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samedi 2 juillet 2016

Des actes de la volonté dans l'exercice de la présence de Dieu


Le Cantique des Cantiques (Gustave Moreau)



Abrégé de la pratique de la perfection chrétienne du R.P. Alphonse Rodriguez, Extrait :




Des actes de la volonté, dans lesquels consiste principalement cet exercice, et de quelle manière on les doit produire.




Saint Bonaventure, dans sa théologie mystique, dit que les actes de volonté par lesquels nous devons élever notre cœur à Dieu, dans l'exercice dont il est ici question, consistent en des désirs ardents de l'âme de s'unir à Dieu par les liens d'une parfaite charité ; en des soupirs enflammés que l'amour lui fait pousser pour appeler le Seigneur à elle ; et en des mouvements tendres et affectueux qui lui servent, pour ainsi dire, d'ailes pour voler vers lui, et pour s'en approcher de plus en plus. Ces sortes de désirs et de mouvements sont appelés par les saints, Aspirations, parce qu'ils font que l'âme vient à s'élever à Dieu, ce qui est la même chose que d'aspirer à Dieu : et comme nous renvoyons sans cesse l'air qui est entré dans nos poumons, sans faire la moindre réflexion sur ce mouvement ; aussi ces sortes de désirs embrasés partent si soudainement du fond du cœur, qu'on les produit souvent, sans avoir eu même le temps d'en former auparavant le dessein. Ces aspirations s'expriment par des oraisons courtes et fréquentes, qu'on appelle jaculatoires, c'est-à-dire, comme parle saint Augustin, lancées subitement, parce qu'elles sont comme des dards enflammés, que le cœur lance coup sur coup vers Dieu. Cassien dit qu'elles étaient fort en recommandation et en usage parmi les anciens solitaires d'Égypte, tant parce qu'étant courtes, elles ne fatiguent pas l'esprit, que parce qu'étant pleines de ferveur et de force, elles arrivent en la présence de Dieu, avant que le démon ait trouvé le temps de troubler celui qui les fait, et d'y mettre aucun obstacle. Saint Augustin dit à ce sujet une chose qui mérite d'être remarquée par tous ceux qui s'adonnent à l'oraison ; « Il faut prendre garde, dit-il, que cette application vive et ardente, qui est si nécessaire à celui qui prie, ne vienne à s'affaiblir par la longueur de la prière. » Or, cela n'est point tant à craindre dans les oraisons jaculatoires ; et c'est pour cela que les saints Pères du désert s'en servaient si ordinairement, tâchant ainsi par les continuelles élévations de leur cœur à Dieu de s'entretenir toujours en sa présence. Rien n'y est en effet plus propre et plus utile : mais il en faut expliquer un peu plus la pratique. Cassien l'établit dans ce verset, que l'Église répète au commencement de toutes les heures canoniales : Mon Dieu (Ps. 69. 1), venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. Commençons-nous quelqu'affaire difficile ? demandons à Dieu par ces paroles la grâce de la terminer heureusement ; et comme en toutes choses nous avons besoin de son assistance, ayons aussi continuellement recours à lui. Ce verset, dit le même Cassien, est admirable, pour bien exprimer tous nos sentiments, en quelque état et en quelque occasion que nous nous trouvions. Par là nous invoquons l'aide de Dieu ; par là nous nous humilions, nous reconnaissons nos besoins et notre misère ; par là nous nous élevons vers le Seigneur, et nous mettons toute notre confiance dans ses bontés et dans son secours ; par là nous nous remplissons de son amour, en considérant qu'il est notre protecteur et notre refuge. Quelques combats enfin et quelques assauts que l'on ait à soutenir contre le démon, on a dans ces paroles un bouclier impénétrable à tous les traits de sa malice, et un rempart assuré contre toutes ses attaques. Il faut donc avoir sans cesse dans le cœur et dans la bouche, ces paroles puissantes du Psalmiste, et s'en servir continuellement pour s'établir en la présence de Dieu. Saint Basile (Bas. hom. in Martyr. Julitiam) fait consister la pratique de cet exercice dans l'usage de se faire de toutes choses une occasion de se souvenir de Dieu. Mangeons-nous ? rendons en grâces à Dieu. Nous habillons-nous ? rendons- lui pareillement grâces. Allons-nous à la campagne ? bénissons le Dieu qui la rend fertile. Regardons-nous le Ciel, le soleil ou les étoiles ? louons le Dieu qui a tout créé. Enfin toutes les fois que nous nous éveillons pendant la nuit, ne manquons jamais d'élever notre cœur à Dieu.
Toutes ces sortes d'aspirations et d'oraisons jaculatoires sont très-propres pour se conserver en la présence de Dieu ; mais les meilleures et les plus efficaces, quoique peut-être elles ne soient pas conçues dans des termes si convenables et si expressifs que ceux dont nous venons de parler, sont celles que le cœur produit de lui-même, quand il est touché de Dieu. Il n'est pas besoin au reste qu'on les varie de plusieurs manières : une seule formule répétée souvent et avec ferveur peut suffire pour nous entretenir plusieurs jours en la présence de Dieu, et même pour nous y entretenir pendant toute notre vie. Si vous vous trouvez donc bien de répéter ces mots de l'Apôtre (Act. 9. 6) : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? ou ces paroles de l'Épouse (Cant. 2. 16) : Mon bien-aimé est tout à moi, et moi toute à lui ; ou ce verset du Psalmiste (Ps. 72. 25) : Qu'est-ce que je prétends dans le Ciel, si ce n'est vous, Seigneur ? Et si ce n'est vous, qu'est-ce que je désire sur la terre ? Il ne vous en faut pas davantage : tenez-vous-en là ; que ce soit votre continuel exercice, et le moyen journalier dont vous vous serviez, pour vous maintenir en la présence de Dieu.







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