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samedi 2 novembre 2019

L'Univers et la Bible, prédicateurs de la résurrection, car oui, nous ressusciterons !



Extrait de "Le Cimetière au XIXe siècle" de Mgr Gaume :





Mon cher Frédéric,

Dieu peut nous ressusciter, nous l’avons vu et bien vu. Il veut nous ressusciter, nous allons le voir. Sa Vérité le veut, sa Sagesse le veut, sa Justice le veut, sa bonté le veut.
Sa vérité. Dieu a écrit deux grands livres : l’Univers et la Bible. Dans l’un et l’autre, nous lisons la volonté absolue et immuable de Dieu, de ressusciter tout le genre humain. Je veux dire de rappeler de leur sommeil toutes les générations endormies, depuis le commencement du monde, dans les vastes dortoirs, appelés cimetières. Le premier de ces livres divins est le monde matériel que nous habitons, que nous voyons de nos yeux et que nous touchons de nos mains.
Je dis le premier, parce qu’il a précédé la Bible. « Vous nous demandez, dit saint Chrysostome, comment, avant qu’il y eût des livres. Dieu enseignait aux hommes à le connaître ? Comment ? de la même manière que nous nous y sommes pris nous-mêmes pour vous amener à la connaissance de cet être souverain. Nous vous avons promenés sur le théâtre entier de l’univers. Nous vous avons montré le ciel, la terre, la mer, les campagnes, les vergers, les richesses variées de la nature. Nous sommes remontés jusqu’aux éléments des productions diverses ; et tous ensemble, unissant nos voix à l’aspect de tant de merveilles, étalées à nos yeux, nous nous sommes écriés dans le transport de l’admiration : Que vos ouvrages sont grands, ô Seigneur ! Que vos desseins sont profonds ! (Homil. I, in Gen.)
Nous verrons bientôt que dans ce grand livre sont gravés en caractères de feu et intelligibles à tous, non-seulement la puissance, la sagesse et la bonté du Créateur ; mais de plus, ce qui en est l’inévitable conséquence, le dogme de la résurrection future.
« Vous me demandez encore, continue l’illustre patriarche, pourquoi la Bible, étant si utile, Dieu ne l’a pas donnée au monde dès le commencement ? c’est que Dieu voulait instruire les hommes par les choses, c’est-à-dire par les créatures et non par les livres. Si Dieu eût commencé à nous instruire au moyen des livres et des caractères, intelligibles pour le savant, ils auraient été sans aucune utilité pour l’ignorant. Le riche en aurait pu faire l’acquisition : le pauvre non. Il eût fallu, pour les entendre, connaître la langue dans laquelle ils auraient été écrits. Ils eussent été perdus pour le Scythe, le Barbare, l'Indien, l'Égyptien, pour tout homme, en un mot, à qui cette langue eut été étrangère.
« Il n’en est pas ainsi du grand spectacle de l’univers. Tous les peuples du monde entendent sou langage. Ce livre est ouvert indistinctement au savant, comme à l’ignorant ; au pauvre, comme au riche. Aussi le prophète ne dit pas que les cieux témoignent, mais qu’ils racontent la gloire de Dieu : prédicateurs qui ont pour auditoire le genre humain tout entier, et pour livre le magnifique spectacle qu’ils développent (Homil. I, in Gen.). »
Comment l’univers prêche-t-il la résurrection future. Telle est, mon cher Frédéric, la question qui est sur tes lèvres et à laquelle j’ai hâte de répondre. D’après les paroles que nous venons d’entendre, et d’après le témoigne plus explicite encore de l’apôtre saint Paul, nous savons que Dieu n’a créé le monde que pour manifester sa gloire, et que cet univers matériel est un miroir, placé devant nous, dans lequel se réfléchissent les réalités du inonde spirituel, invisibles à nos yeux (Rom. I, 20).
Partant de ce principe tu vas comprendre, comme l’ont compris les Pères de l’Église, que le spectacle de l’univers est le prédicateur incessant de la résurrection future. Écoutons d’abord Tertullien.
« Promenez vos regards sur le monde, et vous verrez briller à vos yeux la preuve de la puissance divine, et les images frappantes de la résurrection future. Le jour meurt dans la nuit, qui l’enveloppe comme d’un linceul, dans d’épaisses ténèbres. Tout l’éclat du monde disparaît ; tout devient noir ; le silence et la stupeur sont partout, c’est ainsi que la nature pleure la perte de la lumière.
« Mais bientôt, la lumière reparaît avec le soleil, toujours la même et sans avoir rien perdu de ses charmes ni de son intégrité. Elle ressuscite pour le monde entier, tuant la nuit, sa mort, et déchirant le ténébreux linceul dont elle l’avait enveloppée. Elle reparaît héritière d’elle-même, jusqu’à ce que la nuit remonte sur son trône. Alors les astres se rallument, et les étoiles absentes reparaissent au firmament. Il en est de même des saisons.
Le printemps, l’été, l’automne, l’hiver se succèdent avec leurs vertus, leurs habitudes et leurs fruits...
« L’hiver imprime aux arbres, aux plantes, à toute la nature, l’apparence de la mort, mais ils ressuscitent au printemps. Le grain est jeté dans le sein de la terre, et transformé dans le sein de cette mère féconde, il se relève, et ne se relève qu’après avoir été consumé.
Notre vie elle-même, n’est-elle pas une suite continuelle de morts et de renaissances ? Qu’est-ce que l’homme qui s’endort, sinon l’image de l’homme qui meurt ? et qu’est-ce que l’homme qui se réveille, sinon l’image de l’homme qui ressuscite ? Ainsi, toute la nature meurt et ressuscite sans cesse. Tout commence après avoir fini, et ne meurt que pour renaître et renaître en gloire.
« Cette vicissitude éternelle des créatures, sans cesse passant de la mort à la vie et de la vie à la mort, vous donne le témoignage palpable de la résurrection future du genre humain. Dieu en a empreint la vérité sur chacun de ses ouvrages, avant de la consigner dans les Écritures. Il l'a enseignée par les effets de sa puissance, avant de la proclamer par ses oracles.
Il a fait de la nature le premier livre qui nous prépare aux instructions de la foi, afin qu’après avoir pris leçon de la première, nous soyons plus disposés à écouter l’autre ; à conclure de ce que nous voyons sous nos yeux, en faveur de ce qui nous est annoncé ; à croire sans hésiter que le même Dieu nous ressuscitera, quand nous le voyons tout renouveler. Certes, si toutes les créatures ressuscitent pour l’homme, pour la chair, dis-je, en faveur de qui elles ont été faites, comment se ferait-il que la chair de l’homme périt tout entière, elle pour qui rien ne périt (Ibid., C. XII)) ? »
Voilà, mon cher Frédéric, ce qu’ont vu, et ce que voient encore, dans le grand spectacle de l’univers, tous les hommes qui ont des yeux pour voir et la faculté de lier deux idées. Seuls, les solidaires, anciens et modernes, ne savent épeler la première syllabe de ce grand livre : semblables, comme dit saint Paul, à l’âne, au bœuf et au mulet, ils ne voient que la surface des choses, sans en pénétrer le fond : Prout animalia muta norunt.
Pour confirmer les paroles de Tertullien et te montrer que, dans le miroir du monde visible, les plus grands génies ont vu se réfléchir le dogme de la résurrection, voici le témoignage de saint Augustin. « Tout le gouvernement de ce monde, dit l'illustre évêque d'Hippone, est le témoignage permanent de la résurrection future. À l'approche de l’hiver, nous voyons les arbres perdre leurs fruits et se dépouiller de leurs feuilles. Puis, au printemps, ils nous offrent l’image de la résurrection. Ils commencent d’abord par pousser des bourgeons ; puis, ils produisent des fleurs et se revêtent de feuilles, et enfin se chargent de fruits.
« Je vous demande, homme incrédule, qui doutez de la résurrection, où sont toutes ces choses, qui, au temps voulu, paraissent à vos yeux ? dites-moi où elles sont cachées. Personne ne les a jamais vues ; mais c’est Dieu dont la puissance les a tirées du néant, qui par une vertu mystérieuse les fait paraître au grand jour.
« Regardez encore les champs et les prairies. Après l’été, ils sont dépouillés de leurs herbes et de leurs fleurs ; toute la surface de la terre est nue. Mais au printemps, elle se r’habille de nouveau et les germes qui commencent à poindre font la joie du laboureur. Ainsi cette herbe, qui a vécu et qui meurt, ressort vivante de la semence. De môme notre corps sortira vivant de la poussière (De verbis apostoli. Ser. XXXIV). »
Au jugement de saint Augustin, tu vois que la résurrection est de tous les dogmes de notre foi, celui qui est le plus souvent annoncé, puisque l’univers entier en est le prédicateur infatigable : Tota hujus mundi administratio, testimonium est resurrectionis futuroe. Tous les autres pères de l'Église, tous les docteurs tiennent le même langage.
Citer leurs paroles serait me répéter sans profit, et je passe au second livre, dans lequel Dieu a écrit le dogme fondamental de la résurrection. Ici encore pour n’être pas long, je me contenterai de rapporter deux pages de nos Écritures, l’une de l’Ancien Testament et l’autre du Nouveau.
Il y a plus de trente siècles que le monde et le monde païen retentit de cette sublime profession de foi au dogme de la résurrection. Qui la fît entendre ? c'est Job, l’ami de Dieu, héritier fidèle des traditions primitives. Dans quelle circonstance ?
Du faite des grandeurs, ce prince, grand parmi les princes de l’Orient, était tombé, par la malice du démon, dans l'abîme de la misère. Couvert d’ulcères, assis sur un fumier, il voyait sa chair s’en aller en lambeaux, ses membres se déformer et lui-même mourir tout vivant : rien ne décourage sa foi.
« En vain, s’écrie-t-il, la vie m’échappe par tous les pores, ma confiance n’est point ébranlée. Je le sais, mon Rédempteur est vivant, et au dernier jour je me relèverai de terre. De nouveau je serai revêtu de ma peau, et dans ma propre chair je verrai mon Dieu. Je le verrai moi-même de mes propres yeux, moi et non pas un autre. Cette espérance repose dans mon sein, et les leviers de mon cercueil la descendront avec moi dans ma tombe (Job, XIV, 25, 26, 27). »
Merci, mon Dieu ! d’avoir dicté, il y a tant de siècles, cette profession de foi à laquelle il n’y a rien à ajouter.
Non moins explicite est celle que nous lisons dans le Nouveau Testament. « Nous ressusciterons tous, dit l’apôtre saint Paul, oui tous sans exception ; mais nous ne serons pas tous changés. Comme la création s’est faite d’un seul mot, la résurrection se fera en un clin d’œil (I. Cor., XV, 51, 50). » Ces paroles n’ont besoin ni d’explications ni de commentaires : et je passe.
Tu vois donc, mon cher ami, que les deux grands livres que Dieu a écrits de sa main pour notre instruction, l’Univers et la Bible, annoncent de la manière la plus certaine la volonté de Dieu de nous ressusciter un jour. Sous peine de se mentir à lui-même, Dieu accomplira le mystère. Il le peut et il le veut. Dans le fond de notre nature repose cette douce espérance : Reposita est hoec spes mea in sinu meo.

Tout à toi.


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