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mardi 6 août 2019

Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur le péché



Extrait de "Esprit du Curé d'Ars, M. Vianney dans ses catéchismes, ses homélies et sa conversation" (1864) :


Le péché est le bourreau du bon Dieu et l'assassin de l'âme. C'est lui qui nous arrache du ciel pour nous précipiter en enfer. Et nous l'aimons !... quelle folie ! Si on y pensait bien, on aurait une si vive horreur du péché qu'on ne pourrait pas le commettre.

Ô mes enfants, que nous sommes ingrats ! Le bon Dieu veut nous rendre heureux ; bien sûr ! il ne nous a donné sa loi que pour cela. La loi de Dieu est grande ; elle est large. Le roi David disait qu'il y trouvait ses délices, et que c'était un trésor plus précieux pour lui que les plus grandes richesses. Il disait encore qu'il marchait dans un chemin spacieux, parce qu'il avait recherché les commandements du Seigneur (Ps. CXVIII, 14-15). Le bon Dieu veut donc nous rendre heureux, et nous ne le voulons pas ! Nous nous détournons de lui et nous nous donnons au démon ! Nous fuyons notre ami et nous cherchons notre bourreau !... Nous commettons le péché ; nous nous enfonçons dans la boue. Une fois engagés dans ce bourbier, nous ne savons plus en sortir. S'il y allait de notre fortune, nous saurions bien nous tirer de ce mauvais pas ; mais parce qu'il n'y va que de notre âme, nous y restons...

Nous venons nous confesser tout préoccupés de la honte que nous allons éprouver. Nous nous accusons à la vapeur. On dit qu'il y en a beaucoup qui se confessent et peu qui se convertissent. Je le crois bien mes enfants ; c'est qu'il y en a peu qui se confessent avec les larmes du repentir.

Voyez : le malheur, c'est qu'on ne réfléchit pas. Si on disait à ceux qui travaillent le dimanche, à une jeune personne qui vient de danser deux ou trois heures, à un homme qui sort ivre du cabaret : « Que venez-vous de faire ? vous venez de crucifier Notre-Seigneur ! » ils seraient tout étonnés : c'est qu'ils n'y pensent pas. Mes enfants, si nous y pensions, nous serions saisis d'horreur ; il nous serait impossible de faire le mal. Car, que nous a fait le bon Dieu pour le chagriner ainsi, pour le faire mourir de nouveau, lui qui nous a rachetés de l'Enfer ? Il faudrait que tous les pécheurs, quand ils vont à leurs plaisirs coupables, rencontrassent sur le chemin, comme saint Pierre, Notre-Seigneur qui leur dit : « Je vais à cet endroit où tu vas toi-même, pour y être crucifié de nouveau. » Peut-être que cela les ferait réfléchir.

Les saints comprenaient la grandeur de l'outrage que le péché fait à Dieu. Il y en a qui ont passé leur vie à pleurer leurs péchés. Saint Pierre a pleuré toute sa vie ; il pleurait encore à sa mort. Saint Bernard disait : « Seigneur ! Seigneur ! c'est moi qui vous ai attaché à la croix ! »

Par le péché, nous méprisons le bon Dieu, nous crucifions le bon Dieu ! Que c'est dommage de perdre des âmes qui ont coûté tant de souffrances à Notre-Seigneur pour le traiter de la sorte ?... Si les pauvres damnés pouvaient revenir sur la terre !... s'ils étaient à notre !...

Oh ! que nous sommes insensés ! Le bon Dieu nous appelle à lui et nous le fuyons. Il veut nous rendre heureux et nous ne voulons point de son bonheur. Il nous commande de l'aimer et nous donnons notre cœur au démon. Nous employons à nous perdre un temps qu'il nous a ménagé pour nous sauver. Nous lui faisons la guerre avec les moyens qu'il nous a donnés pour le servir !...

Quand nous offensons le bon Dieu, si nous regardions notre crucifix, nous entendrions Notre-Seigneur nous dire au fond de l'âme : « Tu veux donc te mettre aussi du côté de mes ennemis ? tu veux donc me crucifier de nouveau ? » Jetez les yeux sur Notre-Seigneur attaché à la croix, et dites-vous : « Voilà ce qu'il en a coûté à mon Sauveur pour réparer l'injure que mes péchés ont faite au bon Dieu !...» Un Dieu qui descend sur la terre pour être victime de nos péchés, un Dieu qui souffre, un Dieu qui meurt, un Dieu qui endure tous les tourments parce qu'il a voulu porter le poids de nos crimes !... À la vue de la croix, comprenons la malice du péché et la haine que nous devons en avoir. Rentrons en nous-mêmes ; voyons ce que nous avons à faire pour réparer notre pauvre vie...

Que c'est dommage ! Le bon Dieu nous dira à la mort : « Pourquoi m'as-tu offensé, moi qui t'aimais tant ?...» Offenser le bon Dieu, qui ne nous a jamais fait que du bien ! contenter le démon, qui ne peut nous faire que du mal !... quelle folie !

N'est-ce pas une vraie folie que de pouvoir goûter dès cette vie les joies du Ciel, en s'unissant à Dieu par l'amour, et de vouloir se rendre digne de l'Enfer, en se liant avec le démon ?... On ne peut pas comprendre cette folie : on ne peut pas assez la pleurer. Il semble que les pauvres pécheurs ne veulent pas attendre la sentence qui les condamnera à la société des démons ; ils s'y condamnent eux-mêmes.

Le Paradis, l'Enfer et le Purgatoire ont une espèce d'avant-goût dès cette vie. Le Purgatoire est dans les âmes qui ne sont pas mortes à elles-mêmes ; l'Enfer est dans le cœur des impies ; le Paradis dans celui des parfaits, qui sont bien unis à Notre-Seigneur.

***

Celui qui vit dans le péché prend les habitudes et la forme des bêtes. La bête, qui n'a pas la raison, ne connaît que ses appétits. De même l'homme qui se rend semblable aux bêtes perd la raison, et se laisse conduire par les mouvements de son cadavre. Il met son plaisir à bien boire, à bien manger et à jouir des vanités du monde, qui passent comme le vent. Je plains les pauvre malheureux qui courent après ce vent ; ils gagnent bien peu ; ils donnent beaucoup pour un bien petit profit ; ils donnent leur éternité pour la misérable fumée du monde.

Mes enfants, que c'est triste quand une âme est en état de péché ! Elle peut mourir en cet état, et déjà tout ce qu'elle fait n'a point de mérite devant Dieu. C'est pourquoi le démon est si content quand une âme est dans le péché et qu'elle y persévère, parce qu'il pense qu'elle travaille pour lui, et que, si elle venait à mourir, il l'aurait... Dans le péché, notre âme est toute galeuse, toute pourrie ; elle fait regret... La pensée que le bon Dieu la regarde devrait la faire rentrer en elle-même... Et puis, quel plaisir a-t-on dans le péché ? On n'en a point. On fait des rêves affreux... que le démon nous emporte ; que nous tombons dans des précipices... Mettez-vous bien avec le bon Dieu, ayez recours au sacrement de pénitence : vous dormez tranquille comme un ange. On est content de se réveiller la nuit pour prier le bon Dieu ; on n'a que des actions de grâces à la bouche ; on s'élève avec une grande facilité vers le Ciel, comme un aigle qui fend les airs.

Voyez, mes enfants, comme le péché dégrade l'homme ! D'un ange créé pour aimer Dieu il fait un démon qui le maudira pendant toute l'éternité... Ah ! si Adam, notre premier père, n'avait pas péché, et si nous ne péchions pas tous les jours, comme nous serions heureux ! Nous serions aussi heureux que les saints dans le ciel. Il n'y aurait plus de malheureux sur la terre. Oh ! que ce serait beau !...

En effet, mes enfants, c'est le péché qui attire sur nous toutes les calamités, tous les fléaux, la guerre, la peste, la famine, les tremblements de terre, les incendies, la gelée, la grêle, les orages, tout ce qui nous désole, tout ce qui nous rend malheureux.

Voyez, mes enfants, une personne qui est en état de péché est toujours triste. Elle a beau faire, elle est ennuyée, dégoûtée de tout ; ... tandis que celle qui est en paix avec le bon Dieu est toujours contente, toujours joyeuse... Ô belle vie !... et belle mort !...

Mes enfants, nous avons peur de la mort... je le crois bien ! C'est le péché qui nous fait peur de la mort ; c'est le péché qui rend la mort affreuse, épouvantable ; c'est le péché qui effraye le méchant à l'heure du terrible passage. Hélas ! mon Dieu ! il y a bien de quoi être effrayé... Penser qu'on est maudit ! maudit de Dieu !... ça fait trembler ! Maudit de Dieu !... Pour un blasphème, pour une mauvaise pensée, pour une bouteille de vin, pour deux minutes de plaisir !... Pour deux minutes de plaisir perdre Dieu, son âme, le ciel, pour toujours !... On verra monter au ciel, en corps et en âme, ce père, cette mère, cette sœur, ce voisin, qui étaient là près de nous,... avec qui nous avons vécu, mais que nous n'avons pas imités ; tandis que nous descendrons en corps et en âme dans l'enfer pour y brûler. Les démons se rouleront sur nous. Tous les démons dont nous aurons suivi les conseils viendront nous tourmenter...

Mes enfants, si vous voyiez un homme dresser un grand bûcher, entasser des fagots les uns sur les autres, et que lui demandant ce qu'il fait il vous répondît : « Je prépare le feu qui doit me brûler, » que penseriez-vous ? Et si vous voyiez ce même homme approcher la flamme du bûcher, et, quand il est allumé, se précipiter dedans... que diriez-vous ?... En commettant le péché, c'est ainsi que nous faisons. Ce n'est pas Dieu qui nous jette en enfer, c'est nous qui nous y jetons par nos péchés. Le damné se dira : « J'ai perdu Dieu, mon âme et le ciel : c'est par ma faute, par ma faute, par ma très-grande faute !...» Il s'élèvera du brasier pour y retomber... Il sentira toujours le besoin de s'élever, parce qu'il était créé pour Dieu, le plus grand, le plus haut des êtres, le TRÈS-HAUT... comme un oiseau dans un appartement vole jusqu'au plancher et retombe... la justice de Dieu est le plancher qui arrête les damnés.

Il n'est pas besoin de prouver l'existence de l'enfer. Notre-Seigneur en parle lui-même, quand il raconte l'histoire du mauvais riche qui criait : « Lazare ! Lazare ! » On sait bien qu'il y a un enfer, mais on vit comme s'il n'y en avait point ; on vend son âme pour quelques pièces de monnaie. Nous renvoyons notre conversion à la mort ; mais qui nous assure que nous aurons le temps et la force, à ce moment redoutable que tous les saints ont appréhendé, où l'enfer se réunit pour nous livrer assaut, voyant que c'est l'instant décisif ? Il y en a bien qui perdent la foi, qui ne voient l'enfer qu'en y entrant. On leur administre les sacrements ; mais demandez-leur s'ils ont fait tel péché, ils vous répondent : « Oh ! arrangez cela comme vous voudrez !...»

Il y en a qui offensent le bon Dieu à tout moment ; leur cœur est une fourmilière de péchés ; il ressemble à un morceau de viande gâtée, rongée par les vers...

Non, vraiment, si les pécheurs songeaient à l'éternité, à ce terrible TOUJOURS !... ils se convertiraient sur-le-champ... Il y a près de six mille ans que Caïn est dans l'enfer, et il ne fait que d'y entrer.



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