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vendredi 8 mai 2020

Pouvoir de Saint François de Sales : Délivrance d'Antonie Durand, possédée du Démon




DÉLIVRANCE D'ANTONIE DURAND, POSSÉDÉE DU DÉMON (1657)


L'année 1657, le 4 du mois de juillet, vers les dix heures du matin, le R. P. Jacques Harel, collègue des RR. PP. Minimes, qui était alors en cette ville d'Annecy, demanda à me parler, et je me rendis incontinent en notre parloir ordinaire. Le Révérend Père me dit qu'une merveille bien étonnante venait de se passer entre ses mains ; qu'une bonne femme de Tarentaise lui avait présenté une petite fille âgée de neuf à dix ans, le priant de la vouloir ouïr en confession, parce qu'elle venait l'offrir au tombeau du Serviteur de Dieu, pour demander à la divine Majesté, par son intercession, qu'il lui plût de guérir sa fille et de vouloir détruire un maléfice attaché à la main et au bras droits de cette petite fille, qui les avait fort libres en tout autre moment; mais lorsqu'on lui disait de faire le signe de la croix, son bras et sa main s'attachaient tout à coup à son côté, et y demeuraient collés si fortement que, quelques efforts que fissent les personnes les plus robustes, il était impossible de les en détacher et de les faire mouvoir, pas plus que s'ils eussent été attachés avec des crampons de fer. Le R. P. Harel voulut éprouver si ce n'était point une illusion chez cette femme. II m'assura avoir dit aussi à cette petite de faire le signe de la croix, et avoir vu tout à coup sa main et son bras droits s'attacher à son côté, en la manière que je viens de le dire. Au même instant, ayant dit à la petite fille de ramasser une pierre qui se trouvait devant le perron de l'église, où ceci se passait, elle eut incontinent le bras libre pour ramasser la pierre et pour tout autre mouvement. Le Révérend Père m'assura qu'ayant réitéré par quatre fois la même tentative, il dit autant de fois à la petite fille de faire le signe de la croix ; au même instant, le bras de l'enfant s'attachait à son côté en la manière susdite, et si fortement que, quelques efforts que le Révérend Père fit avec ses deux mains pour détacher le bras , il n'eut non plus le moyen de le faire mouvoir que s'il eût été attaché avec des crampons de fer.
Le Révérend Père m'assura qu'il avait encore remarqué un autre maléfice en la même petite fille, en ce que toutes les fois qu'on lui disait de prier Dieu et de réciter son Pater noster ou son Ave Maria, ou quelqu'autre prière que ce fût, au même instant sa langue s'attachait à son palais, et elle ne pouvait non plus la mouvoir pour la prière, que son bras pour le signe de la croix ; quoiqu'elle parlât fort librement de toute autre chose. Le Révérend Père m'assura avoir vu l'immobilité de la langue, aussi bien que celle du bras, et m'assura encore qu'ayant voulu entendre en confession la petite fille, lorsqu'il lui dit de faire le signe de la croix et de réciter son Confiteor, son bras s'attacha à son côté et sa langue à son palais, sans qu'il fût en son pouvoir de lui faire bouger le bras, ni la langue pour en tirer une seule parole. Se levant alors du confessionnal, il dit à la mère qu'il ne doutait point que sa fille n'eût quelque maléfice ou obsession du démon, et que tout ce qu'il pouvait faire était d'aller dire la messe pour elle à la chapelle des Innocents ; qu'il lui conseillait d'avoir une grande confiance à l'intercession du Serviteur de Dieu, et d'aller présenter sa fille devant son tombeau, et d'accomplir, avec grande dévotion, le vœu qu'elle avait fait. Le même Révérend Père m'assura qu'après avoir dit la messe, il voulut encore essayer s'il pouvait ouïr en confession cette petite fille, et il trouva le maléfice tout au même état, le bras s'attachant à son côté lorsqu'on lui disait de faire le signe de la croix, et lorsqu'il lui disait de réciter le Confiteor, sa langue s'attachant au palais comme auparavant. Sur quoi, il alla conseiller à la mère de retourner au tombeau du Serviteur de Dieu, et de le faire baiser à sa fille, avec grande confiance, et d'imiter la foi et l'espérance de la Chananéenne, qui obtint enfin la délivrance de sa fille possédée par les démons, comme la sienne en paraissait obsédée. Le Révérend Père ajouta qu'il voulait, par ce récit, me témoigner que je ferais une chose agréable à Dieu de faire mettre nos Sœurs en prière pour demander à Dieu qu'il lui plût de vouloir manifester la gloire de son Serviteur, en la délivrance de cette petite fille. Je remerciai le Révérend Père de l'avis qu'il me donnait, et nos Sœurs se mirent en prière et en oraison à cette intention.
Dans l'après-midi le Révérend Père, qui était revenu au parloir, m'avait à peine fait connaître ce qu'il me voulait dire, que la mère de la même petite fille entra dans le parloir, battant des mains et s'écriant : Le bienheureux François de Sales vient de guérir ma fille ! En même temps la petite fille, en ma présence et celle du Révérend Père et du très-religieux frère Louis Refavier, qui l'accompagnait, fit plusieurs fois le signe de la croix et récita facilement son Credo avec respect et dévotion. Le Père, ayant demandé en quelle manière la fille avait été guérie, la bonne femme nous raconta qu'après que le Père se fut retiré, et suivant le conseil qu'il lui en avait donné, elle alla se prosterner au tombeau du Serviteur de Dieu ; elle lui présenta sa fille à laquelle elle fit baiser plusieurs fois le saint tombeau, et y demeura ainsi attachée jusqu'à onze heures et demie, selon les horloges de France. Alors craignant que sa fille, qui avait été fort travaillée et qui n'avait rien pris ce jour-là, ne devînt trop faible, elle sortit pour lui faire prendre quelque nourriture ; et au logis sa fille lui dit : Ma mère, je suis presque entièrement guérie, je ne me sens plus de mal qu'au bout de mon petit doigt, où toute la pesanteur que je souffrais s'est retirée. La mère nous assura qu'alors, ayant redoublé sa confiance aux mérites du Serviteur de Dieu, elle avait quitté ce qu'elle avait préparé pour manger, et qu'elle était accourue de nouveau au tombeau du Serviteur de Dieu, pour lui rendre grâce de ce commencement de guérison et pour le conjurer de l'obtenir tout entière ; et qu'étant retournée au tombeau, aussitôt qu'elle l'eut embrassé et fait baiser plusieurs fois à sa fille, celle-ci lui dit qu'elle ne sentait plus de pesanteur, ni en son bras, ni en toute sa main, et qu'aussitôt sa fille fit plusieurs fois le signe de la croix et récita son Credo, et qu'elle venait me témoigner sa joie et la reconnaissance qu'elle en aurait toute sa vie aux mérites de notre vénérable Fondateur.
Sur quoi, je demandai le nom de la petite fille et celui de la mère, et comment et en quel temps ce maléfice lui était survenu. La mère me dit qu'elle s'appelait Thomaze Douzel, et sa fille Antonie Durand ; que ce maléfice avait commencé dès le mois d'août de l'année 1656, et qu'il s'était manifesté par une maladie inconnue, qui faisait souffrir à sa petite fille des douleurs insupportables dans tout son corps, comme si on l'eût percée avec des lancettes, et qu'au même temps elle fut dans l'impuissance de mouvoir les bras pour faire le signe de la croix, ni la langue pour prier Dieu. Elle ajouta que, lorsqu'on la voulait presser de prier Dieu, elle déchargeait des coups plus furieux que n'auraient pu faire les personnes les plus robustes, et, de plus, que depuis Noël de la même année 1656, elle criait comme un crapaud ; et, se trouvant proche d'une muraille, elle grimpait comme un petit lézard jusqu'en haut avec les talons, la tête et les mains demeurant pendues en bas ; elle ajouta que la petite fille, sur l'ordre de Monseigneur l'archevêque de Tarentaise, avait été exorcisée par M. Bernard, curé des Fines ; mais que ce prêtre, ayant appris qu'elle avait fait vœu d'amener sa fille au tombeau de notre vénéré Fondateur, quitta les exorcismes, et que Monseigneur de Tarentaise lui avait envoyé un messager pour l'inviter à venir accomplir son vœu, et à conduire sa fille au tombeau de saint François de Sales, où celle-ci, après avoir fait ses dévotions, avait été guérie de la manière que je viens de dire. Ceci est encore connu et notoire à tous.


(Extrait de Pouvoir de Saint François de Sales, Déposition de la Mère de Chaugy)



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