Un troisième sentiment auquel nous devons nous exciter, par la considération des souffrances de J.-C., c'est l'amour de Dieu. Rien ne porte davantage à aimer, que de penser qu'on est aimé ; il n'est rien qui attache et qui unisse si étroitement les cœurs. Suivant cette règle, lorsque l'âme considère à loisir l'amour extrême dont J.-C lui a donné une preuve si sensible dans sa Passion, elle doit s'enflammer d'amour et de reconnaissance envers celui qui l'a si tendrement aimé : « C'est en quoi a paru la charité de Dieu envers nous, dit S. Jean, d'avoir envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. » L'Apôtre parlant de cet amour, l'appelle excessif à cause, dit-il, du trop grand amour dont il nous a aimés. Et en effet, cet amour est infiniment au-dessus de tout ce qu'on en peut dire, et de tout ce qu'on en peut penser.
Qui pourra se dispenser d'aimer celui qui nous a tant aimés ? Aimons donc Dieu, conclut S. Jean, puisque Dieu nous a aimés le premier : usons envers lui d'un juste retour, répondons à ses bontés et à sa tendresse, par un amour qui égale en quelque sorte celui dont il nous a donné de si fortes marques. Il nous a témoigné cet amour par des preuves effectives, et en même temps par des travaux infinis ; car c'est à quoi l'on connaît l'amour. C'est ce qui faisait dire à S. Ambroise : « Je dois donc davantage, Seigneur, à votre Passion, par laquelle vous m'avez racheté, qu'à votre toute-puissance, par laquelle vous m'avez créé. Car quelque grand que fut le bienfait de la création, il ne vous a rien coûté ; il vous a suffi de prononcer une parole : Vous avez dit, et tout a été fait ; vous avez commandé, et tout a été créé. Mais quant au bienfait de la Rédemption, il vous a coûté mille travaux, mille affronts, mille opprobres, mille souffrances ; il vous a fallu répandre votre sang et sacrifier votre vie. » Répondons à de si grands effets par d'autres effets, et, comme dit S. Jean : « Aimons Dieu, mes chers enfants, non pas en paroles et de la langue, mais en effet et en vérité. » Le Fils de Dieu a voulu être méprisé pour l'amour de nous, pour nous prouver qu'il nous aimait ; prouvons-lui que nous l'aimons, en aimant à être méprisés pour l'amour de lui ; Profitons de toutes les occasions qui se présenteront d'être humiliés, recherchons-les même avec empressement et avec joie : il nous a montré son amour, en s'offrant pour nous à son Père en sacrifice ; faisons-lui connaître combien nous l'aimons, en nous offrant pareillement à lui, en nous abandonnant entièrement à lui, en remettant tous nos intérêts entre ses mains ; en lui consacrant notre cœur, et en nous dévouant entièrement à lui, afin qu'il dispose de nous selon sa divine volonté. C'est à cela qu'on connaît véritablement l'amour, et non pas à dire simplement de bouche : Seigneur, vous savez que je vous aime ; et c'est dans ce sens que les Saint Pères expliquent ces paroles de l'Apôtre : La patience rend les œuvres parfaites ; car celui qui embrasse les peines, les humiliations et les mortifications avec joie, pour obliger celui qu'il aime, marque bien que son amour est effectif et véritable, puisqu'il ne se dément point dans les temps fâcheux, qui sont les temps où l'on reconnaît ceux dont on est véritablement aimé.
Voilà donc encore un des principaux fruits que nous devons tâcher de retirer de la méditation sur la Passion de J.-C., et pour la rendre plus efficace et plus salutaire, il faut nous exercer souvent dans l'oraison, à former les actes d'amour le plus tendre et le plus généreux. Attachons-nous surtout à nous offrir à Dieu de tout notre cœur, afin qu'il fasse de nous tout ce qu'il lui plaira, quand il voudra et comme il le voudra ; ensuite, venant au détail des choses pénibles, et des occasions difficiles qui peuvent se présenter à nous, n'en laissons échapper aucune, sans former aussitôt des actes et des résolutions d'un entier abandon à sa sainte volonté. Cet exercice est d'une très grande utilité ; il mène à une grande perfection, et fait voir un cœur bien pénétré de l'amour de Dieu.
(Abrégé de la Pratique de la Perfection Chrétienne)
Reportez-vous à Des sentiments de reconnaissance envers Dieu, De l'amour pur, Des sentiments que doit produire en nous la Méditation des souffrances de Jésus-Christ : et premièrement des sentiments de compassion qu'elle doit exciter dans nos cœurs, Combien la Méditation des souffrances de Jésus-Christ est méritoire pour nous, et agréable à Dieu, Jésus crucifié est le Livre des Élus, Des fruits que porte Jésus crucifié, l'Arbre de vie, VIE CHRÉTIENNE : Dévotion envers la Passion de Jésus-Christ, Des Trésors infinis que nous possédons en JÉSUS-CHRIST, Sur Jésus-Christ et L'intérieur de Jésus-Christ.
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