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dimanche 6 septembre 2020

SAINT PIE X, PAUVRE ET RICHE

 


« PAUPER ET DIVES »


Pauvre de biens terrestres, il possédait cette richesse de la charité qui conquiert les cœurs.
Toute sa vie, de Tombolo au Trône papal, est une effusion de charité ; on a pu lui appliquer la parole du psaume : « Dispersit, dédit pauperibus (Ps. XI, 8) » et ce que le livre sacré dit du juste qui n'a jamais couru à la recherche de l'or, n'a jamais reposé ses espérances dans l'argent et les trésors de la terre (Eccl., XXXI, 8).
Il revendiquait pour lui la pauvreté, les sacrifices, les privations ; pour ses fils les ressources de l'Église, disant : « Elle est la maison de Dieu, elle s'ouvre à tous. » Il n'était satisfait que s'il s'était dépouillé de son dernier centime.
« Un matin — d'après le témoignage de son médecin, l'illustre professeur Marchiafava, au Procès Ordinaire de Rome —, il me demanda de me promener avec lui dans les jardins du Vatican. J'acceptai joyeusement, et comme, au sortir de sa chambre, je me disposai à fermer la porte : Laissez-la ouverte, me dit-il, en souriant, il ne s'y trouve plus un centime. Ce matin, j'ai tout donné. »
De même qu'à Salzano, à Mantoue et à Venise, « il donnait tout », et s'il avait un regret, c'était de ne pouvoir donner davantage (cf. Lettres de Pie X : à l'évêque de Plaisance, 20 septembre 1908 ; à l'évêque de Rimini, 6 octobre 1910 ; à l'archiprêtre d'Ostiglia (Mantoue), 6 décembre 1910 ; à l'archevêque de Montréal, 3 avril 1911 ; au prêtre Don Fabiani, 20 juin 1911. (Archives de la Secrétairerie d'État)).
Comment évaluer les sommes qui sortaient de ses mains et qui, par l'entremise de ses confidents, tarissaient tant de larmes, adoucissaient tant de douleurs ? Nous savons qu'il a toujours prêté l'oreille aux plaintes des malades, aux larmes des orphelins, aux lamentations des affligés, à toutes les requêtes de la misère, avec sa générosité et sa munificence.
« Dieu seul sait ce qu'il a distribué en aumônes publiques et privées », a rapporté son Cardinal Secrétaire d'État.
« Une telle profusion de millions qu'on se demandait d'où il les tirait », a dit son dernier maître de chambre.

L'histoire de son Pontificat s'inscrit parmi les plus belles pages de l'histoire de la charité chrétienne.
Qui ne se souvient de l'aube tragique du 28 décembre 1908, où le tremblement de terre détruisit deux cités florissantes Reggio de Calabre et Messine, et ensevelit cent mille vies humaines ?
Devant cette épouvantable catastrophe, Pie X lance aussitôt un émouvant appel aux catholiques du monde entier. Il envoie au champ de mort une délégation spéciale qui remet en son nom les premiers secours. Avec son cœur de Père universel, il ouvre toutes grandes les portes du Vatican pour accueillir les longs convois de blessés qui arrivent à Rome. Il pourvoit au placement de 575 orphelins arrachés aux pièges de comités improvisés qui sont hostiles à l'Église.
L'organisation des secours fut si rapide et parfaite que la presse maçonnique elle-même et le fameux maire de Rome, Ernest Nathan, ne cachèrent pas leur admiration : Pie X avait fait refleurir la vie où s'était déchaîné le fléau.
Jours de deuil, mais aussi jours de triomphe pour le Pape qu'une acclamation unanime saluait comme « le Protecteur et le Père des orphelins de Sicile et de Calabre (cf. Monument à Pie X dans la Basilique Vaticane, pp. 95-97, Rome, 1929) ».

Un journal non suspect de cléricalisme, Il Giornale della Sicilia, écrivait :

Jamais peut-être ne s'était accomplie dans un tel silence une œuvre plus rapide. À Rome, tandis que, par une vanité mesquine, les divers comités gouvernementaux, municipaux et privés se disputaient les blessés et les réfugiés, tandis que sévissaient les polémiques et qu'on s'épuisait en délibérations, les hospices vaticans s'ouvraient, sans grincements de portes, aux survivants.
Cela, nous l'avons vu de nos yeux, comme d'autres, en Calabre et en Sicile, voient surgir, comme par enchantement, d'innombrables pavillons, soit pour les blessés, soit pour les orphelins, soit pour les entreprises charitables. Et tout cela s'est fait sans bruit. C'est grâce à cette organisation et à cette discrétion que l'œuvre de secours du Vatican a pu se développer d'une manière aussi prompte et efficace.
Il a été ainsi démontré, ce que nous devons constater chaque jour et qui n'est pas à l'honneur de la troisième Italie, qu'en dehors de notre bureaucratie, le Vatican, libéré de tous les obstacles qui naissent des questions de personnes et de partis, réussit toujours mieux que nous, qu'il s'agisse de restaurer un monument artistique ou d'accomplir une œuvre de solidarité humaine (cf. Le Jubilé sacerdotal de Pie X, Rome, décembre 1909, p. 163).

Pie X avait versé huit millions aux terres désolées. À sa mort, on trouva une enveloppe avec cette inscription autographe : « Pour mes orphelins de Reggio de Calabre et de Messine ». L'enveloppe renfermait de quoi pourvoir à l'entretien de 400 orphelins qu'il avait pris à sa charge.
C'est ainsi qu'il dépensait l'argent de l'Église.

Évoquons d'autres souvenirs qui mettent en relief cette charité merveilleuse.
Il avait connu à Mantoue un certain Pierre Lazzè, l'un des plus miséreux de la ville.
En juin 1893, Mgr Sarto ayant été créé cardinal, le bon Lazzè lui présenta ses félicitations et lui dit notamment :
« Voyez-vous, Éminence, l'humanité est partagée en deux classes, les heureux et les malheureux. J'appartiens à la seconde ; Votre Éminence, à la première. Vous voilà cardinal et bientôt vous serez Pape. »
— Bravo ! répondit le futur Pie X, et, plaisantant, il ajouta : « Quand je serai Pape, je te ferai Commandant de la Garde Noble et alors tu appartiendras à la classe des heureux. »
Lazzè n'oublia pas cette promesse, et, quand il écrivait au cardinal Sarto, à Venise, pour quêter un secours, ce qui lui arrivait souvent et jamais inutilement, il signait : « Pierre Lazzè, Commandant de la Garde Noble en expectative. »
Le 4 août 1903, jour même de l'élection de Pie X, Lazzè lui adresse une lettre où il exprime sa joie et conclut : « Je dispense Votre Sainteté de tenir sa promesse et je signe Votre très obéissant Pierre Lazzè, commandant de la Garde Noble en retraite. »
Il reçut peu après une lettre autographe du Pape, accompagnée d'une généreuse offrande.
Cette lettre fit le tour de toute la ville de Mantoue, où chacun se rappelait l'incomparable bonté de son ancien évêque.

En 1865, un soldat autrichien, Jean Baier, fut frappé d'un évanouissement aux environs de Tombolo.
Le vicaire, don Joseph Sarto, accourut auprès de lui et lui prodigua ses soins les plus affectueux.
Quarante ans plus tard, Pie X reçoit une lettre d'Autriche-Hongrie. Elle venait du pauvre soldat qui témoignait sa reconnaissance pour les bienfaits du vicaire de Tombolo.
« Le Pape lut cette lettre avec émotion et envoya au vieux soldat une importante aumône (Mgr MARCHESAN, Ord. Trev. — cf. aussi La Civiltà Cattolica, ann. 1908). »

Sa confiance en Dieu alimentait sa charité.
« La Providence ne manque jamais ! » Séminariste, prêtre, évêque, patriarche, Pape, c'est le cri de foi qu'il avait toujours sur les lèvres. Nous le retrouvons partout, dans ses conversations particulières, ses homélies, ses allocutions.
Pleinement abandonné aux mains de la Providence, c'est d'elle qu'il attendait tout. Quand il entreprenait une œuvre vouée à la gloire de Dieu et au salut des âmes, les moyens pouvaient faire défaut, il ne renonçait pas, il engageait la lutte avec les armes de la prière et remportait la victoire, « recevant toujours, comme il s'est plu à le dire, l'aide de la Providence divine (Mgr PESCINI, Ord. Rom., 396) ».
Chaque fois qu'il eut à risquer des frais pour la construction de nouvelles églises, de séminaires, ou pour d'autres grandes initiatives, il a escompté sans crainte l'apport des moyens nécessaires, étant sûr que le Seigneur y pourvoirait. Ces ressources ne lui ont jamais manqué, lui sont venues avec une telle abondance que lui-même ne savait comment l'expliquer.
Il semblait que l'argent poussât dans ses mains.
Montrant du doigt à une dame de l'aristocratie romaine le tiroir de son bureau : « Il en sort, disait-il, et il y entre tant d'argent que je n'y comprends rien. »
C'était comme un miracle vivant et chaque jour visible.
Quelqu'un lui suggérait de faire recommander par les Nonces la quête pour le « Denier de Saint-Pierre ».
« Je n'ai rien à demander, répondit-il, car, j'ai la certitude que, d'une façon ou d'une autre, le Seigneur me procurera le nécessaire pour l'Église. »
Et les oboles s'accroissaient, se multipliaient, juste prix de son intrépide confiance.
Il exprimait la pure vérité quand il affirmait que, « plus il donnait d'aumônes, plus il recevait (Mgr FABERI, Ord. Rom., 1067) ». À ceux qui lui conseillaient de modérer sa charité pour ne pas mettre l'Église en faillite, il montrait ses deux mains et répondait : « La gauche reçoit et la droite donne. Ce qui pénètre dans la main gauche dépasse ce qui sort de la droite (Mgr PESCINI, Ord. Rom., 1506). » Il disait encore : « Si je dorme d'une main, je reçois beaucoup plus de l'autre(A. VENIER, Ord. Rom., 1446-1447). »
Il recevait toujours à l'heure opportune, quelquefois par des voies ignorées de la perspicacité humaine.
En 1911 le gouvernement maçonnique du Portugal se déchaînait contre l'Église, persécutait et spoliait les évêques et les prêtres, supprimait leurs droits civils et jusqu'à leurs moyens de subsistance.
L'évêque d'Oporto se rendit à Rome, au nom de l'épiscopat portugais, pour implorer l'aide du Pape.
« Que vous faudrait-il pour l'instant ? demanda Pie X très ému.
— Un million.
— Un million, je ne l'ai pas, répondit-il. Mais revenez demain. J'examinerai, je chercherai... Dieu nous assistera. »
Le lendemain, le million était prêt.
Pie X pria un prélat, Mgr Eugenio Pacelli, de vérifier la somme. Pendant que celui-ci comptait les billets de banque, le Camérier Secret de service annonça un visiteur étranger qui désirait, de toute urgence, causer avec le Pape.
« Oui, oui, il faut que je le reçoive tout de suite », s'écria Pie X » et il dit au prélat : « Emportez en hâte les billets de banque et sortez par cette petite porte. »
Le visiteur s'entretint avec le Pape quelques minutes.
Après quoi, le Camérier Secret rentra pour recevoir les ordres. Pie X indiqua la porte par laquelle était sorti le prélat avec les billets de banque.
« Voyez, lui dit-il, ce qui sort d'un côté et entre par l'autre. » Et il lui montra un chèque d'un million que venait de lui remettre le visiteur étranger (Témoignage de Mgr ARBORIO MELLA DI S. ELIA, camérier secret participant : Proc. Ord. Rom., I333-I335. — cf. aussi Mgr TAIT, ib., 1224-1225. — Mgr CARONI, ib., 484-485).

(Extrait de la biographie de J. Dal-Gal)


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