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dimanche 11 novembre 2018

Comment Satan a égaré l’humanité dans ses voies, après lui avoir fait perdre la connaissance du vrai Dieu : magie naturelle, magie noire, idolâtrie, divination, mystères et sociétés secrètes



Extrait de "Histoire Satan" par M. l'Abbé Lecanu :






ORIGINE DE LA GOÉTIE, OU MAGIE NATURELLE

Toute science naît de l’observation, et se forme de déductions systématisées. La fausse science, ou l’erreur provient de principes mal posés, de déductions mal faites, d’observations particulières trop généralisées, de conclusions précipitées, et généralement de l’empressement et de l’orgueil.
Placé entre la nécessité et sa faiblesse, entre son ignorance et le besoin de savoir, l’homme observa pour s’instruire, ayant compris de bonne heure que savoir est la même chose que pouvoir.
L’instinct des animaux domestiques ou sauvages, si précis et si sûr relativement aux phénomènes de la nature qui intéressent leur conservation ou leur bien-être, dut éveiller tout d’abord son attention. Le scarabée annonce la fin de la pluie ou de l’inondation, en reparaissant aussitôt que le ciel est rasséréné ; les gallinacées la prédisent en picorant diligemment le matin pour le soir, ou le soir pour le lendemain, lorsqu’il doit pleuvoir. Les bêtes sauvages s’enfuient, tremblent, se cachent, gémissent aux approches de l’orage, des éclipses, des tremblements de terre. L’hirondelle vole à perte de vue, si le beau temps doit continuer ; elle rase la terre, s’il doit pleuvoir. La manière dont la plupart des oiseaux placent ou construisent leur nid, indique si la saison sera froide ou chaude, sèche ou humide. Les oiseaux de mer annoncent le calme ou la tempête au matelot vingt-quatre heures à l’avance. Les corbeaux par leur croassement, leur vol et leurs ébats, les gallinacées parleurs cris, leur manière de jouer ou de courir, annoncent les bourrasques, les ouragans ; la rainette ou grenouille verte grimpe jusqu’au haut des arbres s’il doit faire beau, le crapaud coasse s’il doit pleuvoir. Ces observations et mille autres sont encore usuelles. Elles durent être faites dès l’origine ; elles le furent, et servirent à fonder une des branches de la science du pronostic. Un pas de plus, et on arrivait aux augures, aux animaux fatidiques et sacrés, au culte des animaux, à leur invocation. Ce pas, Satan le fit franchir, il était peut-être déjà fait.
Le hasard, cause inconnue d’une multitude d’événements, fut considéré, et l’est encore par les esprits irréfléchis, comme l’opération de la Divinité. La pensée s’élève toujours à la cause première, lorsque la cause immédiate lui échappe. Mais il y a de bons et de mauvais hasards, de favorables et de funestes rencontres. Comment reconnaître, éviter ce qui est mal, arriver à ce qui est bien ? N’est-il pas des hommes, des animaux, des objets dont la présence imprévue annonce le bien ou le mal, l’apporte peut-être et le cause ? des jours où tout réussit, d’autres où tout est contraire ? Ne pourrait-on pas diriger le hasard, se le rendre favorable, apprendre les moyens d’éviter ses coups, de se prémunir contre eux ?
Ici trois nouvelles branches de la science humaine, mais d’une science d’autant plus fausse, qu’elle procède de fausses suppositions et de l’inconnu, vont se former : le sortilège, qui apprendra à consulter le hasard, à le diriger, à le rendre favorable ; l’auspicine, qui apprendra à tirer des événements imprévus les inductions les plus lointaines sur ce qu’il faut craindre ou espérer ; l’art des préservatifs, talismans, amulettes, charmes, phylactères de toute espèce, qu’il suffira de porter, pour avoir les bonnes chances et éviter les mauvaises.
Mais que fait Satan ? Il persuade aux hommes que le sortilège ne sera efficace, qu’autant qu’il aura été consacré par la magie ; que l’auspicine est une science divine, et par conséquent sacrée, un objet de culte spécial, et, comme préservatifs, il donnera une plume, une dent, un œil des animaux déjà regardés comme sacrés ou divins, parce qu’on s’est accoutumé à consulter leur instinct ; à défaut de ces saints objets, il suffira de faire un geste déshonnête ou de porter une sale image. Toujours le mal ainsi placé à l’extrémité de toutes les voies. C’est aussi là une des sources probables de l’idolâtrie : nous verrons bientôt que les premiers objets de culte appelés idoles étaient fort petits et faciles à dissimuler.
L’étude de l’astronomie conduisit à l’astrologie, et l’astrologie au sabéisme, c’est-à-dire au culte des astres ; le premier faux pas détermine le second, et celui-ci précède la chute. Le retour périodique des mêmes astres à l’horizon réglant le cours invariable des saisons, mais avec une prodigieuse variété d’accidents particuliers au milieu d’effets généraux, toujours les mêmes, et le cours des saisons ramenant aussi inévitablement les mêmes phénomènes de vie, de santé, de maladie, il n’était pas possible de ne pas conclure à une influence générale des astres, et de certains astres en particulier, sur l’ensemble de la nature et sur chacun des êtres qui la constituent. Les fléaux, les épidémies, les sécheresses, l’inondation, des maladies spéciales, quoique purement locales, furent donc attribués au retour de quelques constellations en particulier. Mais le retour périodique de ces mêmes constellations se combinant diversement avec les aspects planétaires, comme les accidents bons ou mauvais de la vie, de la santé, des produits de la nature avec le retour des saisons, il s’établit des calculs de probabilités basés sur les influences, et l’astrologie fut créée.
L’influence admise, et il était impossible de ne pas l’admettre, il ne restait qu’un pas à faire pour arriver aux conjurations, aux invocations, aux obsécrations, afin d’amoindrir les mauvaises et de fortifier les bonnes. On savait d’ailleurs, ou du moins on croyait le savoir, que chacun des astres, comme chacune des parties de la nature, était présidé par un ange, un génie, un être surnaturel d’un nom quelconque. De là le culte des astres, du moins en partie.
Mais si, redescendant en lui-même, l’homme vient à considérer les phénomènes multiples et variés de sa propre nature, il y trouvera matière à des observations très-nombreuses, et une multitude d’énigmes dont la solution peut conduire à tous les égarements.
Que devient l’âme des morts ? n’est-ce pas elle qui produit ces bruits, ces lueurs nocturnes, ces épouvantements dans les ténèbres ? Celle des bons ne veille-t-elle pas sur les parents, les amis qu’elle a laissés dans la vie, pour leur procurer des biens ; et celle des méchants, des malheureux dont le sang n’a pas été vengé, n’est-elle pas infiniment à craindre ? N’y a-t-il donc pas moyen d’entretenir quelque commerce avec elles, de pacifier la colère des unes ou de s’en servir, de conserver l’amitié des autres, de les interroger, pour en apprendre ce qu’il est utile de savoir ; elles qui, dégagées des liens de la matière corporelle, voient tout, savent tout, sont partout ? De là le culte des mânes, des lares familiers et domestiques, les évocations, la nécromancie. Mais ceci rentre dans la théurgie.
Et les songes, autre phénomène inexplicable ! Dieu s’est servi parfois de ce moyen pour communiquer avec les hommes. L’âme se transporte au loin, voit clairement, souvent devine juste ; combien de fois l’objet d’un rêve ne s’est-il pas réalisé à court intervalle ? C’est donc un moyen de connaître ce qui est secret, ce qui doit arriver. Si c’est un moyen, il faut créer l’art, fixer les règles, marquer les points de reconnaissance. Si c’est un moyen divin, il faut s’en servir pour interroger Dieu. L’onéirocritie s’établit ; on trouve les moyens de produire ces songes véhéments qui s’impriment fortement dans l’imagination et la mémoire.
Et le somnambulisme, avec ses phénomènes si étonnants ; l'éphialte, avec son démon qui pèse sur la poitrine des gens endormis, qui les serre à la gorge ; l’hypocondrie, l’épilepsie, l’hystérie, la manie et autres maladies sacrées, comme les appelaient les plus anciens médecins, avec leur étrange périodicité soumise aux influences des planètes et surtout de la lune, au point qu’on parle encore de leurs phases comme on dit les phases de la lune, tous ces accidents ne sont-ils pas produits par des génies, des êtres surnaturels, qui s’emparent des malheureux patients, les subjuguent, se substituent à leur âme ? Il n’y a moyen ni de les soulager, ni de les guérir, ni d’expliquer la cause de leur état. Tout cela est donc divin.
Mais si ces sortes de gens sont le réceptacle d’une divinité, ils en sont aussi les organes ; il faut donc les interroger. À défaut de maladies réelles, il faut en produire artificiellement de pareilles ; les moyens ne manquent pas. De là l’origine des oracles.
L’engastrimythe, doué d’une faculté plus rare et non moins étrange, s’éleva à de plus grands honneurs encore. On crut que ses entrailles étaient le tabernacle d’une divinité, et que cette voix, distinctement entendue sans que les lèvres la prononcent, était une voix divine. Pour lui, bien loin de chercher à détruire une illusion qui flattait son amour-propre et lui rapportait argent, honneurs et respects, il s’y prêta et l’entretint. Ce fut un autre moyen de créer des oracles, et ce moyen doubla sa puissance en se combinant avec ceux qui précèdent, et en s’aidant du charlatanisme.
Des recherches modernes et approfondies ont démontré que la forme et les linéaments de la main sont en rapport constant avec la complexion individuelle et l’état de développement des facultés de l’intelligence. De savants médecins n’ont pas craint de traiter cette question, et d’affirmer qu’il y a lieu de tirer dans les maladies des indications précieuses de l’état de la main. Plusieurs ont posé en thèse générale qu’il y a une telle connexion entre la structure de la main et les facultés intellectuelles, qu’il faut ordinairement conclure de la perfection des organes de préhension à la perfection même de l’organe cérébral. Camper, l’un des observateurs les plus studieux des temps modernes, a reconnu pareillement qu’il existe une analogie singulière entre les viscères et les mains (C. f. Cureau de la Chambre, l’Art de connaître les hommes. — Montègre, Dict. des sciences méd. art. Chiromancie. — Virey. ibid. art. Main).
La même étude conduisit à la physiognomonie, science qui ne serait pas non plus absolument vaine, si elle était contenue dans de justes bornes, et si les exceptions n’étaient presque aussi nombreuses que les principes. Dans ces derniers temps, des écrivains moins solides qu’ingénieux l’ont conduite, de déductions en déductions, jusqu’à la phrénologie, qui est encore l’art de deviner par l’inspection des formes et n’est pas non plus destituée de tout fondement.
Mais la physiognomonie est une étude relativement plus moderne ; du moins il n’en reste pas de traces dans la très haute antiquité. Peut-être cette étude, qui est à la portée de tout le monde, et que chacun peut faire ainsi pour son propre compte, ne sembla-t-elle pas aux chercheurs primordiaux assez digne de leur attention.
Les autres branches, au contraire, que nous venons d’indiquer, apparaissent dès les temps de la dispersion. Job, qui vécut en ces âges reculés, fait mention de la chiromancie ; il fait mention de l’alectruomancie, l’un des perfectionnements de l’art augurai ; il appelle les constellations des noms que nous connaissons encore, et qui sont tous astrologiques (Quis posuit in visceribus hominis sapientiam? Vel quis dédit gallo intelligentiam ? (Job. xxxviii, 36) — Qui in manu omnium hominum signat, ut noverint singuli opera sua. (Ibid, xxxvii, 7. ) — Numquid conjungere valebis micantes stellas Pleiadas, aut gyrum Areturi poteris dissipare ? (Ibid, xxxviii, 31.) — Qui facit Arcturum et Oriona, et Hyadas, et interiora Austri. (Ibid, ix, 9)).


ORIGINES DE LA THÉURGIE, OU MAGIE SURNATURELLE, DITE AUSSI MAGIE NOIRE

C’est un point de la foi chrétienne, que le Créateur chargea les anges de la garde de ses ouvrages, que les nations comme les hommes ont leurs anges gardiens. Ce dogme faisait partie des croyances des Juifs ; le livre de Job fournit la preuve qu’il est de beaucoup antérieur à la fondation de la nation, et plus étendu que le rayon dans lequel la famille abrahamique exerça son action. Il nous montre également la croyance à un pouvoir satanique, détracteur de l’homme, jaloux de son bonheur, ne demandant qu’à nuire, s’exerçant avec la permission divine dans une limite assignée, et s’étendant jusque sur les éléments et la nature physique, lorsque Dieu la lui concède (Job. iv, 18 ; — Ibid, xxxiii, 23 ; — Job. II). Ce même livre, l’un des plus anciens monuments de la littérature humaine, nous montre pareillement établie et admise la croyance à des esprits qui entrent en communication avec les hommes (Job. IV, 13) ;
À la survivance des âmes, et aux réclamations adressées à la justice divine parcelles des malheureux qui furent victimes des méchants (Ibid, xxiv, 12 ; — Genes. iv, 10).
Au-delà de ce monde visible et tangible, il y avait donc le monde des intelligences : Dieu et ses anges, Satan et les siens, des esprits sur la nature et l’opération desquels il n’était pas possible de s’expliquer, les âmes des bons et des méchants ; et ce monde invisible, en contact perpétuel et par mille endroits avec le monde visible, entrait pareillement en communication avec lui.
De là à un culte direct et à des pratiques plus ou moins superstitieuses, le pas était glissant ; puis des noms de convention durent être donnés à tous les esprits auxquels on avait besoin de s’adresser ; puis l’intervention de ces mêmes esprits reconnue dans tous les événements imprévus, inexplicables, surprenants ou de force majeure qui s’accomplissaient, et Satan pousser de plus en plus l’humanité dans de telles voies, puisqu’elles éloignaient de Dieu.
Tels sont les sentiers par lesquels le monde s’achemina vers le polythéisme, vers un culte extravagant et les pratiques de la noire magie, à l’adresse des démons, des mauvais esprits et des âmes réprouvées ou en courroux.
Et l’homme oublia le Créateur, pour offrir son encens à ces dieux plus rapprochés (Deut. IV, 7).
Il l’oublia si bien, qu’il n’en resta nul souvenir en dehors de la descendance d’Abraham. Car il ne faut pas s’imaginer que le Jupiter très-bon et très-grand des Grecs et des Latins soit demeuré un dieu éternel, créateur, Seigneur souverain ; non, il devint le plus grand de ces dieux de convention, sinon par l’ancienneté ou la justice de son droit, du moins par sa force, car si tous les autres avaient été suspendus à une chaîne, il les aurait tous soulevés du bout de son doigt, nous dit l’antique théodicée païenne.
De sorte que cette assertion de l’Écriture, que tous les dieux des nations sont des démons, reste positivement établie et clairement expliquée, soit qu’on prenne le mot démon dans le sens d’un ange de Satan, soit qu’on le prenne dans le sens indiqué par la langue grecque, de génie ou esprit de convention qui préside imaginairement à quelque partie de la création (Ps. xcv, 5).
Or, parmi ces dieux imaginaires, il faut placer en première ligne les dieux qui brillent au firmament et distribuent la lumière : le soleil, la lune, la belle planète de Vénus, Syrius, la plus belle de toutes les étoiles, ou du moins les génies qui présidaient à leurs révolutions. Le génie du soleil s’appela Baal, Osiris, Bacchus, Hercule, Mvthra, Apollon, suivant les lieux, ses attributions diverses et les légendes que lui firent ensuite les fondateurs des mystères. Le génie de la lune s’appela Beelsama, Atergatis, Dagon, Derceto , Cabar, Hécate, Isis, Astarté, Junon, Diane, suivant les circonstances diverses. Vénus seule n’eut qu’un nom, mais une multitude de surnoms et des légendes à l’avenant. Syrius prit les noms d’Adonis, d’Horus, de Mercure, d’Anubis. Jupiter eut sous sa direction toute la voûte des deux ; mais, antérieurement, c’était le même que le soleil, et d’abord le Tout-Puissant.
Au-dessous de ces dieux du premier ordre, se trouvèrent placés des dieux, d’un ordre inférieur, les dieux de la terre de la mer, des vents, de la guerre, des moissons, de la mort ; puis, à un degré plus bas, des parques, des nymphes, des tritons, des driades, des faunes, des sylvains en nombre illimité, de sorte que chaque chose eut son dieu, une Heur, une feuille, une goutte de rosée, un bruit, un écho, un éclair, un moucheron, un soupir, un geste, un songe, un bâillement, l’éternuement, la faim, le froid, la chaleur, un art, un métier, le savoir, l’ignorance, l’amour, la haine, l’envie, le vol, le meurtre, la constance, l'inconstance, le oui, le non, en un mot tout ce qui peut se nommer dans le langage humain.
Puis vinrent les grands demi-dieux, âmes des héros, des sages et des puissants qui avaient vécu sur la terre ; puis les petits demi-dieux, âmes des ancêtres et des gens vertueux, sous le nom de mânes et de lares domestiques ; celles des méchants, des personnes mortes de mort violente, des enfants enlevés à la vie avant le juste âge, comme on disait, c’est-à-dire l’âge de la virilité, méchants petits demi-dieux, connus sous le nom de lémures, capables de toutes les malices envers les pauvres humains.
Et cette abominable mythologie, qui sue le meurtre et l’adultère, la fourberie et l’inceste, qui met-elle en évidence ? Satan. C’est lui qui est Jupiter, le dieu très-grand et très-bon que les hommes adorent. Le misérable ! il prend le nom de l’Éternel, Jov ; il s’appelle le père des hommes, Jupiter ou Jou-pater ; il prend le nom de Dieu, Zeus, deus ; il usurpe le nom de dieu de la lumière, Diespiter ! Et quant à Dieu, le véritable Dieu, il le relègue à l’arrière-plan : Dieu n’est plus l’éternel, c’est le temps, Saturne, Kronos ; espèce de vieil imbécile, cruel et glouton, qui dévore ses enfants ; dieu aveugle et impuissant, qui est dominé par la fatalité, car Kronos ne fait pas ce qu’il veut, mais ce que veut le destin. Mais lui, Jupiter, échappé par fraude à la voracité de son père, il a bien su le mettre à la raison, prendre sa place cl rétablir l’ordre dans l’univers. C’est lui désormais qui règne sous la voûte des deux, c’est lui qui assemble les nuages et lance la foudre ; allez l’adorer à Olympie ; c’est lui qui fait planer l’aigle au plus haut des airs et distribue à tous les êtres le mouvement et la vie.
Ce n’est plus lui qui est l’orgueilleux, le jaloux, le révolté ; c’est au contraire contre lui que la révolte a eu lieu : les Titans voulaient escalader le ciel, mais il s’est armé de sa foudre et a renversé ces fiers enfants de la terre.
Prosternez-vous, mortels, et adorez Satan. Si le respect réclamé par les auteurs de vos jours vous semble une trop lourde chaîne, souvenez-vous des exemples de Jupiter à l’égard de Saturne ; pourriez-vous faire mal, en imitant le plus saint des dieux ?
Si vous éprouvez des penchants incestueux ou adultérins, rappelez-vous les noms de Junon, de Latone, de Léda et tant d’autres ; des penchants plus honteux encore, souvenez-vous de Ganymède (« Esclaves d’un vice infâme, les Cretois imaginèrent le mythe de Ganymède, pour se mettre à couvert sous l’autorité de Jupiter. » (Platon, des Lois, I, VIII.) Et c’est peut-être pour cela, qu’ils réclamaient Jupiter comme leur compatriote) ; de plus abominables encore, souvenez-vous de Philyre, souvenez-vous d’Europe. Le souverain dieu pourrait-il condamner en vous ses propres exemples ? Il vous invite, au contraire, et vous précède.
Auriez-vous l’ambition d’être admis un jour au rang des dieux ? vous pouvez y prétendre ; Ixion, l’assassin de son beau-frère, y fut admis par Jupiter lui-même, nonobstant les réclamations de ses collègues ; et s’il fut ensuite envoyé dans les enfers, c’est pour avoir piqué la jalousie de son bienfaiteur ; car il n’existe point d’autre crime, que celui d’offenser personnellement les dieux, ni d’autre vertu que le courage civique.
Si votre ambition s’élève moins haut, si vous ne rêvez pas de devenir un dieu, mais seulement d’être heureux dans l’autre vie, attendez : vous mourrez et revivrez trois fois, neuf fois peut-être ; chaque fois, vous serez jugé et envoyé dans le noir Tartare, où règnent les ténèbres, ou dans les champs Elysées, où l’on s’ennuie passablement ; après trois ou neuf bonnes vies humaines, les mythologues ne sont pas d’accord, vous serez envoyé dans les îles Fortunées. Si, au contraire, toutes vos vies n’ont pas été bonnes, vous demeurerez errant sur les bords du Styx.
Le bel avenir que tout cela ! Et dès lors qu’est-ce que le vice ?
qu’est-ce que la vertu ? quoi désirer, quoi redouter ? Pourquoi s’imposer quelque frein ?
Et de quel culte honora-t-on à la fin ces fantastiques divinités ? d’un culte d’amour ? oh ! non. D’un culte de prière ? encore moins. D’un culte d’adoration ? Ion n’y songeait plus. C’était du culte de l’intérêt : les invoquer, pour réussir ; les évoquer, pour apprendre ; les pacifier, pour ne pas rencontrer d’obstacles à ses desseins ; les gorger du sang des victimes, pour les apaiser ou les rendre favorables. Car tous ces dieux étaient méchants, cruels, jaloux, envieux, presque toujours en guerre les uns avec les autres.
Et encore Satan ne se contenta pas pour eux d’un culte inoffensif ; il voulut souvent qu’ils fussent honorés par des actions criminelles ou honteuses, et que leurs ministres fussent déshonorés et rabaissés au-dessous de l’humanité. Culte et ministres dignes de pareilles divinités (Rom. I, 21).
L’imagination seule ne les avait pas créés ; le besoin, les mauvaises passions, l’intérêt et la peur lui étaient venus en aide. Lucain est plus près de la vérité qu’on ne pense, lorsqu’il appelle la peur la mère des dieux.
Aussi le culte qu’on leur adressa fut-il uniquement de la théurgie. Théurgie abominable, lorsqu’elle s’adressa aux méchants dieux : au dieu Rubigo, qui fait rouiller les moissons, à la peur, à la nuit, à la fièvre, à la vengeance, aux dieux de la mort et des enfers, au Cocyte, à l’Erèbe, au noir Tartare, fleuves des enfers. Des sacrifices d’hommes, d’enfants, la nuit, au fond de fosses profondes, des chiens, des crapauds, de la bave de reptiles, des plumes de hibou, des imprécations, des hurlements, des blasphèmes, que n’imaginât-on pas, pour les rendre propices ?
Et ceux qui possédèrent ces vaines sciences, c’est-à-dire la connaissance de toute cette milice imaginaire du ciel et de l’enfer, de sa hiérarchie et de son culte, des invocations et des évocations ; plus les sciences naturelles de la reddition des oracles, de l’explication des songes et des merveilles de la nature, des phénomènes de l’air, des éclairs et de la foudre, des maladies sacrées du corps et de l’âme, prirent le beau nom de savants ou mages, et à ce titre devinrent les conseillers des rois, les sages des nations, les gouverneurs des provinces. C’est sous ce titre présomptueux, en ces qualités et avec ces honneurs qu’ils nous apparaissent, dès la plus haute antiquité, dans l’histoire de la Perse et de l’Égypte ; mais déjà ces mages si superbes n’étaient que de pauvres magiciens, réduits à opérer des merveilles équivoques, à court de moyens pour un grand nombre, et de science sur les questions importantes.
De l’extrême Orient, ces titres et qualités, ces usages et ces fonctions s’établirent dans le reste de l’univers, et jusque dans les régions glacées du Nord. Parmi tous les peuples païens, civilisés ou non, le magicien est toujours le savant du village, de l’armée, de la ville et de la cour, quand il y a une cour ; le puissant auquel on a recours, le sage que l’on consulte.


IDOLÂTRIE. — PROGRÈS DE LA MAGIE. — DIVINATION.

On peut fixer pour époque à l’invasion définitive de ces vaines croyances, de ce culte abominable et de l’idolâtrie, le moment où Dieu appela Abraham et le sépara des nations de la terre, afin de se créer un peuple particulier, au milieu duquel son nom demeurât connu, son culte exclusivement pratiqué, et le culte de Satan en horreur ; c’est-à-dire environ mille ans après le déluge et deux mille trois cents ans avant l’avènement du Messie. Le fait seul de cette séparation l’indiquerait déjà ; mais il est des indices plus positifs.
Peu de temps après son entrée dans la terre promise, trente ans avant la naissance d’Isaac, Abraham, nous dit l’Écriture, se trouva en rapports avec Saadick, roi de Jérusalem (Malki-Saadiek, ou Melchisédech, signifie le roi Saadick), prêtre du Dieu très-haut, et offrant du pain et du vin. Cette double observation n’est pas faite sans dessein : le Dieu très-haut était donc encore connu sur la terre et avait des prêtres qui l’honoraient exclusivement. Il y avait donc à côté de lui, concurremment avec lui et au-dessous de lui, d’autres dieux, qui avaient des prêtres. Il y avait donc d’autres offrandes moins innocentes et un culte moins pur. Le polythéisme, avec ses pratiques, était donc implanté dès lors sur la terre.
Et quant à l’idolâtrie, les premiers indices que nous en fournit le plus ancien de tous les livres, la Genèse, se rapprochent de cent quatre-vingt-sept années depuis la vocation d’Abraham. Jacob fuit de chez Laban ; Rachel, femme de Jacob , emporte les idoles de son père, et lorsque celui-ci se présente pour les réclamer, elle les cache sous de la litière, s’asseoit dessus pour les dissimuler, et feint une indisposition qui l’empêche de quitter son siège. Laban visite la tente en tout sens ainsi que les bagages, ne trouve rien et ne se doute de rien. Des idoles ainsi dérobées, ainsi cachées et ainsi cherchées n’étaient pas volumineuses, et ne ressemblaient pas à ce qu’on a appelé depuis des idoles, c’est-à-dire des statues de forme et de dimension humaine.
Cependant l’idolâtre Laban connaissait lé Seigneur et jurait par son nom, mais il avait à son propre usage des divinités spéciales. Il en était de même des peuples de Chanaan et de la Palestine, avec lesquels Abraham et Isaac avaient entretenu précédemment des relations. Ainsi l’idolâtrie et le polythéisme s’introduisaient furtivement, en qualité de dévotions isolées, qui devaient, à un terme rapproché, faire oublier le vrai Dieu.
Sept à huit ans après cet événement, Jacob, voulant purifier ses serviteurs de toute idolâtrie, leur donna des vêtements neufs, et enterra leurs idoles et leurs boucles d’oreilles sous le térébinthe de Bétliel. Ce dernier détail suffit pour montrer ce qu’était alors l’idolâtrie (Genes. xii, 1 ; — xiv, 18 ; — xx, 4 ; — xxvi, 28 ; — xxx, 27 ; — xxxi, 19, 30, 49 ; — xxxv, 1, 4).
Elle était déjà pareillement admise en Égypte, puisque la magie y régnait. Le sabéisme y avait aussi ses prêtres et ses autels. Lorsque Joseph, fils du patriarche Jacob, arriva jeune encore en Égypte, plusieurs villes étaient consacrées sous le vocable du soleil. Il y avait des devins qui expliquaient les songes, d’autres qui pratiquaient la siphomancie, ou l’art de deviner par le moyen d’une coupe. Joseph, rempli de l’esprit divin, expliqua lui-même, au nom du Seigneur, des songes que les suppôts de Satan n’avaient pu expliquer, et, dans la suite, isolé et pour ainsi dire perdu au milieu d’un peuple superstitieux, qu’il devait nourrir du pain matériel, mais qu’il n’aurait pu éclairer, il laissa croire à ses serviteurs que sa coupe lui servait à deviner, et que de là venait cette profonde sagesse, si fort admirée des Égyptiens (Genes. XL, 1 ; — XLI, 1, 45 ; — XLIV, 5).
Des monuments contemporains d’Abraham , ou même antérieurs, montrent le culte de Neit, de Phta, d’Ammon-Ra, d’Osiris, établi et dans une grande splendeur. C’étaient pour les prêtres les images astronomiques du vrai Dieu, mais déjà pour le peuple l’adoration des astres, le sacerdoce faisant un mystère de sa foi.
Quatre cents ans plus tard, lorsque la descendance de Jacob , devenue un peuple nombreux, sortit de l’Égypte, il paraît bien que le polythéisme y régnait définitivement. Cette question adressée par Moïse au Seigneur, qui l’envoie vers ce même peuple : « Je vais aller trouver les fils d’Israël, et leur dire : le Dieu de vos pères m’envoie vers vous ; s’ils me demandent le nom de ce Dieu, que leur répondrai-je ? » prouve, en effet, qu’il y avait plusieurs dieux connus en Égypte, et que le vrai n’était plus discerné, même parmi les fils d’Israël (Exod. III, 13).
Ou plutôt leur idolâtrie descendait jusqu’au culte des bêtes. Au sortir de la captivité, lorsqu’ils voulurent se créer à eux-mêmes une religion, tandis que Moïse conversait avec Dieu sur le mont Sinaï, ils se firent une idole à laquelle ils donnèrent la forme d’un bœuf, et se mirent à danser à l'entour en chantant : « Voilà vos dieux, Israël, vos dieux qui vous ont retirés de la terre d’Égypte. » Ils en étaient à quelques journées de marche seulement, et un pareil fait ne peut être qu’un retour à leurs habitudes des jours précédents (Exod. xxxii, 4).
Jethro, le prêtre de Madian, dont Moïse avait épousé la fille, était sans doute un prêtre des faux dieux, puisqu'il proclama dans sa surprise, en voyant les grandes œuvres que Moïse avait opérées en Égypte au nom du Seigneur, que le Seigneur était au-dessus de tous les dieux.
On ne saurait mieux juger du point où l’idolâtrie était arrivée à ce moment en Égypte, qu’en voyant les défenses que Dieu fit à son peuple : « Vous n’aurez point d’autre Dieu que moi. Vous ne vous ferez aucune image ou représentations d’hommes, ni des choses qui sont au firmament sur vos têtes, ou sur la terre, ou dans les eaux sous vos pieds, dans le but de leur rendre quelque adoration ou quelque hommage que ce puisse être (Exod. xx, 3). »
Ils quittaient donc un pays où toutes ces représentations existaient et recevaient un culte.
Ce même pays était livré de plus en plus à l’influence des jongleurs, des maléficiateurs et des enchanteurs. Pharaon n’eut rien de plus empressé et ne devina rien de plus sage, que d’en réunir plusieurs auprès de sa personne, pour les opposer au grand thaumaturge des Hébreux. Ils imitèrent, en effet, quelques-uns de ses prodiges, soit par la vertu de Satan, soit, comme l’ont pensé quelques interprètes des Écritures, par l’adresse de leurs prestiges (Exod. vii, 11. Saint Paul appelle les chefs de ces magiciens Jannes et Mambres. (II Tim. III, 8)).
Le pays dans lequel les Hébreux allaient entrer et les contrées environnantes n’étaient pas plus purs sous ce double rapport. Balac, roi de Moab, avant d’entreprendre la guerre contre Israël, fit venir Balaam , le prophète criminel, pour maudire ses ennemis, afin de pouvoir les vaincre ensuite d’une manière plus certaine ; car Balaam avait une grande réputation en ce genre : ses bénédictions portaient toujours bonheur, et ses imprécations toujours malheur (Num. xxii).
Balaam était un de ces jongleurs qui faisaient métier de la magie démoniaque au milieu d’un peuple ignorant, idolâtre et vicieux, mais qui connaissait le vrai Dieu, que l’esprit, de Dieu subjuguait parfois et forçait malgré lui à parler du Seigneur, afin que le nom du Dieu du juste Loth ne fût pas totalement mis en oubli parmi ses descendants.
Le pays dont les Hébreux entreprenaient la conquête, était livré aux augures, qui devinaient par le vol et le chant des oiseaux ; aux onéirocrites, qui interprétaient les songes, qui dormaient sur les tombeaux, qui prenaient ou donnaient des breuvages, pour se procurer ou procurer aux autres des songes fatidiques ; aux magiciens, aux conjectureurs, aux engastrimythes, qui parlaient du ventre, et laissaient croire qu’ils étaient des devins, que c’était un dieu qui parlait en eux ; aux maléficiateurs, qui jetaient de mauvais sorts par le double moyen de l’empoisonnement et de l’imprécation ; aux enchanteurs, qui donnaient un sort prospère ou produisaient des merveilles au moyen de paroles magiques ; aux nécromanciens, qui évoquaient les morts, et peut-être immolaient des vivants, pour avoir des entrailles palpitantes à consulter. Il y avait des consécrations à Baal et à Moloch en passant au travers des flammes, et peut-être déjà des moloch de bronze, espèce de fours métalliques surmontés d’un buste à forme humaine, dans lesquels on faisait brûler des enfants vivants en l’honneur du faux dieu, et que l’Écriture appelle du nom de brûloirs (V. pour les arts magiques pratiqués alors en Palestine et dans le pays de Chanaan, Levit. xix, 26 ; — xx, 6, 27. — Deut. xviii, 10 ; — Sap. xii, 4 — Pour les pythons ou engastrimythes, Is. xxix, 4. — Septant. Deut. xviii, etc. — Augustin. De doctrina chr. sup. cap. xvi Act. — Pour les moloch ou brûloirs à enfants, Is. LVII, 5, 6.— II Reg. xxii, 5. — Ici torrentes paraît venir de torrere, et cette explication s’appuie des usages très-connus du pays de Chanaan, dont il reste d’ailleurs des monuments).
Et si on demande quel était l’effet produit par de tels moyens, le résultat de pareilles invocations, nous répondrons qu’il ne devait pas être aussi nul que le supposent certains philosophes trop rationalistes, parce que Satan est une puissance, et que ceux qui l’invoquent, méritent de lui être livrés ; ni peut-être tout à fait aussi plein que le supposent beaucoup de démonographes, parce que Satan est une puissance captive, qui ne peut rien sans la permission du Créateur, une puissance railleuse et menteuse, qui fait ce qu’il faut pour augmenter son empire, mais jamais ce qui peut complaire aux hommes ou leur rendre service. Nous le verrons par la suite de ce récit.
En tel état était donc le règne de Satan dans l’Égypte, dans l’Arabie, dans le pays de Chanaan et les contrées voisines, en l’an seize cent soixante-deuxième après le déluge, seize cent quarante-cinquième avant la venue du Messie.
Les souvenirs de l’histoire profane qui remontent à ces mêmes époques, nous montrent également l’idolâtrie, le polythéisme et la magie régnant sur le reste de l’univers, et le Dieu suprême encore plus profondément oublié que dans les pays que nous venons de parcourir.
Arnobe affirme que, dans les guerres qui s’élevèrent entre Ninus et Zoroastre, roi de Bactriane, on eut recours de part et d’autre aux secrets de la magie. Saint Épiphane dit que Nemrog, en fondant Bactres, y porta les sciences de l’astrologie et de la magie (Epiph. Hæres. I).
Cassien place l’invention de la magie au temps de Jared, quatrième descendant de Cham. Le recueil des Védas, livres sacrés de l’Inde, contient plusieurs traités de magie. Les lois de Manou indiquent soigneusement les pratiques de magie qui sont permises ou défendues à un brame. Et tout ce qui reste des anciens souvenirs de l’Inde prouve que, dès cette époque, les notions si simples du Créateur et de la création, de la chute de l’homme et de sa dégradation, du déluge et de ses causes, étaient profondément étouffées sous une multitude d’erreurs, au milieu desquelles il était impossible de rien reconnaître, ni Dieu, ni l’origine ou la fin de l’homme, ni ses devoirs. Un dieu matériel et bizarre, plusieurs créations et destructions pour des causes et par des moyens ridicules, divers archétypes de l’humanité, et enfin un dernier Brama, qui avait donné naissance à diverses races d’hommes sorties, les unes de sa tête, les autres de ses épaules ou de ses pieds condamnées à rester ainsi et sans déclassement inférieures les unes aux autres, sans aucune confraternité, sans avenir au-delà de ce monde, comme sans devoirs à y remplir, autres que ceux qui résultent de l’état social, de celui-ci en particulier ; de sorte que les riches, les heureux et les maîtres seront toujours les heureux, les riches et les maîtres, les artisans toujours artisans, les esclaves toujours esclaves, les parias toujours parias, et que le contact des classes inférieures souillera toujours les supérieures, sans que les inférieures soient pour cela anoblies : telle est encore la foi de l’Indoustan. Est-ce bien là l’oubli de Dieu et le règne de Satan ?
Les mages, loin de maintenir dans la Perse, la Babylonie, la Chaldée, les saintes traditions venues de leurs ancêtres, avaient laissé Satan se poser orgueilleusement en rival de Dieu. Le Créateur, l’Éternel, le Tout-Puissant n’existait plus pour eux qu’en souvenir ; ils l’avaient relégué dans un océan de lumière inaccessible, d’ou il voyait peu les actions et les adorations des hommes. Il n’y avait plus en face de l’humanité que deux esprits surnaturels : Oromase, principe de la lumière corporelle et du bien, et Ahriman, principe des ténèbres et du mal. Oromase était plutôt l’organisateur que le créateur des choses créées, et Ahriman, le désorganisateur, le dispensateur de la mort, des douleurs, et l’auteur du mal moral. La lutte perpétuelle de ces deux principes, presque égaux en puissance, était l’explication de toutes les choses de ce monde. Oromase recevait des hommages et un culte, parce qu’il était bon ; Ahriman, un culte dissemblable et des sacrifices, parce qu’il était méchant et redoutable. Quelques écrivains, dans l’antiquité comme dans les temps modernes, ont pensé, avons-nous dit, que la révolte de Satan fut une insurrection contre le Verbe divin. Si l’on considère, en effet, que Satan s’est toujours posé plus spécialement comme l’adversaire du Verbe, « par lequel et pour lequel tout a été créé », cette pensée acquiert une grande apparence de probabilité. Nous la livrons pour ce qu’elle vaut.
La dogmatique ainsi pervertie, car c’est toujours par là que le mal commence, le culte ne pouvait manquer de s’égarer. Oromase, le principe de la lumière, fut censé résider dans le soleil, qui en est le foyer. De là un culte direct rendu au soleil. De là des adorations et des prières, lorsque cet astre se lève ; des adieux et des prières lorsqu’il se couche, pour qu’il revienne le lendemain distribuer à l’univers ses bienfaits. De là le culte du feu, qui est l’emblème, le supplément, une émanation même du soleil, puisqu’on rallume à ses rayons. De là enfin l’entretien d’un feu sacré et perpétuel, et la construction de pyrées, ou temples du feu.
Et les monuments de ce culte insensé remontent à une époque bien reculée, puisque non -seulement les prophètes Sophonie, Osée, Isaïe mais Moïse lui-même en parlent sous le nom de chamanim, des cheminées, ou des lieux noircis par le feu (Levit. xxvi, 30. — Is. xxvii, 9. — iv Reg. xxiii, 5. — Os. x, 5. — Soph. 1, 4.—Saint Jérôme traduit ce mot diversement, mais le plus ordinairement par temples de Baal, ce qui signifie des pyrées).
Dans les temps postérieurs, chaque maison eut son feu sacré ; on prit les plus grandes précautions pour ne pas souiller le feu du foyer domestique ; on se prosterna devant un incendie, et si on essaya de l’éteindre à son origine, ce fut avec de la terre, et non avec de l’eau, principe opposé et créature d’Ahriman.
Le cruel Ahriman , objet de terreurs et de sourdes malédictions, reçut des offrandes, des libations, des sacrifices d’hommes et d’animaux, comme apaisement de sa colère et en prix de ses exigences. Mais il serait impossible d’imaginer quel est ce cruel Ahriman proposé à la haine des hommes : c’est le Fils de Dieu, la seconde personne de l’adorable Trinité! Le bon prince, l'excellent Oromase, c’est Satan lui-même ; quant à leur père commun, Zarouan, Zerouam ou Zerdeust , car Satan et le Verbe divin sont frères, il était relégué à l’arrière-plan, comme dans les autres mythologies.
L’interversion se fit dans les derniers temps, sous l’inspiration du manichéisme.
Les Guèbres ou Parsis, sectateurs de cette religion, se sont montrés parfois cruels et féroces. Il en existe encore quelques petites colonies dans l’Inde ; mais leurs mœurs se sont adoucies à raison de leur faiblesse.
On était loin alors de la connaissance et du culte du vrai Dieu ; ce n’est pas assez dire : on avait le vrai Dieu en horreur.
La religion des adorateurs du feu se trouva fixée ou transformée à une époque déjà lointaine, mais inconnue, et on appelle le réformateur du nom, probablement imaginaire, de premier Zoroastre. Le second Zoroastre vécut environ six siècles avant notre ère ; il nous reste de lui un livre dogmatique intitulé Zend-Avesta, ou parole vivante.
La Chine n’était pas plus sage, nonobstant quelques souvenirs assez précis ; mais ces souvenirs s’arrêtaient au déluge. Dieu n’était déjà plus que l’esprit du ciel matériel, et toute la religion consistait à offrir des sacrifices aux âmes des ancêtres, non pour les racheter, mais pour leur être agréable, et à entretenir leur tombe en un état permanent de propreté. On avait perdu la mention des bons anges et gardé celle des mauvais, auxquels on offrait toute espèce de sacrifices et on présentait toute sorte d’offrandes, afin de se prémunir contre leur malice ou de la désarmer, et qu’on opposait les uns aux autres, en leur érigeant des statues plus laides et plus grimaçantes les unes que les autres, afin qu’ils se lissent peur mutuellement.
Et telle est encore la religion de la Chine, partout où elle n’est pas remplacée par le culte de Fo ; et ses lettrés n’apprennent guère au peuple à prier l’Esprit du ciel ou à le craindre, mais beaucoup à prier et à craindre les mauvais esprits, et notamment l’esprit des mauvaises gens ou des mauvaises bêtes mortes, qu’ils appellent des manitous. Rien de plus dangereux, selon eux, que le manitou d’un chien mort. Quand ils veulent empêcher un fleuve de déborder, ils consacrent l’image d’un taureau furieux qui menace des cornes, et le placent sur ses bords. Mais l’esprit du fleuve ne respecte pas toujours l’esprit du taureau, car le fleuve ensevelit parfois le taureau de bronze dans ses vases et son limon.
Si nous portons nos regards vers des contrées plus rapprochées, nous reconnaîtrons avec douleur que la Grèce et l’Asie-Mineure étaient arrivées, à la même époque, à un état de folie plus grand, à un oubli de Dieu plus complet, à des pratiques plus démoniaques. L’expédition des Argonautes, la guerre des Épigones et le siège de Troie, événements les plus anciens dont l’histoire réelle fasse mention, ne nous présentent partout que le polythéisme, sans aucun souvenir du Dieu créateur, l’idolâtrie, la magie démoniaque et les enchantements, la divination et la nécromancie la plus barbare. Le grand roi Agamemnon ne sacrifia-t-il pas des enfants et jusqu’à sa propre fille, pour chercher des augures dans leurs entrailles, et se rendre propices les dieux, la mer et les vents (Herodot. Homère) ? Jupiter, Junon, Mars, Apollon, Mercure, Pallas, et tout l’attirail des dieux de convention n’était-il pas, en pleine évidence, sans aucun souvenir de Dieu ?
À ce moment, le monde hellénique était livré à l’exploitation des devins ; rien ne se faisait sans eux, encore moins contre eux. Le nom même de devins et de divination était la consécration de leurs personnes et de leur art, puisqu’il signifie des personnes divines et un art divin.
L’histoire a glorifié les noms d’un grand nombre de devins, et nous les présente associés aux noms les plus fameux et au récit de toutes les grandes entreprises. Aux guerriers, le coulage, la force qui exécute ; aux devins, l’habileté qui dirige, la science qui prépare, la sainteté qui prévoit.
Sans parler ici du fabuleux Branchus, fils d’Apollon ; de Nicostrate, mère d’Evandre, contemporain de Faune ; du cyclope Téléinos, fils de Neptune et de la nymphe Eurina ; de Japix, dont la sœur, Hermione , fut honorée des faveurs d’Isis, sa commensale ; de Tagès, petit-fils de Jupiter, qui révéla les secrets de l’aruspicine aux peuples de l’Étrurie ; de la nymphe Bagoë, qui leur enseigna l’art fulgurite, c’est-à-dire l’art de deviner par l’inspection des éclairs, et dont les écrits se conservaient au Capitole avec les livres sibyllins ; de Prométhée, fils de Japet, inventeur de la pyromancie ; de Deucalion, moins fameux par ses découvertes dans l’art d’expliquer les songes, que par la manière dont il essaya de repeupler le monde après le déluge ; de Xénocrate, qui inventa, dit-on, les augures domestiques ; de Tirésias, frappé de cécité par la jalousie de Junon, et auquel Jupiter donna, comme dédommagement, la science de la divination ; de sa fille Galanthis, ou Daphné, qui rompit le charme jeté sur Alcmène ; du Scythe Aharis, qui voyageait dans les airs à cheval sur une flèche (Jamblic. Vit. Pythagor) ; de Polyide , fils de Coeranus, qui apprit à Bellérophon le secret de dompter le cheval Pégase, et de quelques autres plus ou moins fabuleux, il en est un plus grand nombre dont l’existence et la part d’influence sur les événements des premiers siècles historiques paraissent mieux constatées.
L’expédition des Argonautes comptait parmi ses membres Idmon, fils d’Abas ; un second Idmon, fils d’Apollon et d’Astérie ; Mopsus, fils d'Amphicus et de Chloris ; Amphiaraüs, fils d’Oïclès, fils d’Antiphate, roi des Lestrigons, lequel était fils du divin Mélampus, fils du fleuve Orimisus et de la nymphe Eghesta ; Phryxus, fils d’Atamas et de Néphélé, qui tua le bélier à la toison d’or.
La guerre des Épigones rappelle une seconde fois le nom d’Amphiaraüs, l’un des sept chefs ligués contre Thèbes.
La guerre de Troie rappelle ceux de Calchas, fils de Testor, de Lampuse, sa fille, qui fut longtemps l’oracle des Colophoniens ; de Laocoon, d'Hélénus, de l’infortunée Cassandre, tous trois enfants de Priani ; de Phrylis, fils de Mercure, qui donna à Palamède l’idée du cheval de bois si fatal à Ilion ; de Mopsus d’Argos, différent du compagnon de Jason et de cet autre Mopsus, fils d’Apollon et de Manto, qui hérita, à la mort de sa mère, de l’oracle de Claros.
Mopsus d’Argos se réfugia en Gilicie avec Amphilocus, et fonda la ville de Mopsueste, à laquelle il donna son nom ; Amphilocus fonda celle de Mallus, où il rendit ses oracles (Strabon, 1. xiv).
Plusieurs autres villes durent également leur existence à des devins : Claros devait la sienne à Manto ; Oënus, fils d'une autre Manto, qui avait fui de la Béotie par suite des malheurs de la maison de Laïus, bâtit celle de Mantoue, à laquelle il donna le nom de sa mère. Parmi les devins les plus anciennement connus, il faudrait encore citer Musée ; mais on ignore à quelle époque il vivait ; il paraît même qu’il y eut plusieurs Musée, dont un était contemporain d’Orphée, et peut-être antérieur ; un second Musée, fils d’Antiphémus, était contemporain de la guerre de Perse. L’auteur des Stromates assure que les oracles attribués à Onomacrite appartenaient à celui-ci. Il eut un petit-fils de son nom, qui composa une théogonie et un poème sur la sphère (Herodot. 1. vin. — Pausan. 1. x, ch. v. — Laërt.).
Nous n’entendons nullement faire passer ces récits au creuset de la critique.
Il est certain, toutefois, que la présence du devin dans les grandes entreprises était toujours considérée comme un des éléments principaux du succès : nous ne saurions mieux comparer son rôle qu’à celui de l’ingénieur de nos temps modernes, qui emprunte moins cependant du génie que de la science. Homme de savoir et d’intelligence, naturaliste et médecin en même temps que ministre des dieux, le devin ne s’arrêtait pas, sans doute, aux dehors qui frappaient les yeux du vulgaire, et aux cérémonies qui voilaient les arcanes du métier. Sa responsabilité, si fortement engagée, n’aurait pas été à couvert.
L’art de la divination devint une science, que l’observation augmenta sans cesse, et que les familles se transmirent par héritage. Et une telle étude, plus approfondie, peut-être, qu’on ne serait tenté de le croire, amena plus d’une utile découverte. On dit que Polixo de Lenmos, prêtresse d’Apollon, trouva les vertus de la terre sigillée. Mélampe reconnut celles de l’ellébore, et s’en servit pour guérir les femmes d’Argos, atteintes d’une monomanie furieuse, ensuite les filles de Prætus. Bacis, au rapport de Théopompe, trouva le moyen de guérir les femmes de Lacédémone en une occasion semblable (Philipp. 1. ix).
Il y eut trois devins du nom de Bacis ; le plus ancien était d’Éléone, en Béotie ; le second d’Athènes, et le troisième de Caphyé, en Arcadie ; c’est ce dernier, nommé aussi Aléthès et Cydus, qui opéra la guérison des Lacédémoniennes (Le Schol. d’Aristoph. Ad. Pac. v. 1071).
On peut juger du respect que les anciens portaient aux devins, par le soin avec lequel les historiens nous ont conservé leurs généalogies, et par quelques autres faits non moins significatifs. Les Grecs, assemblés devant Troie, considérèrent l’épidémie dont ils furent frappés comme une punition de l’insulte faite à Chrysès, devin et prêtre d’Apollon, auquel ils avaient ravi sa fille chérie. Les Apolloniates rendirent des honneurs presque divins à Evénius, auquel ils avaient crevé les yeux en punition de quelque négligence dans la garde des troupeaux. Ils reconnurent leur crime et s’empressèrent de l’expier, lorsqu’ils virent une cruelle épizootie dépeupler leurs pâturages (Herodot. l. ix, c. xcii). Apollon punit d’une peste qui ravagea le Péloponèse le meurtre de Carnus par Hypotès, fils de Phylas. Hypotès fut banni, et la Grèce institua le culte d’Apollon Carnien, ainsi que la fête des Garnies, qui se célébrait à Sparte pendant neuf jours.
Cette idée, mise en avant par les devins eux-mêmes et soigneusement entretenue par les oracles, que les fléaux du Ciel étaient la punition des crimes commis envers les favoris des dieux, avait inféodé l’univers aux devins. Il fallut beaucoup de temps pour en revenir.
Carnus, natif d’Acarnanie, fils de Jupiter et d’Europe, favori d’Apollon, dirigeait la marche de l’armée des Argiens pendant la guerre des Héraclides, d’où il reçut le surnom d’Hegétor, qui veut dire conducteur.
C’était presque toujours un devin qui réglait ainsi les mouvements des armées. Hirtia, fille de Sésostris, roi d’Égypte, détermina son père à entreprendre ta conquête de la Colchide. Théoclus aida de ses lumières l’année de Lacédémone dans la guerre de Messénie. Ce devin, de l’illustre famille des Jamides, comptait Eumantis d’Élée parmi ses aïeux (Pausan. 1. iv, c. xv).
Gallias, de la même famille, suivait la cour de Télis, tyran de Sybaris, et prit une grande part à la funeste guerre que ce prince entreprit contre les Crotoniates, et qui amena la destruction de Sybaris. Mais Gallias, dont les conseils avaient été négligés, s’était retiré de bonne heure, et rangé du côté de Crotone (Diod. 1. xii, n° 9).
Déiphonus, fils d’Evénius d’Apollonie, accompagna l’armée des Corinthiens dans la guerre contre Mardonius. Tisarnène, fils d’Antiochus, était le devin de l’armée combinée des Grecs ; il combattit à Platée (Herodot. 1. ix, c. xxxii). Les Grecs alliés des Perses avaient de leur côté Hyppomachus de Leucade, et Mardonius le savant Hégésistrate.
Agias, petit-fils de Tisamène, indiqua à Lysandre les moyens de s’emparer de la flotte des Athéniens à Ægos-Potamos (Pausan. 1. m, c. xi).
On peut juger de l’importance que ces devins attachaient au succès de leurs conseils, de la maturité de leurs délibérations et de l’adresse qu’ils devaient déployer, par l’importance même des entreprises auxquelles ils prenaient une si grande part. Le devin Galchas, réfugié à Glaros après la prise de Troie, voulut supplanter Mopsus, et ne put y parvenir. Il conseilla à Amphimachus, roi de Lycie, une expédition qui échoua, et se tua de désespoir après ce double échec (Conon, Narrat. vi, p. 249).
Il en est qui rendirent à leurs compatriotes des services signalés. Dans le cours des guerres de la Phocide contre la Thessalie, une armée de. Phocéens, cernée de tous côtés sur le mont Parnasse, était prête à déposer les armes, lorsque le devin Tellias s’avisa de vêtir de linceuls un corps de troupes, de blanchir avec de la craie le visage et les mains des soldats, et de les lancer en cet état sur les Thessaliens. Ceux-ci, croyant avoir affaire à des fantômes, se laissèrent épouvanter et tailler en pièces. Les Phocéens, dans leur reconnaissance, érigèrent une statue à Tellias, comme au sauveur de la patrie.
Les services rendus par les devins furent quelquefois même payés d’un plus grand prix. Mélampe obtint la royauté d’une partie de l’Argolide, pour avoir guéri de leur folie les femmes d’Argos. Il en obtint une autre partie en faveur de Bias, son propre frère, lorsqu’il eut guéri les tilles de Prætus. De sorte que l’Argolide se trouva et demeura depuis lors partagée en trois royaumes d’égale étendue, soumis aux familles des Prætides, des Mélampides et des Bianchides (Herodot. 1. ix, ch. 33).
Trois familles de devins apparaissent avec honneur dès les temps les plus reculés dans l’antiquité hellénique : celle des Telliades, dont était Hégésistrate ; celle des Jamides, descendants de Jamus, devin d’Élée, fils d’Apollon et d’Évadnes, dont étaient Callias, Théoclus et Eumantis, et celle des Clytiades, descendants de Clylus, fils d’Aleméon et de Prométhée par Deucalion, Hellen, Eolus. À cette dernière appartenaient Amphiaraüs, Oiclès et Mélampe. Théodamas, fils de Mélampe, avait l’intelligence du langage des oiseaux.
Tout ce qui se rattache au souvenir de ces favoris des dieux, est rempli de merveilles : le devin Tirésias, frère de la nymphe Cariclès, vécut sept âges, c’est-à-dire sept fois 90 ans, suivant Hygin, six âges suivant Lucien, ou au moins cinq suivant le calcul d’Agatarchide (Meurs, ad Phlegon., ch. iv).
Et les hommes ne furent pas seuls chargés du rôle honorable et dangereux d’éclairer et de conduire les nations. Plus d’une femme, inspirée du même esprit ou douée delà même adresse, s’éleva aux mêmes honneurs. Nous avons déjà cité les noms de plusieurs ; il faut y joindre les pythies d’un si grand nombre d’oracles dans la Grèce et l’Italie-, les druidesses des Gaulois ; Pomponius Mêla a rendu célèbres les vierges fatidiques de l’île de Sein, à l’extrémité de la péninsule armorique. On sait l’étendue du pouvoir exercé par certaines devineresses sur les nations de la Germanie : il suffit de rappeler Velléda, si fameuse par son patriotisme et par une grande défaite des légions romaines. Et les sibylles, réalité toujours choyée, toujours raillée par les Grecs, car les Grecs usaient de tout, sans avoir foi à quoi que ce soit même à leurs Mieux ; mythe toujours consulté, toujours entouré du plus profond mystère et du plus grand respect parmi les Romains ! Les Grecs consultaient les sibylles sur leurs affaires privées et les jouaient sur les théâtres (Aristophane, comédies des Chevaliers et de la Paix) ; les Romains consultaient leurs livres sur les affaires publiques, cousaient dans un sac de cuir et jetaient dans la mer ceux qui avaient osé en divulguer les secrets.
Il faut compter encore parmi les devins fameux et réellement historiques, cet Agésias, de la famille des Jamides, prêtre de Jupiter à Olympie, chanté par Pindare dans sa sixième olympique ; Agias, petit-fils de Tisamène, de la même famille, dont Lisandre employa le talent prophétique ; Démonacus, qui prophétisait à Lacédémone sous le règne de Théopompe ; Thrasybule, qui prophétisait à Mantinée pendant qu’Aratus dirigeait la ligue achéenne ; Agathinus, fils de celui-ci, auquel les habitants de Pellène érigèrent une statue à Olympie (Boeckh, Pindare, VIe olympique), tous de la famille des Jamides. Il paraît que la pyromancie était l’art spécialement cultivé par les Jamides.
Mais s’il y avait des procédés multiples de divination, la finesse du devin était certainement pour beaucoup dans leur usage ; sans cela le métier aurait été par trop compromettant.
Il exista dès la plus haute antiquité des recueils d’oracles souscrits de noms de convention : Orphée, Linus, Musée, Bacis, Abaris, la sibylle de Cumes, la sibylle d’Érythrée, Marsus, la nymphe Bagoë, personnages imaginaires qui eurent une postérité très-réelle. En Italie, ces recueils étaient ! gardés et interprétés par des collèges de prêtres ayant rang dans l’État. Les saliens et les décemvirs de Rome sont assez connus dans l’histoire. Cicéron nous apprend, en son traité de la Divination, qu’au temps de la guerre de Véies, les Véiens avaient pareillement un recueil d’oracles sacrés, dont ils parlaient avec grand respect et dont ils communiquaient difficilement les secrets.
En Grèce, ces sortes de recueils étaient tombés dans le domaine public ; chaque ville, chaque famille avait le sien ; quelques-uns étaient la propriété des chresmologues, ou diseurs de bonne aventure, qui se classaient par familles et par associations. Les orphiques en avaient un. Les bacides en avaient un pareillement ; ceux-ci prophétisaient dans des accès d’aliénation furieuse. De même les sibylles ; mais on ne dit pas qu’elles se servissent d’oracles tout faits, nonobstant les nombreux recueils qui existèrent dans la suite sous leur nom, mais qui avaient été mis sur leur compte par des faussaires (Fréret, Mém. sur les Sibylles, et notre dissertation sur le même sujet. La partie la plus ancienne de nos modernes sibyllins est l'œuvre du Juif Aristobule, deux siècles avant J.-C.).
Le devin Onomacrite possédait un de ces recueils, dont il se servait beaucoup plus suivant ses intérêts que selon la vérité, et ce recueil était censé avoir eu Musée pour auteur. Banni d’Athènes, il s’en servit pour déterminer Xerxès à porter la guerre en Grèce, et venger ainsi leur querelle commune ; ce à quoi il parvint en montrant au monarque persan les oracles qui annonçaient des malheurs aux Grecs et en cachant ceux qui leur étaient favorables. On sait ce qui en advint pour Xerxès , et quels immenses armements la terre et les mers de Grèce lui dévorèrent (Herodot. liv. VII — Philochor. in Ranis Aristoph.).
Ainsi et jusqu’à ce point, l’humanité était déchue de la saine raison. Qu’on s’imagine la paix du monde jouée aux dés par un puissant monarque, en présence d’un escamoteur qui le trompe et ne se propose que de gagner un salaire. Ainsi agit Xerxès. Ainsi agit le grand roi d’Assyrie, Nabuchodonosor, lorsque, ennuyé de la paix, il se résolut à faire la guerre sans savoir à qui la déclarer. Il tira des flèches au hasard, et ce fut sur Jérusalem que le sort tomba. Xerxès et Nabuchodonosor passaient pour des sages parmi leurs contemporains (Ezech. xxi, 21).
Ainsi et jusqu’à ce point, Satan avait égaré l’humanité dans ses voies, après lui avoir fait perdre la connaissance du vrai Dieu. Il la plongeait en même temps dans une honteuse immoralité, dont les mystères étaient le moyen : moyen d’autant plus dangereux, qu’il se présentait avec de saintes apparences.


ORIGINE ET PROGRÈS DES MYSTÈRES. — SOCIÉTÉS SECRÈTES

Il est temps de dépoétiser enfin les mystères et la mythologie, et, pour ce faire, il suffit de remonter aux origines.
Les Phéniciens, descendance maudite de Cham, sont les inventeurs des mystères, et la mythologie presque entière est formée des légendes symboliques des mystères.
La dépravation des mœurs fut toujours le but, le moyen et le secret des mystères. Cette dépravation qu’éclairèrent des lueurs de leur incendie Sodome, Gomorrhe, Ségor, Adama et Séboïm, lorsqu’elles périrent embrasées des feux du ciel et de la terre.
Ces cinq villes étaient peuplées par la race phénicienne, et ne faisaient exception que par l’excès de leur dépravation.
Les Phéniciens sont les inventeurs des mystères. C’est à leur école que les Juifs apprirent le culte et les mystères d'Adonis ou Thamuz, l’infâme androgyne.
De l’aveu de tous les savants, les mystères cabiriens sont les plus anciens ; or tous les mots sacrés de ces détestables orgies sont phéniciens. L’adoration des Cabires dans la ville de Beyrouth, en Phénicie, remonte à une époque qui se perd dans la nuit des temps (Kircher, OEdip. Ægip.— Bochart, Chanaan, liv. I, ch. I et XII).
Il n’est donc pas nécessaire de supposer, comme le font tant d’auteurs, sans en fournir la preuve, que des philosophes de la secte des gymnosophistes, au sein de laquelle les mystères avaient existé de toute antiquité, vinrent des bords du Gange fonder une académie dans la péninsule de Méroé, en Éthiopie, et que de là les mystères passèrent en Égypte, puis de l’Égypte se répandirent dans le reste du monde. Non ; il y a trop d’imagination et de poésie dans de telles hypothèses, démenties de tous côtés par l’histoire : la réalité est plus proche et moins belle. Les mystères ne furent jamais le séminaire de la philosophie, mais du vice ; il ne paraît pas que les gymnosophistes les aient jamais connus, nonobstant leur double doctrine, l’une secrète, l’autre publique, ce qui n’a avec les mystères qu’un rapport très-éloigné. Ce sont les Phéniciens qui les propagèrent par tout l’univers.
Hérodote croit que Mélampe, l’introducteur des mystères dans la Grèce, avait été initié par Cadmus lui-même, lorsqu’il amena une colonie de Tyriens dans la Béotie ; il ajoute que, suivant l’opinion la plus commune, la Samothrace reçut ensuite de la Grèce le culte des Cabires, et que, de l’aveu des Égyptiens, l’art de la divination et des oracles était venu de la Phénicie.
Les Phéniciens couvrirent de leurs colonies la Cilicie, la Pisidie, la Carie, la Bithynie, la Thrace, les îles de Chypre, de Rhodes, celles de la mer Égée et de la mer de Crète, la Grèce, l’illyrie, la Sicile, la Sardaigne, l’Espagne, les Baléares, la Syrie, l’Arabie, les bords du golfe Persique, une partie des côtes de l’Afrique, la Gaule et les îles Britanniques. Il est impossible que ces cupides et audacieux trafiquants, dont les flottes sillonnaient les mers longtemps avant celles de Salomon, et dont les caravanes parcouraient le continent de l’Afrique trois ou quatre siècles avant Moïse, n’aient pas connu la presqu’île de Méroé, si voisine de leur patrie ; Méroé, cet autre paradis terrestre où croissent en abondance le palmier, la vigne, les céréales, ce pays de l’ivoire et de l’ébène, du fer et de l’airain, de l’argent, de l’or et des pierres précieuses ; mais ceci importe peu.
Ils propagèrent donc par tout le globe habité le culte et les mystères des Cabires. Aussi les trouve-t-on établis en un grand nombre de lieux dès la plus haute antiquité. Ulysse et Agamemnon, initiés dès avant la guerre de Troie, portaient des bandelettes en signe de leur initiation, Ulysse à sa coiffure et Agamemnon à sa ceinture. Agamemnon se servait de cette ceinture pour faire respecter son autorité, et apaiser les discordes qui s’élevaient dans le camp des Grecs. Castor et Pollux, Hercule, Jason, Orphée, reçurent, dit-on, l’initiation avant l’expédition de la Toison d’or ; car tout le monde croyait que cette consécration portait bonheur et préservait des périls (Apollon. Argonaut. liv. I, v. 915).
Le culte des Cabires existait à Thèbes avant la guerre des Épigones, si l’on en croit le récit de Pausanias : cet auteur assure qu’il fut gravement troublé par cette funeste guerre, et que les koëns furent obligés de s’éloigner. Tous ces faits confirment le récit d’Hérodote.
Dardanus, en fondant la ville de Troie, y établit le culte et les mystères des Cabires. On croit qu’Énée les transporta en Italie (Ælien, liv. III. — Varron, liv. II. — Serv. sur l’Enéide, liv. II, v. 325), et ce sont probablement les mêmes qui, par suite des changements introduits dans le laps des siècles, devinrent les mystères de la bonne déesse, si différents des autres mystères, et qu’on trouve en Italie dès les temps les plus reculés.
C’est-à-dire, en d’autres termes, que le libertinage et la corruption précèdent l’histoire, et que les hommes nous i apparaissent méchants et corrompus avant de se montrer héroïques. Ou plutôt c’est leur corruption môme qui donna naissance aux premiers événements assez importants pour être recueillis par l’histoire.
En Égypte, Memphis devint le centre principal de l’initiation ; les mystères y furent divisés en deux classes : les petits, ou d’Isis, qui se célébraient à l’équinoxe du printemps, et les grands, ou d’Osiris et de Sérapis, célébrés à l’équinoxe d’automne et au solstice d’été (en langue cophte, Osiris signifie le seigneur architecte ; on voit que les francs-maçons n’ont rien inventé. Proclus, sur le Timée, liv. v, prétend qu’Osiris était la puissance active de la nature, suivant Orphée, dont il cite un fragment, et Isis la puissance passive. Cela est fort beau ; mais Proclus , en sa qualité de philosophe païen et de néoplatonicien, tournait en allégories les plus vilaines choses du paganisme. Il ne faut pas confondre le culte avec les mystères d’Osiris).
Les mystères, en se propageant, changèrent de rite et de nom, sans changer d’objet ; on en inventa de nouveaux, et les mômes revinrent modifiés dans le pays qui les avait vus naître. Il y eut ceux de Mitra, de Bacchus, de Cybèle, d’Atys, d’Adonis ; il faut compter au nombre des plus célèbres et des plus immoraux ceux de Cotitto, dans la Thrace, d’où ils passèrent dans la Grèce, à Chio, à Corinthe, à Athènes, et ceux de Bacchus Sabasius, dans la Phrygie, qui rivalisèrent sous tous rapports avec les mystères de Cotitto, s’ils ne les surpassèrent.
À quelle époque et par quel intermédiaire ces associations coupables furent-elles introduites en Grèce ? Nous avons déjà cité le nom de Cadmus ; il est des écrivains qui disent Jasion, frère de Dardanus, Mélampe, Orphée ; mais Jasion ne fut que le propagateur, très-connu par son ardent prosélytisme. On ajoute qu’il fut foudroyé par les dieux, pour avoir révélé ce culte nouveau ; il le mérita du moins. Orphée, dit le savant Aristote, n’est que le nom de convention d’un personnage imaginaire, et les uns le font mourir de la même façon que Jasion ; les autres disent qu’il fut massacré par les femmes de Thrace, indignées de ses mépris : ce trait fabuleux est révélateur (Pausan. Beot. ch. XXX. — Herodot. livr. II, ch. LXXXI).
Les anciens orphiques de la Grèce ne sont guère plus connus que leurs origines ; ceux des derniers siècles avaient été réformés par Pythagore. Ils avaient adopté les pratiques égyptiennes, et considéraient Bacchus comme le maître des dieux, détrôné par l’usurpation de Jupiter, mais qui devait reprendre un jour son rang et sa puissance. Nous retrouverons ce même dogme chez les gnostiques : alors ce sera Satan qui se dira détrôné par Dieu, et luttant pour reprendre son rang légitime, avec certitude de le reconquérir. Satan est toujours le même.
La doctrine extérieure des orphiques, toute remplie de symboles, d’allégories et de mystagogies, n’était comprise que du petit nombre des thélètes, ou parfaits, choisis parmi les époptes, ou initiés. Les thélètes étaient assujettis, au moins en public, à ne vivre que de légumes, et devaient s’abstenir de tout sacrifice sanglant. Ce sont les manichéens, six cents ans avant Manès. Telle est la vie orphique, dont parle Platon, qui, du reste, traite les orphiques avec un souverain mépris, et les peint comme des charlatans, qui vont de maison en maison offrir le bonheur du ciel au prix de l’initiation à leurs orgies. Théophraste en parle de la même manière. Plutarque nous raconte qu’un Lacédémonien répondit un jour à l’un d’eux, qui lui vantait les félicités de l’autre monde : Que ne t’empresses-tu donc d’aller en jouir (Plato, de Legib. lib. VI. — Frèret, Mém. sur le culte de Bacchus. Acad. tom. XIII, anc. série) ?
Les pythagoriciens ayant porté ombrage aux magistrats de Crotone, à cause de leurs détestables mœurs, ils furent chassés honteusement de la ville ; mais les membres de l’association se dispersèrent dans la Grèce, et s’affilièrent aux mystères de Bacchus, où ils retrouvaient les mêmes éléments. Ils infestèrent l’école d’Alexandrie : Maxime de Tyr, Philostrate, Plotin, Jamblique, Porphire, Proclus et la plupart des néoplatoniciens étaient des pythagoriciens.
Les mystères de Mitra furent institués, à ce qu’on prétend, par Zoroastre ; mais cela veut dire peut-être qu’ils remontent à une haute antiquité, et que la date de leur fondation est ignorée. Il ne faut pas les confondre avec la religion de Zoroastre, dans laquelle ils forment un hors-d'œuvre.
Introduits à Rome vers le temps du triumvirat, ils ne commencèrent d’y fleurir que sous le règne de Trajan. De l’Italie, ils se répandirent promptement dans les Gaules.
Les mystères de l’Égypte avaient pénétré à Rome pendant la dictature de Sylla.
Un Grec sans naissance et sans nom avait institué en Étrurie les mystères de Bacchus environ deux siècles avant Jésus-Christ (Tit.-Liv. Decad. iv, l. ix).
La morale des mystères est trop bien connue, pour qu’il soit nécessaire d’entrer ici dans de plus longs détails ; il suffira de rappeler quelques faits. Les mystères, sans exception, se célébraient dans le plus grand secret, ce qui doit déjà les rendre suspects (Nisi meretricia continerent, cur non manifestarentur ? (Clemens Alex.) Qui male agit, odit lucem... ut non arguantur opera ejus. (Ev. Joan. III, 20.)) : les forêts les plus épaisses, les cavernes les plus sombres avaient à peine assez d’ombres pour les cacher. Ainsi se célébraient les mystères de Mitra (Jul. Firmic. Profan. relig. ad lib. I Thebaïd) ; de même les mystères des Cabires (Varr. l. vi, c. I. — Cicero De natura deor. c. XLII), de même les orgies. Un symbole immodeste y était porté processionnellement et avec un culte idolâtrique, comme un indice ou un appel au libertinage. Il apparaissait dans les mystères cabiriens, disent Pausanias (ln Bactr.), Hérodote (L. II, c. LI), Eustate. Clément d’Alexandrie le rappelle avec indignation (In Protrep.). Il n’était étranger ni aux bacchanales, ni aux mystères de l’Égypte, ni même à ceux de la bonne déesse ; il se retrouvait jusque dans les mystères de Thémis. Le taureau mitriaque lui-même avait une signification érotique pour les initiés, suivant l’explication de Porphyre (In comm. antri nimph. ex. XIII Odyss.). La continence imposée aux candidats et à ceux qui se préparaient à célébrer les mystères, avait un autre but que celui de la sanctification. Pétrone fait de tristes révélations sur ces déplorables réunions.
Certains écrivains du siècle dernier et même du nôtre, toujours enthousiastes de ce qui est en opposition avec le christianisme, s’extasient à la vue des mystères, et s’ingénient à trouver un sens merveilleux dans les légendes : pour ceux-ci c’est de l’astronomie ; pour ceux-là, de l’histoire naturelle sous le voile de l’allégorie ; pour d’autres, une savante et riche théodicée. À les en croire chacun en particulier, quoiqu’ils n’y trouvent pas les mêmes choses, le génie brillant des peuples de l’Orient s’y révèle dans toute sa splendeur. Ils admirent et le nombre des initiés, et leur costume symbolique, et la pompe des cérémonies ; ils supposent que les doctrines cachées, qu’ils avouent toutefois ne pas connaître, contenaient de sublimes et merveilleux enseignements. Avec un peu moins de philosophie et plus de science et de bonne foi, ils auraient été d’un autre avis.
Nous aussi nous nous complairions dans la pensée que les premiers mystères furent fondés par des sages, qui prétendaient honorer Dieu d’un culte plus parfait et le révéler plus amplement à leurs associés ; mais, si nous interrogeons l’histoire, la réponse sera bien différente : elle ne constate que leur immoralité. Il semble même, et nous le croyons, que cette immoralité ne se cachait avec tant de précautions, que parce qu’elle était excessive. Le lecteur nous en croira sans preuves, s’il le juge convenable ; nous nous contenterons d’indiquer les sources auxquelles il lui sera loisible de les chercher lui-même (C. f. Clem. Alex. Exhort ad gentes. — Eusèbe, Vie de Const. — Jul. Firmic. Error. profan. relig. — Lucien, de Myster. Adonid.— Juvenal. Satir. vi. — Epiphan. de Fide cathol. l. III. —Augustin, de Civit. l V et VII.— Ptolem. Tetrad. l. I. — Herodot. l. II, c. XLVIII. — Arnob. l. V. — Ælius Arist. Orat. in Bacch. — Tatian. Poema ad senatorem, inter opera sancti Cypriani).
Et, à défaut des affirmations des auteurs contemporains, il resterait, comme indice de la dépravation des mystères, les persécutions qu’ils subirent à Rome même, aux époques de sa plus grande dépravation. Les mystères isiaques furent proscrits et les temples renversés l’an 700 de Rome, sous le consulat de Domitius Calvinus et de Valérius Messala (Dion., l. XL). Ils le furent de nouveau cinq ans plus tard, sous le consulat d’Émilius Paulus (Valer. Max. l. I, c. III) ; pour la troisième fois pendant le règne d’Auguste (Tacit. Annal. l. II. — Dion, l. LIV), pour la quatrième pendant celui de Tibère (Joseph. Antiq. Jud. l. I, c. V. — Sueton. inTiber. c. XXXVI), et de cette fois les isiades furent chassés de l’Italie. Quels étaient-ils donc, pour avoir révolté la pudeur de Tibère ?
Othon, Domilien, Caracalla les remirent en honneur ; ils étaient dignes de ces princes. La vertueuse Isis, à l’imitation du Bélus de Babylone, eut à Rome des bosquets consacrés au culte qui l’honorait, nommés les Jardins de la déesse.
Adrien proscrivit les mystères de Mitra ; mais ils reparurent avec Commode, qui s’y fit initier. Tite-Live, parlant des bacchanales, proscrites en Italie l’an 567 de Rome, sous le consulat de Posthumius Albinus et de Marcius Philippus, nous les dépeint sous les plus affreuses couleurs. Violences de toute espèce, fraudes, empoisonnements, débauches, assassinats commis en pleine assemblée au son des flûtes et des tambours, dont le bruit couvrait les cris de la victime, perpétration de meurtres si bien concertés, qu’on n’en retrouvait pas même la trace: c’est ainsi qu’il en parle, et telles furent les accusations que les consuls portèrent devant le sénat, en dénonçant ces odieux mystères, et que les Pères conscrits sanctionnèrent par un décret rigoureux. Sept mille personnes de tout rang se trouvèrent compromises et jetées dans les cachots ; un grand nombre subirent la mort ou des châtiments déshonorants. Les initiés s’engageaient les uns envers les autres par une participation commune aux actions mauvaises ; personne ne devait sortir innocent, afin qu’il ne se trouvât ni dénonciateurs ni témoins.
Cette sévérité ne détruisit pas les mystères de Bacchus, car ils se célébraient encore pendant le règne de Domitien, comme l’attestent plusieurs inscriptions. En Grèce, leurs excès avaient également éveillé la sollicitude des magistrats, et Cicéron rapporte une loi qui les interdisait sévèrement à Thèbes.
Le cérémonial des mystères reposait sur une légende romanesque, dont le sens astronomique à demi voilé en cachait un autre. La plupart des auteurs anciens ou modernes s'y sont laissé prendre ; Chérémon, Dion-Chrysostome, Clément d’Alexandrie, Macrobe, n’y ont pas découvert autre chose. « Tous ces mystères, qui ne nous représentent que des meurtres et des tombeaux, toutes ces tragédies religieuses avaient un fond commun diversement brodé, dit Clément d’Alexandrie ; et ce fond, c’était la mort et la résurrection fictives du soleil, âme de l’univers, principe de mouvement et de vie dans le monde sublunaire et source de nos intelligences, parcelles détachées de la lumière éternelle, dont cet astre est la source et le foyer. » Julius Firmicus nous apprend qu’aux mystères de Bacchus célébrés au solstice d’hiver, on chantait un hymne en l’honneur du soleil renaissant (Salve sponse, salve novum lumen).
Ainsi Hercule mourant, Osiris assassiné par Typhon, Bacchus massacré par les Titans, Cadmillus mis à mort par ses frères, Atys tué par un sanglier, puis tous ces personnages rappelés à la vie, ne seraient qu’une fiction astronomique signifiant la fin d’une année solaire et le commencement d’une nouvelle ; l’emblème immodeste porté dans tous les mystères serait uniquement le symbole de la fécondité que le soleil renaissant communique à la terre ! Est-ce bien là le dernier mot des mystères ? S’arrêter à une pareille interprétation, n’est-ce pas plutôt prendre l’ombre pour la réalité et tomber dans le piège tendu par les fondateurs ?
Autant vaudrait dire que, dans les loges maçonniques, l’édification du temple de Salomon, la mort d’Adoniram, l’invention de ses tristes débris et le soin de venger un meurtre si cruel sont tout : le fond, la forme, le but et le secret de la maçonnerie.
Ces antiques légendes, inventées à plaisir, arrangées pour les besoins de la scène, comme celle que nous venons de rappeler, furent partout acceptées comme de l’histoire par le peuple des profanes, et sont devenues cette mythologie que tout le monde connaît, et devant laquelle des auteurs chrétiens s’extasient encore à cause de sa richesse et de sa variété. La mythologie est sortie toute formée des mystères, comme Minerve toute armée du cerveau de Jupiter. La variété provint de ce que le môme thème ayant fini par se trouver diversement brodé suivant les différents lieux, après un certain laps de temps, il se trouva aussi que le même personnage fictif ne se ressemblait plus à lui-même. On fut donc forcé d’en admettre plusieurs du même nom. De là trois ou quatre Hercule, autant de Jupiter, de là trois Bacchus, suivant le calcul de Diodore (L. III, c. VI) et de Philostrate, ou même cinq suivant le calcul de Cicéron (De Natura deorum, l. III). Les fondateurs des mystères attachaient si peu d’importance à ces sortes de fictions, qu’ils ne prenaient pas même la peine de se mettre d’accord avec eux-mêmes.
Oui, telle est l’origine de cette mythologie grecque et romaine, devant laquelle l’univers demeura si longtemps incliné, mais qui n’était peut-être pas un dogme de foi pour le peuple à un si haut degré que nous l’imaginons, et qui ne l’était nullement pour les gens instruits. Telles sont les fictions que tant de personnes d’un savoir éminent ont étudiées au point de vue de l’histoire.
Les initiés représentaient dans leurs cérémonies les divers épisodes de la légende fabuleuse composée pour leur usage, comme font encore les francs-maçons dans leurs loges à l’égard des colonnes et du temple de Salomon ; mais ce n’était qu’un jeu, un divertissement, qui se terminait autrement : à défaut de commentaire plus explicite, la branche de myrte que ceux d’Éleusis tenaient toujours à la main, le leur rappelait sans cesse.
Les initiations s’accomplissaient souvent au milieu de circonstances arrangées pour impressionner vivement l’imagination. « L’âme, dit un auteur ancien, dont Stobée nous a conservé un passage dans son Dictionnaire, éprouve les mêmes émotions qu’à la mort. Ce ne sont d’abord qu’erreurs et incertitudes, que courses laborieuses, que marches pénibles et effrayantes à travers les ténèbres épaisses de la nuit. Arrivé sur les confins de la mort et de l’initiation, tout se présente sous un aspect terrible, propre à inspirer l'horreur, le tremblement, la crainte, la frayeur. » Dion-Chrysostome en parle de la même manière (Discours XII). Apulée dépeint en termes énergiques les frayeurs de son initiation (Metam. 1. xi. — La lampe à lycopode des francs-maçons rappelle faiblement ceci : il n’y a pas progrès).
Il paraît cependant qu’il en était autrement aux mystères de Mitra. Le récipiendaire figurait la révolution solaire ; il mourait et ressuscitait ensuite. L’initiation se divisait en plusieurs degrés, dont le lion, l’hyène, le corbeau, l’épervier étaient des symboles. Les initiés recevaient une sorte de baptême ; ils étaient marqués au front avec un fer chaud (Tertull. de Corona.— Id. de Præscript.). On mettait dans leur sein un serpent d’or, comme aux mystères de Bacchus Sabasius. Ils gravissaient une échelle de sept degrés, et franchissaient sept portes de différents métaux, consacrées aux sept planètes ; puis une huitième, porte des étoiles fixes, entrée de la suprême félicité.
Si les mystères en général exercèrent une funeste influence sur les croyances et les mœurs de l’univers, la plus grande part revient peut-être aux mystères mitriaques et aux mystères cabiriens.
Outre les légendes qui servaient de texte à un cérémonial anagogique, les mystères avaient aussi leur psychologie et leur théodicée : ainsi, dans ceux de Mitra, l’on enseignait que l’âme, rayon ou parcelle de l’essence divine, remontait vers les deux au sortir de cette vie, pour se réabsorber dans son principe, et franchissait successivement, avant d’arriver au ciel des deux, les différentes constellations, en se purifiant dans chacune, par une épreuve plus ou moins longue, des souillures contractées pendant la vie ; et les pratiques de l’initiation avaient pour but d’abréger ce voyage ou de le faciliter. En effet, l’initié l’avait fait sur la terre ; il avait franchi la porte des étoiles ; il était donc pur désormais, et pouvait jouir des félicités de la vie présente, en attendant celles de la vie future.
Est-il besoin de faire remarquer que cette dogmatique, dont les conséquences sont si condamnables, découlait cependant de croyances arrêtées relativement aux dogmes de la survivance de l’âme, des expiations de l’autre vie, d’une souillure et d’une faute originelle, d’un Dieu créateur, dont la substance remplit l’univers, et que c’en est une contrefaçon à mauvaise fin, ou plutôt une contre-partie au profit des mauvaises mœurs ?
En conformité de la même idée, de l’ascension des âmes à travers les espaces planétaires pour aller habiter aux cieux, les Égyptiens représentaient les planètes sous la forme de barques armées de leurs avirons. La lune était, selon eux, la première barque ; lorsqu’elle penchait vers la terre les extrémités de son croissant, comme un navire renversé, elle était vide ; à mesure qu’elle se remplissait d’âmes, elle se redressait, et allait ensuite se décharger à la planète voisine, qui devait faire à son tour un semblable trajet.
Mais, comme les planètes, les signes du zodiaque et les constellations étaient dès lors désignés en astronomie par le nom et la figure de divers animaux ; les initiés disaient, dans leur langage symbolique, que l’âme, après cette vie passait successivement de l’homme au lion, au taureau, au bouc, au chien, comprenant par là son ascension céleste. Le peuple, qui ignorait les mystères de ce langage, le prenant dans son sens le plus grossier, en conclut la métempsycose ; et ce dogme se répandit dans toute l’Asie, et presque dans tout l’univers, quoique avec des nuances et des modifications. C’est par suite de ce même dogme, que le dévot indien attache encore un grand prix à tenir une queue de vache en mourant, afin que son âme passe immédiatement dans le corps de l’animal. Peut-être s’agissait-il dans le principe du taureau mitriaque, qui pourrait bien être le même que le taureau zodiacal ; peut-être quelque constellation de la génisse se trouvait-elle placée au suprême degré d’élévation dans l’astronomie d’alors. Il paraît probable aussi que la vénération des Siamois et des Cochinchinois pour ces taureaux qui vivent familièrement en liberté au milieu des villes et des campagnes, et dont ils reçoivent la fiente comme de précieux talismans, est un corollaire des mêmes croyances. Pauvre humanité !
Loin donc de chercher dans les mystères quelque sagesse ou quelque philosophie, ou la tradition primitive et les dogmes primordiaux du genre humain, il faut s’attendre d’y trouver uniquement une franc-maçonnerie hétérodoxe, dont l’objet, ne pouvant être alors ni la politique ni les passions religieuses, se concentrait uniquement sur des pratiques et des actes réprouvés par la conscience publique ; franc-maçonnerie dont les légendes érigées en dogmes, ou mal interprétées par les profanes, concoururent à égarer les nations dans les erreurs religieuses auxquelles l’enseignement chrétien viendrait mettre un terme.
La théogonie des mystères cabiriens ne devait pas avoir de moins hautes destinées ni exercer une influence moins funeste ; cette influence dure encore par la franc-maçonnerie au sein des sociétés chrétiennes, sans qu’il soit possible d’en prévoir la fin ; elle domine même les gouvernements, et tend à substituer partout son action à la leur. Eusèbe nous a conservé le symbole de ces mystères (Præpar. Evang. l. I, c. X) : il plaçait en première ligne le dieu sans nom, l’Éternel, qu’il faut se garder de confondre avec ses émanations, et duquel tout émane progressivement et comme par étages jusqu’à la matière ; de cette sorte, toutes choses participent de la nature divine, et il n’y a rien qui se puisse appeler vice ou vertu. Première et nécessaire conséquence : l’affranchissement de tout frein et de toute contrainte, sauf l’intérêt personnel de chacun. Dans le symbole des religions, Satan reste du moins en qualité d’adversaire de Dieu, et le mal comme l’opposé du bien ; dans le symbole des mystères, la notion de Satan et de ses œuvres disparaît radicalement, et tout devient ainsi saint et divin. Le mal lui-même est sanctifié, parce qu’il se transforme en un moyen d’honorer Dieu.
Seconde conséquence, à l’usage de ceux qui n’auraient pas su élever leurs pensers jusqu'à la hauteur de la première ; les quiétistes de nos derniers siècles disaient : l’homme uni à Dieu parla contemplation ne pèche plus, quelles que soient ses œuvres, parce qu’on ne peut pécher dans le sein de Dieu ; les initiés disaient de même : l’homme étant devenu saint par l’initiation, ses œuvres sont saintes. Les cérémonies de l’initiation l’ont mis en règle avec la justice divine pour ses œuvres précédentes, et, quant à son avenir, il n’a rien à craindre au sortir de ce monde, puisqu’il a accompli d’avance les épreuves et les purifications exigées à l’entrée de la vie future.
En public, amuser le peuple par de beaux spectacles, se montrer éminemment religieux, pour lui imposer le respect ; en particulier, garder un secret rigoureux, voilà les mystères.
Et il faut bien que ce secret voilât de tristes réalités, des réalités en opposition avec la conscience publique, puisqu’au milieu d’un prosélytisme si ardent et si peu contraint, une indiscrétion comportait la peine de mort, et que, dans ces processions si pompeuses dont nous parle Apulée, les principaux personnages étaient masqués et désignés par des noms d’emprunt (Apul. Metam. lib xi, circa finem. Il révèle, quelques pages plus loin, les cérémonies de son initiation aux mystères d’Isis et d'Osiris, mais avec la plus prudente réserve).
Les orphiques enseignaient qu’Isis gouvernait le monde par une succession d’esprits, respectivement inférieurs les uns aux autres. Platon et Pythagore admettaient les mêmes principes. Mais le Dieu suprême ; abîmé dans un océan de lumière, était inaccessible aux intelligences inférieures et invisible pour elles, tout en les éclairant. Les hommes, pour lesquels il est plus inaccessible encore, ne peuvent parvenir jusqu’à lui. Les divinités inférieures, avec lesquelles seulement ils peuvent communiquer, se rendent dociles aux prières, aux sacrifices, aux conjurations et aux moyens que la magie sait employer (Fréret, Mém. sur le culte de Bacchus. — Bruker et Mosheim ont mieux traité ce sujet).
Il paraît, en effet, que les pratiques de la magie théurgique furent dès l’origine un accessoire inséparable des mystères.
Diodore, rapportant la tradition des Phrygiens sur Rhée, ou Cybèle (Livre III, ch. LVIII), et parlant de son culte, dit qu’elle passait pour avoir été une grande magicienne. Hérodote croit que Mélampe était habile dans l’art de la divination ; il est en effet classé au nombre des magiciens par tous les écrivains de l’antiquité aussi bien qu’Orphée et les Cabires, et il faut comprendre sous ce nom les ministres et leurs dieux ; on attribue même à ceux-ci l’introduction de la magie parmi les hommes, qui n’en auraient jamais connu les secrets, s’ils ne leur avaient été apportés des cieux.
Aux derniers temps de la république romaine, les initiés des différents mystères cultivaient tous les genres de magie. On voyait en particulier les isiades, vêtus de la tunique de lin et coiffés du masque à tête de loup, aller de porte en porte offrir la faveur de l’initiation, mendier le salaire qui en était le prix, et mettre leur savoir en fait de divination au service de leurs adeptes.
La secte des orphiques fit de très-grands progrès pendant les premiers siècles du christianisme ; et cette époque, on le sait, fut celle des évocations, de la magie et des pratiques les plus odieuses de la nécromancie. Néron apparaît avec éclat sur la liste des initiés, Julien vient la clore.
Théodose frappa les mystères d’une proscription générale en 438 ; mais cette proscription ne les anéantit pas. Ce n’étaient plus alors, à proprement parler, des mystères, c’était la gnose, autre école de dépravation et de magie, dont nous dirons la naissance et les progrès lorsque le temps en sera venu (C. f. Clavel, Hist. de la franc-maçonnerie, IIe part. — Dupuys, Origine des cultes — Apulée, Métam. — Jamblic. de Mysteriis. — Sainte-Croix, Myster. du paganisme.— Gutberleth, Dissert. philos. de Myster. Cabir.— Mathæo ægyp. sénat. consult. de Bacchanal. explic.— Raphaël Fabretti et Scipion Maffei sur le même sujet. — Ces trois derniers auteurs, particulièrement Matheo, ont écrit ce qu’il y a de plus savant et de plus complet sur les bacchanales. L’un des plus mauvais chapitres d’un livre qui en a beaucoup de mauvais, quoique fait à bonne intention, la Mystique diabolique de Goërres, est celui où l’auteur traite des mystères du paganisme (liv. VI, ch. III). Il suppose que les mystères étaient purs à l’origine, ce qui n’est ni démontré ni démontrable et paraît faux ; que les moyens extatiques jouaient un grand rôle dans les initiations, ce qui est encore moins démontrable et parait une contre-vérité ; que les initiations à la chevalerie, au moyen âge, en étaient une continuation, ce qui est de toute fausseté, car la préparation, et non l’initiation à la chevalerie, consistait en des pratiques purement chrétiennes, le jeûne, la prière, la confession et la communion ; la veillée d’armes était une garde de nuit montée à la porte d’une forteresse. D’ailleurs le grade de chevalier s'obtenait aussi, comme la croix d’honneur, sur le champ de bataille, sans autre préparation qu’un beau fait d’armes. L’auteur rattache ensuite à tout ceci les moyens extatiques employés par les magiciens de la Virginie, par les Caraïbes, les Galibis, les moxes du Paraguay, les Mexicains, les Péruviens, les schamanes de l’Asie, et rien de cela n’est en rapport avec le sujet qu’il traite. Il nage dans les eaux troubles d’une science vaste mais incomplète, qu’aucun rayon de critique ne vient éclairer).
Telle est l’origine des sociétés secrètes qui inondent l’univers ; mais, depuis deux siècles, leur but, sans être meilleur, est différent. Nous le dirons aussi en son lieu.



Il y a deux sources de révélations : l'une bonne, qui est la vérité même ; l'autre mauvaise, origine de l'erreur. Les unes émanent du Créateur, les autres de l'esprit malin, ennemi de l'homme. Moïse nous apprend que Dieu, dès le principe, se révéla à nos premiers parents et leur fit une défense. Satan intervint et leur dit qu'en la violant ils seraient comme des dieux. Cette double manifestation a continué durant la longue suite des âges ; si de la part de Dieu elle est parfois accompagnée de miracles éclatants, de la part de Satan, c'est une foule de prodiges trompeurs. De là cette distinction du surnaturel et du surhumain, si importante à faire ; la véritable révélation avait fait connaître un Dieu éternel, unique, puissant, bon, juste, créateur de l'univers ; elle s'altéra, les hommes disséminés sur le globe l'oublièrent, les esprits malins intervinrent et trompèrent les premiers prêtres ou chefs de famille par de fréquentes manifestations et de nombreux prodiges bien capables de séduire, car c'étaient : la divination qui flatte la curiosité de l'homme, les guérisons, les révélations de secrets utiles à son bien-être ou propres à satisfaire sa cupidité ou ses passions. ("Des rapports de l'homme avec le démon", Tome I, Joseph Bizouard)



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