La santé de Don Bosco naguère si florissante, dépérit à vue d'œil sous l'excès du travail et des soucis. Il a les traits tendus, les yeux creux ; souvent il est incapable de dormir une heure la nuit. Il ne songe pourtant pas à se modérer ; il s'échine pour ses garçons, il entend les confessions plusieurs heures par jour dans l'église Saint-François, il visite les malades dans les hôpitaux, les prisonniers dans leurs cachots.
Un soit de juin, il se laisse enfermer dans la cellule d'un jeune criminel qui doit partir le lendemain pour la potence avec deux autres condamnés ; son père et son complice. Depuis longtemps don Bosco l'a préparé et réconcilié avec Dieu.
— N'aie pas peur, mon enfant, lui dit-il, je vais rester avec toi jusqu'au matin.
— Et puis, vous m'abandonnerez après ? Vous ne m'accompagnerez pas jusqu'à Alexandrie ?
— C'est don Cafasso qui ira avec toi. Il saura mieux t'assister que moi.
— Non, mon père ! Pas don Cafasso ! Je vous en prie, restez avec moi jusqu'à ce que... la corde...
— Eh bien, oui, mon enfant ; je resterai !
— Oh, alors, je suis rassuré !
Don Bosco et son condamné passent la nuit en prière. Comme les heures s'écoulent lentement ! Les ténèbres s'obstinent devant la grille de la minuscule fenêtre ; il semble que le matin n'arrivera jamais.
Deux heures sonnent à l'église voisine. Don Bosco entend encore une fois la confession du jeune homme, célèbre pour lui la sainte messe et lui donne la sainte communion en viatique pour son dernier voyage.
Au point du jour, la porte s'ouvre. Le bourreau, accompagné de plusieurs gardiens, entre, ploie le genou devant le malheureux en prononçant suivant l'usage : « Pardonne-moi. C'est mon devoir. » Puis, il lui passe la corde autour du cou et le fait sortir.
Dans la cour trois charrettes attendent. Don Bosco monte dans la première avec le condamné ; un prêtre d'Alexandrie prend place à côté du complice dans la seconde, et don Cafasso, dans la troisième, avec le père du criminel.
Le voyage dure trois jours. Vers midi, le lieu d'exécution d'Alexandrie apparaît dans la lumière du printemps. Quantité de badauds sont venus assister au spectacle. Le jeune homme échange un dernier regard avec le prêtre, qui lui donne sa dernière bénédiction. Le bourreau fait son travail. Don Bosco tombe évanoui au pied de la potence.
On le ramène en voiture à Sainte-Philomène, où il reste plusieurs semaines entre la vie et la mort. Don Borel et don Cafasso viennent voir tous les jours leur pauvre confrère, qui ne reprend connaissance que par intervalles. Sa mère et Joseph, accourus des Becchi, ne quittent pas son chevet.
Un samedi de juin, le médecin abandonne tout espoir. Don Cafasso administre à son ami les derniers sacrements. Maman Bosco incline la tête, résignée, mais les garçons ne peuvent consentir à cette séparation. Ils assaillent de prières la très-Sainte Vierge. Même la nuit, lorsqu'il revient à lui, don Bosco peut entendre les Ave ininterrompus du chapelet. (...)
Une nuit, don Borel veille son ami au plus mal.
— Entendez-vous comme vos enfants prient pour vous ? lui demande-t-il tout bas.
— Oui, je les entends. Il m'est dur de les quitter. Sans eux, je serais heureux de m'en aller.
— Pour ceux qui vous sont confiés, demandez à Dieu de vous guérir. Vous devez leur rester ; je vous promets d'employer désormais tous mes moments libres à vous aider.
— À vous d'être leur père, quand je ne serai plus !
— Sans vous, je ne peux rien. Personne ne saurait vous remplacer. Je vous en supplie, priez pour votre guérison !
Le malade joint alors les mains et consent à murmurer :
— Seigneur, guérissez-moi, si tel est votre bon plaisir.
— Il est sauvé ! J'en suis certain maintenant, dit don Borel à maman Marguerite, agenouillée auprès du lit avec son chapelet.
— À la volonté du bon Dieu ! soupire la paysanne, et elle passe au Je vous salue, Marie suivant.
Don Bosco tombe, cette nuit, dans un profond sommeil. À son réveil, on est sûr de sa guérison.
(Don Bosco, l'Apôtre des Jeunes, G. Hünermann)
Reportez-vous à Don Bosco et le Grigio, et La sainte amitié qui amena Jean Bosco séminariste, à la perfection chrétienne.
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