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samedi 22 janvier 2022

Pie IX et Don Bosco, Audiences pontificales pour la fondation de la Société Salésienne



L'œuvre de don Bosco se développe toujours. Le grand établissement, à la fois internat et externat, héberge deux cents enfants. Au collège, fondé depuis quelques années, vient s'ajouter une école primaire. Il existe des cours pour les jeunes artisans et commerçants, des ateliers de tous genres, un asile pour les sans-travail.
Tout cela entraîne bien des tracas et des soucis, tout cela coûte cher, très cher. Mais la Providence n'abandonne pas son serviteur, certainement assisté du haut du ciel par sa sainte mère et son angélique disciple. De temps en temps on organise une grande tombola pour laquelle les commerçants de Turin fournissent des lots importants. Le roi Victor-Emmanuel lui-même souscrit pour cinq cents billets. La tsarine, de passage à Turin, y consacre une somme considérable. Ainsi pare-t-on aux nécessités croissantes.
L'avenir de son œuvre inquiète beaucoup plus don Bosco que les difficultés présentes. Qu'arrivera-t-il lorsqu'il aura disparu ? Ses fondations, qui les maintiendra, qui les achèvera après sa mort ?
Don Bosco s'entretient souvent de ce sujet avec ses fils, surtout ses nombreux clercs, les futurs prêtres.
Il décide avec eux de créer une société qui portera le nom de Salésiens.
Mgr Fransoni, en exile, l'approuve. Don Cafasso l'encourage, et le ministre Rattazzi lui-même, le promoteur de la "loi des couvents", admet l'éventualité désirable d'une nouvelle société religieuse.
Un jour il fait venir don Bosco.
— Mon cher don Bosco, lui dit-il, je n'ai pas toujours été votre ami. J'avoue que je me suis longtemps défié de vous, mais j'ai constaté que vous faites beaucoup de bien et que vous méritez d'être aidé. Je vous souhaite de vivre longtemps, très longtemps, pour l'instruction et l'éducation de tant de pauvres enfants. Mais vous n'êtes pas immortel. Que deviendra votre œuvre après vous ? Y avez-vous songé ?
— Certainement, Excellence. J'y pense tous les jours.
— À mon avis, vous devriez choisir quelques laïques, quelques ecclésiastiques, de votre entourage, les grouper en une société bien définie, leur inculquer enfin votre esprit et vos méthodes d'éducation, de façon à en faire non pas de simples auxiliaires, mais les continuateurs de votre œuvre.
— Je m'étonne que ce soit vous, Excellence, qui m'encouragiez à fonder une société religieuse.
— Je sais, je sais ! Vous pensez à la suppression de nombreuses maisons religieuses dans le royaume, vous pensez à la loi qui porte mon nom, mais tranquillisez-vous, la société que je préconise ne contredirait aucunement la législation en cours.
— Comment cela ?
— Fondez une société non pas de mainmorte, mais de vivants. Chaque membre y conserverait ses droits civiques. En un mot vote société ne devrait être aux yeux de la loi qu'une simple association de libres citoyens travaillant de concert à la réalisation d'un idéal de bienfaisance.
— Et votre Excellence me garantirait l'autorisation du gouvernement !
— Aucun gouvernement régulier et sérieux ne fera jamais obstacle à la fondation et au développement d'une telle société. Toute association de libres citoyens est autorisée, tant que son but et ses activités ne s'opposent pas aux lois de l'État. Fondez donc cette société et soyez sûr de l'approbation et de l'appui absolu du roi.
De ce côté, la voie est libre. Don Bosco rédige une règle pour la soumettre au Saint-Père. Le 18 février 1858, il part pour Rome avec Michel Rua. Le 9 mars, Pie IX leur accorde une audience.
Le pape reçoit fort aimablement don Bosco. Il le presse de questions sur son œuvre et sur ses travaux :
— Que faites-vous maintenant à l'oratoire ?
— Un peu de tout, Saint-Père. Je célèbre la messe, je prêche, je confesse, je fais la classe, parfois la cuisine, ou je balaie l'église.
— Des occupations très variées ! constate le pape.
Puis s'adressant à Michel Rua :
— Êtes-vous prêtre ?
— Non, très Saint-Père. Je n'ai encore reçu que les ordres mineurs.
— Eh bien, mon fils, il ne vous sera pas difficile avec un pareil maître, de vous préparer au sacerdoce.
Le pape réfléchit un instant, puis il ajoute :
— Je me souviens de vos enfants, don Bosco, des trente-trois lires qu'ils m'ont envoyées, lorsque j'étais en exil. J'ai été très touché de cette générosité.
— Oh, un rien ! Mais nous étions peu nombreux encore, et si pauvres !
— J'ai été d'autant plus sensible à ce témoignage de filial attachement. Mais, dites-moi, mon fils, qu'est-ce que deviendra votre communauté lorsque vous ne serez plus ?
Don Bosco explique au Saint-Père son projet de fondation et lui présente une lettre de recommandation de Mgr Fransoni.
— Je vois que nous sommes tous trois du même avis, repartit le pape. Votre conception répond exactement aux besoins de notre triste époque. Cette société comporterait naturellement des vœux, condition indispensable pour maintenir l'unité de l'esprit et des œuvres. Puis, des règles appropriées et précises, ni trop austères ni trop faciles. Avec un costume discret. Les confrères de votre société doivent être des religieux aux yeux de l'Église, mais de simples citoyens aux yeux de la société civile et de l'État. Rédigez une Règle conforme à ces directives et apportez-la-nous.
Don Bosco remet alors au Saint-Père un volume des Lectures catholiques, relié en cuir blanc et orné des armoiries pontificales gravées en or.
— C'est un cadeau de mes jeunes gens, fabriqué par eux dans notre atelier.
Le pape, extrêmement touché de cette délicate attention, remet à don bosco une médaille de l'Immaculée pour chacun des quinze relieurs.
Il le reçoit deux autres fois. Il approuve les statuts de sa Société et lui concède des privilèges importants. Mais, dès qu'il lui parle de l'élever à la dignité de camérier secret, don Bosco se récrie :
— Oh, Saint-Père, de grâce, gardez cet honneur pour de plus dignes. La belle figure que je ferais au milieu de mes gamins avec du violet à ma soutane ! Ces pauvres petits ne me reconnaîtraient plus ; j'y perdrais toute leur confiance. Et puis les bienfaiteurs de mon œuvre me croiraient devenu riche ; je n'aurais plus le courage d'aller leur tendre la main pour mes enfants. Non, Saint-Père, vraiment, renoncez à votre idée. Laissez-moi demeurer le pauvre don Bosco !
— Cela fait bien des raisons, répond le pape. Alors, soit ! nous les admettons. Mais peut-être auriez-vous un autre désir à nous exprimer ? Une petite surprise pour vos enfants à votre retour ne vous serait-elle pas agréable ?
— Oh, si ! Très Saint-Père !
— Alors, attendez.
Le pape tire de son bureau un rouleau de pièces de monnaie :
— Voici pour donner une bonne collation à vos enfants.
Quel bonheur cela va être ! Rien que d'y penser, don Bosco en a les larmes aux yeux.
Don Bosco profite de son voyage à Rome pour en visiter les sanctuaires et les monuments témoins du glorieux passé de la Ville éternelle. Tous les jours il est en route. Il va de Saint-Pierre à Saint-Paul-hors-les-Murs, du Colisée aux Catacombes, pèlerin intrépide que le pauvre Michel s'évertue à suivre.
Naturellement, don Bosco visite aussi les oratoires romains du temps de saint Philippe de Néri. Il en étudie avec beaucoup d'intérêt les institutions, en particulier les méthodes d'éducation. D'ailleurs, sans tout approuver.
Le second dimanche après Pâques, il est de retour à Turin :
— Que nous sommes contents de vous voir revenu, lui disent ses enfants. Nous avons prié pour vous tous les jours. N'allez pas repartir tout de suite !
— Je resterai avec vous le plus longtemps possible. C'est promis !

(Don Bosco, l'Apôtre des Jeunes, G. Hünermann)


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