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mardi 28 avril 2020

Le Livre des Œuvres divines, de Sainte Hildegarde, ou comment, dans les œuvres divines, l'esprit est uni à la lettre


Extrait de "Histoire de Sainte Hildegarde, sa vie, ses œuvres et ses révélations", par le R.P. Jacques RENARD :


Sainte Hildegarde
Le livre qui porte ce nom est un recueil de visions comme le Scivias. Son titre complet est Livre des œuvres divines de l'homme simple. Ces derniers mots, comme on sait, expriment le nom que la sainte se donnait à elle-même. Elle écrivit cet ouvrage, comme le premier, par ordre de ses supérieurs, et cela à partir de l'année 1163, la soixante-cinquième de son âge. Ces deux livres étant de la même nature, nous ne toucherons ici que ce qui est particulier au second. Il répond très-bien à son titre : c'est l'exposition des œuvres de Dieu dans l'ordre de la nature et dans celui de la grâce. Mais cet ouvrage a ceci de caractéristique, que ces deux ordres de considérations naissent l'un de l'autre, et ne sont que deux faces du même sujet. Ce parallélisme est conforme au génie spécial de la sainte. Comme elle jouit du don d'une double vue, chaque objet a pour elle une double réalité : l'une qu'on pourrait appeler l'envers, et qui est l'existence matérielle d'un objet, et l'autre qui est l'endroit, ou le côté spirituel de ce même objet. Saint Paul a dit : Littera occidit, spiritus autem vivificat (II Cor., III, 6). La lettre tue, l'esprit vivifie.
Rien n'est plus noble que cette manière d'enseigner ; rien aussi de plus juste et de plus philosophique. Elle nous présente, dans le livre de la sainte, comment, dans les œuvres divines, l'esprit est uni à la lettre, et la grâce superposée à la nature ; elle nous donne une idée de ce mode d'existence que la théologie définit si heureusement par le mot de surnaturel. La création est à la fois corps et âme ; ainsi, la science est ennoblie par la foi. Il y a, non pas dualité, mais unité dans les œuvres de Dieu comme dans ses pensées.
Remarquons que ce système de conception, le seul vrai, fait incomparablement plus d'honneur à la nature que la science matérialiste, qui ne reconnaît rien au-delà de ce qu'elle touche.
Faut-il donc revenir à la science du moyen âge ? Pourquoi pas, si elle est vraie ? Au moins, ne faudrait-il pas la dédaigner. Nous avons des sciences, mais nous n'avons plus la science ; nous avons perdu le nœud central qui les rassemble dans l'unité d'une même idée. Ce centre, c'est l'exemplaire divin. Ce lien, c'est le spirituel, l'âme, principe unique de vie. Une fois le corps séparé de l'âme, les membres se séparent les uns des autres ; chaque molécule devient un corps à part, sans relation avec les autres, car la mort ne saurait que produire la dissolution. Le catholicisme seul peut fournir une théorie de la science, parce que seul il possède le principe de la vie et l'idée de l'unité.
La grâce et la nature sont deux ordres distincts, et non deux mondes séparés. On ne doit pas plus les confondre que les diviser. Notre siècle est tombé dans ce dernier écart ; c'est pourquoi il ne peut donner une formule philosophique de la science. Il se perd dans les faits et les détails ; il ne peut les ramener à l'unité. L'antiquité, jusqu'au moyen âge, est allée à l'autre extrême. Chez elle, l'idée précédait l'observation. On faisait des systèmes avant de reconnaître les faits qui devaient s'y plier bon gré, mal gré. C'est ce qui a fait qu'à cette époque où la philosophie était portée à sa perfection, la physique était dans son enfance, justement au même point que du temps d'Aristote et de Pline. Les progrès dans la science de la nature, dans les temps modernes, viennent précisément de ce qu'on a suivi une voie opposée. Mais si ce dernier procédé, qui est celui de l'observation, est propre à recueillir des matériaux et à former des sciences, le procédé philosophique est absolument nécessaire pour généraliser les faits, coordonner les matériaux et former l'édifice de la science une. Cette appréciation s'applique au passé et au présent.
La création étant l'objet de la science humaine, l'esquisse que nous trace la Genèse de l'œuvre des six jours est donc le programme scientifique le plus grandiose et le plus complet. C'est le thème que les docteurs catholiques ont développé ; c'est le tronc où vient s'insérer chaque branche des connaissances humaines, dont la réunion harmonieuse et vivante, animée par la sève de la foi, compose véritablement l'arbre de la science.
C'est ce programme révélé de la Genèse que, selon l'esprit religieux de son temps, sainte Hildegarde a pris pour point de départ de son enseignement à la fois scientifique et mystique : scientifique par l'exposition littérale des œuvres divines ; mystique par l'application de la lettre aux choses de l'ordre moral et surnaturel. Assurément, ces connaissances ne sont pas supérieures à celles de son temps, bien qu'on découvre parfois dans ses écrits des aperçus d'une grande portée et d'une rare justesse.


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