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vendredi 23 décembre 2016

TRADITI HUMILITATI NOSTRAE, Lettre encyclique de Sa Sainteté le Pape Pie VIII





TRADITI HUMILITATI NOSTRAE


LETTRE ENCYCLIQUE DE SA SAINTETÉ LE PAPE PIE VIII

À TOUS LES PATRIARCHES, PRIMATS, ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES.




À nos vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques.

PIE VIII, PAPE.



Vénérables Frères, Salut et Bénédiction Apostolique.


Au moment de prendre possession dans la basilique de Latran, suivant l'usage de nos prédécesseurs, du pontificat confié à notre faiblesse, nous vous ouvrons avec joie notre cœur, vénérables Frères, qui nous avez été donnés pour auxiliaires dans une si haute charge par celui qui dispose des emplois comme des événements. Ce n'est pas seulement pour nous une satisfaction et un plaisir de vous déclarer nos intentions et nos sentiments pour vous, mais il est très important pour la religion que nous nous entretenions ensemble pour rechercher les choses qui lui sont et doivent lui être les plus utiles.
En effet, c'est pour nous un devoir que le divin fondateur de l'Église nous a imposé dans la personne de Saint Pierre, de paître, de diriger et de gouverner non seulement les agneaux, c'est-à-dire le peuple chrétien, mais aussi les brebis, c'est-à-dire les pasteurs eux-mêmes.
Certes nous nous réjouissons, et nous bénissons le prince des pasteurs qui a confié la garde de son troupeau à des chefs qui n'ont d'autre soin et d'autre pensée que de conduire dans les voies de la justice tous ceux qu'ils ont reçus de la main de leur père, et qui en éloignent avec sollicitude tous les dangers pour n'en perdre aucun : car nous connaissons parfaitement, vénérables frères, votre foi inébranlable, votre zèle constant pour la religion, l'admirable sainteté de votre vie, et votre rare sagesse. Aussi nous attendons avec confiance tous les avantages que doit procurer à l'Église, à notre Saint-Siège et à nous-mêmes un tel concours d'ouvriers que rien ne saurait confondre. Cet espoir nous fortifie contre la crainte que nous inspire le poids de notre charge ; il nous soutient et nous relève au milieu des sollicitudes amères dont nous sommes accablés : aussi nous nous dispensons volontiers de vous adresser de longs avis pour vous rappeler ce que vous devez toujours avoir sous les yeux pour administrer convenablement les choses saintes et suivre les canons. Pourquoi voudrions-nous exciter votre zèle, alors que de vous-mêmes vous travaillez avec tant d'ardeur ? Nous ne vous dirons pas non plus que personne ne doit se séparer de son troupeau ni le négliger, et avec quelle attention, quelle circonspection vous devez choisir les ministres des autels. Nous aimons mieux adresser des vœux au Dieu sauveur pour qu'il vous soutienne par sa protection toute puissante, et qu'il fasse prospérer vos actions et vos efforts.
Cependant, bien que cet aspect de votre vertu soit une consolation que Dieu nous donne, vénérables Frères, il faut que la tristesse nous accable encore, nous qui au sein de la paix sentons l'amère douleur qui nous vient des enfants du siècle. Nous vous parlons de choses qui sont connues, qui sont manifestes, que nous déplorons tous ensemble, et qu'il faut par conséquent attaquer d'un commun effort pour les réformer et les détruire ; nous vous parlons de ces erreurs innombrables, de ces doctrines perverses à l'aide desquelles on attaque la foi catholique, non plus en secret et avec déguisement, mais publiquement et avec violence. Vous connaissez la ligue criminelle de ces hommes qui font la guerre à la religion au nom d'une philosophie dont ils se proclament les docteurs, et à l'aide de vaines impostures appropriées aux maximes du monde ; c'est surtout contre le siège du bienheureux Pierre, dans lequel Jésus-Christ a établi la force de son Église, qu'ils dirigent leurs coups ; et par suite les liens de l'unité se relâchent de jour en jour : l'autorité de l'Église est méconnue ; les ministres des choses saintes sont un objet de haine et de mépris ; les préceptes les plus sacrés sont violés ; les pratiques saintes sont un sujet de moquerie ; et le pécheur ayant en exécration le culte du vrai Dieu, tous les enseignements de la religion sont assimilés à de vieilles fables et à de vaines superstitions.
Hélas ! il n'est que trop vrai, et nous ne pouvons le dire sans verser des larmes : « Les lions ont rugi contre Israël. Oui, ils se sont réunis contre le Seigneur et contre son Christ, et les impies se sont écriés : Détruisez-la, détruisez-la jusqu'aux fondements. »
Voilà où tend cette horrible conspiration des sophistes de ce siècle, qui n'admettent point de différence entre les diverses professions de foi ; pensent que chaque religion offre à tous un port de salut, et flétrissent d'une tache de légèreté et de folie ceux qui abjurant la religion dans laquelle ils ont été élevés en embrassent une autre, fût-ce même la religion catholique. Prodige horrible d'impiété, qui confond dans les mêmes hommages la vérité et l'erreur, la vertu et le vice, l'honneur et l'infamie ! Les seules lumières de la raison suffisent pour renverser ce système mortel d'indifférence en matière de religion, et nous avertissent que si deux religions diffèrent, et que l'une soit vraie, l'autre est nécessairement fausse, et qu'il ne peut exister aucun accord entre les ténèbres et la lumière.
Ayez soin, vénérables Frères, de vous opposer à ces faux docteurs, et enseignez aux peuples que la foi catholique est la seule véritable, qu'ainsi que le dit l'Apôtre, Il n'y a qu'un Seigneur, qu'une foi, qu'un baptême : que l'on est profane, suivant la parole de Saint Jérôme, si l'on mange l'agneau hors de cette maison, et que quiconque n'entrera pas dans l'arche de Noé périra dans le déluge ; car excepté le nom de JÉSUS « il n'est point de nom accordé aux hommes par lequel nous puissions être sauvés. Celui qui aura cru sera sauvé ; celui qui n'aura pas cru sera condamné.

Il faut aussi veiller sur ces sociétés qui, au mépris des règles les plus salutaires de l'Église, font des traductions nouvelles de la Bible, où, d'après le sens privé, le sens véritable est habilement altéré, impriment ces traductions dans toutes les langues vulgaires, les répandent de toutes parts avec une incroyable prodigalité ; les donnant gratuitement aux plus ignorants, et souvent même y joignant de mauvais petits livres, afin qu'ils sucent un poison mortel là où ils pensent puiser les eaux salutaires de la sagesse. Depuis longtemps le siège apostolique a voulu que le peuple chrétien fût prévenu contre ce terrible écueil de la foi, et a frappé de ses anathèmes les auteurs de ce grand mal. Aussi après les règles publiées par ordre du concile de Trente et par la congrégation de l'Index, il fut encore rappelé à tous les fidèles que les traductions de la Bible, en langue vulgaire ne doivent pas être permises, si elles ne sont approuvées du Siège apostolique, et imprimées avec des notes extraites des saints pères de l'Église. C'est dans ce but que le saint concile de Trente avait décrété pour comprimer les esprits hardis, que personne dans les matières de foi ou de mœurs qui se rattachent à la doctrine chrétienne, ne s'appuie sur sa propre sagesse, et ne détourne à son sens l'Écriture Sainte, ou ne l'interprète contre le sens consacré par notre sainte mère l'Église, ou contre le sentiment unanime des Pères.
Quoiqu'il soit bien évident, d'après ces règles canoniques, que ces entreprises contre la foi catholique étaient réprouvées depuis longtemps, cependant nos derniers prédécesseurs d'heureuse mémoire dans leur sollicitude pour le bien du peuple chrétien, eurent un soin tout particulier de comprimer par des lettres apostoliques les criminelles tentatives de ce genre qui se renouvelaient de toutes parts. Efforcez-vous, vénérables Frères, de soutenir avec les mêmes armes la cause du Seigneur, dans un si grand danger des saintes doctrines, de peur que ce poison ne se répande dans votre troupeau, et ne fasse surtout périr les simples.

Après avoir ainsi préservé des altérations les saintes Écritures vous devez encore, vénérables Frères, tourner vos soins contre ces sociétés secrètes d'hommes factieux qui, dans la haine qu'ils portent à Dieu et aux princes, travaillent avec ardeur à la destruction de l'Église, à la ruine des états et au bouleversement de l'univers, et brisent le frein de la foi pour ouvrir le chemin à tous les crimes. Les précautions qu'ils prennent de cacher sous la foi d'un serment ténébreux leurs assemblées perverses et les projets qu'elles voient éclore, les font fortement soupçonner de ces crimes qui dans les temps malheureux semblaient, pour la désolation de l'Église et des états, sortir du puits de l'abîme. C'est pourquoi ces sociétés secrètes, quel que fût leur nom, ont été frappées d'anathème par les souverains pontifes nos prédécesseurs Clément XII, Benoit XIV, Pie VII, Léon XII, auxquels nous sommes appelé à succéder malgré noire faiblesse. Nous confirmons leurs lettres apostoliques à ce sujet de toute la plénitude de notre pouvoir, et ordonnons qu'elles soient entièrement observées. Nous ne négligerons rien pour préserver l'Église et les étals de la conspiration de ces sectes, après vous avoir engagés à nous aider tous les jours de votre courage, afin que couverts de l'armure du zèle nous soutenions avec force et dans un même esprit notre cause, ou plutôt la cause de Dieu, pour renverser ce retranchement où s'abrite l'impiété hideuse des méchants.

Nous avons voulu vous désigner en particulier une de ces sociétés secrètes établies depuis peu pour corrompre les jeunes gens que l'on instruit dans les gymnases et les lycées. Sa tactique consiste à rechercher des maîtres dépravés, qui conduisent les élèves dans les voies de Baal par des maximes contraires aux enseignements de Dieu, parce qu'on sait bien que ce sont les leçons des maîtres qui forment l'esprit et le cœur de ceux qui les écoutent. De là viennent ces progrès affligeants de la licence chez les jeunes gens, qui, repoussant toute crainte de la religion, secouent le frein des mœurs, attaquent la doctrine sainte, foulent aux pieds les lois divines et humaines, et se jettent sans pudeur dans tous les crimes, dans toutes les erreurs. C'est d'eux que l'on peut dire avec le grand Saint Léon : Ils ont pour loi le mensonge, ils n'adorent que les démons et leurs sacrifices sont l'assemblage de toutes les infamies. Repoussez ces maux de vos diocèses, vénérables Frères, et tâchez par la force de votre autorité et par vos conseils que les jeunes gens n'aient pour maîtres que des hommes qui ne se recommandent pas seulement par leur instruction, mais aussi par leur conduite et leur piété.
Veillez surtout et avec plus de sollicitude encore sur vos séminaires, dont la direction vous est exclusivement attribuée par le concile de Trente. C'est là que vous devez trouver des hommes qui joignent à l'instruction de la discipline chrétienne et ecclésiastique, et des principes de la saine doctrine, tant de piété dans la pratique de leurs fonctions divines, tant de science dans l'instruction des peuples, tant de gravité dans leurs mœurs que leur ministère soit respecté par ceux-là mêmes qui ne s'y soumettent pas, et qu'ils puissent, par la force de leurs paroles, ramener ceux qui s'éloignent des sentiers de la justice !
Aussi nous demandons de votre zèle pour le bien de l'Église que vous appliquiez tous vos soins au choix de ceux à qui vous confierez la conduite des âmes, puisque c'est du meilleur choix des pasteurs que dépend surtout le salut des peuples, et que rien ne contribue plus à la perte des âmes que d'avoir pour guides des hommes qui travaillent pour eux et non pour Jésus-Christ, ou qui, peu instruits de la vraie science, sont emportés à tout vent, et ne sauraient conduire le troupeau aux saints pâturages qu'ils ignorent ou qu'ils dédaignent.
Comme les mauvais livres se propagent de toute part en nombre infini, et qu'à leur aide le langage des impies s'étend comme une gangrène dans tout le corps de l'Église, veillez sur votre troupeau, et n'épargnez rien pour le mettre à l'abri de cette peste, la plus dangereuse de toutes.
Avertissez souvent les brebis de Jésus-Christ qui vous sont confiées, comme le faisait notre saint prédécesseur et bienfaiteur Pie VII, que, si elles veulent se sauver elles ne paissent que dans les pâturages où les conduit la voix et l'autorité de Pierre. Dès qu'elle les rappelle ou les détourne qu'elles fuient avec horreur, comme d'un lieu dangereux et pestilentiel, sans s'arrêter aux apparences qui trompent et aux attraits qui corrompent.
Dans le temps où nous vivons, nous avons cru devoir encore recommander instamment à votre zèle pour le salut des hommes une grande sollicitude pour la sainteté du mariage. Que votre peuple apprenne à respecter ce Sacrement auguste, afin qu'il n'arrive rien qui le profane, rien qui souille la pureté de la couche nuptiale, rien enfin qui jette du doute sur l'indissolubilité de ce lien : il n'y a qu'un moyen pour y réussir ; il faut que le peuple chrétien sache bien que le mariage n'est pas seulement régi par de lois humaines, mais par la loi divine ; que ce n'est pas une chose terrestre, mais bien une chose sainte et par suite subordonnée entièrement à la puissance de l'Église. Car l'union conjugale qui n'avait d'abord d'autre but que la reproduction et la perpétuité de l'espèce humaine a été élevée par Notre Seigneur Jésus-Christ à la dignité de Sacrement et enrichie des dons célestes. La grâce a perfectionné la nature, et maintenant la naissance des enfants est moins un sujet de joie que l'offrande que l'on en fait au vrai Dieu pour les élever dans la Religion, et augmenter ainsi le nombre des fidèles. Il est bien constant en effet que cette union du mariage, dont Dieu est l'auteur, est la figure de l'union intime et éternelle de Notre Seigneur Jésus-Christ avec son Église ; et que cette société étroite du mari et de la femme est un sacrement, c'est à dire un signe sacré de l'amour immortel de Jésus-Christ pour son épouse. Il faut donc instruire les peuples sur ce point, leur expliquer ce qui est ordonné et ce qui est défendu par les lois de l'Église et les décrets des conciles, afin qu'ils se conforment à ce qui est de l'essence du Sacrement et évitent avec soin tout ce que l'Église a condamné. C'est ce à quoi nous vous engageons autant qu'il est en nous, et nous nous en rapportons à votre piété, à votre sagesse et à votre zèle.

Telles sont, vénérables Frères, les choses qui nous affligent le plus vivement dans ce moment, où placés sur la chaire du prince des apôtres nous devons nous sentir enflammés du zèle de la maison de Dieu. Il en est d'autres en grand nombre et bien graves aussi, que vous connaissez bien et qu'il serait trop long d'énumérer ici. Nous est-il possible de retenir notre voix au milieu des dangers de l'Église ? Nous est-il possible de céder à des raisons humaines, ou de nous endormir lâchement et de nous taire lorsque la tunique de notre Sauveur, qui avait échappé à la rage des bourreaux qui le crucifièrent, est aujourd'hui déchirée en lambeaux ? Non, non, nos très chers frères, ce n'est pas lorsque le troupeau est poursuivi à outrance que le pasteur qui l'aime lui refuse ses soins empressés. Nous sommes convaincu que vous en feriez plus encore que nous ne vous demandons, dans votre zèle pour soutenir, étendre et protéger la religion de nos ancêtres pour vos mandements, vos conseils, vos travaux et vos efforts.
Mais dans des temps aussi fâcheux, il faut surtout prier du fond du cœur, et supplier Dieu avec ferveur et persévérance qu'après avoir rétabli Israël de ses blessures, il fasse fleurir partout la religion sainte et accorde aux peuples une paix vraie et durable. Qu'il daigne dans sa miséricorde jeter un regard de propitiation sur les temps de notre ministère et diriger et soutenir lui-même le pasteur de ses brebis. Que les princes puissants et magnanimes favorisent nos travaux et notre zèle, et que celui qui a disposé leurs cœurs à entrer dans les voies de sa justice les fortifie encore par un surcroît de ses dons sacrés, afin qu'ils travaillent avec courage à la prospérité et au salut de l'Église, que tant de malheurs plongent dans le deuil.
Recourons à l'intercession de la très sainte mère de Dieu, Marie. C'est elle qui a détruit toutes les hérésies ; c'est elle que nous saluons de nos hommages sous le titre de secours des chrétiens pour avoir rendu à cette ville de Rome, après tant d'afflictions de tout genre, notre très saint prédécesseur Pie VII. Demandons avec instance au prince des apôtres Pierre et à son compagnon Paul qu'ils nous maintiennent sur la pierre de la foi catholique, et nous préservent de tous les ébranlements et de tous les orages ; qu'ils nous obtiennent ces faveurs du prince des pasteurs, Jésus-Christ notre Seigneur, que nous conjurons de répandre sur vous, vénérables frères, et sur vos troupeaux les dons les plus abondants de la grâce, de la paix et de la joie. Nous vous donnons notre bénédiction apostolique comme un gage de notre affection.

Donné à Rome à Saint-Pierre le 24 mai 1829, la première année de notre pontificat.





Lire "La conjuration antichrétienne" de Mgr Delassus.



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