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jeudi 21 mars 2019

Méditation sur le Carême : Jésus ayant jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim ensuite



Extrait de "L'Esprit de l’Église dans le cours de l'année Chrétienne" :




Jésus ayant jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim ensuite. (Luc. 4)


1er Point.
Que votre Jeûne, ô mon Sauveur, est long et rigoureux ! et quel exemple pour une âme aussi lâche que la mienne ! Vous vous renfermez dans un désert pour y être réduit à toutes les abstinences, à toutes les privations, et pour m'apprendre que c'est loin du monde, dans la réparation de toutes les créatures, et dans la retraite qu'on trouve Dieu sans dissipations et sans distractions. Votre Jeune m'apprend que ce n'est pas assez de jeûner des viandes ordinaires, qui nourrissent le corps, si on ne jeûne encore de tout ce qui sert d'aliment à la cupidité et à l'amour-propre ; le jeûne des sens n'est rien sans le jeûne de l'esprit et du cœur.
Vous vous privez de tous les besoins de la vie, afin que je me défende de ceux que le goût et la sensualité ajoutent aux besoins indispensables de la nature. Vous êtes, quoiqu'innocent, le modèle le plus parfait de la pénitence, afin que, criminel que je suis, j'expie, par la mortification, mes faiblesses et mes misères ; que le corps, qui est l'instrument du péché, soit puni de l'avoir commis ; et que je lave dans les larmes de componction toutes les souillures de mon âme.
Mais la vraie pénitence n'est pas celle qui macère le corps ; mais c'est de soumettre ses passions, de réprimer ses désirs et son humeur, de réduire sa volonté, son jugement, son esprit, son imagination sous les lois de l'Évangile, et sous l'empire de la vertu ; et que ce qui nous a servi à l'iniquité devienne des moyens de recouvrer l'innocence.
Ô mon Dieu ! que les créatures se taisent pour moi, et que je me taise pour elles ; que mon âme se nourrisse dans le silence, en jeûnant de tous les vains discours ; que la nature, la vanité, la concupiscence, l'amour de moi-même ne fassent plus sur moi leurs impressions fatales ; que le péché meurt dans mon cœur, que la grâce y règne à jamais, et que je ne me nourrisse plus que de vous seul, et de la Croix de votre Fils mon Sauveur.

2e Point. Après un jeûne aussi long, aussi austère, Jésus eut faim ; non pas de cette faim seulement, qui prouve le besoin de réparer ses forces exténuées et défaillantes, mais de la faim de faire la volonté de son Père, parce que c'était sa nourriture, et d'accomplir son œuvre, pour lequel il était employé. C'était un désir empressé de réconcilier l'homme avec Dieu, et d'apaiser sa colère. Cette faim était d'instruire les Peuples par sa parole et par ses exemples. C'était la faim des ignominies, des souffrances, de répandre son Sang et de mourir sur la Croix par amour pour nous.
La faim qui doit suivre notre jeûne est de faire la volonté de Dieu dans l'état où sa Providence nous a placés, d'accomplir l'œuvre de notre salut. Il faut, après avoir jeûné de toutes les douceurs, de toutes les aises, de tous les plaisirs de la vie, être affamé des humiliations, des traverses, des souffrances qui guérissent les plaies qu'ils ont faites à notre âme, et qui nous préservent de leurs dangereuses réductions. Après nous être éloignés dans la retraite de toutes les occasions du péché, il faut que nous les évitions constamment, et que nous courrions sans relâche et sans écarts dans la voie de la perfection et de la sainteté ; il faut pour cela que nous soyons affamés de la justice, de toutes les vertus, et du Royaume de Dieu. Il faut, comme Jésus-Christ, dont les Anges s'approchèrent, et qu'ils servaient, que nous n'ayions plus de commerce ni de rapport qu'avec les Saints, afin de le devenir comme eux. Il faut que notre âme, après avoir jeûné, non pas seulement quarante jours, mais toute la vie, de tout ce qui est terrestre, de tout ce qui tient du monde, de tout ce qui peut être pour nous une occasion de chute et de relâchement, n'ait d'autre nourriture que la Manne céleste, que le Pain des forts, que l'Agneau de Dieu ; afin qu'elle ne soit plus défaillante, et qu'elle devienne assez courageuse, assez forte pour imiter la Vie pénible de Jésus-Christ, et le suivre jusqu'à la mort.



Conseil : Ce n'est pas votre balance qui doit vous annoncer la victoire au sortir du Carême. Ce n'est pas par votre perte de poids que vous pourrez juger si vous avez fait un bon Carême, mais par l'augmentation des vertus. Les pénitences corporelles que vous amorcez en début de Carême, doivent se poursuivre en dehors du Carême, afin que vous puissiez vous concentrer sur les mortifications spirituelles. Si ces quarante jours ne consistent qu'en des restrictions alimentaires, vous passerez à côté de votre Carême. Mortifiez votre corps toute l'année pour ne pas vous sentir submergé à l'arrivée du Carême, et oublier finalement le jeûne spirituel.



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