La lâcheté dans le service de Dieu, et la négligence à remplir les devoirs de notre état, est encore une des causes les plus ordinaires de la tristesse. Nous voyons tous les jours, et chacun le peut éprouver soi-même, que quand on s'acquitte bien de son devoir, on se sent à l'aise, et on a le cœur satisfait ; au lieu que quand on néglige de remplir ses obligations, on tombe dans l'abattement et dans le chagrin. C'est le propre du péché de rendre triste : Un méchant, dit le Sage, sera accablé de douleurs.
« Il n'y a point de tourment plus insupportable, dit Saint Bernard, que celui qui provient d'une mauvaise conscience ; la mauvaise conscience porte son supplice avec elle : on a beau cacher son crime, et paraître innocent aux yeux des hommes, on ne peut se le cacher à soi-même, ni éviter la condamnation de sa propre conscience. » Faites tout ce que vous voudrez ; cherchez la compagnie et les divertissements, pour vous délivrer des reproches qu'elle vous fait, vous n'en viendrez jamais à bout, et elle vous tourmentera toujours sans relâche. C'est ce qui a fait dire à Sénèque, que la plus grande punition du crime était de l'avoir commis.
Cela se vérifie surtout en ceux qui ont commencé à goûter Dieu, et qui après l'avoir servi pendant quelque temps avec ferveur, viennent à se relâcher, et à se démentir : car la misère est plus sensible et plus douloureuse à supporter à celui qui s'est vu dans l'abondance, qu'à celui qui n'a jamais été dans cet état.
Si vous voulez donc n'être point exposé à ces ressentiments de tristesse, et vivre toujours content, dit Saint Bernard, vivez comme vous devez vivre ; songez quelles sont vos obligations ; appliquez-vous à les remplir avec exactitude, à vous corriger de vos défauts, et à expier vos péchés ; ce sont eux qui troublent la paix de votre âme. Un homme de bien est toujours dans la joie ; un méchant homme a toujours la conscience bourrelée, et comme il n'y a point de plus cruel supplice pour celui-ci que les reproches continuels de sa conscience, il n'y a point aussi de joie plus sensible pour l'homme de bien, que le témoignage qu'il peut se rendre de la droiture de la sienne. « Il n'y a point de plus grand plaisir que la joie du cœur, dit l'Écriture-Sainte... Un esprit tranquille est toujours comme dans un festin perpétuel... Si notre cœur ne nous reproche rien, dit Saint Jean, nous devons avoir confiance en Dieu.... Ce qui fait notre gloire, dit Apôtre, c'est le témoignage de notre conscience. »
Mais la joie dont nous parlons, n'est pas seulement un effet de la bonne conscience, elle en est aussi un signe extérieur, ainsi que nous l'apprend Saint Bonaventure, lorsqu'il dit que la joie spirituelle est une marque évidente de la grâce. Le Saint-Esprit nous enseigne la même vérité en plusieurs endroits de l'Écriture : « La lumière est faite pour le juste, dit David, et la joie pour ceux qui ont le cœur droit... Mais les méchants ne marchent que dans les ténèbres... Ils ne trouvent dans leur chemin que confusion et que malheur, et ils n'ont point connu la paix. »
Une des raisons pour lesquelles Saint François voulait toujours voir la joie exprimée sur le visage de ses religieux, c'est qu'il regardait cette joie comme un des fruits du Saint-Esprit, et comme la marque de la demeure de Dieu dans les âmes. Il disait même qu'elle faisait tant d'impression sur lui, que toutes les fois qu'il se sentait porté à la tristesse et au découragement, il n'avait qu'à jeter les yeux sur ses frères ; et qu'aussitôt il se sentait délivré de cette tentation, parce qu'en les voyant, il lui semblait voir des Anges.
(Abrégé de la Pratique de la Perfection Chrétienne)
Reportez-vous à Comment saint François, cheminant avec Frère Léon, lui exposa les choses dans lesquelles consiste la joie parfaite, Qu'il y a une Tristesse louable et sainte, Que l'Oraison est un puissant remède contre la tristesse, Des causes de la Tristesse, et des remèdes qu'on doit lui opposer, Que les fautes légères où l'on tombe ne doivent pas faire perdre la joie du cœur, Raisons qui nous obligent à servir Dieu avec joie, Comment Saint François voulait que le Serviteur de Dieu montrât toujours un visage joyeux, Des maux réels et considérables que cause la Tristesse, Méditation sur la tristesse, Méditation sur deux sortes de tristesse, et De la réformation de la tristesse.
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