ÉPANCHEMENT DE L'ÂME VERS JÉSUS MOURANT SUR LA CROIX
(LE VÉNÉRABLE THOMAS DE JÉSUS)
Ô mon Jésus, éclairez mon esprit et amollissez mon cœur par le feu de votre amour ; afin que je sente les douleurs cruelles que vous souffrez lorsqu'on vous étire sur cette croix et que tout le poids de votre corps porte sur les plaies de vos pieds et de vos mains. Puisque vous endurez pour moi un si horrible tourment dans votre corps, n'est-il pas juste que je le sente au moins dans le cœur ? Ô mon Dieu, communiquez à mon âme le sentiment de vos souffrances, ne m'épargnez pas, faites-moi sentir en détail le déboitement de vos os, la rupture de vos nerfs, les secousses de votre croix, les cris et les outrages des Juifs. Mais communiquez-moi aussi les vertus qui vous accompagnent sur la croix, la patience, la résignation, le silence et l'amour, afin que j'apprenne à tout souffrir avec amour et sans me plaindre.
Élevé sur cette croix, vous êtes placé entre le ciel et la terre, exposé aux yeux de tout l'univers. Je vous adore, ô Fils du Dieu vivant, ô Dieu de mon cœur, ô amour de mon âme ; je vous adore, ô la gloire des justes et la couronne des bienheureux ; je vous adore, ô Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde ; je vous adore, ô arbre de vie, chargé de tous les fruits de la grâce et de la gloire.
Que mes yeux ne deviennent-ils deux sources de larmes continuelles, et mon cœur une fournaise d'amour éternel ! Quand je me ferais crucifier avec vous, ô mon Dieu, que serait-ce en comparaison de ce que je vous dois ?.... Mais si vous ne voulez pas que je souffre le tourment de la croix, faites donc que je brûle du feu de votre amour.
Vous n'aviez nul besoin de moi quand vous vous êtes revêtu de ma chair ; vous ne l'avez prise qu'afin de me la donner et de pouvoir souffrir pour moi. Bien plus, vous voulez qu'il n'y ait en vous aucune partie qui ne souffre et qui ne soit pour moi une preuve d'amour. Vous me donnez votre divinité qui communique une vertu infinie à tout ce que vous endurez pour mon salut, vous me donnez votre humanité noyée dans une mer de souffrances ; vous me donnez ce chef couronné d'épines, ces cheveux sanglants et arrachés, ces joues livides et meurtries par les soufflets, ces yeux gonflés et baignés de larmes, cette bouche abreuvée de fiel et de vinaigre, ce cœur ouvert par une lance, ces pieds et ces mains percés de clous, cette chair déchirée, ces nerfs tendus, ces os disloqués ; vous me donnez vos pensées, vos désirs, votre honneur et votre vie.
Vous me laissez encore en mourant votre sainte Mère, et vous voulez qu'elle soit la mienne. Vous me réconciliez avec votre père éternel et vous satisfaites pour moi à sa justice. Vous mourez pour me faire vivre, vous répandez pour me purifier jusqu'à la dernière goutte de votre sang ! Ô le Dieu de mon cœur, ô la véritable vie de mon âme ! que n'ai-je l'ardeur et la pureté de tous les anges, de tous les saints du Paradis et de tous les justes de la terre, afin de vous aimer comme ils vous aiment !
Quelle merveille, Seigneur ! les tourments de la croix ne sont cruels que pour vous, et les pécheurs y trouvent leur soulagement, leur consolation et leur remède ; car il est vrai, ô mon Dieu, que tout mon bonheur est dans votre croix. Si je suis persécuté, j'y trouve un asile, si je suis affligé vous m'y consolez, si mes amis m'abandonnent, j'y deviens votre fils, si on m'attaque vous m'y défendez, si je pèche vous m'y pardonnez, si je suis ignorant vous m'y instruisez, si je suis tiède vous m'y rendez fervent, si je suis fervent vous m'y enflammez encore davantage, et si je persévère vous m'y couronnez.
C'est dans votre Croix que je goûte un repos solide, une véritable consolation. Quoique j'y pleure j'y suis content ; et les larmes de souffrance et d'amour que j'y répands sont mille fois plus douces que toutes les joies du monde. En toute occasion, en tout temps, en tout lieu, vous êtes, ô Jésus crucifié, mon espérance et ma sûreté ; vous êtes l'ami, le maître et le père charitable de mon âme. Quand je considère vos mains et vos pieds percés de clous, votre tête couronnée d'épines, votre côté et Votre cœur ouverts, votre corps tout couvert de sang et de plaies, je sens mon cœur embrasé d'amour.
Quoique vous soyez attaché à la Croix, affaibli, abattu, languissant et mourant, vous me recevez dès que je viens à vous. Tout livide, tout sanglant, tout méprisé que vous êtes, vous me paraissez beau, aimable, ravissant, adorable.
Ô sainte Croix, compagne fidèle de mon Sauveur, il y a assez longtemps que vous le possédez : laissez-le descendre et donnez-le-moi, afin que je le reçoive dans mon âme, ou plutôt entrez vous-même dans mon âme avec lui, que je demeure attaché à lui et à vous, et que je n'en sois jamais séparé.
Ô sainte Mère de mon Dieu, compagne inséparable de la Croix, ô reine des Anges et des Martyrs, vous qui voyiez mourir celui à qui vous aviez donné la vie, pénétrez-moi des sentiments de douleur et d'amour que vous aviez sur le Calvaire et au pied de la Croix ; permettez-moi de mêler mes larmes à vos larmes de souffrance et d'amour. Faites que je sois crucifié avec Jésus mon Dieu, qu'il me reçoive au nombre des siens, que je meure, que je vive et que je règne avec lui.
Ô Saints du Paradis, qui contemplez ce divin Agneau dans cet océan de souffrances, et qui le possédez avec la certitude de ne le perdre jamais, jetez les yeux sur moi, ayez pitié d'un pauvre exilé, obtenez lui la grâce d'être crucifié sur la terre avec Jésus-Christ et d'être couronné par lui dans le ciel. Ainsi soit-il.
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