Ô Dieu, qui résistez aux superbes et qui donnez votre grâce aux humbles, accordez-moi, je vous en supplie, la vraie humilité dont votre Fils unique nous a donné l'exemple. Je désire apprendre de lui à être doux et humble de cœur ; mais je trouve en moi une grande opposition à cette vertu.
Ces désirs de paraître, d'être estimé, cette crainte excessive du mépris et des humiliations, cet amour de la liberté qui fait que je ne voudrais dépendre de personne, ces retours de l'amour-propre quand je crois avoir fait quelque bien, les peines secrètes que j'éprouve quand je suis humilié, qu'on me préfère quelqu'un ou qu'on loue quelqu'un en ma présence, enfin ces désirs presque continuels de louanges ; voilà, Seigneur, les plaies de mon âme. Elles sont profondes, je l'avoue, et je désespérerais d'en obtenir la guérison, si je ne savais que vous êtes un médecin tout puissant, et que tout est possible à votre grâce. Jetez donc sur moi, Seigneur, un regard de compassion ; faites que je vous connaisse et que je me connaisse moi-même, et que je vous connaisse tel que vous êtes, afin que je me méprise sincèrement. Je ne veux jamais oublier les justes sujets que j'ai de m'humilier ; vous les connaissez mieux que moi ; ils sont en bien grand nombre : les péchés de ma vie passée, ma pente continuelle au mal, mon inconstance dans le bien, ma tiédeur dans votre service, mon ingratitude envers vous, mes infidélités journalières, mes légèretés, mes indiscrétions, mes imprudences, et mille autres défauts que je ne puis, malgré mon orgueil, me déguiser à moi-même.
Faites, Seigneur, que je me rende enfin justice en me croyant le dernier de tous ; que désormais je craigne autant les louanges que je les ai aimées, que je désire être effacé de l'estime de tout le monde, et que je ne cherche uniquement qu'à vous plaire ; que les grâces dont vous m'avez comblé soient pour moi un sujet de m'humilier, en pensant au compte exact que je dois vous en rendre ; enfin, augmentez toujours en moi l'amour de la sainte vertu d'humilité, sans laquelle on ne peut aller au ciel. Accordez-moi cette vertu par l'intercession de Marie, la plus pure et la plus humble des vierges.
(Tirée de Délices des pèlerins de la Louvesc ou Exercices de Dévotion qui se font à la Louvesc, et des réflexions spirituelles de J.M.B. Vianney, Curé d'Ars, 1857)
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