Extrait de "Triomphe de l'Amour divin sur les puissances de l'Enfer en la possession de la Mère Prieure des Ursulines de Loudun et Science expérimentale des choses de l'autre vie avec le moyen facile d'acquérir la paix du cœur" :
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| Guerre des Anges (Rubens) |
La plupart des hommes sachant que les Anges sont des Esprits, s'imaginent, en pensant à eux, qu'ils n'ont d'autre opération que de penser ou de vouloir (comme nos esprits font) sans penser qu'outre cette faculté d'entendre et de vouloir, ils ont puissance, dans leur être, pour agir, et qu'ils ont, outre la faculté de penser et de vouloir, une substance qui est le fond de leur être, sur laquelle sont appuyées leurs facultés ; et que cette substance, outre qu'elle se meut, a encore la force pour beaucoup d'opérations, lesquelles sont exécutées par cette même substance qui étant flexible et maniable a tout ce qu'ils veulent, sert d'instrument pour tout opérer : car ils peuvent agir les uns contre les autres, non-seulement en pensant et en contrariant par raison, opposant raison à raison comme nous faisons dans nos disputes, mais en combattant par choc de leurs substances, dont les plus puissantes viennent à bout des plus faibles ; et que cette force ou faiblesse se mesure par la dignité de leur être, comme les Séraphins et les Chérubins sont plus forts et plus puissants que les Anges ou les Archanges, et ont une substance pour prévaloir contre les autres qui sont d'une hiérarchie inférieure. Cela se montre donc et se vérifie premièrement dans leurs guerres ; secondement, dans l'exécution de leurs autres desseins et opérations hors d'eux-mêmes.
En premier lieu donc, il faut s'imaginer que les Anges, dans leur être et leur condition naturelle, peuvent avoir des guerres ou des combats, comme fut celui dont parle l'Apocalypse : Faction est proelium magnum in coelo : Michael et Angeli ejus proeliabantur cum Dracone, et Draco pugnabat, et Angeli ejus. Or cette guerre ne se fit pas seulement par disputes, les uns soutenant pour Dieu, et les autres contre Dieu, et en se déclarant leurs sentiments seulement par paroles, mais encore par l'usage de leurs substances à se pousser et réprimer les uns contre les autres, soit par l'emploi des qualités contraires dont parlent les Théologiens scolastiques, et en envoyant de loin ces qualités les uns contre les autres, comme les hommes envoient des boulets de canon ou lancent des dards et des flèches ; ainsi les Anges se pourront darder des qualités contraires et affligeantes les uns contre les autres. Mais de cette sorte de combats nous n'avons point eu d'expérience dans l'affaire des Possessions ; je crois qu'étant ainsi animés les uns contre les autres ils emploient leurs substances et leurs forces pour se heurter, se choquer et se repousser ; et qu'ainsi en ce combat de saint Michel contre le Dragon qui était Lucifer, lui et ses Anges voyant que ces méchants Esprits résistaient à la volonté de Dieu, donnèrent de toutes leurs forces contre eux et les repoussèrent. Comme Dieu favorisa le dessein des bons, il ajouta à leur force naturelle, en laquelle peut-être ils eussent été inférieurs à cause des plus puissants selon la nature qui furent ceux qui se révoltèrent des premiers, comme peut-être les trois premiers Séraphins, et Lucifer peut-être, chef de tous ; car les Démons possédants disent que Lucifer, Béelzébuth et Léviathan sont les trois plus nobles en l'ordre des Séraphins, et que pour cela, par leur malignité dans leur malheur, ils sont opposés aux trois Personnes de la sainte Trinité, Lucifer s'opposant au Père, Béelzébuth au Fils, et Léviathan au Saint-Esprit. Voilà pourquoi Léviathan est très-désolant ; mais c'est une chose que je ne tiens que de leur rapport.
Pour cette manière de combattre par les substances, et non par les qualités seulement, j'ai quelque petite expérience qui en fait connaître quelque chose. Un jour il y eut une certaine apparence de trouble parmi les quatre Démons possédants la Mère Prieure ; il se fit une grande émotion dans celui qui était actuellement possédant, et il semblait comme en peine par ses frémissements qui se remarquaient comme d'une personne qui est battue par quelques autres, et même il me semble que j'eusse pu compter les coups ; et comme je demandais raison de cette émotion extraordinaire, un des Démons dit par la bouche de la Possédée, que le chef battait un autre, c'est-à-dire, que Léviathan battait Isacaron, à cause qu'il avait dit quelque chose contre ses intentions ; et pour lors il parut manifestement qu'il y avait grand grabuge entre eux ; et cela arrive souvent, que les premiers battent les inférieurs, car Léviathan était Séraphin , et l'autre n'était que Chérubin , et celui qui disait cela était seulement Domination. Ils ont donc, dans leurs différends, non-seulement des diversités d'opinions et des disputes comme les hommes, en disant : Nego, concedo ; mais des efforts comme ceux qui se battent, et cela va à des guerres, quand le différend est contre plusieurs, et leurs armes ne sont que leurs propres substances. Comme les hommes ont des épées et des lances, eux ont dans leur substance moyen de s'accommoder en façon d'armes spirituelles, et pourtant substantielles, par lesquelles ils réduisent les substances ennemies à non plus. Je crois que pour la bataille où Lucifer et la troisième partie des Anges furent précipités en Enfer, il y eut grandes disputes premièrement de paroles et puis de résistances et attaques, où les plus forts signalèrent leur courage, et les plus fidèles, comme saint Michel (Quis ut Deus ?) marquèrent leur générosité. Mais je crois que dans ce combat Dieu voulant récompenser ses fidèles serviteurs les assista, outre leur force naturelle, de sa grâce et de son secours divin, avec quoi ils abattirent et foudroyèrent les ennemis qui tenaient le parti du premier Ange ; et peut-être même que Dieu leur donna les assortiments de la gloire avec lequel ils triomphèrent d'eux si puissamment, qu'ils furent précipités comme des fusées en bas : Videbam Satanam sicut fulgur de coelo cadentem ; et cette gloire victorieuse se déclarant dans le parti des bons, les méchants se sentirent soudain investis du feu de la colère de Dieu, qui, sans leur donner du temps ni de lieu à se rétracter, ni de grâce pour cela, les mit tout-à-fait en flammes, et leur fit sentir la damnation ; après quoi ils furent précipités au plus loin de Dieu dans le plus bas du monde, qui est le centre de la terre, et là ils furent mis dans la Conciergerie d'Enfer, qu'ils nomment le gibet de Dieu.
Un d'eux m'a raconté cette déroute, et comment le feu de l'indignation de Dieu les investit, et qu'ils furent ainsi foudroyés et éloignés du lieu de la gloire où les autres furent placés, ayant depuis conservé un tel droit d'éminence sur eux à raison de cette gloire, que le moindre des Esprits glorieux peut non seulement battre et affliger, mais pousser et écarter les plus puissants des Esprits infernaux.
Voilà pour le premier usage qu'ils font de leurs substances, qui est dans l'occasion des combats.
Le deuxième est un emploi des opérations ordinaires qu'ils ont à faire. Pourquoi ? c'est que, comme les hommes se servent d'instruments, comme de marteau pour frapper, de scie pour scier, d'épée pour percer, de glaive pour diviser, eux, font cela par leur propre substance, comme instrument de leur action. Cet Ange qui tua tant de gens dans l'armée de Sennacherib, n'avait besoin que de cette propre substance ; comme si un homme pouvait percer et tuer avec son doigt : il ne le peut, mais l'Ange, par une partie de sa substance, c'est-à-dire, employant en partie sa substance, peut tuer et blesser. Un homme a besoin de burin ou de plume pour écrire ; l'Ange peut faire cela sans autres instruments que sa substance accommodée en cette façon, et par elle, sans prendre de l'air ou sans l'épaissir par soi-même, il peut faire tout ce que les hommes font avec des instruments, et scier du bois par soi-même, accommoder sa substance propre en façon de scie et venir à bout de l'effet qu'il prétend. Il faut expliquer ce que j'ai dit, Se servir de la partie de soi-même. Je ne veux pas dire pour cela que l'Ange ait des parties divisibles en sa substance, comme sont nos corps, mais c'est qu'il peut, selon sa faculté ou puissance, s'appliquer soi-même ou en tout ou en partie, c'est-à-dire, en mettant sa substance, qu'il ne peut mettre qu'entière à cause qu'elle est indivisible, en sa totalité ; car il se peut employer totum totaliter, ou totum secundum quid est non totaliter. Car comme notre âme est
toute dans la main, et non pas dans sa totalité, ainsi l'Ange peut être tout dans l'étendue d'une lieue, et tout dans le premier quart de cette lieue ; alors il est dans la lieue en sa totalité, en façon néanmoins qu'il peut être en sa totalité, s'il veut, dans ce quart de lieue, comme l'Ange qui s'étend en deux pieds de longueur est tout entier dans la première partie de cet espace, mais non pas en sa totalité. S'il veut, il se mettra en sa totalité dans la pointe d'une épingle ; et ainsi ils ont comme des applications de leur être ou substance dans tout l'espace qu'ils sont capables de contenir, par exemple, de i5 lieues. Un des plus grands, comme un Séraphin, tel que Léviathan, peut se tenir dans l'espace de 30 lieues, un autre, de 15, un autre, de 12, ainsi chacun selon sa faculté naturelle. Il ne peut pas tenir 3o lieues en carré, mais il se peut étendre comme un serpent autant que cela ; et celui qui se peut étendre en longueur 3o lieues, se peut étendre, hors la longueur, d'un espace plus médiocre (pour exemple un rond qui a un quart de lieue de diamètre) ou bien remplit une grande ville, et la remplit de sa substance. Ce n'est pas pourtant que parmi tous les endroits de cet espace il puisse faire toutes les opérations dont il est capable : il peut seulement parler en un endroit, en cent autres opérer, appliquant sa substance à grande quantité de choses, comme un ver, qui a plusieurs pieds, peut en remuer plusieurs ensemble, et chacun de ses pieds est sa substance, tout est animé et se peut aider de soi-même. Ainsi un Ange peut parler à un homme à Bordeaux, et se peut étendre par sa substance jusqu'à Toulouse ; il peut partout le chemin entre l'une et l'autre de ces Villes faire quelque opération, mais non pas parler, parce que la parole demande une application qui ne se peut pas multiplier, comme celle de nuire en frappant. Un homme qui n'a que 6 pieds de hauteur, de sa bouche parlera à un, et du bout du pied frappera un autre ; mais n'ayant pas d'organe de la parole au pied ni capacité en l'âme de vaquer a deux choses qui sont deux paroles en même temps, il ne fera que des opérations ainsi proportionnées à sa capacité, sans pouvoir en tout le lieu de sa substance faire ce qu'il peut en une partie. Dans l'une, l'Ange peut y parler et entretenir, employant son entendement à parler, et dans une autre partie de l'espace qu'il occupe, il peut faire quelque autre chose, comme piquer ou fâcher par sa substance, opprimer quelqu'un à Toulouse, tandis qu'il parle à Bordeaux. Cela est raisonnable, et conforme même à la doctrine, et par diverses occasions que nous avons eues de traiter avec eux, joignant cela à un discours que nous faisons qui est raisonnable, nous trouvons qu'il y a apparence que cela est ainsi, et que cela se dit avec quelque fondement.
Reportez-vous à Que Satan communique avec l'homme depuis l'état du péché, et jusqu'où arrive cette communication, De la conduite qu'il faut tenir à l'égard des Énergumènes, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des opérations malignes, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (1/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (2/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (3/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (4/4), Science expérimentale des choses de l'autre vie, par le Père Surin, De l'Amour du Père Surin pour tout ce que Notre-Seigneur a aimé, et premièrement de sa grande dévotion à la très-sainte Vierge, Saint Joseph patron et modèle des religieux, Miracles de Sainte Hildegarde, Sur la vérité, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des exercices de piété, par le R.-P. Jean-Joseph Surin : Quels exercices de piété prescrivez-vous à l'honneur des Anges ?, Simple et courte méthode d'oraison mentale, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin, De l'Oraison et de la contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, L'esprit du Tiers-Ordre de Saint François d'Assise, De la présence de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du renouvellement de l'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Le Diable dans les possédés d'Illfurt : Les victimes, De la réformation de l'Amour, de la Haine, du Désir et de l'Aversion, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Réduction des Hérétiques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la volonté et du fond de l'âme, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, En quoi consiste la perfection chrétienne : pour l'acquérir il faut combattre, et pour sortir victorieux de ce combat, quatre choses sont nécessaires, Méditation pour la Fête de Saint Michel et de tous les saints Anges, Méditation pour la Fête de Saint Raphaël Archange, Méditation pour la Fête des Saints Anges Gardiens, Méditation pour le 29 Septembre, Fête de Saint Michel Archange, Méditation pour le 28 Septembre, en l'honneur de Saint Michel Archange, Méditation pour le 27 Septembre, en l'honneur de saint Michel Archange, Et Michel et ses anges combattaient contre le Dragon, Neuvaine à Saint Michel, Litanie de Saint Michel Archange, Avoir une grande dévotion à saint Michel, à saint Gabriel, à saint Raphaël, et aux autres quatre Anges qui sont auprès du trône de Dieu, Puissance de Saint Michel au jugement dernier, Chapelet à Saint Michel Archange, Secours de Saint Michel à l'heure de la mort, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Et Michel et ses anges combattaient contre le Dragon, La réalité des apparitions démoniaques, Exorcisme de Saint François de Sales pour les époux dont la fécondité du mariage est entravée par le démon ou par des maléfices, La terre se couvrit de ronces et d'épines, Personne n'est-il revenu de l'Enfer ?, Méditation sur l'éternité des peines de l'Enfer, Vision de l'Enfer de Sainte Thérèse d'Avila, État religieux et moral de l'univers au temps de l'établissement du Christianisme, Comment Satan a égaré l’humanité dans ses voies, après lui avoir fait perdre la connaissance du vrai Dieu : magie naturelle, magie noire, idolâtrie, divination, mystères et sociétés secrètes, Traité de l'Enfer de Sainte Françoise Romaine, Sermon du Saint Curé d'Ars sur l'Enfer des Chrétiens, Quand les dieux du paganisme avouent qu'ils ne sont que des démons, Les murs ont des oreilles ou les démons espions, Quand le démon se cache durant les exorcismes, Inimitiés entre les enfants de Marie et les esclaves du Diable, Un signe des temps : Le siècle de Saint Vincent Ferrier et Notre-Dame de Lourdes, La protection des saints Anges contre les démons, particulièrement au sujet de leurs différentes tentations, Kit de survie des victimes du Diable, Le roi de la Cité du Mal, Les princes de la Cité du Mal, La communication de Satan avec l'homme, Histoire religieuse des deux cités, L'existence du surnaturel et du surhumain, Par quelles armes battre le Tentateur ?, La puissance des démons réglée par la sagesse divine, Le démon et la folie, Résultats du spiritisme : la folie et le suicide - Dernier obstacle à l'envahissement satanique : la papauté, Culte de la pierre, de l'arbre, et de la source : traditions et origines magiques de ces dieux (1/4), Symptômes de possession ou infestation démoniaques et Phénomènes possibles en cas de possession démoniaque et signes de délivrance.
En premier lieu donc, il faut s'imaginer que les Anges, dans leur être et leur condition naturelle, peuvent avoir des guerres ou des combats, comme fut celui dont parle l'Apocalypse : Faction est proelium magnum in coelo : Michael et Angeli ejus proeliabantur cum Dracone, et Draco pugnabat, et Angeli ejus. Or cette guerre ne se fit pas seulement par disputes, les uns soutenant pour Dieu, et les autres contre Dieu, et en se déclarant leurs sentiments seulement par paroles, mais encore par l'usage de leurs substances à se pousser et réprimer les uns contre les autres, soit par l'emploi des qualités contraires dont parlent les Théologiens scolastiques, et en envoyant de loin ces qualités les uns contre les autres, comme les hommes envoient des boulets de canon ou lancent des dards et des flèches ; ainsi les Anges se pourront darder des qualités contraires et affligeantes les uns contre les autres. Mais de cette sorte de combats nous n'avons point eu d'expérience dans l'affaire des Possessions ; je crois qu'étant ainsi animés les uns contre les autres ils emploient leurs substances et leurs forces pour se heurter, se choquer et se repousser ; et qu'ainsi en ce combat de saint Michel contre le Dragon qui était Lucifer, lui et ses Anges voyant que ces méchants Esprits résistaient à la volonté de Dieu, donnèrent de toutes leurs forces contre eux et les repoussèrent. Comme Dieu favorisa le dessein des bons, il ajouta à leur force naturelle, en laquelle peut-être ils eussent été inférieurs à cause des plus puissants selon la nature qui furent ceux qui se révoltèrent des premiers, comme peut-être les trois premiers Séraphins, et Lucifer peut-être, chef de tous ; car les Démons possédants disent que Lucifer, Béelzébuth et Léviathan sont les trois plus nobles en l'ordre des Séraphins, et que pour cela, par leur malignité dans leur malheur, ils sont opposés aux trois Personnes de la sainte Trinité, Lucifer s'opposant au Père, Béelzébuth au Fils, et Léviathan au Saint-Esprit. Voilà pourquoi Léviathan est très-désolant ; mais c'est une chose que je ne tiens que de leur rapport.
Pour cette manière de combattre par les substances, et non par les qualités seulement, j'ai quelque petite expérience qui en fait connaître quelque chose. Un jour il y eut une certaine apparence de trouble parmi les quatre Démons possédants la Mère Prieure ; il se fit une grande émotion dans celui qui était actuellement possédant, et il semblait comme en peine par ses frémissements qui se remarquaient comme d'une personne qui est battue par quelques autres, et même il me semble que j'eusse pu compter les coups ; et comme je demandais raison de cette émotion extraordinaire, un des Démons dit par la bouche de la Possédée, que le chef battait un autre, c'est-à-dire, que Léviathan battait Isacaron, à cause qu'il avait dit quelque chose contre ses intentions ; et pour lors il parut manifestement qu'il y avait grand grabuge entre eux ; et cela arrive souvent, que les premiers battent les inférieurs, car Léviathan était Séraphin , et l'autre n'était que Chérubin , et celui qui disait cela était seulement Domination. Ils ont donc, dans leurs différends, non-seulement des diversités d'opinions et des disputes comme les hommes, en disant : Nego, concedo ; mais des efforts comme ceux qui se battent, et cela va à des guerres, quand le différend est contre plusieurs, et leurs armes ne sont que leurs propres substances. Comme les hommes ont des épées et des lances, eux ont dans leur substance moyen de s'accommoder en façon d'armes spirituelles, et pourtant substantielles, par lesquelles ils réduisent les substances ennemies à non plus. Je crois que pour la bataille où Lucifer et la troisième partie des Anges furent précipités en Enfer, il y eut grandes disputes premièrement de paroles et puis de résistances et attaques, où les plus forts signalèrent leur courage, et les plus fidèles, comme saint Michel (Quis ut Deus ?) marquèrent leur générosité. Mais je crois que dans ce combat Dieu voulant récompenser ses fidèles serviteurs les assista, outre leur force naturelle, de sa grâce et de son secours divin, avec quoi ils abattirent et foudroyèrent les ennemis qui tenaient le parti du premier Ange ; et peut-être même que Dieu leur donna les assortiments de la gloire avec lequel ils triomphèrent d'eux si puissamment, qu'ils furent précipités comme des fusées en bas : Videbam Satanam sicut fulgur de coelo cadentem ; et cette gloire victorieuse se déclarant dans le parti des bons, les méchants se sentirent soudain investis du feu de la colère de Dieu, qui, sans leur donner du temps ni de lieu à se rétracter, ni de grâce pour cela, les mit tout-à-fait en flammes, et leur fit sentir la damnation ; après quoi ils furent précipités au plus loin de Dieu dans le plus bas du monde, qui est le centre de la terre, et là ils furent mis dans la Conciergerie d'Enfer, qu'ils nomment le gibet de Dieu.
Un d'eux m'a raconté cette déroute, et comment le feu de l'indignation de Dieu les investit, et qu'ils furent ainsi foudroyés et éloignés du lieu de la gloire où les autres furent placés, ayant depuis conservé un tel droit d'éminence sur eux à raison de cette gloire, que le moindre des Esprits glorieux peut non seulement battre et affliger, mais pousser et écarter les plus puissants des Esprits infernaux.
Voilà pour le premier usage qu'ils font de leurs substances, qui est dans l'occasion des combats.
Le deuxième est un emploi des opérations ordinaires qu'ils ont à faire. Pourquoi ? c'est que, comme les hommes se servent d'instruments, comme de marteau pour frapper, de scie pour scier, d'épée pour percer, de glaive pour diviser, eux, font cela par leur propre substance, comme instrument de leur action. Cet Ange qui tua tant de gens dans l'armée de Sennacherib, n'avait besoin que de cette propre substance ; comme si un homme pouvait percer et tuer avec son doigt : il ne le peut, mais l'Ange, par une partie de sa substance, c'est-à-dire, employant en partie sa substance, peut tuer et blesser. Un homme a besoin de burin ou de plume pour écrire ; l'Ange peut faire cela sans autres instruments que sa substance accommodée en cette façon, et par elle, sans prendre de l'air ou sans l'épaissir par soi-même, il peut faire tout ce que les hommes font avec des instruments, et scier du bois par soi-même, accommoder sa substance propre en façon de scie et venir à bout de l'effet qu'il prétend. Il faut expliquer ce que j'ai dit, Se servir de la partie de soi-même. Je ne veux pas dire pour cela que l'Ange ait des parties divisibles en sa substance, comme sont nos corps, mais c'est qu'il peut, selon sa faculté ou puissance, s'appliquer soi-même ou en tout ou en partie, c'est-à-dire, en mettant sa substance, qu'il ne peut mettre qu'entière à cause qu'elle est indivisible, en sa totalité ; car il se peut employer totum totaliter, ou totum secundum quid est non totaliter. Car comme notre âme est
toute dans la main, et non pas dans sa totalité, ainsi l'Ange peut être tout dans l'étendue d'une lieue, et tout dans le premier quart de cette lieue ; alors il est dans la lieue en sa totalité, en façon néanmoins qu'il peut être en sa totalité, s'il veut, dans ce quart de lieue, comme l'Ange qui s'étend en deux pieds de longueur est tout entier dans la première partie de cet espace, mais non pas en sa totalité. S'il veut, il se mettra en sa totalité dans la pointe d'une épingle ; et ainsi ils ont comme des applications de leur être ou substance dans tout l'espace qu'ils sont capables de contenir, par exemple, de i5 lieues. Un des plus grands, comme un Séraphin, tel que Léviathan, peut se tenir dans l'espace de 30 lieues, un autre, de 15, un autre, de 12, ainsi chacun selon sa faculté naturelle. Il ne peut pas tenir 3o lieues en carré, mais il se peut étendre comme un serpent autant que cela ; et celui qui se peut étendre en longueur 3o lieues, se peut étendre, hors la longueur, d'un espace plus médiocre (pour exemple un rond qui a un quart de lieue de diamètre) ou bien remplit une grande ville, et la remplit de sa substance. Ce n'est pas pourtant que parmi tous les endroits de cet espace il puisse faire toutes les opérations dont il est capable : il peut seulement parler en un endroit, en cent autres opérer, appliquant sa substance à grande quantité de choses, comme un ver, qui a plusieurs pieds, peut en remuer plusieurs ensemble, et chacun de ses pieds est sa substance, tout est animé et se peut aider de soi-même. Ainsi un Ange peut parler à un homme à Bordeaux, et se peut étendre par sa substance jusqu'à Toulouse ; il peut partout le chemin entre l'une et l'autre de ces Villes faire quelque opération, mais non pas parler, parce que la parole demande une application qui ne se peut pas multiplier, comme celle de nuire en frappant. Un homme qui n'a que 6 pieds de hauteur, de sa bouche parlera à un, et du bout du pied frappera un autre ; mais n'ayant pas d'organe de la parole au pied ni capacité en l'âme de vaquer a deux choses qui sont deux paroles en même temps, il ne fera que des opérations ainsi proportionnées à sa capacité, sans pouvoir en tout le lieu de sa substance faire ce qu'il peut en une partie. Dans l'une, l'Ange peut y parler et entretenir, employant son entendement à parler, et dans une autre partie de l'espace qu'il occupe, il peut faire quelque autre chose, comme piquer ou fâcher par sa substance, opprimer quelqu'un à Toulouse, tandis qu'il parle à Bordeaux. Cela est raisonnable, et conforme même à la doctrine, et par diverses occasions que nous avons eues de traiter avec eux, joignant cela à un discours que nous faisons qui est raisonnable, nous trouvons qu'il y a apparence que cela est ainsi, et que cela se dit avec quelque fondement.
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