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mardi 7 avril 2020

De la conduite de la jeunesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin


Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME I, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :




De la conduite de la jeunesse



À quoi faut-il avoir égard dans la conduite de la jeunesse ?


On doit se proposer pour fin de la porter à toute sorte de bien, et de la détourner de toute sorte de mal : ce qui demande différents soins, par rapport à trois sortes d'âges. Le premier est celui de la plus tendre enfance, depuis quatre ans jusqu'à huit. Le second comprend le reste de l'enfance jusqu'à quinze ou seize ans, lorsque la raison commence à se former et à se produire. Le troisième renferme depuis seize ans jusqu'à vingt, où la raison se fortifie.


Quels soins exige l'éducation des enfants dans le premier âge, c’est-à-dire, depuis quatre ans jusqu'à huit ?

C'est le temps de jeter en eux les premiers fondements de vertu : ce qui demande beaucoup de dextérité et de patience. Comme dans un âge si tendre ils ne sont pas capables de suivre d'autres mouvements que ceux de la nature, il importe extrêmement d'étudier leurs inclinations naissantes, pour les tourner au bien, et pour empêcher que leur propre penchant, ou le mauvais exemple ne leur fasse prendre des inclinations vicieuses. C'est de ces pernicieux exemples donnés aux enfants, que parlait Notre-Seigneur, lorsqu'il disait : Il serait plus avantageux à un homme, qu'on le jetât dans la mer, que de scandaliser un de ces petits. Il faut bien se donner de garde, sous prétexte qu'ils ne sont pas capables de péché, de leur rien permettre qui soit contraire à la Loi de Dieu, ou à la droite raison. Ceux, par exemple, qui pour apaiser les enfants font semblant de tirer quelque vengeance des personnes qui leur ont fait quelque déplaisir, les scandalisent véritablement, parce qu'ils favorisent, et qu'ils fortifient en eux le penchant naturel qu'ont tous les hommes à se venger. Ceux qui leur proposent des objets de vanité, et qui remplissent leurs jeunes esprits des idées de leur grandeur future, et de la considération où ils seront dans le monde, leur portent un grand préjudice ; parce qu'ils leur inspirent l'orgueil, qui coûte beaucoup à déraciner dans un âge avancé, lorsqu'il a commencé à croître avec l'homme dès ses plus tendres années.
On peut juger de là combien sont blâmables les pères et les mères qui débitent à leurs enfants les maximes du monde et de l'amour-propre, ou qui les voyant portés an bien, louent à l'excès leurs heureuses inclinations, ou qui souffrent que les jeunes filles ne soient pas modestement couvertes. Les parents véritablement chrétiens savent tenir un juste milieu, et inspirer à leurs enfants de l'horreur pour toute sorte de faste, de luxe et de vanité, sans négliger les instructions qui peuvent leur relever le courage et donner à leur esprit une noble élévation.


Quels soins doit-on prendre pour élever les enfants depuis huit ans jusqu'à seize ?

Il y en a trois principaux.


Quel est le premier ?

C'est de manier ces jeunes esprits avec beaucoup de douceur pour leur faire aimer le bien auquel on veut les porter. Il est nécessaire pour cela de leur laisser une honnête liberté de faire ce qu'ils veulent, excepté le mal qu'on ne doit jamais permettre, ayant soin de s'opposer fortement à ce qu'ils souhaitent contre la droite raison. Il est surtout important de trouver ce sage tempérament de douceur et de sévérité, qui fait qu'on n'excède jamais ni en démonstration d'amitié, ni en traitement rigoureux. On peut dire que de là dépend le succès d'une bonne éducation, et qu'une trop grande sévérité n'est pas moins opposée au profit des enfants, qu'une lâche et mole condescendance qui leur permet tout. Il ne faut employer la rigueur, que lorsqu'elle est nécessaire, et alors même il faut la proportionner à l'effet qu'on veut produire, qui est de leur donner une grande aversion pour le mal. Quand on passe ces bornes, on leur abat le courage ; on gâte leur naturel au lieu de le corriger, et ils perdent toute disposition à la vertu en devenant insensibles.


Quel est l'autre soin que demande ce second âge ?

C'est de les exercer à toutes sortes de vertus ; mais surtout à ces trois, qui sont, 1. l'obéissance : Il faut que ceux qui gouvernent les enfants exigent d'eux une exacte soumission, et qu'ils mettent souvent leur docilité à l'épreuve pour empêcher qu'ils ne deviennent volontaires. 2. La diligence à exécuter ce qu'on leur ordonne : on doit les tenir en exercice et prendre garde qu'ils aient toujours quelque occupation pour vaincre de bonne heure la paresse naturelle, qui est un des plus grands obstacles que les hommes aient à la vertu. 3. La pureté des mœurs, ne leur souffrant rien qui la choque, et apportant une vigilance singulière pour les maintenir dans leur première innocence.


Comment faut-il s'y prendre pour détourner les enfants du vice, et pour les affermir dans la vertu ?

Ne les confier qu'à des personnes sages et vertueuses ; leur procurer la compagnie des bons, et les éloigner de celle des méchants ; ne les laisser guère sans quelque témoin de leurs actions, imitant en cela leurs Anges Gardiens qui ne les abandonnent jamais.


Quel est le troisième soin qui convient à ce second âge de la jeunesse ?

C'est la culture de l'esprit qu'il faut orner de belles connaissances, non seulement en matière de mœurs, mais encore par rapport aux Lettres, aux Arts libéraux ou mécaniques, selon la condition et la portée des enfants. C'est ainsi qu'en leur faisant éviter l'oisiveté, on les aide à passer saintement leur vie ?


Qu'y a-t-il à observer pour la conduite de la jeunesse depuis quinze à seize ans jusqu'à vingt ?

Comme c'est à cet âge que la raison commençant à se fortifier, l'homme est capable de quelque vertu solide, il faut profiter des bonnes dispositions qu'on remarque dans les jeunes gens, pour jeter en eux les fondements de la véritable sagesse, qui consiste dans la sainteté. Ces fondements sont la crainte de Dieu et une grande horreur du péché ; il faut leur faire connaître les occasions d'offenser Dieu qui se présenteront à eux durant tout le cours de leur vie, et les instruire des moyens qu'ils doivent prendre pour les éviter. Il faut les affermir dans une généreuse résolution de fuir jusqu'à l'ombre du mal, et les bien pénétrer de cette vérité divine que la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. (Eccl. 1, 6) Que ceux donc qui sont chargés de la conduite des jeunes gens tâchent par leurs entretiens, et par de fréquentes réflexions suggérées à propos, d'imprimer fortement dans leur esprit la pensée de la dernière fin de l'homme, de la mort, de l'éternité, de la fragilité de la vie, et qu'ils n'oublient rien pour les engager à méditer eux-mêmes en particulier sur ces grandes vérités, qui sont l'unique fondement solide sur lequel on puisse bâtir l'édifice de la perfection chrétienne.
Un des plus grands services qu'on puisse rendre aux jeunes gens, est de les aider dans le choix qu'ils doivent faire d'un état de vie. Comme c'est ordinairement à l'âge dont nous parlons que Dieu fait connaître aux hommes sa volonté sur les différentes conditions qu'ils peuvent embrasser, et que la plupart ne savent ce que c'est que la Profession Religieuse, il est important de leur en faire connaître les avantages et la sûreté qu'on y trouve, afin que s'il plaît à Dieu de les y appeler, ils aient de quoi se défendre contre l'amour du monde, des plaisirs et des grandeurs de la terre qui empêchent une infinité de personnes de suivre la vocation de Dieu.
Un autre service bien important qu'on peut rendre aux jeunes gens de cet âge, c'est de leur persuader de s'abandonner à la conduite d'un sage Directeur qui les engagera à la pratique de l'abnégation évangélique et de la perfection chrétienne, parce que si on renvoie cette entreprise à un âge plus avancé, elle sera beaucoup plus difficile ; outre que le S. Esprit nous apprend que les vertus acquises dans la jeunesse ont un grand avantage sur les autres. C'est par douceur et par des manières insinuantes qu'il faut les engager à une profession ouverte de la vie spirituelle, et faire en sorte qu'ils ne se contentent pas d'ébaucher l'ouvrage de leur perfection, mais qu'ils embrassent la vertu jusqu'à la regarder comme leur trésor et leur partage, et à pouvoir dire avec le Prophète, le Seigneur est la part qui m'est échue en héritage (Ps. 15, 5). Comme le malheur des jeunes gens est d'abandonner les plus saintes entreprises avec la même facilité qu'ils les commencent, et de rouler dans cette instabilité jusqu'à trente ou quarante ans ; c'est tout gagner que de les fixer de bonne heure à la pratique du bien.



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