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vendredi 24 juillet 2020

Quelles sont les causes dispositives et applicatives du malin esprit au corps de l'Énergumène ?


Saint Ignace délivrant un jeune possédé


I. Ce mal si étrange arrive aucunefois à raison du seul péché originel.
Et aucunefois pour les péchés actuels, ceux mêmes qu'on estime légers.
Un saint personnage à sa propre requête, fut mis en la possession de Satan, pour un mouvement de vanité.


II.
Il ne faut pas trouver étrange qu'un péché soit puni d'un si grand tourment.
Et même un péché léger ; car en la balance divine, une légère faute pèse plus qu'une griève peine.


III. Ce mal arrive quelquefois sans aucun sujet apparent en la personne ; comme aux petits enfants baptisés.
Combien que ce mal arrive sans aucun sujet en la personne des petits enfants après le Baptême : ce n'est pas néanmoins sans aucun sujet au regard de leur Nature, tributaire à l'ennemi depuis la chute d'Adam.


IV. Comme ce mal a diverses causes dispositives, aussi en a-t-il diverses applicatives.
Aucunefois Dieu même expédie à Satan pouvoir sur la personne.
Le châtiment de Nabuchodonosor, selon quelques Auteurs, fut une espèce de possession maligne.


V. Autrefois c'est un saint Personnage qui livre le pécheur à Satan : comme fit S. Paul au regard du Corinthien incestueux, et des deux Hérésiarques Hymenée et Alexandre.

VI. Assez souvent ce sont les Magiciens et les Sorciers. Comme en l'Église Chrétienne, le S. Esprit est donné à l'homme par l'homme : ainsi Satan, singe de Dieu, se plaît à voir qu'en son État, les malins esprits soient appliqués aux hommes par le moyen des hommes.



Parce que le droit duquel nous venons de parler, et qui est le point constitutif de la possession, n'est point appuyé en la nature : Il a pour supplément deux causes, dont l'une est morale, l'autre réelle ; l'une est de la part de l'homme qui est possédé, l'autre de la part de Satan qui possède ; l'une est le sujet qui donne entrée au malin esprit, et l'autre est la cause instrumentale qui l'applique. Voyons quelque particularité de l'une et de l'autre : et observons quant à la première,
QUE comme dans les maladies ordinaires, les unes viennent d'une indisposition héréditaire, les autres des excès du malade, et quelques-unes par la condition de notre nature, sans que la personne y ait donné aucun sujet : Ainsi ce mal étrange et extraordinaire arrive quelquefois à raison de la coulpe originelle, non encore effacée par le Baptême, dont on peut voir une histoire en Beda : quelquefois en punition des péchés actuels, comme en cette fille que Prosper raconte avoir été possédée d'un esprit immonde, pour un regard impudique jeté sur l'image de Venus ; et comme cette Dame Romaine de laquelle Tertulien écrit : Theatrum adiit et inde cum doemonio rediit. Itaque in exorcismo cum oneraretur immundus spiritus quod ausus esset fidelem aggredi : Constanter et iustissimè feci (inquit) in meo eam inveni. Même Cassian observe que les plus légers excès jettent aucunefois l'homme en l'accès de ce mal furieux : Corporaliter traditos Satanoe et viros sanctos novimus pro levissimis delictis, cum in illis ne tenuissimum quidem noevum in illo iudicy die patitur invenire divina clementia, omnem cordis corum scoriam secundum Prophetoe, imo Dei sententiam, excoquens in presenti : et lui-même en allègue un exemple d'un saint Personnage de son siècle possédé d'un esprit malin et furieux, pour une rude parole qu'il avait prononcée. Et un Auteur plus grave et ancien que lui en rapporte une histoire bien mémorable, d'un homme de rare vertu (Sulpitius Severus. I Dial. c. 14), d'abstinence miraculeuse, de recommandation singulière envers les premiers Prélats de l'Église, et de pouvoir grand envers les démons, qui à sa propre requête fut mis en la possession de Satan, pour un mouvement de Vanité qu'il avait senti et non accepté. Je la représenterai plus dignement par ses paroles que par les miennes. Sancto viro (dit Sulpitius Severus) ut ex virtute honor, ita ex honore vanitas coepit obrepere. Quod malum ille ubi primùm sensit, diu multùm que discutere conatus est : sed repelli penitùs vel tacita conscientia vanitas perseverante virtute non potuit. Ubique nomen eius doemones fatebantur : excludere à se confluentium populos no valebat : virus interim latens serpebat in pectore, et cuius nutu ex aliorum corporibus doemones fugabantur, seipsum occultis cogitationibus vanitatis purgare non poterat. Totis igitur precibus conversus ad dominum fertur orasse, ut permissa in se mensibus quinque, diaboli potestate, similis his fieret quos ipse curaver at. Quid multis morer ? Ille prepotens, ille qui signis et virtutibus toto Oricte vulgatus, ille ad cuius limina populi ante confluxerant, ad cuius feres summa istius soeculi se prostraver at Potestates, correptus à demone est, tentus in vinculi, omnia illa quoe Energumeni solent ferre, perpessus. Quinto demum mense purgatus est non tantum doemone, sed quod illierat utilius et optatius, Vanitate. C'est cette considération à mon avis qui a fait tenir à S. Augustin ce langage : Quid dicam de his qui doemonu patiuntur incursus ? Quis confidit hoc malum evenire non posse sapienti in hac vita ? parce que les plus accomplis sont sujets à ces fautes légères, et les plus élevés ne sont pas hors des atteintes de la Vanité, qui naît de leur même Vertu.

Or le sentiment du Paganisme étant arrivé jusque-là d'estimer que ceux desquels la conscience est opprimée sous la pesanteur de plusieurs faits énormes, ont en eux des géhennes, des supplices, voire des enfers mêmes, que l'art des Poètes représentait sous un voile, feignant et peignant des furies avec leurs torches allumées, avec leurs fléaux, et avec leurs cheveux de serpents, tenir dès ce monde comme une espèce de garnison en eux : la lumière du Christianisme comme plus entière et parfaite conduit plus outre, et apprend qu'un seul péché qui démérite l'enfer, peut bien démériter cette vengeance temporelle. Et si elle est élevée par la considération des sévères jugements de Dieu, elle acquiescera sans difficulté, quand même les fautes légères provoquent cet éclat de la fureur de Dieu, selon les histoires que nous venons de proposer. Que si le sens humain y trouve à redire ; et s'il lui semble qu'un tel tourment qui est l'image de l'enfer, et une espèce de torture extraordinaire, est réservé par un juste Juge aux plus énormes crimes : Qu'il sache avant que l'éprouver hors l'état de cette vie, que le jugement de Dieu est bien différent du notre ; que ce que nous estimons léger, est de grand poids en la balance divine, en laquelle pèse plus une légère faute, qu'une griève peine.

Que même ce Juge souverain fait plus, ordonnât aucunes-fois que cette géhenne soit appliquée sans sujet préalable en la personne, comme aux petits enfants. Chose étrange ! mais non sans preuve, et dans l’Écriture, et dans les Pères : Car le lunatique au rapport de S. Marc est possédé dès son enfance : Et à ce propos saint Augustin se plaint de la condition humaine après le péché : Grave iugum super filios Adam à die exitus de ventre matris eorum usque in diem sepulturoe, usque adeo impleri necesse est, ut ipsi paruuli per lavacrù regenerationis ab originalis peccati, quo solo tenebantur, vinculo soluti, mala multa patientes NON NULLI etiam INCURSUS SPIRITUUM malignorum aliquando patiantur. Et avant lui S. Jérôme s'écrie : Quoe causa est ut soepè bimuli, trimulive uber a materna lactates, à DAEMONIO corripiatur ? Invisibilia hoec inscrutabili altissimi iudicio sunt relinquenda.
Car il n'en apparaît point de sujet en leur PERSONNE exempte de péché actuel par la bassesse de leur âge, et purgée de l'originel par les remèdes du salut. Toutefois ce n'est pas sans quelque sujet au regard de leur NATURE, laquelle est tributaire à l'ennemi, depuis qu'il la tira hors du Paradis terrestre, jusqu'à ce qu'elle soit établie dans le Ciel, n'y ayant que la vive splendeur de la gloire qui éteigne du tout les scintilles de la servitude. Car le Libérateur nous donne bien ici l'espérance, mais non la possession d'une pleine liberté ; et comme il lui a plu laisser en la nature l'aiguillon du péché, aussi a-t-il voulu en laisser la peine, l'un comme cicatrice de la première plaie, et l'autre comme relique de l'ancienne servitude. Dont l'ennemi tire le tribut, tantôt par le moyen des causes naturelles qui nous affligent, et tantôt par lui-même qui nous tourmente, soit au-dehors comme Job, soit au-dedans comme Saül. Et encore que nous soyons pupiles et en bas âge, si a-t-il le droit d'exiger sur nous ces intérêts de dette que le Père commun a créée par le passé pour toute sa postérité.

CHACUNE donc de ces vexations diaboliques à quelque sujet, ou en la Nature, ou en la Personne, lequel donne entrée au malin esprit : Et chacune aussi a quelque cause particulière qui l'applique immédiatement à ce corps. Quelquefois c'est Dieu même qui expédie à Satan le pouvoir sur la personne, comme jadis sur Job affligé en son corps aussi bien que l'Énergumène, et de la main d'un même bourreau ; et comme il dénonça et appliqua lui-même le châtiment à ce grand Roi de Chaldée, lorsque pour un mouvement orgueilleux, il le punit d'un mal si extraordinaire, dépeint en Daniel. Châtiment que je rapporte d'autant plus volontiers qu'Épiphane et un Auteur moderne le réfèrent à une espèce de possession du malin esprit, altérant le tempérament de ce Prince, et transformant son discernement naturel. Et non sans quelque apparence, puisque c'est un mal le plus approchant de celui des Énergumènes, qu'aucun autre qui soit dans le ressort et de la nature, et de la permission actuelle de Dieu. Car l'Écriture même nous spécifie en particulier qu'il a été destitué de son sens, en cette parole de reconnaissance, Sensus meus redditus est mihi, et privé de la forme et figure humaine, par conséquence semblable de ce Texte qui suit, Figura mea ad me reversa est. Et généralement elle nous le représente plus sauvage, que les plus furieux démoniaques de l'Évangile qui habitaient dans les Sépulcres ; plus aliéné de la condition humaine, que beaucoup de possédés qui ont bien le discernement naturel saisi et occupé, mais non pas transformé en un discernement bestial, comme Nabuchodonosor qui a été fait semblable aux bêtes, et quant au tempérament et quant à la figure, et quant au sens naturel : Et en somme plus misérable que les Énergumènes qui ont des intervalles en leur malheur, au lieu que ce grand Prince est affligé d'un mal qui étant si extraordinaire, est continu par un si long espace d'années (Septem teporamutabuntur super te, dit Daniel à Nabucodonosor, c. 4. Idest septe anni secundùm omnes fere Christianes et Hebraes interpretes).

Autrefois ce sera quelque saint Personnage, lequel aura livré le pécheur à Satan, comme saint Paul livra l'Incestueux selon l'Épitre aux Corinthiens, en deux mots de laquelle les deux points constitutifs de la possession sont marqués, à savoir le droit de la résidence que l'esprit malin acquiert sur la personne, exprimé en ce terme, Tradidi illum Satana : et l'altération ou vexation qui la suit, insinué en l'autre, In interitum carnis : Et comme le même livra les deux Hérésiarques, Hymenée et Alexandre, afin dit-il, qu'ils apprennent à ne plus blasphémer. À quoi le seul retranchement spirituel, c'est-à-dire l'excommunication n'eut pas beaucoup servi (envers eux spécialement qui d'eux-mêmes se retranchaient du corps de l'Église, et se faisaient chefs de part) sans cette peine honteuse, visible et manifeste, laquelle a fait dire à saint Chrysostome, Que les Apôtres se servaient des démons comme des bourreaux pour châtier et amender les pécheurs.

Quelquefois ce seront les Magiciens, lesquels comme ils se servent des esprits malins pour endommager l'homme, tantôt en ses biens, ainsi qu'il apprend en la Loi ancienne des douze Tables. In eos qui messes excantassent, tantôt en l'usage de la raison, ainsi que suppose ce Canon inféré dans le recueil de saint Yves : Malefici vel Incantatores, vel Immissores tempestatum, vel qui per invocationem doemonum MENTES hominum perturbant, Anathematizati abyciantur.
Et ce vers de l'AEneide.
Hoec se carminibus promittit solvere mentes.
Tantôt en lui faisant perdre la vie par des ensorcellements, comme l'expérience nous fait voir ; Et comme témoigne ce Canon d'un ancien Concile : Si quis MALEFICIO interficiat aliquem, eo quod sine idololatria perficere non potuit scelus ; nec in fine impartiendam illi esse Communionem.
Ainsi les emploient-ils quelquefois à tourmenter par une possession, comme plusieurs histoires apprennent ; et entre autres, deux racontées par S. Jérôme, et toutes deux référées par la confession même des démons aux Magiciens, l'un desquels pour abuser d'une fille, tormenta quoedam verborum et portentosas figuras sculptas in oeris cyprÿ lamina, defôdit. Dont étant possédée, en l'effort de l'exorcisme, vlulat et confitetur doemon : vim sustinus, inuitus abductus sum, ô cruces, ô tormenta que patior ! exire me cogis, et ligatus subter limenteneor. Non exce, nisi me adolesces qui tenel, dimiserit. Et un même esprit possédant le favori de l'Empereur Constance dès son bas âge, confesse devant Hilarion. Quo in eum intrasset ordine, multasque incantationum occasiones, et magicarum artium necessitates obtendebat. Je remarque une pareille confession extorquée du démon en la torture de l'exorcisme, dont le rapport est fait au long par Theodoret Auteur grave et ancien. Et en faveur de ceux qui donnent plus de temps à lire les Auteurs profanes, qu'à voir les divins ouvrages de nos Saints Pères, j'adjoindrai à ces deux témoins Ecclésiastiques, Un moderne, grand en sa profession, célèbre en ses écrits, qui en rapporte deux histoires mémorables, arrivées en son temps, desquelles l'une est d'un Gentilhomme de marque lequel il traita longuement selon les règles de son Art, jusqu'à ce qu'enfin le démon se manifesta et déclara se in hoc corpus iniectum à quodam. Dont il conclut non solùm morbos, verùm etiam doemonas, scelerati homines immittunt.
CES histoires recueillies de témoins assurés, font que je trouve moins étrange ce que dit Anstasius Nicaenus de Simon Magus qu'il avait le pouvoir de livrer à Satan ceux qui le nommaient Imposteur, au cas qu'il peut entrer en conversation avec eux, et user de ses sortilèges. Joint que d'ailleurs il y a de l'apparence, que comme l'Église Chrétienne le Saint-Esprit est donné à l'homme par le moyen des hommes : Ainsi Satan, Singe de Dieu, Chef de cette sienne milice des Magiciens, se complait à voir en son État que les malins esprits soient appliqués aux hommes, par le moyen des hommes.


Extrait de Traité des Énergumènes par l'Illustrissime et Révérendissime Cardinal De Berulle, Instituteur et premier Supérieur  Général de la Congrégation de l'Oratoire de Jésus.


Reportez-vous à Quel est le Dessein de Satan envers celui qu'il possèdeQuelle est la Qualité précise de cette vexation du malin esprit, Que la Misère est grande de l'homme possédé de Satan, qui livre un combat furieux à son Âme, et donne un tourment extrême à son Corps, Que cette sorte de Communication, en laquelle Satan s'incorpore dedans l'homme, est fréquente, même depuis le Mystère de l'incarnation, Que Satan communique avec l'homme depuis l'état du péché, et jusqu'où arrive cette communication, Les possessions démoniaques sont rares uniquement pour ceux qui ne combattent pas le démon, De la conduite qu'il faut tenir à l'égard des Énergumènes, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, SCIENCE EXPÉRIMENTALE DES CHOSES DE L'AUTRE VIE, Acquise par le Père Jean-Joseph Surin, Exorciste des Religieuses Ursulines de Loudun, Des opérations malignes, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (1/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (2/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (3/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (4/4), Réflexions sur la nature et les forces des Démons, et sur l'économie du Royaume des ténèbres, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Amour du Père Surin pour tout ce que Notre-Seigneur a aimé, et premièrement de sa grande dévotion à la très-sainte Vierge, Du grand Amour du Père Surin pour les Saints Anges, dans l'union avec notre Seigneur Jésus-Christ, De l'amour du Père Surin pour l'humilité, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, Les Possédés d'Illfut : Les victimes, Les Possédés d'Illfurt : Satan et les fêtes, bals et danses, Les Possédés d'Illfut : Les victimes, Les possédés d'Illfurt : Perte du Ciel et peines de l'Enfer, Miracles de Sainte Hildegarde, Pouvoir de Saint François de Sales : Délivrance de Françoise Favre, possédée du Démon, Pouvoir de Saint François de Sales : Délivrance d'Antonie Durand, possédée du Démon, Exemple de la grande puissance de Frère Junipère contre les démons, et Des fruits merveilleux des Confessions générales au Laus ; délivrance de plusieurs possédés par l'intercession de la très-Sainte Vierge.