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mardi 19 octobre 2021

Des causes de la Tristesse, et des remèdes qu'on doit lui opposer



Allons, maintenant à la source du mal, et voyons quelles sont les causes de la tristesse, afin d'en connaître mieux aussi les remèdes, et de les appliquer plus à propos. Cassien et Saint Bonaventure disent que la tristesse peut naître de diverses causes. Quelquefois elle ne vient que de la constitution du tempérament, et de ce que l'humeur mélancolique domine sur tout le reste ; et alors c'est un mal qui a plus besoin de Médecins que de Directeur. Il faut pourtant remarquer que cette humeur se nourrit et s'augmente par les pensées affligeantes où l'on s'entretient. Cassien dit qu'il est si dangereux de se laisser aller à ces sortes de pensées, qu'il faut les éloigner de nous avec autant de soin que celles qui sont contre la pureté et contre la foi.
Quelquefois on ne saurait dire précisément d'où naît cette tristesse ; car il arrive souvent que sans en avoir aucun sujet, on tombe tout d'un coup dans une profonde mélancolie. Alors son ne prend plus plaisir à rien, tout nous blesse, tout nous déplaît, nous fuyons les hommes, et même nos meilleurs amis ; il faut nous arracher, pour ainsi dire, les paroles, et si nous disons quelque chose, ce n'est qu'avec sécheresse et dureté. Cela nous fait voir, dit Cassien, que nos impatiences et nos promptitudes ne viennent pas toujours de l'occasion qu'on nous en donne ; mais plutôt de la mauvaise disposition de notre intérieur, et de ce que nous ne mortifions pas assez nos passions. En sorte que le remède qu'il faut y apporter, n'est pas de nous retirer de la société des hommes ; mais de bien mortifier nos passions : car sans cette mortification, dans quelque endroit que nous allions, et en quelque désert que nous puissions nous cacher, nous porterons toujours avec nous la cause intérieure de notre chagrin et de nos mouvements de colère.
La tristesse, dit Saint Bonaventure, vient encore quelquefois, ou de ce qu'il nous sera arrivé quelque chose de fâcheux, ou de ce que nous aurons manqué à obtenir ce que nous poursuivions avec ardeur. Saint Grégoire et Saint Augustin sont du même sentiment, et disent que la tristesse dans les gens du monde vient de leur attache aux choses du siècle : car il est certain que celui, qui aime quelque chose, ne s'en peut voir priver qu'avec regret : au lieu que rien ne peut affliger celui qui est détaché de tout ce qui est créé, et de qui Dieu seul fait tout le bonheur, comme il est le seul objet de tous ses désirs. Il n'y a point de doute, dit le Père Avila, que ce sont nos désirs qui causent nos inquiétudes et nos chagrins : plus les désirs sont ardents, plus l'inquiétude est violente : moins on forme de désirs, moins on ressent d'inquiétude : et quand on est parvenu à ne plus rien désirer, on jouit alors d'un parfait repos d'esprit. Enfin, il est vrai de dire que nos désirs sont nos bourreaux, parce que ce sont eux qui nous tourmentent, et qui font notre supplice.

(Abrégé de la Pratique de la Perfection Chrétienne)


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