Les Saints regardent cette joie comme un si grand bien, qu'ils disent que, même dans les chutes spirituelles, il ne faut point se décourager ni s'attrister ; car, encore que le péché soit la chose qui peut le plus justement nous affliger, cette tristesse doit être néanmoins modérée par l'espérance du pardon, et par la confiance en la miséricorde de Dieu : « De peur, dit l'Apôtre, que celui qui est en cet état, ne soit accablé par un excès de tristesse. »
Le Père Avila reprend sévèrement ceux qui marchant dans la voie de Dieu, se livrent mal à propos à la tristesse, et se remplissent tellement le cœur d'amertume, que les choses de Dieu n'ont plus de douceur pour eux. Or il y a en cela de l'illusion et de l'erreur : car cette tristesse excessive à laquelle ils se laissent aller, peut causer une plus grande plaie à leur âme, que les fautes mêmes dont ils s'affligent. Ce que la vue de nos fautes et de notre faiblesse doit produire en nous, c'est de nous rendre plus humbles, c'est de nous exciter à demander de plus grandes grâces à Dieu, puisque nous en avons besoin ; c'est enfin de nous faire veiller avec plus de soin sur nous-mêmes, en prenant leçon du passé pour l'avenir, et en prévoyant les occasions pour les éviter : nous avancerons beaucoup plus par cette méthode, qu'en nous laissant abattre en pure perte par la tristesse. S'il fallait s'y abandonner pour les fautes où l'on tombe chaque jour, qui est celui, dit le Père Avila, qui pourrait jamais avoir aucune joie, ni aucun repos ? Si vous faites, Seigneur, une recherche exacte des péchés, qui la pourra soutenir ? Appliquez-vous à servir Dieu, et à faire votre devoir ; et s'il vous arrive de manquer en quelque chose, ne vous troublez pas, et ne perdez pas courage pour cela : tous les hommes sont sujets à manquer ; vous êtes un homme faible, et non pas un Ange, ni un Saint : et Dieu qui connaît bien notre faiblesse et notre misère, ne veut pas que nous nous découragions, lorsque nous avons le malheur de tomber ; il veut seulement que nous ayions promptement recours à lui pour lui demander de nouvelles forces ; et qu'à l'exemple des enfants qui ne sont pas plutôt tombés, qu'aussitôt ils se relèvent, et se remettent à courir, nous nous relevions promptement, et recommencions à courir tout de nouveau dans la voie de ses commandements.
Les Pères, dit Saint Ambroise, voient les chutes de leurs enfants avec plus de compassion que de colère. Il en est de même de Dieu envers nous ; il nous aime comme ses enfants ; il connaît notre fragilité ; ainsi nos chutes et nos faiblesses excitent plutôt sa tendresse que son indignation. « De même qu'un père a pitié de ses enfants, de même le Seigneur a pitié de ceux qui le craignent : car il sait de quoi nous sommes formés, et il n'a pas oublié que nous ne sommes que poussière. » Un des plus grands sujets de consolation qu'aient ceux qui ne servent pas Dieu avec toute l'ardeur qu'ils devraient le faire, c'est de savoir qu'encore que nous ne répondions pas à ses bontés comme nous devons, ce tendre Père ne laisse pourtant pas de nous aimer et de nous souffrir ; Car il est riche en miséricorde.
(Abrégé de la Pratique de la Perfection Chrétienne)
Reportez-vous à Raisons qui nous obligent à servir Dieu avec joie, Comment Saint François voulait que le Serviteur de Dieu montrât toujours un visage joyeux, Des maux réels et considérables que cause la Tristesse, Méditation sur la tristesse, Méditation sur deux sortes de tristesse, et De la réformation de la tristesse.
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