LE JEUDI DE LA DEUXIÈME SEMAINE DE CARÊME
Jour de frayeur
PRATIQUE
Descendez aujourd'hui en esprit dans l'enfer : c'est le moyen de n'y pas descendre après votre mort. Pensez aux différents supplices que les damnés y endurent, aux feux dévorants qui les brûlent et qui ne s'éteindront jamais, à la compagnie épouvantable des démons qui les tourmentent, aux regrets inutiles et désespérés qui les agitent et les déchirent, à l'éternité des peines, et surtout à la privation de Dieu, le plus insupportable de tous les supplices. Que cette pensée vous suive partout ; craignez, souffrez, réparez, priez pour éviter ce malheur.
MÉDITATION
Le riche est mort, dit Jésus-Christ, et il a été enseveli dans l'enfer. (Luc, 16)
1er Point. Pensez avec frayeur à l'affreux supplice du mauvais riche, ce sera celui d'une âme qui sort de ce monde avec un péché mortel. Il était riche, et l'Évangile ne l'accuse pas d'avoir mal acquisses richesses, mais seulement d'avoir été dur aux pauvres. Il était vêtu superbement, comme le sont tous les mondains ; sa table était magnifique comme celle de tous les riches et on ne l'accusa point d'autres crimes. Cependant il souffre des supplices très cruels, il brûle et il brûlera tant que Dieu sera Dieu. Qu'on bâtisse sur la terre un tombeau somptueux à son corps, son âme n'en aura point d'autre que l'enfer, où elle attendra son corps après le jugement. Voilà le sépulcre éternel du mauvais riche ; il était habillé de pourpre, il est environné de flammes ; il habitait un superbe palais, il n'aura point d'autre demeure que cet abîme de feu : pendant que Lazare mendiant durant sa vie, et tout couvert d'ulcères, jouira de la gloire et des délices dans le sein d'Abraham.
Quel sujet de réflexions et quel motif de frayeur.
Le mauvais riche, au milieu de ses tourments, leva les yeux ; il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein, et il s'écria : Père Abraham, ayez pitié de moi, parce que je souffre cruellement dans cette flamme.
2e Point. Quelle triste situation ! quel cri perçant et douloureux ! et quelle inutile prière ! Le mauvais riche est au milieu des tourments les plus affreux, lui qui était au milieu des délices ! Il souffre une faim désespérée, lui qui faisait autant de festins que de repas ! il brûle, lui qui se donnait avec abondance tous les rafraîchissements que son intempérance demandait ! Il souffre une soif enragée, et il est réduit à demander par grâce une seule goutte d'eau ! Sa langue et son palais, qui n'avaient goûté que les mets les plus exquis, souffrent une sècheresse, une amertume, un feu dévorant, pour punir leur délicatesse ! C'est ainsi, ô mon Dieu, que votre justice adorable punit l'intempérance et les plaisirs de la vie ; et nous n'y pensons pas ! Il demande à Abraham qu'il ait pitié de lui ; il le demande inutilement, parce que s'étant trouvé dans l'abondance, il n'a pas eu pitié des autres et n'a pas écouté favorablement les prières des misérables. C'est ainsi, Seigneur, que je dois m'attendre à être traité, si je ne profite pas de cet exemple si capable d'inspirer de la crainte et de la frayeur.
SENTIMENTS
Justice de mon Dieu, que vous êtes incompréhensible, mais que vous êtes rigoureuse ! tourments, que vous êtes cruels et insupportables ! éternité, que vous êtes longue ! Ah ! Seigneur, si je n'étais pas frappé d'une juste frayeur à ces tristes vérités, ce serait pour moi un malheureux présage.
Inspirez-moi cette frayeur ; pénétrez-en mon âme sans qu'elle me fasse perdre la confiance en Vos bontés, puisqu'une goutte de votre sang est capable d'éteindre tous les feux de l'enfer, et que ce sang adorable est à moi. Seigneur, opérez en moi, par cette crainte et par cette confiance soutenue de bonnes œuvres, une vraie conversion de mœurs, un sincère attachement à vos divines lois.
SENTENCES
Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieurs ; où il y aura des pleurs et des grincements de dents (Matth. 22).
Ayez toujours devant les yeux les feux de l'enfer, le sein d'Abraham, la langue du mauvais riche, le doigt du pauvre Lazare , la soif du damné, et la goutte d'eau de rafraîchissement (Div. Aug., S. 8. in Genes.).
RÉFLEXIONS
Infidélité de Pierre
Ce fut un grand surcroît de douleur pour Jésus-Christ, lorsque son premier apôtre, qu'il avait destiné pour être le chef de son Église, pour soutenir et pour confirmer tous les autres pasteurs, et qui venait de lui faire tant de protestations de tendresse et de fidélité, le renia par trois fois, disant la première fois à une servante qu'il ne le connaissait pas, le jurant avec serment la seconde fois, et avec imprécation la troisième. Quelle était alors la situation du cœur de Jésus-Christ ? Quelle serait la vôtre, si celui de vos amis qui vous aurait le plus d'obligation, et sur lequel vous compteriez le plus, vous traitait ainsi lorsque vous seriez le plus cruellement persécuté de vos ennemis ? Votre cœur serait pénétré d'une vive douleur. Ah ! Seigneur, que doit-on attendre de nos protestations de courage et de fidélité ? Nos plus fermes résolutions ne durent le plus souvent que jusqu'à l'approche de ce qui doit en faire l'épreuve. Nous disons, comme Pierre, que nous sommes prêts à mourir pour vous, et à ne vous abandonner jamais ; et souvent la moindre occasion nous fait dire que nous ne vous connaissons pas.
Pierre avait trop présumé de son courage sans l'avoir éprouvé, et il fallait qu'il connût sa faiblesse pour compatir ensuite à celle des autres. Mais enfin Jésus-Christ eut pitié de lui : il le regarda d'un œil de miséricorde. Ce regard pénétra son cœur de la plus vive douleur. Cette pierre, qui avait été si facilement ébranlée, reprit une fermeté et une solidarité inébranlables. Cette pierre enfin, frappée d'une main bien plus puissante que celle de Moïse, se fendit, et en coula des ruisseaux de larmes qui ne tarirent qu'à la mort.
PRIÈRE
Ô Seigneur tout-puissant ! accordez-nous votre grâce, sans laquelle nous ne pouvons ni mériter le ciel ni éviter l'enfer ; accordez-nous la gloire que vous nous avez promise, et que Jésus-Christ, votre Fils et notre libérateur, nous a méritée par ses souffrances, par sa mort et par l'effusion de tout son sang. Nous vous en prions.
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