mardi 29 octobre 2019

De la nourriture du corps, par le R.-P. Jean-Joseph Surin


Extrait du Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, Tome II, par le R.P. Jean-Joseph Surin :




De la nourriture du corps




À quoi faut-il avoir égard en prenant ses repas ?

À trois choses, qui sont, la mortification, la discrétion et la dévotion.


Pourquoi et comment doit-on pratiquer la mortification ?

Parce que c'est le sentiment de tous les Saints, qu'on ne deviendra jamais spirituel si on n'use d'une grande réserve, pour éviter non seulement les excès de la gourmandise, mais encore un autre dérèglement moins grossier qui consiste à contenter son appétit, et à donner à son corps tout ce qu'il souhaite, sans aller au-delà des bornes de la tempérance. On remarque que les personnes vertueuses aiment l'abstinence, et qu'elles ont pour pratique de refuser toujours quelque chose à leur appétit. Ceux qui ne se modèrent pas assez dans les repas, et qui ne retranchent au désir de manger que ce qui peut nuire à la santé, se donneront beaucoup de peine pour acquérir peu de vertu, parce qu'il faut mortifier le corps pour en détruire les vices, et lui refuser ce qu'il demande pour n'en être pas dominé. Il y a des personnes qui s'accoutument à manger presqu'à toutes les heures du jour ; il est bien difficile qu'elles puissent prétendre à la dévotion. Il faut dans les repas réglés prendre ce qui est convenable, et s'en tenir là. Un Chrétien ne doit jamais oublier que le Riche de l'Évangile est blâmé particulièrement de ce qu'il faisait tous les jours des festins, et qu'il traitait trop bien son corps.


Comment est-ce que la discrétion doit avoir lieu dans l'usage de la nourriture ?

En ce qu'on doit avoir soin de ne point trop affaiblir le corps en le mortifiant, et qu'il faut lui accorder ce qui convient pour supporter le travail et les peines de son état. Plusieurs cherchant à se procurer les avantages de l'abstinence, s'y sont adonnés avec excès, et se sont affaiblis peu à peu, jusqu'à devenir languissants et à se rendre inutiles. C'est pour cela qu'on ne saurait trop demander à Dieu sa lumière pour découvrir le juste milieu, et pour empêcher que la mortification ne rende moins propre à la pratique des autres vertus plus nobles et plus utiles.
La discrétion qui prévient le mal, doit aussi le guérir quand il est fait. Un homme qui par son imprudence aurait gâté sa complexion devrait avoir recours à une nourriture plus abondante pour se rétablir ; il ne ferait rien en cela que de conforme à la volonté de Dieu. Ce qui pourrait en matière de nourriture passer pour excès ou délicatesse dans un autre, serait alors sagesse en lui, eu égard à l'extrême faiblesse dans laquelle il serait tombé à force de se mortifier. Le besoin pourrait être si grand, que ceux qui ne le connaîtraient pas seraient étrangement surpris de voir des hommes de vertu user de soulagements que les gens mortifiés n'ont pas coutume de prendre. Pour ne pas se scandaliser dans ces rencontres, il faut se souvenir qu'il y a certains cas où Dieu permet à ses serviteurs des choses que les lois ordinaires de la vertu semblent défendre. Quoique ce fût par indiscrétion que ceux dont nous parlons ici eussent épuisé leurs forces, cela n'empêcherait pas que la discrétion ne leur ordonnât de les réparer, parce que l'indiscrétion est une erreur que Dieu excuse, et qui n'est pas incompatible avec le désir de lui plaire qui les a portés à s'affaiblir de la sorte.


Comment peut-on pratiquer la dévotion en donnant au corps la nourriture ?

En faisant ce que dit S. Bonaventure, qui est de tremper chaque morceau dans le sang de J. C., ne voulant prendre de nourriture ni de force que pour lui, et dirigeant son intention à cette fin, que les aliments dont on use servent uniquement à nourrir et à augmenter l'amour qu'on a pour Dieu, afin que ceux qui vivent, dit S. Paul, ne vivent point désormais à eux-mêmes, mais à celui qui est mort et ressuscité pour eux. Rien n'est plus solide que cette dévotion, qui consiste à référer à Dieu tout ce qui vient de l'homme, et à faire toutes choses pour l'amour de Dieu, comme le même Apôtre nous y exhorte : soit que vous mangiez, soit que vous buviez, faites tout pour la gloire de Dieu.



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