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dimanche 13 septembre 2020

C'est en tout temps qu'on a invoqué dans l'Église les Anges et les Martyrs

 

Abraham servant les trois Anges

C'est en tout temps qu'on a invoqué dans l'Église les Anges et les Martyrs. Cette Épouse de Jésus-Christ si sage et si prudente, éclairée par les divins Oracles, et conduite par le Saint-Esprit, ne pouvait ignorer les intentions de son divin Époux, et les services qu'elle pouvait espérer de leur protection auprès de lui. Une pratique si universellement et si anciennement établie dans l'Église Catholique, et qui ne doit ses commencements à aucun Concile, ni à aucune Assemblée Ecclésiastique, ne peut être rapportée, quant à son origine, qu'au temps des Apôtres, suivant cette règle de saint Augustin, qui est, qu'un usage généralement observé par toute l'Église, et dont on ne peut trouver l'établissement dans aucun Concile, vient indubitablement des Apôtres qui l'ont enseigné de vive voix (Lib. 4. de Baptisme contrà Donatistas, cap. 24).
Il est vrai que dans les premiers siècles de l'Église il était plus rare d'honorer d'un culte particulier les Anges, de peur de donner sujet aux Païens, d'accuser les Chrétiens d'idolâtrie, s'ils avaient pu dire qu'ils ne différaient en rien d'eux, en honorant, comme ils faisaient, des divinités subalternes sous le nom des Anges ; ce qu'ils ne pouvaient pas dire de même en leur voyant honorer les Martyrs, sachant qu'ils ne les honoraient qu'à cause de leur mort ; et parce qu'ils avaient donné leur vie pour la ruine de l'idolâtrie. D'ailleurs, une pratique de piété peut être plus ou moins éclatante dans l'Église, moins dans un siècle que dans un autre. L'Esprit de Jésus-Christ qui règle les mouvements des membres de son Église, leur inspire toujours l'approbation des mêmes choses, parce que la vérité est invariable ; mais il ne les applique pas toujours également aux mêmes pratiques, rendant certaines actions de piété plus fréquentes en un temps qu'en un autre. Ainsi, lorsque la Religion chrétienne étant favorisée des Empereurs convertis à la foi n'eut plus à craindre les calomnies des Païens ; elle commença d'honorer les Anges, et les Saints qui n'ayant pas souffert le martyre pour Jésus-Christ n'en étaient pas moins dignes de respect pour avoir passé leur vie dans les pratiques de la pénitence.
On ne peut douter que le culte des Anges ne soit très-ancien parmi les Juifs. Je parle de ce culte qui consiste à les honorer, à leur adresser des prières comme à ceux d'entre les Ministres du Seigneur qui sont les Médiateurs entre lui et nous ; culte, dis-je, qui consiste à leur donner des preuves de notre reconnaissance et de notre profonde vénération. Moïse et Josué se déchaussent par respect en présence d'un Ange qui apparaît, à l'un dans le buisson ardent (Exod. 3, 5), et à l'autre dans la campagne de Jéricho (Josué 5, 13-14). Abraham se prosterne devant ceux qu'il reçoit dans sa tente (Genes. 15, 2), et Daniel devant celui qui se présente à lui sur le Tigre (Daniel 10, 5-6). Moïse ordonne aux Israélites de craindre, et d'honorer l'Ange que le Seigneur leur donne pour les conduire (Exod. 13, 20). Jacob prie avec larmes celui contre qui il avait lutté, de lui accorder sa bénédiction (Genes. 22, 36). Flevit et rogavit eum (Osée 12, 4). Étant au lit de la mort, il prie l'Ange qui l'a toujours conduit et protégé de bénir ses petit-fils, Éphraïm et Manassé (Genes. 48, 16). L'Ange dit à Loth (Genes. 19, 21) : Voici que j'ai reçu vos prières par lesquelles vous avez demandé que votre ville ne fût point détruite. Si cet Ange a admis les prières de Loth, il les lui avait donc adressées. Et si l'Ange lui a promis qu'il ne renverserait pas Sodome, Loth le lui avait donc demandé ? Philon (L. de Gigantibus), Auteur Juif, et Historien célèbre, parle des Anges comme des Entremetteurs et des Médiateurs entre Dieu et les hommes ; ce sont eux en effet, qui leur portent les faveurs et les grâces de Dieu, et qui lui représentent leurs besoins : ils sont comme les yeux et les oreilles du Tout-puissant qui voient tout, et qui écoutent tout, qui portent aux hommes les Commandements de Dieu, et qui rapportent à Dieu les prières des hommes. L'Église chrétienne a imité la piété de la Synagogue envers les Anges, comme elle a imité sa foi sur leur existence, et sur les secours que nous en recevons. Elle a toujours cru qu'ils offraient à Dieu nos prières.
L'invocation des Anges pratiquée dans l'ancien Testament, non-seulement n'est point défendue dans le Nouveau, mais elle s'y trouve marquée assez expressément dans l'Apocalypse (Chap. I, V, 4), où la grâce et la paix sont demandées par l'Apôtre saint Jean à Dieu par l'entremise des sept Esprits. La grâce et la paix vous soient données par Celui qui est, qui était, et qui doit venir, et par les sept Esprits qui sont devant son Trône, toujours prêts à exécuter ses ordres. Celui qui veut attirer la grâce sur les Fidèles en interposant le crédit des sept Anges, les invoque certainement pour qu'ils demandent à Dieu le bien qu'il leur souhaite.
Quant aux Pères de l'Église qui forment la chaîne de la tradition, en défendant contre les ennemis de notre Religion le culte et le respect qu'on rendait aux Saints, ils ont en même temps défendu celui qui est dû aux Anges. Nous rapporterons ici le témoignage de quelques-uns des plus anciens. Dans les lettres écrites à saint Cyprien, on en trouve une de Nemesien, Évêque en Numidie (Epist. 77. inter Cypr.), où se recommandant à ses prières ; il dit : « Assistons-nous les uns les autres par nos prières, et demandons à Dieu, à Jésus-Christ, et aux Anges, comme vous le dites fort bien, qu'ils nous aident dans toutes nos actions. » Il croyait donc que leur protection pouvait être utile pour se bien conduire. Tertullien en réprouvant la superstition des Païens qui invoquaient une Déesse qu'ils appelaient Allemone, parce qu'elle présidait, disaient-ils, à la formation et à la nourriture des enfants dans le ventre de leur mère, attribue aux Anges de rendre ces bons offices aux Chrétiens (Lib. de anima cap. 37. p. 30). On sait assez en quel sens Origène dit qu'il ne faut prier que Dieu, n'invoquer que Dieu ; il le disait par rapport à la manière dont Celse voulait qu'on invoquât et qu'on priât les Anges et les démons en leur offrant des sacrifices, en les faisant auteurs des biens qu'on leur demandait ; car pour ce qui est de la prière et de l'invocation, telle qu'elle est pratiquée dans l'Église, Origène était si éloigné de la condamner, qu'il adresse lui-même sa prière à l'Ange Gardien d'un bon vieillard qu'on allait baptiser : Venez Ange de Dieu, lui dit-il (Hom. I. in Ezech. tom. 2), recevez celui que la prédication de l'Évangile a retiré de son ancienne erreur, de la doctrine des démons, et de l'iniquité : Recevez-le comme un bon Médecin : prenez-en soin, et apprenez-lui à bien vivre. Saint Ambroise, qui aux erreurs près qu'il condamne dans Origène faisait tant de cas de ses écrits, qu'il semble les avoir copiés ou abrégés en plusieurs endroits ; dit, conformément à sa doctrine, dans ce que l'on vient de citer de lui, qu'il faut prier et invoquer les Anges (L. de Viduis c. 9. tom. I. édit. Paris. p. 200). Notre infirmité, dit aussi saint Hilaire, a besoin de leur intercession (S. Hil. in Psal. 129. II. 7). La piété de l'Empereur Constantin, qui le porta à bâtir dans Constantinople tant de belles Églises, fit qu'il en éleva une des plus célèbres et des plus fréquentées, qui s'appela, Michaëlium ; on l'a ainsi nommée au rapport de Sozomène (Sozom. lib. 2. cap. 3), parce que l'on croyait que l'Archange saint Michel y avait apparu. Je puis rendre témoignage, ajoute cet Auteur, des bienfaits que j'ai reçus par son intercession, et la vérité de ce que j'en assure sera confirmée par l'expérience de plusieurs personnes. Il rapporte ensuite en particulier quelques guérisons opérées dans ce temple, n'ayant pu, dit-il, raconter tous les miracles qui ont été faits dans cette Église. Il y avait aussi en Phrygie, selon Theodoret, nombre d'Oratoires dédiées à saint Michel. On verra dans l'une des Méditations (p. 210), une belle invocation des Anges faite par Victor d'Utique en l'an quatre cent quatre-vingt-huit, où il écrivait son histoire de la persécution des Vandales.
Il paraît superflu de pousser plus loin la tradition sur l'invocation des Anges et des Saints, dont les témoignages sont si authentiques et si fréquents depuis le quatrième siècle ; outre que la pratique présente de l'Église est un sûr garant de la légitimité du culte qu'elle leur accorde.
Il serait inutile d'objecter contre cet usage de la sainte Église, qu'un Ange dans l'Apocalypse refuse l'honneur que saint Jean voulait lui rendre en l'adorant : Gardez-vous bien de faire cela, lui dit l'Ange, car je suis votre conserviteur et celui des Prophètes vos frères : Rendez vos adorations à Dieu seul (Apoc. cap. 22. n. 8. 9). Il ne le refuse que parce que l'Apôtre voulait lui rendre le culte de latrie, croyant que ce fût le Fils de Dieu. Le Concile de Laodicée, cité par Théodoret, qui défend de quitter l'Église pour invoquer les Anges et faire des assemblées particulières, n'est que contre ceux qui préfèrent la médiation des Anges à celle du Sauveur ; il ne condamne que ceux qui laissent Jésus-Christ pour s'attacher par une espèce d'idolâtrie, aux Anges (Derelinquens Dominum nostrum Jesum Christum Filium Dei accessit ad idola) ou qui, comme il est dit dans le premier livre des Capitulaires de Charlemagne (In Concilio Laodicensi pracipitur ut ignota Angelorum nomina nec singantur, nec nominntur nisi illorum quos habemus in autoritate. Hi sunt Michaël, Gabriël, Raphaël. capitulanium lib. I. cap. 16. pag. 707), imposeraient des noms de magie aux Anges, et les invoqueraient pour en faire. C'est pourquoi le Canon qui suit dans le Concile parle de magie. Laodicée était la capitale de Phrygie qui n'était pas éloignée de Colosse. Le Concile n'aura donc défendu que ce que saint Paul avait défendu lui-même dans son Épître aux Colossiens, chap. 2. V. 18. que nul ne vous ravisse le prix de votre course, dit l'Apôtre, en affectant de paraître humble, par un culte superstitieux des Anges. Il veut marquer, dit Dom Calmet sur cet endroit de l'Épître, que ceux contre qui il parle se mêlaient de donner des noms aux Anges, de les distribuer par classe comme s'ils avaient vécu dans le Ciel : quoe non vidit ambulans, marchant par une route qui lui est inconnue, ou bien se mêlant de parler de choses qu'il ne sait point, dit saint Paul. Il est certain qu'il y a eu un culte superstitieux des Anges dans les premiers siècles. Tertullien assure que Simon et Cerinthe préféraient la médiation des Anges à celle de Jésus-Christ (Lib. de praeserip. cap. 43) : et saint Jérôme soutient, qu'ils juraient non seulement par le Ciel, mais aussi par les Anges (Sanctus Hieron. in cap. 5. Matrh. et quaest. 10. ad Algasiam). Saint Épiphane a reconnu qu'il y avait eu des Hérétiques dont l'hérésie n'avait pas fait de grand progrès, qui attribuaient aux Anges la création du monde (S. Epiph. lib. 2. de haeresibus tom. I. p. 505. haeresi. 60). Saint Augustin fait mention d'eux sous le nom d'Angeliques ; et attribue aussi aux Gnostiques d'avoir imaginé sur les Anges des dogmes fabuleux pour tromper et séduire les âmes (S. August. tom. 6. de haeresib. haeresi 39 et 6. p. 7 et 5 tom. 6. edit. Lovan.). C'est contre de pareils Hérétiques, ou des Philosophes Platoniciens qui mettaient les Anges au rang des Dieux du second ordre, et qui élevaient les Anges au-dessus de Notre-Seigneur même, parce qu'étant de purs Esprits ils étaient d'une nature supérieure à la nôtre, que saint Paul s'élève : ils ne reconnaissaient pas le Fils de Dieu pour Chef des Anges et des hommes, comme l'insinue cet Apôtre au verset suivant. Non tenentes Caput. C'est pour cela que dans l'Épître aux Hébreux, il élève si fort Jésus-Christ au-dessus des Anges.
Nous sommes (grâces à Dieu) bien éloignés des sentiments des Hérétiques dont on vient de parler, car nous reconnaissons les Anges pour de pures créatures, soumises aux ordres du Fils de Dieu, qui mérite seul nos adorations, étant Dieu lui-même de même nature que son Père ; mais cela n'empêche pas qu'on ne doive honorer les Anges, quoique d'un culte infiniment au-dessous de Dieu, soit à cause de l'excellence de leur nature, de leur éminente sainteté, de la dignité de leurs emplois, soit à cause des grands services qu'ils rendent aux hommes.
Au reste si l'ancien et sublime écrivain qui a composé un traité de la Hiérarchie céleste, et que l'on cite ordinairement sous le nom de saint Denis, quoique l'on n'ait point encore bien résolu le problème, si c'est saint Denis Aréopagite qui en est l'Auteur, ou si c'est seulement un Père du troisième siècle ; si, dis-je, ce génie également supérieur et profond, que saint Jean Chrysostome appelle l'Oiseau du ciel, Volucris, coeli, et saint Jean Damascène le plus grand des Théologiens, en commençant d'entrer en matière, demande à Jésus-Christ qu'il soit son guide et son conducteur, pour lui inspirer ce qu'il doit mettre par écrit ; combien avons-nous plus de sujet de demander au Fils de Dieu des lumières assez vives pour traiter d'un sujet aussi élevé que celui où l'on parle des perfections Angéliques ? Disons-le donc avec lui. Sit dux Verbi Christus, (si mihi dicere liceat) meus, qui de tantâ re quid dicere debeamus, inspiret. Est enim ipse totius scientioe sfons, coelestisque afflatûs indultor. Pour vous, ô Chrétiens, recevez en esprit de religion ce que les saintes Écritures nous apprennent sur une si belle manière : en écoutant des choses divines ; cachez-les dans le plus intime de votre cœur, puisqu'elles sont capables de vous unir à Dieu très-étroitement : conservez pure cette doctrine, en vous séparant de cette multitude profane qui ne comprend pas les choses de Dieu. Tu autem, ô fili, justà quod sancit nostra piissima et Sacro-sancta traditio, et ipsa quoe sancta dicuntur, congruâ suscipe pietate, ac divina dicendo, divinus efficere, et sancta mentis recessibus condens, ea ut eximia, et conjungendi nos Deo vim habentia singularem, à prophanâ multitudine inviolata custodi (L. coelesti Hierarchià de cap. 2. sub finem).


(Extrait de La dévotion aux Saints Anges, particulièrement aux Anges Gardiens, réduite en méditations)


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