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vendredi 2 avril 2021

Sur le Vendredi Saint



Toute la science du chrétien est renfermée dans la croix ; et le grand apôtre saint Paul, après avoir appris au troisième ciel les secrets de la sagesse de Dieu, est venu publier au monde « qu'il ne savait autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. »
En effet, il est véritable que la sagesse divine ne s'est jamais montrée plus à découvert à ceux à qui la foi a donné des yeux que dans le mystère de la croix. C'est là que Jésus-Christ, étendant les bras, nous ouvre le livre sanglant dans lequel nous pouvons apprendre tout l'ordre des conseils de Dieu, toute l'économie du salut des hommes, la règle fixe et invariable pour former tous nos jugements, la direction sûre et infaillible pour conduire droitement nos mœurs, enfin un mystérieux abrégé de toute la doctrine de l’Évangile et de toute la théologie chrétienne. Ce n'est donc pas sans raison que le prophète Isaïe se plaint que cette mort n'est pas méditée : « Le juste meurt, nous dit-il, et personne n'y pense en son cœur. » C'est en vain que la sainte Église appelle aujourd'hui tous ses enfants à la croix ; tous en révèrent l'image ; peu en contemplent le mystère ; aucun presque ne s'en applique la vertu : de sorte que le plus saint de tous les spectacles, et celui qui est le plus capable de toucher les cœur, n'a pas de force pour changer les nôtres.
Qui me donnera, chrétiens, que je puisse vous rendre aujourd'hui attentifs à la croix de Jésus-Christ ; que je puisse graver dans vos cœurs un souvenir éternel de sa passion, et vous découvrir les secrets qu'elle enferme pour votre salut ! Mais, mes frères, nul n'est capable d'entendre le mystère de la croix, si, auparavant, il ne l'adore, et le degré nécessaire pour pénétrer ses grandeurs, c'est de révérer ses bassesses.
Donc, ô croix du sauveur Jésus, qui nous fais voir aujourd'hui le plus grand de tous les miracles dans le plus grand de tous les scandales ! ô croix, supplice du juste et asile des criminels ; ouvrage de l'injustice et autel de la sainteté ; qui nous ôtes Jésus-Christ et qui nous le donnes ; qui le fais notre victime et notre monarque ; et enfermes dans le mystère du même écriteau la cause de sa mort et le titre de sa royauté, reçois nos adorations, et fais-nous part de tes grâces et de tes lumières. Je te rends, ô croix de Jésus, cette religieuse adoration que l'Église nous enseigne, pour l'amour de celui dont le supplice t'honore, dont le sang te consacre, dont les opprobres te rendent digne d'un culte éternel.
Ces saintes lamentations que l'Église récite durant ces jours, les plaintes qui retentissent dans ses chants, la mystérieuse tristesse de ses cérémonies sacrées, nous avertissent que voici le temps de penser sérieusement à la mort du Juste ; et, si nous refusons nos attentions à ce grand et admirable spectacle, le prophète s'élèvera contre nous par ce paroles : « Le Juste meurt, dira-t-il et cette mort si importante au genre humain n'est considérée de personne » Le Juste dont il nous veut faire contempler la mort, c'est celui qui est nommé dans les Écritures le Juste par excellence ; c'est celui qui a été attendu dès l'origine du monde sous ce tire vraiment auguste ; c'est celui qui, ayant paru au temps destiné, a dit hautement à tous les hommes : « Qui de vous me reprendra de péché ? » Et, pour tout dire en un mot, qui, étant Dieu et homme tout ensemble, est saint d'une sainteté infinie, et appelé pour cette raison : « Le saint des saints. » Cependant, une cabale impie s'est liguée malicieusement contre lui : elle a trouvé le moyen, de corrompre un disciple perfide, d'animer un peuple infidèle, d'intimider un juge trop faible et malheureusement politique, et de faire concourir toutes les puissances du monde au supplice de l'innocent et du saint qu'on attache à un bois infâme au milieu de deux scélérats.
Mais, tandis que les Juifs ingrats traitent leur sauveur en cette sorte : lui cependant qui reconnaît l'ordre de son Père dans leur haine aveugle et envenimée, et qui sait que c'est leur heure et la puissance des ténèbres, ne se sert ni de son pouvoir infini, ni de sa sagesse pour les confondre : il ne fait que baisser la tête : et, bien loin d'appeler à son secours des légions d'anges, lui-même n'allègue rien pour sa justification. Bien plus, il ne se plaint pas même de ses ennemies. On a vu les innocents affligés faire de funestes imprécations contre leurs persécuteurs ; celui-ci, le plus juste sans comparaison et le plus indignement traité, ni ne dit rien de fâcheux, ni n'invoque contre les Juifs, qui le persécutent, le ciel témoin de son innocence : au contraire, il n'ouvre la bouche que pour demander leur grâce ; et non content de leur pardonner pendant qu'ils le font mourir inhumainement, il offre encore pour eux ce sang que répandent leurs mains sacrilèges ; tant sa bonté est inépuisable. (Bossuet)

(Tiré de Les Fêtes de l’Église romaine)


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