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mercredi 8 juin 2022

Exercice de la présence de Dieu



Cet exercice consiste dans un simple regard de Dieu par la foi, par une application affectueuse, sans bandement de tête, ni aucun effort de l'imagination, à quoi il faut prendre garde, de peur de se blesser la tête, et de se faire mal ; et de cette manière on évitera les inconvénients que l'ignorance et l'indiscrétion causent souvent ; et on n'aura pas l'esprit dans la contrainte que quelques-uns attribuent mal-à-propos à ce saint exercice, qui est tant recommandé par les Saintes Écritures, et dans les écrits des Pères de l'Église, et de tous les Docteurs qui ont été remplis du Saint-Esprit. Il est bon à son réveil, dès le matin, de commencer la journée par ce divin exercice ; et d'en faire un saint usage de temps en temps durant le jour ; et pour cela la séraphique sainte Thérèse est d'avis que l’on se serve de saintes industries pour ramener à Dieu notre pauvre esprit qui en est si égaré. On peut se servir pour cela des horloges qui forment les heures, se mettant en la présence de Dieu à toutes les heures : et ce sera un moyen d'en acquérir peu à peu l'habitude avec les secours divins. Il y en a plusieurs qui récitent quelques prières vocales à chaque heure du jour, et c'est une pratique très-bonne et très-louable ; mais souvent cela se fait avec peu d'application; et quelquefois par pure coutume. Dieu serait bien plus glorifié, que l'on entrât dans un véritable recueillement, pour le voir présent par la foi, et pour ensuite l'aimer et l'adorer. On peut dans la campagne, où il n'a point d'horloge, se servir de quelques autres moyens, pour se souvenir de cette divine présence quatre ou cinq fois tous les matins, et autant après avoir dîné.
Il y en a qui portent sur la manche une croix de deux épingles croisées, on pourrait n'y en mettre qu'une seule, comme on en met souvent pour se souvenir de quelque chose ; et cela leur sert pour voir Dieu présent par la foi, ce qui contribue beaucoup à empêcher qu'on ne l'offense dans les occasions, ou à faire ce qu'il demande de nous, et à souffrir en patience les maux qui arrivent.
Comme cet acte intérieur de la présence de Dieu se peut faire en très-peu de temps, il n'y a rien qui empêche que l'on ne s'en serve au milieu des compagnies, aussi-bien que si l'on était seul, dans tous les exercices extérieurs, parmi les affaires, les soins que l'on doit prendre, en étudiant, en se divertissant, et enfin dans quelque état que l'on se trouve. On peut même en faire usage durant les maladies ; car comme il consiste dans un simple souvenir affectueux par la foi de Dieu présent, sans s'en former d'images distinctes, cela n'apporte aucune incommodité. Il est bon, lorsque l'on est en santé, et que l'on se trouve seul, de se mettre à genoux à toutes les heures pour adorer la suprême Majesté des trois Personnes divines de la suradorable Trinité, et même de se prosterner devant sa grandeur infinie.
J'ai connu des Communautés Religieuses dans lesquelles cet exercice de la présence de Dieu était ordinaire parmi leurs pensionnaires, en sorte qu'à chaque heure toutes se mettaient à genoux pour adorer ce Dieu d'infinie Majesté présent. J'ai connu même des familles séculières où l'on n'y manquait pas, les maîtres et les serviteurs s'en acquittant avec bien de la fidélité, à moins qu'il ne se rencontrât des personnes étrangères du dehors ; et encore lorsqu'on les en jugeait capables, on les invitait à faire de même. Je demeure d'accord qu'il faut en ce sujet user de discrétion : mais chose étonnante, si quelque Grand de la terre nous faisait l'honneur de nous venir voir, non-seulement nous, mais tous ceux qui se rencontreraient, ne manqueraient pas de lui rendre leurs respects ; et nous prendrions bien la liberté de leur en donner avis s'ils ne le faisaient pas. Un Ecclésiastique de ma connaissance, pénétré de cette vérité, en use avec bénédiction dans les occasions, et particulièrement quand on le vient voir : et il invite de tous côtés ceux avec qui il se trouve, d'adorer Dieu présent, leur en faisant faire en même-temps l'exercice. Les Pères Chartreux ont une coutume sainte, lorsqu'on les visite, ils commencent toujours la conversation par la prière, et se mettent à genoux. C'est ce qui était ordinaire parmi les premiers Chrétiens. Mais malheur à nous, qui avons dégénéré si lâchement de cette première ferveur !
Cet exercice de la présence de Dieu, fait que l'on s'acquitte saintement des bonnes actions, qui souvent se font avec une négligence lamentable. Il serait à désirer que l'on s'en servît au commencement des prières, et lorsque l'on récite l'Office au commencement de chaque heure. Certainement si on considérait bien la Majesté infinie de Dieu présent à qui l'on parle, on se donnerait bien de garde de le prier avec une telle précipitation de paroles, que l'on passerait pour ridicule si on parlait de la même manière à un valet. C'est ce qui arrive même en la célébration des Mystères divins ; et les enfants ou autres qui répondent particulièrement lorsque l'on récite les versets qui se disent immédiatement après le Confiteor, au commencement de la sainte Messe, ou au Kyrie, eleison, le font avec tant de vitesse, que les hérétiques en ont fait le sujet de leurs railleries. Ô ! si les Prêtres faisaient une sérieuse attention aux Mystères redoutables qui se passent en la sainte Messe, au grand Dieu des éternités qui se rend présent entre leurs mains, dans quels anéantissements ne seraient-ils pas ? Avec quels respects tous les peuples ne feraient-ils pas leurs prières ?
Les distractions involontaires, et qui ne sont pas causées par quelques attachements, ou par trop d'épanchement dans les choses extérieures, ne doivent pas embarrasser. Il faut donner le temps à ce qui est nécessaire dans l'ordre de Dieu, et ne négliger rien des obligations de son état. Mais il faut retrancher les occupations inutiles, et ne donner que le nécessaire à ce qui est de notre obligation. Il faut retirer son esprit de tous les embarras inutiles des créatures, qui sont cause que nous oublions le Créateur. Il faut ôter de son cœur toutes les affections qui en divertissent. Le trop de présence des créatures, nous prive de la présence de Dieu. Si nous veillions bien à retrancher les occupations qui ne sont pas nécessaires, nous trouverions du temps pour nous occuper des choses célestes. Se peut-on figurer un aveuglement plus étrange que celui de ces gens qui disent qu'ils ont trop d'affaires, et qu'ils n'ont pas le loisir de donner quelque heure pour méditer saintement sur leurs affaires éternelles. Ces gens ne trouvent-ils pas le temps de dormir, de boire et de manger, de faire des visites, et d'en recevoir, et de s'entretenir avec les hommes ?
Après tout, c'est un honneur si grand, que celui que Dieu nous fait de vouloir bien nous permettre, chétifs néants que nous sommes, de le regarder, et de l'entretenir, qu'il n'y a point de peine que nous ne devions souffrir avec joie pour avoir cette grâce. Ainsi, il sût porter avec patience et en paix l'importunité des distractions, l'ennui, et la privation du sentiment, et de toute consolation. Souvent il arrive que dans les commencements la présence de Dieu est plus sensible, et que dans la suite du temps les sens n'y ont point de part. Mais la foi nous doit suffire. Si l'on considère les peines que se donnent les Courtisans des Rois, et le plaisir qu'ils ont s'ils leurs disent quelque parole après avoir employé bien du temps à leur faire la cour, on verra très-clairement que tout ce que l'on souffre est très-peu de chose, dans l'exercice de la présence de Dieu.
Comme cette Majesté suprême est présente à toutes sortes de personnes sans aucune exception, il n'y en a point sans réserve qui ne doivent s'y appliquer, et les plus grands pécheurs même. Ce serait le grand moyen de se retirer de l'abîme de leurs vices, et d'obtenir des grâces singulières pour faire de dignes fruits de pénitence. Il faut pour ce sujet ménager quelque temps de retraite. Ceux qui vivent dans la campagne loin des embarras des Villes, en ont une heureuse occasion. Ô ! qu'il serait doux, se promenant dans quelque allée d'un jardin, d'un bois, ou en quelque autre lieu à l'écart, et éloigné des compagnies de la terre, de se souvenir de celle que l'on a des trois Personnes divines de la suradorable Trinité, et d'en faire un divin usage, se mettant à genoux lorsque l'on est seul, pour les adorer, et s'anéantir devant leur grandeur infinie.

(Dieu présent partout, par M. H-M Boudon)


Reportez-vous à Pratiques ou Actes de la présence de Dieu, Du Recueillement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'homme intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Dieu qui est présent partout demande de l'amour, Dieu qui est partout demande le respect extérieur, Dieu qui est partout, demande le respect intérieur, Dieu qui est partout demande que l'on se souvienne de sa divine présence, Dieu est partout avec toutes ses grandeurs, Dieu qui est partout, y est tout ce qu'il est, Dieu est présent partout, Fête de la Très-Sainte Trinité, Du Mystère de la très Sainte Trinité, Prière à la Très Sainte Trinité, Méditation sur la Très-Sainte Trinité : Au Nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, Instruction sur la Fête de la Très-Sainte Trinité, Méditation pour le Dimanche de la Sainte-Trinité, Le Dogme de l'unité de Dieu et de la Sainte TrinitéAveuglement de l'homme, Preuves directes de la Trinité et de la divinité du Saint-Esprit. Méditation sur la présence de DieuMéditation sur l'oubli de la présence de DieuMéditation sur l'attention continuelle à la présence de Dieu, De la présence de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et Acte de la présence de Dieu en l'honneur de Saint Joseph.