. E. L. XXVIII [Sectio III, pars II], p. 46), — l'Esprit de Dieu, qui parlait par leur bouche, n'a pas voulu enseigner aux hommes ces vérités concernant la constitution intime des objets visibles, parce qu'elles ne devaient leur servir de rien pour leur salut » (LEONIS XIII Acta, XIII, p. 355 ; Ench. Bibl. n. 106) ; principe qu'il « sera permis d'appliquer aux sciences du même genre et notamment à l'histoire », en réfutant « de la même manière les objections fallacieuses des adversaires » et en défendant « la vérité historique de l'Écriture Sainte contre leurs attaques » (cf. BENOÎT XV, Encyclique Spiritus Paraclitus, Acta Ap. Sedis, XII [1920], p. 396 ; Ench. Bibl. n. 471).

Il ne faut pas, en outre, imputer une erreur à l'auteur sacré « là où des copistes, en exécutant leur travail, ont laissé échapper quelque inexactitude », ou « lorsque le sens véritable de quelque passage demeure douteux ». Enfin, il serait absolument funeste « soit de limiter l'inspiration à quelques parties seulement de la Sainte Écriture, soit d'accorder que l'écrivain sacré lui-même s'est trompé », puisque l'inspiration divine « non seulement par elle-même exclut toute erreur, mais encore l'exclut et y répugne aussi nécessairement que nécessairement Dieu, souveraine vérité, ne peut être l'auteur d'aucune erreur. Telle est la foi antique et constante de l'Église » (LEONIS XIII Acta, XIII, p. 357 sq. ; Ench. Bibl. n. 109 sq.).

7. Cette doctrine, que Notre Prédécesseur Léon XIII a exposée avec tant de force, Nous la proposons aussi avec Notre autorité et Nous insistons pour qu'elle soit religieusement tenue par tous. Nous statuons aussi qu'on doit se conformer, aujourd'hui encore, avec la même application aux conseils et aux encouragements qu'il a donnés, pour son temps, avec une si grande sagesse. En effet, comme de nouvelles et graves difficultés et problèmes avaient surgi, soit en raison des préjugés du rationalisme, qui s'était insinué partout, soit surtout à la suite des fouilles et des explorations de monuments très anciens, effectuées en maintes régions de l'Orient, afin de rendre plus sûrement et plus abondamment accessible, pour l'utilité du troupeau du Seigneur, cette source insigne de la révélation catholique, et aussi afin de ne pas la laisser violer en aucun point, Notre Prédécesseur, poussé par la sollicitude de la charge apostolique, souhaita et voulut « que plusieurs entreprennent, comme il convient, la défense des Saintes Lettres et s'y attachent avec constance ; et que, surtout, ceux qui ont été appelés par la grâce de Dieu dans les Ordres sacrés mettent de jour en jour un plus grand soin et un plus grand zèle à lire, à méditer et à expliquer les Écritures, rien n'étant plus conforme à leur état » (cf. LEONIS XIII Acta, XIII, p. 328 ; Ench. Bibl. n. 67 sq.).

8. C'est pourquoi le même Pontife loua et approuva l'École pour les études bibliques, fondée à Jérusalem, au couvent de Saint-Étienne, par les soins du Maître général de l'Ordre sacré des Prêcheurs ; Ecole grâce à laquelle, disait-il, « la science biblique a reçu des avantages sérieux et dont elle en attend de plus grands encore » (Lettre apost. Hierosolymae in coenobio, 17 septembre 1892. LEONIS XIII Acta, XII, p. 239-241, v. p. 240). Puis, dans la dernière année de sa vie, il trouva un nouveau moyen pour rendre chaque jour plus parfaites ces études tant recommandées par son Encyclique Providentissimus Deus et pour les faire progresser le plus sûrement possible. En effet, par la Lettre apostolique Vigilantiae du 30 octobre 1902, il institua un Conseil ou Commission, composé d'hommes compétents, « dont la fonction devait être de diriger tous leurs soins et tous leurs efforts à ce que les divines Écritures trouvent partout, chez nos exégètes, cette interprétation plus critique que notre temps réclame, et qu'elles soient préservées non seulement de tout souffle d'erreur, mais encore de toute témérité d'opinions » (cf. LEONIS XIII Acta, XXII, p. 232 sq. ; Ench. Bibl. n. 130-141 ; v. n. 130, 132). Ce Conseil, Nous l'avons, Nous aussi, confirmé et accru, suivant l'exemple de Nos Prédécesseurs, usant de son ministère, comme il avait été fait plusieurs fois auparavant, pour rappeler aux interprètes des Livres Sacrés les saintes lois de l'exégèse catholique, que les saints Pères, les Docteurs de l'Église et les Souverains Pontifes eux-mêmes ont transmises. (Lettre de la Commission pontificale des études bibliques aux archevêques et évêques d'Italie, 20 août 1941 ; Acta Ap. Sedis, XXXIII [1941], p. 465-472.)

9. Ici il ne semble pas hors de propos de rappeler avec reconnaissance les contributions de Nos Prédécesseurs au même but, du moins les plus importantes et les plus utiles ; contributions que nous dirions volontiers les compléments ou les fruits de l'heureuse initiative de Léon XIII.

Tout d'abord Pie X, « voulant procurer un moyen certain de préparer en abondance des maîtres recommandables par la profondeur et l'intégrité de leur doctrine, qui se consacreraient dans les écoles catholiques à l'interprétation des Livres Saints..., institua les grades académiques de licencié et de docteur dans la science de l'Écriture Sainte... à conférer par la Commission biblique » (Lettre apost. Scripturae Sanctae, 23 février 1904 ; PII X Acta, 1, p. 176-179 ; Ench. Bibl. n. 142-150 ; v. n. 143-144). Il porta ensuite une loi « sur les règles qui doivent présider à l'enseignement de l'Écriture Sainte dans les Grands Séminaires », visant à ce que les séminaristes « non seulement eussent une pleine notion et compréhension de la portée, de la valeur et de la doctrine des Livres Saints, mais encore pussent, avec une science saine, se livrer au ministère de la parole sacrée et défendre... contre les attaques les livres écrits sous l'inspiration divine » (cf. Lettre apost. Quoniam in re biblica, 27 mars 1906 ; PII X Acta, III, p. 72-76 ; Ench. Bibl. n. 155-173 ; v. n. 155). Enfin Pie X voulut « qu'il y eut dans la ville de Rome un centre de hautes études relatives aux Livres Saints, afin de développer le plus efficacement possible, selon l'esprit de l'Église catholique, la science biblique et toutes les études annexes », Il fonda donc l'Institut Biblique Pontifical, à confier aux soins de l'illustre Compagnie de Jésus ; il statua qu'il serait « pourvu de cours supérieurs et de toutes les ressources de l'érudition biblique » et lui donna lui-même des lois et un règlement, affirmant qu'il voulait réaliser en cela « le projet salutaire et fécond » de Léon XIII. (Lettre apost. Vinea electa, 7 mai 1909 ; Acta Ap. Sedis, I [1909], p. 447-449 ; Ench. Bibl. n. 293-306 ; v. n. 296 et 294.)

10. Tout cela enfin fut achevé par Notre dernier Prédécesseur, Pie XI, d'heureuse mémoire, quand il décréta, entre autres, que nul ne serait admis « à professer l'enseignement des Saintes Écritures dans les Séminaires s'il n'avait pas obtenu légitimement, après avoir suivi des cours spéciaux de science scripturaire, les grades académiques devant la Commission ou l'Institut Biblique ». À ces grades il voulut que fussent reconnus les mêmes droits et les mêmes effets qu'aux grades dûment conférés en théologie et en droit canonique ; il établit en outre qu'à personne ne devrait être conféré « un bénéfice comportant canoniquement la charge d'expliquer au peuple la Sainte Écriture s'il ne possédait, en plus des autres qualités, la licence ou le doctorat en science biblique ».

11. Il invitait en même temps les Supérieurs généraux des Ordres religieux et des Congrégations religieuses, ainsi que les évêques du monde catholique, à envoyer les plus aptes parmi leurs sujets fréquenter les cours de l'Institut Biblique et y conquérir les grades académiques. De plus, il confirmait ses exhortations par l'exemple, en constituant généreusement, à cet effet, des revenus annuels. (Cf. Motu proprio Bibliorum scientiam. 27 avril 1924 ; Acta Ap. Sedis, XVI [1924], p. 180-182 ; Ench. Bibl. n. 518-525.)

12. Enfin, après que Pie X eut favorisé et approuvé en 1907 « la tâche confiée aux religieux Bénédictins de préparer, par leurs investigations et leurs études, les éléments nécessaires à une nouvelle édition de la traduction latine des Écritures, connue sous le nom de Vulgate » (Lettre au Rev.me D. Aidan Gasquet, 3 déc. 1907 ; PII X Acta, IV, p. 117-119 ; Ench. Bibl. n. 285 sq.), Pie XI, voulant établir sur des bases plus solides et plus sûres cette « entreprise laborieuse et ardue » qui exige beaucoup de temps et de grandes dépenses, et dont la très grande utilité était manifestée par les excellents volumes déjà parus, éleva depuis ses fondements le monastère romain de Saint-Jérôme et le dota largement d'une bibliothèque et de tous les autres moyens de travail. (Const. Apost. Inter praecipuas, 15 juin 1933 ; Acta Ap. Sedis, XXVI [1934], p. 85-87.)

13. Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence le soin avec lequel Nos Prédécesseurs, quand l'occasion s'en présentait, ont recommandé l'étude ou la prédication des Saintes Écritures, comme aussi leur pieuse lecture et leur méditation. Pie X, en effet, approuva chaleureusement la Société de Saint-Jérôme, qui s'applique à recommander aux fidèles la si louable coutume de lire et de méditer les saints Évangiles et à rendre, par tous les moyens, cette pratique plus facile. Il l'exhorta à persévérer avec ardeur dans cette entreprise en déclarant que « c'était là chose utile entre toutes, qui répondait très bien aux besoins du temps », puisque cela ne contribue pas peu à « dissiper ce préjugé selon lequel l'Église voit de mauvais œil et entrave la lecture de l'Écriture Sainte en langue vulgaire » (Lettre à l'Eme. card. Casseta, Qui piam, 21 janv. 1907 ; PII X Acta, IV, p. 23-25).

14. À l'occasion du XVe centenaire de la mort de saint Jérôme, le plus grand des Docteurs dans l'interprétation des Saintes Lettres, Benoît XV, après avoir très religieusement rappelé les instructions et les exemples du saint Docteur, ainsi que les principes et les règles donnés par Léon XIII et par lui-même, et après d'autres recommandations des plus opportunes dans cette matière, qui ne doivent jamais être oubliées, exhorta « tous les enfants de l'Église, et principalement les clercs, au respect en même temps qu'à la lecture pieuse et à la méditation assidue de la Sainte Écriture » ; il les engagea à « chercher dans ces pages la nourriture qui alimente la vie spirituelle et la fait avancer dans la voie de la perfection », rappelant que « l'Écriture sert principalement à sanctifier et féconder le ministère de la parole divine ». Enfin, Benoît XV loua de nouveau l'œuvre de la Société établie sous le nom de Saint-Jérôme, par le soin de laquelle les Évangiles et les Actes des Apôtres sont répandus aussi largement que possible, « de manière que ces livres aient désormais leur place dans chaque famille chrétienne et que chacun prenne l'habitude de les lire et méditer chaque jour » (Encyclique Spiritus Paraclitus, 15 sept. 1920 ; Acta Ap. Sedis, XII [1920], p. 385-422 ; Ench. Bibl. n. 457-508 ; v. n. 457, 495, 497, 491).

15. Mais ce n'est pas seulement grâce à ces entreprises, à ces préceptes, à ces encouragements de Nos Prédécesseurs, que la science des Saintes Écritures et leur usage ont notablement progressé parmi les catholiques, c'est aussi, il est juste et agréable de le reconnaître, grâce aux efforts et aux travaux de tous ceux qui les secondèrent par leur zèle, en méditant, en étudiant, en écrivant, comme aussi en enseignant et en prêchant, en traduisant ou en propageant les Livres Saints. Déjà, en effet, de très nombreux professeurs d'Écriture Sainte sont sortis des écoles de haut enseignement théologique et biblique, principalement de Notre Institut Biblique et il en sort chaque jour qui, animés d'un zèle ardent pour les Livres Saints, s'emploient à pénétrer le jeune clergé du même zèle généreux et se dévouent à lui communiquer la doctrine qu'ils ont reçue eux-mêmes. Nombre d'entre eux aussi, par leurs écrits, ont fait avancer et font avancer en différentes manières la science biblique, soit en publiant les textes sacrés selon la méthode critique, soit en les expliquant, en les illustrant, en les traduisant en langue vulgaire, soit en les proposant à la pieuse lecture et à la méditation des fidèles, soit enfin en cultivant et s'assimilant les sciences profanes utiles à l'interprétation de l'Écriture.

16. Ces travaux et d'autres initiatives encore qui, de jour en jour, se répandent plus largement et s'affermissent, comme, par exemple, les Sociétés, Congrès et Semaines bibliques, les bibliothèques et les Associations pour la méditation de l'Évangile, Nous font concevoir une ferme espérance que le respect, l'usage, la science des Saintes Lettres se développeront de plus en plus pour le bien des âmes. Il en sera ainsi, pourvu que tous observent avec une fermeté, une ardeur et une confiance toujours plus grandes la méthode des études bibliques prescrite par Léon XIII, développée et perfectionnée par ses Successeurs, confirmée et enrichie par Nous, seule méthode sûre et pleinement approuvée par l'expérience, sans se laisser décourager par les difficultés qui, ainsi qu'il arrive toujours dans la vie humaine, ne manqueront jamais à une œuvre aussi excellente.

17. Il n'y a personne qui ne soit à même de remarquer combien, au cours des cinquante dernières années, se sont modifiées les conditions des études bibliques et des disciplines auxiliaires. Ainsi, pour ne pas parler du reste, au temps où Notre Prédécesseur publiait son Encyclique Providentissimus Deus, c'est à peine si l'on avait commencé l'exploration de l'un ou de l'autre des sites de la Palestine au moyen de fouilles scientifiques. Maintenant les explorations de ce genre ont grandement augmenté en nombre, tandis qu'une méthode plus sévère et un art perfectionné par l'expérience nous fournissent des résultats plus nombreux et plus certains. Quelle lumière jaillit de ces recherches pour une intelligence plus exacte et plus pleine des Saints Livres, tous les spécialistes le savent, ainsi que tous ceux qui se livrent à ces études. L'importance de ces explorations est encore accrue par la fréquente découverte de monuments écrits, qui sont d'un grand secours pour la connaissance des langues, des littératures, des événements, des mœurs et des cultes les plus anciens. La découverte et l'étude des papyrus, aujourd'hui si développées, ne sont pas d'un moindre intérêt, car ils nous font mieux connaître la littérature ainsi que les institutions publiques et privées, surtout à l'époque de Notre Sauveur. En outre, d'anciens manuscrits des Livres Saints ont été découverts et publiés avec soin et sagacité ; l'exégèse des Pères de l'Église a été plus largement étudiée et plus profondément ; enfin la manière de raconter et d'écrire des anciens a été illustrée de nombreux exemples.

18. Toutes ces ressources, que notre âge a conquises, non sans un secret dessein de la Providence, invitent en quelque sorte les interprètes des Saintes Lettres et les engagent à user avec allégresse d'une si belle lumière pour scruter plus à fond les paroles divines, les commenter plus clairement, les exposer plus lumineusement. Que si, avec une suprême consolation, Nous voyons que ces mêmes exégètes ont déjà répondu avec empressement à cet appel et y répondent encore, ce n'est certes ni le dernier ni le moindre fruit de l'Encyclique Providentissimus Deus, par laquelle Notre Prédécesseur Léon XIII, comme pressentant cette floraison nouvelle de la science biblique, a invité au travail les exégètes catholiques et leur a tracé avec sagesse la voie et la méthode à suivre dans ce travail. Nous aussi, par la présente Encyclique, Nous désirons obtenir non seulement que ce travail soit continué avec persévérance et constance, mais qu'il devienne de jour en jour plus parfait et plus fécond, c'est pourquoi Nous Nous proposons de montrer à tous ce qui reste à faire et dans quelles dispositions l'exégète catholique doit s'adonner aujourd'hui à une tâche si importante et si sublime, voulant aussi donner aux ouvriers, qui travaillent avec zèle dans la vigne du Seigneur, de nouveaux stimulants et un nouvel élan.

19. À l'exégète catholique, qui se dispose au travail de comprendre et d'expliquer les Saintes Écritures, déjà les Pères de l'Église, et surtout saint Augustin, recommandaient avec force l'étude des langues anciennes et le recours aux textes originaux. (Cf. p. ex. S. JÉRÔME, Praef. in IV Evang. ad Damasum ; P. L., XXIX, col. 526-527 ; S. AUGUSTIN, De doctr. christ. II, 16 ; P. L., XXXIV, col. 42-43.) Cependant, à cette époque, les conditions des lettres étaient telles que rares étaient ceux qui connaissaient même imparfaitement la langue hébraïque. Au moyen âge, tandis que la théologie scolastique était à son apogée, la connaissance de la langue grecque elle-même était depuis longtemps si affaiblie en Occident que même les plus grands Docteurs de ce temps, pour commenter les Livres Divins, ne se servaient que de la version latine de la Vulgate. De nos jours, au contraire, non seulement la langue grecque, rappelée en quelque sorte à une vie nouvelle dès le temps de la Renaissance, est familière à presque tous ceux qui cultivent l'antiquité et les lettres, mais aussi la connaissance de la langue hébraïque et des autres langues orientales est largement répandue parmi les hommes cultivés. Il y a maintenant tant de facilités pour apprendre ces langues que l'interprète de la Bible qui, en les négligeant, s'interdirait l'accès aux textes originaux ne pourrait échapper au reproche de légèreté et de nonchalance.

20. Il appartient, en effet, à l'exégète de chercher à saisir religieusement et avec le plus grand soin les moindres détails sortis de la plume de l'hagiographe sous l'inspiration de l'Esprit Divin, afin d'en pénétrer plus profondément et plus pleinement la pensée. Qu'il travaille donc avec diligence à s'assurer une maîtrise chaque jour plus grande des langues bibliques et orientales, et qu'il étaye son exégèse avec toutes les ressources que fournissent les différentes branches de la philologie. C'est cette maîtrise que saint Jérôme s'efforçait anxieusement d'acquérir suivant l'état des connaissances de son temps ; c'est à elle qu'aspirèrent avec un zèle infatigable, et non sans un réel profit, plusieurs des meilleurs exégètes des XVIe et XVIIe siècles, bien que la science des langues fût alors très inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui. C'est en suivant la même méthode qu'il importe d'expliquer le texte primitif qui, écrit par l'auteur sacré lui-même, a plus d'autorité et plus de poids qu'aucune version, même la meilleure, ancienne ou moderne ; ce en quoi on réussira sans doute avec plus de facilité et de succès si l'on joint à la connaissance des langues une solide expérience de la critique textuelle.

21. Quelle importance il faut attribuer à une telle méthode critique, saint Augustin nous l'enseigne avec pertinence quand, parmi les préceptes à inculquer à qui étudie les Livres Saints, il met en première ligne le soin qu'il faut avoir de se procurer un texte correct. « La sagacité de ceux qui désirent connaître les Écritures Divines doit veiller en premier lieu à corriger les manuscrits — ainsi s'exprime l'illustre Docteur de l'Église, — afin que les manuscrits non corrigés cèdent le pas à ceux qui sont corrigés. » (De doctr. christ. II, 21 ; P. L., XXXIV, col. 46.) Cet art de la critique textuelle, qu'on emploie avec beaucoup de succès et de fruit dans l'édition des textes profanes, doit servir aujourd'hui, à plus forte raison en vérité, pour les Livres Saints, à cause du respect qui est dû à la parole divine. Le but de cet art est, en effet, de restituer le texte sacré, autant qu'il se peut, avec la plus grande perfection, en le purifiant des altérations dues aux insuffisances des copistes et en le délivrant, dans la mesure du possible, des gloses et des lacunes, des inversions de mots et des répétitions, ainsi que des fautes de tout genre qui ont coutume de se glisser dans tous les écrits transmis à travers plusieurs siècles.

22. D'aucuns, il est vrai, ont employé la critique, il y a quelques dizaines d'années, d'une façon tout arbitraire, et souvent de telle sorte qu'on aurait pu dire qu'ils agissaient ainsi afin d'introduire dans le texte sacré leurs opinions préconçues ; mais aujourd'hui, il est à peine besoin de le remarquer, la critique possède des lois si stables et si assurées qu'elle est devenue un instrument de choix pour éditer la parole divine avec plus de pureté et d'exactitude, tout abus pouvant être facilement dépisté. Il n'est pas nécessaire de rappeler ici — car c'est trop évident et trop connu de tous ceux qui s'adonnent à l'étude de l'Écriture Sainte — combien l'Église depuis les premiers siècles jusqu'à nos jours a eu en honneur ces travaux de l'art critique.

23. Aujourd'hui donc que cet art a été si parfaitement discipliné, c'est pour ceux qui étudient les questions bibliques, une tâche honorable, sinon toujours facile, de s'employer à ce que paraissent le plus tôt possible, suivant les opportunités, des éditions soit des Livres Saints eux-mêmes, soit de leurs anciennes versions, préparées par des catholiques selon cette règle qu'au respect le plus absolu pour le texte sacré se joigne l'application de toutes les lois de la critique. Que tous le comprennent bien : ce travail de longue durée n'est pas seulement nécessaire pour comprendre, comme il faut, le texte écrit sous l'inspiration divine ; il est encore vivement, requis par cette piété qui doit nous porter à être infiniment reconnaissants envers la Providence divine de ce qu'elle nous a destiné ces livres comme des lettres paternelles envoyées du siège de sa majesté à ses enfants.

24. Et que personne ne voie dans ce recours aux textes originaux, conformément à la méthode critique, une dérogation aux prescriptions si sagement formulées par le Concile de Trente au sujet de la Vulgate. (Decr. de editione et usu Sacrorum Librorum ; Conc. Trid. éd. Soc. GOERRES, t. V, p. 91 sq.) Car c'est un fait appuyé sur des documents certains que le saint Concile chargea ses présidents de prier le Souverain Pontife en son nom — et ils le firent — de faire corriger d'abord le texte latin, ensuite, autant que possible, les textes grec et hébreu (Ib., t. X, p. 471 ; cf. t. V, p. 29, 59, 65 ; t. X, p. 446 sq.), afin de les publier plus tard pour l'utilité de la sainte Église de Dieu. S'il ne fut pas possible de répondre alors pleinement à ce désir, à cause des difficultés du temps et d'autres obstacles, Nous avons la confiance que, maintenant, il pourra y être donné plus parfaitement et plus entièrement satisfaction grâce à la collaboration entre savants catholiques.

25. Si le Concile de Trente a voulu que la Vulgate fût la version latine « que tous doivent employer comme authentique », cela, chacun le sait, ne concerne que l'Église latine et son usage public de l'Écriture, mais ne diminue en aucune façon — il n'y a pas le moindre doute à ce sujet — ni l'autorité ni la valeur des textes originaux. Au surplus, il ne s'agissait pas alors des textes originaux, mais des versions latines qui circulaient à cette époque ; versions entre lesquelles le Concile, à juste titre, déclara préférable celle qui, « par un long usage de tant de siècles, était approuvée dans l'Église ».

26. Cette autorité éminente de la Vulgate ou, comme l'on dit, son authenticité, n'a donc pas été décrétée par le Concile surtout pour des raisons critiques, mais bien plutôt à cause de son usage légitime dans les Églises prolongé au cours de tant de siècles. Cet usage, en vérité, démontre que, telle qu'elle a été et est encore comprise par l'Église, elle est absolument exempte de toute erreur en ce qui concerne la foi et les mœurs ; si bien que la même Église l'attestant et le confirmant, on peut la produire en toute sûreté et sans péril d'erreur dans les discussions, dans l'enseignement et dans la prédication. D'où une authenticité de ce genre ne doit pas être qualifiée en premier lieu de critique, mais bien plutôt de juridique. C'est pourquoi l'autorité de la Vulgate en matière de doctrine n'empêche donc nullement — aujourd'hui elle le demanderait plutôt — que cette doctrine soit encore justifiée et confirmée par les textes originaux eux-mêmes et que ces textes soient appelés couramment à l'aide pour mieux expliquer et manifester le sens exact des Saintes Lettres. Le décret du Concile de Trente n'empêche même pas que, pour l'usage et le bien des fidèles, en vue de leur faciliter l'intelligence de la parole divine, des versions en langue vulgaire soient composées précisément d'après les textes originaux, comme Nous savons que cela a déjà été fait d'une manière louable en plusieurs régions avec l'approbation ecclésiastique.

27. Bien fourni de la connaissance des langues anciennes et des ressources de la critique, l'exégète catholique peut aborder la tâche — la plus importante de toutes celles qui lui incombent — de découvrir et d'exposer le véritable sens des Livres Saints. Que les exégètes, dans l'accomplissement de ce travail, aient toujours devant les yeux qu'il leur faut avant tout s'appliquer à discerner et à déterminer ce sens des mots bibliques qu'on appelle le sens littéral. Ils doivent mettre le plus grand soin à découvrir ce sens littéral des mots au moyen de la connaissance des langues, en s'aidant du contexte et de la comparaison avec les passages analogues ; toutes opérations qu'on a coutume de faire aussi dans l'interprétation des livres profanes, pour faire ressortir plus clairement la pensée de l'auteur.

28. Que les exégètes des Saintes Lettres, se souvenant qu'il s'agit ici de la parole divinement inspirée, dont la garde et l'interprétation ont été confiées à l'Église par Dieu lui-même, ne mettent pas moins de soin à tenir compte des interprétations et déclarations du magistère de l'Église, ainsi que des explications données par les saints Pères, en même temps que de « l'analogie de la foi », comme Léon XIII les en avertit très sagement dans l'Encyclique Providentissimus Deus (LEONIS XIII Acta, XIII, p. 345-346 ; Ench. Bibl. n. 94-96). Qu'ils s'appliquent d'une manière toute particulière à ne pas se contenter d'exposer ce qui regarde l'histoire, l'archéologie, la philologie et les autres sciences auxiliaires — comme Nous regrettons qu'on ait fait dans certains commentaires ; — mais, tout en alléguant à propos ces informations, pour autant qu'elles peuvent aider à l'exégèse, qu'ils exposent surtout quelle est la doctrine théologique de chacun des livres ou des textes en matière de foi et de mœurs, de sorte que leurs explications ne servent pas seulement aux professeurs de théologie à proposer et à confirmer les dogmes de la foi, mais encore qu'elles viennent en aide aux prêtres pour expliquer la doctrine chrétienne au peuple et qu'elles soient utiles enfin à tous les fidèles pour mener une vie sainte, digne d'un chrétien.

29. Quand les exégètes catholiques donneront une pareille interprétation, avant tout théologique, comme Nous avons dit, ils réduiront définitivement au silence ceux qui assurent ne rien trouver dans les commentaires qui élève l'âme vers Dieu, nourrisse l'esprit et stimule la vie intérieure, prétendant en conséquence qu'il faut avoir recours à une interprétation spirituelle, ou, comme ils disent, mystique. Que cette manière de voir ne soit pas juste, l'expérience d'un grand nombre l'enseigne, qui, considérant et méditant sans cesse la parole de Dieu, ont conduit leur âme à la perfection et ont été entraînés vers Dieu par un amour ardent. C'est aussi ce que montrent clairement et la pratique constante de l'Église et les avertissements des plus grands Docteurs. Ce qui ne signifie certes pas que tout sens spirituel soit exclu de la Sainte Écriture ; car les paroles et les faits de l'Ancien Testament ont été merveilleusement ordonnés et disposés par Dieu de telle manière que le passé signifiât d'avance d'une manière spirituelle ce qui devait arriver sous la nouvelle alliance de la grâce. C'est pourquoi l'exégète, de même qu'il doit rechercher et exposer le sens littéral des mots, tel que l'hagiographe l'a voulu et exprimé, ainsi doit-il exposer le sens spirituel, pourvu qu'il résulte certainement qu'il a été voulu par Dieu. Dieu seul, en effet, peut connaître ce sens spirituel et nous le révéler. Or, un pareil sens, notre Divin Sauveur nous l'indique et nous l'enseigne lui-même dans les Saints Évangiles, à l'exemple du Maître, les apôtres le professent aussi par leurs paroles et leurs écrits ; la tradition constante de l'Église le montre ; enfin, le très ancien usage de la liturgie le déclare quand on est en droit d'appliquer l'adage connu : « La loi de la prière est la loi de la croyance. »

30. Ce sens spirituel donc, voulu et ordonné par Dieu lui-même, les exégètes catholiques doivent le manifester et l'exposer avec le soin qu'exige la dignité de la parole divine. Qu'ils veillent religieusement, toutefois, à ne pas présenter d'autres significations métaphoriques des choses ou des faits comme sens authentique de la Sainte Écriture. Car si, dans le ministère de la prédication surtout, un emploi plus large et métaphorique du texte sacré peut être utile pour éclairer et mettre en valeur certains points de la foi et des mœurs, à condition de le faire avec modération et sobriété, il ne faut cependant jamais oublier que cet usage des paroles de la Sainte Écriture lui est comme extrinsèque et adventice. Il arrive même, surtout aujourd'hui, que cet usage n'est pas sans danger, parce que les fidèles, et en particulier ceux qui sont au courant des sciences sacrées comme des sciences profanes, cherchent ce que Dieu nous signifie par les Lettres sacrées de préférence à ce qu'un écrivain ou un orateur disert expose en jouant habilement des paroles de la Bible. « La parole de Dieu, vivante et efficace, plus acérée qu'une épée à deux tranchants, si pénétrante qu'elle va jusqu'à séparer l'âme de l'esprit, les jointures et les moelles, qui démêle les sentiments et les pensées des cœurs » (Hebr. IV, 12), n'a pas besoin de colifichets ni d'ornements humains pour émouvoir et frapper les esprits. Les pages sacrées, en effet, sous l'inspiration de Dieu, abondent par elles-mêmes de sens propre ; douées de vertu divine, elles valent par elles-mêmes ; ornées d'une beauté qui vient d'en haut, elles brillent et resplendissent par elles-mêmes, pourvu que le commentateur les explique si pleinement, si soigneusement, que tous les trésors de sagesse et de prudence, y contenus, soient mis en lumière.

31. Pour s'acquitter de sa tâche, l'exégète aura bénéfice à s'aider par une étude sérieuse des œuvres que les saints Pères, les Docteurs de l'Église et les plus illustres exégètes des temps passés ont consacrées à l'explication des Saintes Lettres. Ceux-là, en effet, bien que leur érudition et leurs connaissances linguistiques fussent moins poussées que celles des exégètes modernes, excellent, en vertu du rôle que Dieu leur a attribué dans l'Église, par un discernement tout suave des choses célestes et par une admirable puissance d'esprit, grâce auxquels ils pénètrent plus avant dans les profondeurs de la parole divine, et mettent en lumière tout ce qui peut servir à illustrer la doctrine du Christ et à faire progresser la sainteté de la vie.

32. Il est, certes, regrettable que ces précieux trésors de l'antiquité chrétienne soient si peu connus de maints écrivains de notre temps et que les historiens de l'exégèse n'aient pas encore accompli tout ce qui semblerait nécessaire pour une étude méthodique et une juste appréciation de cette matière si importante. Plaise au ciel que se lèvent en grand nombre des travailleurs qui explorent avec zèle l'interprétation catholique des Écritures, auteurs et œuvres, et qui épuisent, pour ainsi dire, les richesses presque immenses amassées par ces auteurs. Ils contribueront ainsi à manifester toujours mieux avec quel soin ceux-là ont scruté et mis en lumière la doctrine des Livres Saints et à obliger les exégètes contemporains à s'inspirer de leur exemple, à chercher chez eux des arguments opportuns. Ainsi se réalisera enfin l'heureuse et féconde union de la doctrine et de l'onction des anciens avec l'érudition plus grande et l'art plus avancé des modernes ; union qui produira des fruits nouveaux dans le champ des Lettres Divines, lequel ne sera jamais ni suffisamment cultivé ni entièrement épuisé.

33. Désormais Nous avons de bonnes et justes raisons d'espérer que notre temps lui aussi apportera sa contribution à une interprétation plus pénétrante et plus exacte des Saintes Lettres. Car bien des points, en particulier parmi ceux qui touchent à l'histoire, ont été expliqués à peine ou insuffisamment par les exégètes des siècles écoulés, parce qu'il leur manquait presque toutes les connaissances nécessaires pour les élucider. Combien il était difficile et quasi impossible aux Pères mêmes de traiter certaines questions, Nous le voyons, pour ne rien dire d'autre, aux efforts réitérés de beaucoup d'entre eux pour interpréter les premiers chapitres de la Genèse, comme aux divers essais tentés par saint Jérôme pour traduire les psaumes de façon à mettre clairement en lumière leur sens littéral, c'est-à-dire celui que les mots mêmes expriment. Il y a enfin d'autres livres ou textes sacrés dont les difficultés n'ont été découvertes qu'à l'époque moderne, depuis qu'une meilleure connaissance de l'antiquité a soulevé des questions nouvelles, faisant pénétrer d'une manière plus appropriée dans le vif du sujet. C'est donc à tort que certains, ne connaissant pas exactement les conditions actuelles de la science biblique, prétendent que l'exégète catholique contemporain ne peut rien ajouter à ce qu'a produit l'antiquité chrétienne, alors qu'au contraire notre temps a mis en évidence tant de questions qui, en exigeant de nouvelles recherches et de nouveaux contrôles, stimulent grandement à une étude énergique les exégètes modernes.

34. Notre âge, en vérité, qui soulève de nouvelles questions et de nouvelles difficultés, fournit aussi à l'exégète, grâce à Dieu, de nouvelles ressources et de nouveaux appuis. Sous ce rapport, il paraît juste de faire une mention particulière de ce que les théologiens catholiques, en suivant la doctrine des saints Pères, surtout celle du Docteur angélique et commun, ont scruté et expliqué la nature et les effets de l'inspiration biblique d'une façon plus appropriée et plus parfaite qu'on n'avait coutume de le faire dans les siècles passés.

Partant, dans leurs recherches, du principe que l'hagiographe, en composant le Livre Saint, est organon ou instrument de l'Esprit-Saint, mais instrument vivant et doué de raison, ils remarquent à juste titre que, conduit par la motion divine, il use cependant de ses facultés et de ses forces, de telle manière que l'on peut facilement saisir dans le livre, composé par lui, « son caractère particulier et, pour ainsi dire, ses traits et linéaments personnels » (cf. BENOÎT XV, Encyclique Spiritus Paraclitus ; Acta Ap. Sedis, XII [1920], p. 390 ; Ench. Bibl. n. 461). L'exégète doit donc s'efforcer, avec le plus grand soin, sans rien négliger des lumières fournies par les recherches récentes, de discerner quel fut le caractère particulier de l'écrivain sacré et ses conditions de vie, l'époque à laquelle il a vécu, les sources écrites ou orales qu'il a employées, enfin sa manière d'écrire. Ainsi pourra-t-il bien mieux connaître qui a été l'hagiographe et ce qu'il a voulu exprimer en écrivant. Il n'échappe, en effet, à personne que la loi suprême de l'interprétation est de reconnaître et de définir ce que l'écrivain a voulu dire, comme nous en avertit admirablement saint Athanase : « Ici, ainsi qu'il convient de faire dans tous les autres passages de la Sainte Écriture, il faut observer à quelle occasion l'Apôtre a parlé, remarquer avec soin et impartialité à qui et pourquoi il a écrit, de peur qu'en ignorant ces circonstances ou les comprenant autrement, on ne s'écarte du véritable sens. » (Contra Arianos, I, 54 ; P. G., XXXVI, col. 123.)

35. Or, dans les paroles et les écrits des anciens auteurs orientaux, souvent le sens littéral n'apparaît pas avec autant d'évidence que chez les écrivains de notre temps ; ce qu'ils ont voulu signifier par leurs paroles ne peut pas se déterminer par les seules lois de la grammaire ou de la philologie, non plus que par le seul contexte. Il faut absolument que l'exégète remonte en quelque sorte par la pensée jusqu'à ces siècles reculés de l'Orient, afin que, s'aidant des ressources de l'histoire, de l'archéologie, de l'ethnologie et des autres sciences, il discerne et reconnaisse quels genres littéraires les auteurs de cet âge antique ont voulu employer et ont réellement employés. Les Orientaux, en effet, pour exprimer ce qu'ils avaient dans l'esprit, n'ont pas toujours usé des formes et des manières de dire dont nous usons aujourd'hui, mais bien plutôt de celles dont l'usage était reçu par les hommes de leur temps et de leur pays. L'exégète ne peut pas déterminer a priori ce qu'elles furent ; il ne le peut que par une étude attentive des littératures anciennes de l'Orient. Or, dans ces dernières dizaines d'années, cette étude, poursuivie avec plus de soin et de diligence qu'autrefois, a manifesté plus clairement quelles manières de dire ont été employées dans ces temps anciens, soit dans les descriptions poétiques, soit dans l'énoncé des lois et des normes de vie, soit enfin dans le récit des faits et des événements de l'histoire.

36. Cette même étude a déjà établi avec clarté que le peuple d'Israël l'emporte singulièrement sur les
autres nations de l'Orient dans la manière d'écrire correctement l'histoire, tant pour l'antiquité que pour la fidèle relation des événements ; prérogative qui est due, sans doute, au charisme de l'inspiration divine et au but particulier religieux de l'histoire biblique.

37. Néanmoins, personne, qui ait un juste concept de l'inspiration biblique, ne s'étonnera de trouver chez les écrivains sacrés, comme chez tous les anciens, certaines façons d'exposer et de raconter, certains idiotismes propres aux langues sémitiques, des approximations, certaines manières hyperboliques de parler, voire même parfois des paradoxes destinés à imprimer plus fermement les choses dans l'esprit. En effet, des façons de parler dont le langage humain avait coutume d'user pour exprimer la pensée chez les peuples anciens, en particulier chez les Orientaux, aucune n'est étrangère aux Livres Saints, pourvu toutefois que le genre employé ne répugne en rien à la sainteté ni à la vérité de Dieu ; c'est ce que déjà le Docteur angélique a remarqué dans sa sagacité, lorsqu'il dit : « Dans l'Écriture, les choses divines nous sont transmises selon le mode dont les hommes ont coutume d'user. » (Comment. ad Hebr. cap. I, lectio 4.)

De même que le Verbe substantiel de Dieu s'est fait en tout semblable aux hommes « hormis le péché » (Hebr. IV, 15), ainsi les paroles de Dieu, exprimées en langue humaine, sont semblables en tout au langage humain, l'erreur exceptée. C'est là la sugkatabasiv, ou condescendance de la divine Providence, que saint Chrysostome a déjà magnifiquement exaltée, affirmant à plusieurs reprises qu'elle se trouve dans les Livres Saints. (Cf. p. ex. In Gen. I, 4 [P. G., LIII, col. 34-35] ; In Gen. II, 21 [ib., col. 121] ; In Gen. III,8 [ib., col. 135]; Hom. XV in Ioan. ad I, 18 [P. G., LIX, col. 97 sq.].)

38. Ainsi donc, pour bien répondre aux besoins actuels des études bibliques, que l'exégète catholique, en exposant l'Écriture Sainte, en prouvant et défendant son absolue inerrance, use prudemment de cette ressource ; qu'il recherche comment la manière de parler ou le genre littéraire, employé par l'hagiographe, peut amener à la vraie et exacte interprétation, et qu'il se persuade ne pouvoir négliger cette partie de sa tâche sans un grand détriment de l'exégèse catholique. Souvent, en effet — pour Nous en tenir là, — lorsque certains se plaisent à objecter que les auteurs sacrés se sont écartés de la fidélité historique ou qu'ils ont rapporté quelque chose avec peu d'exactitude, on constate qu'il s'agit seulement de manières de dire ou de raconter habituelles aux anciens, dont les hommes usaient couramment dans leurs relations mutuelles, et qu'on employait en fait licitement et communément. L'équité requiert donc, lorsqu'on rencontre ces expressions dans le langage divin, qui s'exprime au profit des hommes en termes humains, qu'on ne les taxe pas plus d'erreur que lorsqu'on les rencontre dans l'usage quotidien de la vie. Grâce à la connaissance et à la juste appréciation des leçons et usages de parler et d'écrire des anciens, bien des objections, soulevées contre la vérité et la valeur historiques des Lettres Divines, pourront être résolues. En outre, cette étude conduira d'une façon non moins appropriée à un discernement plus complet et plus lumineux de la pensée de l'Auteur Sacré.

39. Ceux donc qui, parmi nous, s'adonnent aux études bibliques, doivent soigneusement faire attention à ce point et ne rien négliger de ce qu'ont apporté de nouveau l'archéologie, l'histoire de l'antiquité et la science des lettres anciennes, rien de ce qui est apte à mieux faire connaître la mentalité des écrivains anciens, leur manière de raisonner, de raconter et d'écrire, leurs formules et leur technique. En cet ordre de choses les laïques catholiques, qu'ils le remarquent bien, ne rendront pas seulement service aux sciences profanes, mais mériteront encore beaucoup de la religion chrétienne, s'ils se livrent avec toute l'application et tout le zèle possible à l'exploration et à l'investigation de l'antiquité, et s'ils contribuent dans la mesure de leurs forces à résoudre les questions de ce genre, demeurées jusqu'ici moins claires et moins manifestes. Toute connaissance humaine, en effet, même non sacrée, ayant une dignité et une excellence quasi innée, en tant qu'elle est une participation de la connaissance infinie de Dieu, reçoit une nouvelle et plus haute dignité et comme une consécration, quand elle s'emploie à mettre les choses divines en une plus vive lumière.

40. Par le progrès, dont Nous avons parlé plus haut, de l'exploration des antiquités orientales, par l'étude plus approfondie des textes originaux, comme aussi par une connaissance plus étendue et plus minutieuse des langues bibliques et orientales en général, il est arrivé heureusement, avec l'aide de Dieu, que, maintes questions soulevées au temps de Notre Prédécesseur d'immortelle mémoire Léon XIII, par des critiques étrangers ou même opposés à l'Église, contre l'authenticité des Livres Sacrés, leur antiquité, intégrité et vérité historique, ne présentent plus de difficultés aujourd'hui et sont résolues.

Les exégètes catholiques, usant correctement de ces mêmes armes d'ordre scientifique dont abusaient trop souvent nos adversaires, ont proposé des interprétations qui, tout en s'accordant avec l'enseignement catholique et les sentences traditionnelles, paraissent en même temps répondre aux difficultés soulevées par les nouvelles explorations et les nouvelles découvertes, ou à celles dont l'antiquité a laissé à notre temps la solution. D'où il est résulté que la confiance dans l'autorité de la Bible et dans sa valeur historique, ébranlée jusqu'à un certain point auprès de quelques-uns par tant d'attaques, est aujourd'hui complètement rétablie chez les catholiques ; bien plus, il ne manque pas d'écrivains même non catholiques, qui, grâce à des recherches entreprises avec calme et sans préjugés, ont été amenés à rejeter les opinions des modernes et à revenir, au moins ici ou là, aux sentences plus anciennes. Ce changement est dû, en grande partie, au labeur infatigable par lequel les commentateurs catholiques des Saintes Lettres, sans se laisser effrayer par les difficultés et les obstacles de tout genre, se sont employés de toutes leurs forces à utiliser tout ce que les recherches actuelles des érudits, soit en archéologie, soit en histoire ou en philologie, ont apporté pour résoudre les questions nouvelles.

41. Personne, toutefois, ne doit s'étonner qu'on n'ait pas encore tiré au clair ni résolu toutes les difficultés et qu'il y ait encore aujourd'hui de graves problèmes qui préoccupent sérieusement les exégètes catholiques. Il ne faut pas, pour autant, perdre courage, ni oublier que dans les disciplines humaines il ne peut en être autrement que dans la nature, où ce qui commence croît peu à peu et où les fruits ne se recueillent qu'après de longs travaux. C'est ainsi que des controverses, laissées sans solution et en suspens dans les temps passés, ont été enfin débrouillées en notre temps, grâce au progrès des études. On peut donc espérer que celles-là aussi, qui aujourd'hui paraissent les plus compliquées et les plus ardues, s'ouvriront enfin un jour, grâce à un effort constant, à la pleine lumière.

Que si une solution désirée tarde longtemps et ne nous sourit pas à nous, mais que peut-être une heureuse issue ne doive être obtenue que par nos successeurs, personne ne doit le trouver mauvais ; car il est juste que s'applique aussi à nous l'avis donné par les Pères pour leurs temps, et en particulier par saint Augustin (cf. S. AUG., Epist. CXLIX ad Paulinum, n. 34 [P. L., XXXIII, col. 644] ; De diversis quaestionibus, q. LIII, n. 2 [ib., XL, col. 36] ; Enarr. in Ps., CXLVI, n. 12 [ib., XXXVII, col. 1907] : que Dieu a parsemé à dessein de difficultés les Livres Saints qu'il a inspirés lui-même, afin de nous exciter à les lire et à les scruter avec d'autant plus d'attention et pour nous exercer à l'humilité par la constatation salutaire de la capacité limitée de notre intelligence. Il n'y aurait donc rien d'étonnant si l'une ou l'autre question devait rester toujours sans réponse absolument adéquate, puisqu'il s'agit parfois de choses obscures, très éloignées de notre temps et de notre expérience, et puisque l'exégèse, elle aussi, comme toutes les sciences et les plus importantes, peut avoir ses secrets, inaccessibles à nos intelligences et revêches à tout effort humain.

42. Même dans ces conditions ; cependant, l'exégète catholique, poussé par un amour de sa science, actif et courageux, sincèrement dévoué à notre Mère la sainte Église, ne doit, en aucune façon, se défendre d'aborder, et à plusieurs reprises, les questions difficiles qui n'ont pas été résolues jusqu'ici, non seulement pour repousser les objections des adversaires, mais encore pour tenter de leur trouver une solide explication, en accord parfait avec la doctrine de l'Église, spécialement avec celle de l'inerrance biblique, et capable en même temps de satisfaire pleinement aux conclusions certaines des sciences profanes.

Les efforts de ces vaillants ouvriers dans la vigne du Seigneur méritent d'être jugés non seulement avec équité et justice, mais encore avec une parfaite charité ; que tous les autres fils de l'Église s'en souviennent. Ceux-ci doivent se garder de ce zèle tout autre que prudent, qui estime devoir attaquer ou tenir en suspicion tout ce qui est nouveau. Qu'ils aient avant tout présent, que, dans les règles et les lois portées par l'Église, il s'agit de la foi et des mœurs, tandis que dans l'immense matière contenue dans les Livres Saints, livres de la Loi ou livres historiques, sapientiaux et prophétiques, il y a bien peu de textes dont le sens ait été défini par l'autorité de l'Église, et il n'y en a pas davantage sur lesquels règne le consentement unanime des Pères. Il reste donc beaucoup de points, et d'aucuns très importants, dans la discussion et l'explication desquels la pénétration et le talent des exégètes catholiques peuvent et doivent avoir libre cours, afin que chacun contribue pour sa part et d'après ses moyens à l'utilité commune, au progrès croissant de la doctrine sacrée, à la défense et à l'honneur de l'Église. Cette vraie liberté des enfants de Dieu, qui, gardant fidèlement la doctrine de l'Église, embrasse avec reconnaissance comme un don de Dieu et met à profit tout l'apport des sciences ; cette liberté, secondée et soutenue par la confiance de tous, est la condition et la source de tout réel succès et de tout solide progrès dans la science catholique, comme nous en avertit excellemment Notre Prédécesseur d'heureuse mémoire Léon XIII, lorsqu'il dit : « Si l'on ne sauvegarde pas l'union des esprits et le respect des principes, il n'y aura pas à espérer qu'une multitude de travaux variés fasse réaliser à cette science de notables progrès. » (Litt. apost. Vigilantiae : LEONIS XIII Acta, XIII, p.237 ; Ench. Bibl. n. 136.)

43. Considérant les immenses efforts soutenus par l'exégèse catholique pendant près de deux mille ans, pour comprendre toujours plus profondément et plus parfaitement la parole divine communiquée aux hommes par les Saintes Lettres et pour l'aimer plus ardemment, on se persuadera aisément que c'est un grave devoir pour les fidèles, et en particulier pour les prêtres, d'user abondamment et saintement de ce trésor accumulé pendant tant de siècles par les génies les plus élevés. Les Livres Saints, en effet, Dieu ne les a pas accordés aux hommes pour satisfaire leur curiosité ou leur fournir des sujets d'étude et de recherche, mais, comme le remarque l'Apôtre pour que ces divines paroles puissent nous « donner la sagesse qui conduit au salut par la foi en Jésus-Christ », et « en vue de rendre l'homme de Dieu parfait, apte à toute bonne œuvre » (cf. II Tim. III, 15, 17). Que les prêtres donc, à qui est confié le soin de procurer aux fidèles le salut éternel, après avoir scruté par une étude diligente les pages sacrées et se les être assimilées par la prière et la méditation, aient à cœur d'expliquer les célestes richesses de la parole divine dans leurs sermons, leurs homélies, leurs exhortations ; qu'ils confirment la doctrine chrétienne par des maximes tirées des Livres Saints ; qu'ils l'illustrent par les merveilleux exemples de l'Histoire Sainte, et nommément par ceux de l'Évangile du Christ, Notre-Seigneur, évitant avec un soin attentif les accommodations subjectives, arbitraires et cherchées trop loin, qui sont non un usage, mais un abus de la parole divine ; qu'ils exposent tout cela avec tant d'éloquence, de netteté et de clarté, que les fidèles ne soient pas seulement mus et excités à y conformer exactement leur vie, mais encore conçoivent un souverain respect envers l'Écriture sacrée.

44. Ce respect, les évêques s'attacheront à l'accroître toujours davantage et à le rendre parfait chez les fidèles qui leur sont confiés, en encourageant toutes les initiatives entreprises par des apôtres zélés dans le but louable d'exciter et d'entretenir, parmi les catholiques, la connaissance et l'amour des Livres Saints. Qu'ils favorisent donc et qu'ils soutiennent ces pieuses associations, qui se proposent de répandre parmi les fidèles des exemplaires des Saintes Lettres, surtout des Évangiles, et qui veillent à ce que la pieuse lecture s'en fasse tous les jours dans les familles chrétiennes ; qu'ils recommandent instamment par la parole et par l'usage, là où les lois liturgiques le permettent, les traductions de l'Écriture Sainte, approuvées par l'autorité ecclésiastique ; qu'ils tiennent eux-mêmes ou fassent tenir par des orateurs sacrés particulièrement compétents des leçons ou conférences publiques sur des questions bibliques. Que tous les ministres du sanctuaire soutiennent, dans la mesure de leurs forces, et divulguent opportunément, parmi les différents groupes et rangs de leur troupeau, les périodiques qui se publient d'une manière si louable et si utile, dans les diverses parties du globe, soit pour traiter et exposer les questions bibliques selon la méthode scientifique, soit pour adapter les fruits de ces recherches au ministère sacré ou aux besoins des fidèles. Que les ministres du sanctuaire en soient bien convaincus : toutes ces initiatives et les autres du même genre, que le zèle apostolique et un sincère amour de la parole divine trouveront appropriées à ce sublime dessein leur seront d'un secours efficace dans le ministère des âmes.

45. Mais il ne peut échapper à personne que tout cela ne peut être convenablement effectué par les prêtres, si eux-mêmes, pendant leur séjour au Séminaire, n'ont pas reçu un amour actif et durable des Saintes Écritures. C'est pourquoi les évêques, à qui incombe la direction paternelle de leurs Séminaires, doivent veiller avec soin à ce que, en ce domaine aussi, rien ne soit omis qui puisse contribuer à cette fin. Que les professeurs d'Écriture Sainte organisent tout le cours biblique de telle manière que les jeunes gens destinés au sacerdoce et au ministère de la parole divine soient instruits de cette connaissance des Saintes Lettres et pénétrés de cet amour envers elles, sans lesquels l'apostolat ne peut guère porter des fruits abondants. Il faut donc que leur exégèse fasse ressortir avant tout le contenu théologique, en évitant les discussions superflues, et en omettant tout ce qui est pâture de curiosité plutôt que source de doctrine véritable et stimulant de solide piété. Que les professeurs exposent le sens littéral et surtout le sens théologique, d'une manière si solide, qu'ils l'expliquent si pertinemment, qu'ils l'inculquent avec tant de chaleur, qu'il advienne à leurs élèves ce qui arriva aux disciples de Jésus-Christ allant à Emmaüs, lorsqu'ils s'écrièrent après avoir entendu les paroles du Maître : « Notre cœur n'était-il pas tout brûlant au dedans de nous, lorsqu'Il nous découvrait les Écritures ? » (Luc. XXIV, 32.) Qu'ainsi les Lettres Divines deviennent pour les futurs prêtres de l'Église une source pure et permanente pour leur propre vie spirituelle, un aliment et une force pour la tâche sacrée de la prédication qu'ils vont assumer. Quand les professeurs de cette matière importante, dans les Séminaires, auront atteint ce but, qu'ils se persuadent avec joie qu'ils ont grandement contribué au salut des âmes, au progrès de la cause catholique, à l'honneur et à la gloire de Dieu, et qu'ils ont accompli une œuvre intimement liée aux devoirs de l'apostolat.

46. Ce que Nous venons de dire, Vénérables Frères et chers Fils, nécessaire en tout temps, l'est certainement beaucoup plus en ces jours malheureux, où presque tous les peuples et nations sont plongés dans un océan de calamités, tandis qu'une guerre affreuse accumule ruine sur ruine, carnage sur carnage, tandis que, par le fait des haines impitoyables des peuples excités les uns contre les autres, Nous voyons, avec une suprême douleur, s'éteindre dans beaucoup d'hommes non seulement le sens de la modération chrétienne et de la charité, mais même celui de l'humanité. Qui peut porter remède à ces mortelles blessures de la société humaine, sinon Celui à qui le Prince des apôtres, plein d'amour et de confiance, adressa ces paroles : « Seigneur, à qui irions-nous ? Vous avez les paroles de la vie éternelle. » (Ioan. VI, 69.) À notre Rédempteur très miséricordieux, il nous faut donc, de toutes nos forces, ramener tous les hommes : il est le consolateur divin des affligés ; il est Celui qui enseigne à tous — qu'ils tiennent en main l'autorité publique ou que leur incombe le devoir de l'obéissance et de la soumission — la probité digne de ce nom, la justice intègre, la charité généreuse ; il est enfin, et lui seul, Celui qui peut être le ferme fondement et le soutien de la paix et de la tranquillité : « Car personne ne peut poser un autre fondement que Celui qui est déjà posé, savoir Jésus-Christ. » (I Cor. III, 11.)

47. Or, ce Christ, auteur de notre salut, les hommes le connaîtront d'autant plus parfaitement, l'aimeront d'autant plus ardemment, l'imiteront d'autant plus fidèlement qu'ils seront poussés avec plus de zèle à la connaissance et à la méditation des Saintes Lettres, en particulier du Nouveau Testament. Car, comme le dit saint Jérôme, le Docteur de Stridon : « L'ignorance des Écritures est l'ignorance du Christ » (S. JÉRÔME, In Isaiam, prologue ; P. L. XXIV, col. 17), et « s'il y a quelque chose qui tienne l'homme sage en cette vie et le persuade, au milieu des souffrances et des tourments de ce monde, de garder l'égalité d'âme, j'estime que c'est en tout premier lieu la méditation et la science des Écritures » (Id. in Ephesios, prologue ; P. L., XXVI, col. 439). C'est ici que tous ceux qui sont fatigués et opprimés par l'adversité et l'affliction puiseront les véritables consolations et la vertu divine de souffrir et d'endurer ; ici — à savoir dans les Saints Évangiles —, le Christ est présent pour tous, exemple suprême et parfait de justice, de charité et de miséricorde ; ici s'ouvrent pour le genre humain, déchiré et inquiet, les sources de cette grâce divine sans laquelle peuples et conducteurs de peuples ne pourront établir ou consolider ni l'ordre public ni la concorde des esprits. C'est là, enfin, que tous apprendront à connaître ce Christ, « qui est le chef de toute principauté et de toute puissance » (Col. II, 10) et « qui, de par Dieu, a été fait pour nous sagesse, et justice, et sanctification, et rédemption » (I Cor. I, 30).

48. Après avoir exposé et recommandé les moyens requis pour adapter les études bibliques aux besoins de l'heure, il Nous reste, Vénérables Frères et chers Fils, à féliciter avec une paternelle bienveillance tous ceux qui cultivent les études bibliques et qui, en fils dévoués de l'Église, suivent fidèlement sa doctrine et ses directives, de ce qu'ils ont été élus et appelés à une tâche aussi noble. À ces félicitations, Nous voulons ajouter Nos encouragements afin qu'ils poursuivent de tout leur zèle, avec tout leur soin et avec une énergie toujours nouvelle, l'œuvre heureusement entreprise. Noble tâche, avons-Nous dit, car qu'y a-t-il de plus sublime que de scruter, d'expliquer, de proposer aux fidèles, de défendre contre les infidèles, la parole même de Dieu, donnée aux hommes sous l'inspiration du Saint-Esprit ? L'esprit lui-même de l'exégète se nourrit de cet aliment spirituel et en profite « pour le renouvellement de la foi, pour la consolation de l'espérance, pour l'exhortation de la charité » (cf. S. AUG., Contra Faustum, XIII, 18 ; P. L., XLII, col. 294 ; C. S. E. L. XXV, p. 400). « Vivre au milieu de ces choses, les méditer, ne connaître ni ne chercher rien d'autre, cela ne vous paraît-il pas dès ici-bas comme le paradis sur terre ? » (S. JÉRÔME, Ep. LIII, 10 ; P. L., XXII, col. 549 ; C. S. E. L. LIV, p. 463.)

Que les âmes des fidèles se nourrissent aussi du même aliment, qu'elles y puisent la connaissance et l'amour de Dieu, le progrès spirituel et la félicité.

Que de tout leur cœur les commentateurs de la parole divine se donnent à ce saint commerce. « Qu'ils prient pour comprendre. » (S. AUG., De doctr. christ., III, 56 ; P. L., XXXIV, col. 89.) Qu'ils travaillent pour pénétrer chaque jour plus profondément dans les secrets des pages sacrées ; qu'ils enseignent et qu'ils prêchent pour ouvrir aussi aux autres les trésors de la parole de Dieu. Ce qu'aux siècles révolus les illustres interprètes de la Sainte Écriture ont réalisé avec tant de fruit, que les modernes s'efforcent de l'imiter autant qu'ils le peuvent, en sorte que, comme aux temps passés, ainsi à l'heure actuelle l'Église ait des docteurs éminents dans l'exposition des Lettres Divines, et que les fidèles, grâce à leur peine et à leur travail, reçoivent des Saintes Écritures pleine lumière, exhortation, allégresse. Dans cette tâche, certes ardue et lourde, qu'ils aient eux aussi « pour consolation les Saints Livres » (I Macch. XII, 9) ; qu'ils se souviennent de la récompense qui les attend, puisque « ceux qui auront été intelligents brilleront comme la splendeur du firmament, et ceux qui en auront conduit beaucoup à la justice seront comme les étoiles, éternellement et sans fin » (Dan. XII, 3).

Et maintenant, tandis que Nous souhaitons vivement à tous les fils de l'Église, et nommément aux professeurs des sciences bibliques, au jeune clergé et aux orateurs sacrés, que, méditant sans relâche la parole de Dieu, ils goûtent combien l'esprit du Seigneur est suave et bon (cf. Sap. XII, 1), comme gage des faveurs célestes, en témoignage de Notre paternelle bienveillance, à vous tous et à chacun d'entre vous, Vénérables Frères et chers Fils, Nous accordons, très affectueusement dans le Seigneur, la Bénédiction apostolique.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 30 septembre, en la fête de saint Jérôme, le plus grand des Docteurs dans l'exposition des Saintes Écritures, l'année 1943, cinquième de Notre Pontificat.



Reportez-vous à De l'étude des Lettres, par le R.-P. Jean-Joseph SurinProvidentissimus Deus du Pape Léon XIII, Spiritus Paraclitus du Pape Benoît XV et Humani generis du Pape Pie XII.