mardi 1 septembre 2020

FERMETÉ INVINCIBLE DE SAINT PIE X

 


(Pour se préparer à la Fête de Saint Pie X)


Pie X avait un cœur sensible qui s'épanchait très volontiers. Mais cette sensibilité ne lui avait jamais lié les mains.
Il répudiait inexorablement toute équivoque, en face des adversaires déclarés du dehors comme des dévoyés du dedans, et ne se lassait pas de rappeler les âmes, « opportunément et importunément » — selon l'expression classique de l'Apôtre(Saint PAUL, Épitre à Timothée, IV, 2) — à la fidélité dans la foi du Christ ».
Il manifestait alors une ardeur apostolique, « une énergie à laquelle nul ne pouvait résister » et qu' « aucune préoccupation humaine ne réussissait à vaincre ». Il était le Pape du Surnaturel qui puisait sa force en Dieu seul ; le Pape indomptable à qui l'on demandait, au début de son règne, quelle serait sa politique, et qui avait répondu sans hésitation en montrant le Crucifix : « Voilà ma politique. » Dans l'aube orageuse du vingtième siècle, cette politique innovatrice et rénovatrice devait ranimer toute la vie de l'Église.
Un vieux marin de Venise ne s'était pas trompé, en s'écriant, à l'annonce de l'élection du Patriarche Sarto : « Ils ont fait Pape un homme de fer » — « un métal fait de foi et de charité, ajoutait plus tard un diocésain de Mantoue, mais un métal si pur que si Bonaparte avait eu affaire à lui, il ne s'en serait pas tiré aussi facilement. »
Pie X ne prenait pas de décision importante sans avoir réfléchi et prié. Il consultait les plus éminents cardinaux, les prélats les plus réputés, mais ne se laissait dominer par personne, parce qu'il savait que la responsabilité pesait sur ses épaules (Cardinal MERRY DEL VAL, Ord. Rom., 925. — Cardinal DE LAI, ib., 548. — Cardinal SILJ, ib., 607. — Cardinal CANALI, ib., 21101 — Mgr FABERI, ib., 1066-1078.
Une preuve qui exclut tout doute est le propre témoignage de Pie X écrivant, le 18 décembre 19x2, à un curé de Lombardie :
« Dans le gouvernement de l'Église, le Pape est affectueusement assisté par d'Éminentissimes Cardinaux, mais aucun d'eux ne se permet de faire en son nom quelque chose qui n'ait été d'abord réglé par lui et en plein accord avec lui. Ceux qui vont colportant que ce sont trois Cardinaux qui commandent sont de ces gens inqualifiables qui ne manquent jamais dans l'Église. Pour se soustraire à leur devoir, ils feignent de ne pas être obligés en conscience, sous prétexte que ce n'est pas le Pape qui commande. » (Archives de la Secrétairerie d'État.)). C'était à lui de décider, et, une fois la chose faite, elle était irrévocable. Elle avait la solidité du diamant, la même vigueur qui avait sanctifié ses luttes, de la paroisse de Salzano à la Curie épiscopale de Trévise, de la terre de Virgile à la patrie de Laurent Justinien.
« Quand je dois prendre une détermination, disait-il à un cardinal, je prie et je demande conseil, mais la résolution prise, je veux qu'elle soit exécutée (Cardinal SCAPINELLI DI LEGUIGNO, Ord. Rom., 1618). »
Le cardinal Merry del Val a écrit :

« Chez lui, pas l'ombre d'une faiblesse. Lorsqu'était soulevé un grave problème où les droits et la liberté de l'Église avaient besoin d'être affirmés et fermement soutenus ; quand l'intégrité de la doctrine catholique devait être défendue ; quand s'imposait la nécessité de maintenir la discipline ecclésiastique contre les relâchements et les influences profanes, alors Pie X révélait toute la force et l'énergie de son caractère. Il avait la vigueur inflexible d'un grand homme d'État, conscient de sa responsabilité, pénétré de la grandeur des devoirs qu'il fallait accomplir à tout prix. Dans ces occasions-là, inutile de chercher à l'ébranler; toutes les tentatives pour l'intimider par des menaces ou le capter par des raisons purement humaines étaient vouées à la faillite.
Après des jours de méditation et des nuits d'insomnie, il prenait sa décision définitive et exprimait son jugement en paroles brèves et pondérées. Il soulevait lentement la tête ; ses regards, ordinairement suaves, devenaient sévères et intrépides. On se rendait compte qu'il n'y avait rien d'autre à dire et à faire. »

Douceur et indulgence envers les hommes ; fermeté et inflexibilité, dominant toutes les considérations humaines, pour la défense des droits de Dieu et de l'Église : ce sont là des signes de la sainteté dont Pie X est un des plus beaux modèles !
 
Nous avons déjà vu sa fermeté héroïque en face de l'Action Catholique italienne mal inspirée, en face des mensonges de la France maçonnisante et des hérésies du Modernisme : trois grands faits qui immortalisent son Pontificat.
Retraçons maintenant quelques épisodes qui caractérisent la méthode ordinaire de son gouvernement.
 
« En 1905 — a raconté à l'auteur de ce livre le cardinal La Fontaine, patriarche de Venise — Pie X voulut me nommer évêque de Cassano all'Jonio. J'invoquai toutes mes raisons de me soustraire au joug de l'épiscopat. Pie X me regarde, et, au bout de quelques instants, avec un accent d'une singulière fermeté, il me répond : « Monseigneur, il faut obéir à la volonté du Pape ! »

Au diocèse de Bovino, en 1910, il avait nommé un évêque qui, après avoir reçu la consécration, ne se décidait pas à rejoindre son poste.
Pie X, douloureusement surpris, le pria d'obéir. Mais en vain : l'évêque persistait dans son refus.
Pie X lui signifia que, s'il ne partait pas pour son diocèse, il serait privé de ses insignes, suspendu de toute fonction épiscopale et ramené au rang d'un simple prêtre.
L'évêque s'inclina devant la volonté du Pape et se rendit à Bovino(Témoignage du cardinal MERRY DEL VAL. Cf. Mgr PAROLIN, Ord. Rom., 706).
Un éminent personnage avait établi le droit héréditaire d'une grande famille romaine à exercer dans la Cour Papale une haute charge à laquelle on ne l'avait pas appelée depuis longtemps.
Pie X promit d'y pourvoir. Mais ce personnage l'avisant que cette mesure rencontrerait des obstacles au Vatican, il eut une lueur dans les yeux, releva fièrement la tête et s'écria : « Qui donc oserait mettre des obstacles, quand le Pape a exprimé sa volonté (F. CRISPOLTI, De Pie IX à Pie X, pp. 107-108) ? »

On avait à résoudre une grave question qui se débattait depuis de longues années entre le gouvernement italien et le Saint-Siège. Le président du Conseil des ministres eut la fâcheuse idée de faire savoir au Saint-Siège qu'il lui donnerait satisfaction si le Pape nommait évêque le curé de son pays.
À cette proposition, Pie X qui répudiait les demi-mesures, répliqua, d'un ton énergique : « Dites au président du Conseil que les évêchés, je ne les vends pas (Mgr ROSA, Ord. Rom., 1021) ! »

De cette fermeté a fait aussi l'expérience un prélat, consulteur de l'ambassade austro-hongroise de Rome.
Il se présente un jour au Vatican pour solliciter ce que l'ambassadeur de la Double-Monarchie Danubienne n'avait jamais pu obtenir : le rappel du Nonce Apostolique à Vienne.
Le Pape l'accueille avec sa bonne grâce habituelle. Mais, quand il apprend l'objet de la visite, il lui coupe la parole, et debout, intrépide, il s'écrie : « J'ai dit non, et c'est non ! »
Le prélat sortit de l'audience, pâle et sans souffle. Il avait compris que le temps des revanches joséphistes était passé (Mgr PESCINI, Ord. Rom., 352. — Mgr BRESSAN, Ap. Rom., pp. 111-112. — Le motif qu'invoquait le gouvernement de Vienne, alors représenté par le chancelier Aehrenthal, pour réclamer le rappel du Nonce, était que celui-ci avait blâmé une conférence d'un professeur de l'Université, non conforme à l'orthodoxie de l'Église. (Mgr PESCINI, ib.) Ce motif ne pouvait être plus ridicule) et que Pie X n'était pas homme à se laisser impressionner ; lui qui, dans les épreuves familiales, aux prises avec la pauvreté et les tribulations de toutes sortes, n'avait jamais tremblé, parce qu'il acceptait tout des mains de Dieu ; lui qui, au milieu des pires amertumes, encourageait par sa sérénité ceux qui avaient besoin d'être soutenus dans les douleurs de la vie ; lui qui se plaisait à répéter : « Les œuvres de Dieu ne craignent pas les contradictions ; celles-ci, au contraire, les enracinent plus fortement. »

(Extrait de la biographie de J. Dal-Gal)


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