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samedi 23 avril 2022

Neuvaine à Saint-Jean-de-la-Croix, invoqué pour la patience dans les calomnies, rebuts et délaissement des créatures





(Fête, le 24 novembre)


Acte de Contrition


PRIÈRE POUR TOUS LES JOURS DE LA NEUVAINE


Dieu de bonté, qui avez prévenu Saint-Jean-de-la-Croix des dons de votre grâce, afin que dès l'enfance il brillât par la pratique des plus excellentes vertus qui le rendirent si agréable et si cher à vous et à votre très-sainte Mère ; accordez-moi, je vous prie, par son intercession, la pureté de l'âme et du corps, ainsi qu'une participation abondante aux vertus et aux mérites de ce grand Saint, afin que, comme lui, je vous demeure uni ici-bas par la grâce, et que je vous possède au Ciel. Ainsi soit-il.


PREMIER JOUR

Mon glorieux Père, Saint-Jean-de-la-Croix, qui vous montrâtes rempli d'un tel amour pour l'auguste Marie et la Croix de son divin Fils, et qui, par là, avez mérité d'être le protecteur particulier des âmes affligées ; obtenez-moi, je vous prie, de Jésus et de Marie, une foi qui s'élève au-dessus de tout, un amour si tendre et si courageux pour la Croix, qu'aucun chagrin de la vie ne puisse me séparer de la charité de mon Dieu.

Manière de terminer la prière de chaque jour

De plus, obtenez-moi, la grâce particulière que je demande par votre médiation, pendant cette Neuvaine, pourvu toutefois que ma demande soit pour la gloire de Dieu et mon salut.


DEUXIÈME JOUR

Illustre Saint, qui, bien que vous ayez conservé jusqu'à la mort dans toute sa blancheur la robe de l'innocence, vous êtes néanmoins livré à la pénitence la plus rude et la plus persévérante, afin d'honorer et d'imiter votre amour crucifié ; obtenez-moi, je vous prie, quelque part à votre vie crucifiée et pénitente, afin que je puisse satisfaire, dès ce monde, pour mes innombrables péchés, purifier mon âme, amasser des mérites, être enfin couronné comme vous dans la gloire.
De plus, obtenez-moi...


TROISIÈME JOUR

Mon bien-aimé Père, Saint-Jean-de-la-Croix, qui, par l'exercice d'une continuelle oraison, avez mérité le nom de Docteur extatique, favorisé des grâces toutes spéciales pour la direction des âmes ; je vous prie humblement de m'éclairer de vos célestes lumières et de mettre en mon cœur le goût des saintes méditations, afin que détaché de tout objet terrestre, je n'aime que Dieu et ne désire que les choses du Ciel.
De plus, obtenez-moi...


QUATRIÈME JOUR

Grand Saint, modèle de patience, héros de générosité, qui pour la gloire de Dieu et la propagation de la sainte Réforme du Carmel, endurâtes tant de peines et supportâtes tant de travaux, trouvant comme un autre Saint Paul, votre bonheur dans les opprobres ; obtenez-moi de Notre-Seigneur, par vos prières, la grâces d'une patience à toute épreuve au milieu des adversités, afin que par là je glorifie Dieu, je purifie mon âme de ses dernières souillures, j'avance dans la pratique des plus solides vertus, et j'arrive enfin à la couronne promise à ceux qui auront souffert pour l'amour de Dieu.
De plus, obtenez-moi...


CINQUIÈME JOUR

Illustre Saint, qui avez eu un admirable empire sur les esprits infernaux, et les avez obligés tant de fois à abandonner les âmes et les corps dont ils étaient ne possession ; ayez pour moi la même charité, et préservez-moi des embûches et des suggestions de ces esprits impurs, non seulement pendant ma vie mais plus particulièrement encore à l'heure de ma mort ; afin que persévérant jusqu'à la fin dans l'amour et la grâce de mon Dieu, je le possède avec vous dans l'éternité.
De plus, obtenez-moi...


SIXIÈME JOUR

Grand Saint-Jean-de-la-Croix, qui pour la vie angélique que vous avez toujours menée, avez été favorisé de Notre-Seigneur et de la glorieuse Vierge, sa Mère, d'un don excellent de chasteté, au moyen duquel vous avez converti tant d'âmes que de honteuses passions retenaient captives ; obtenez-moi, je vous prie, quelque part à un don si désirable, afin que pur et chaste d'esprit et de corps, j'aie ma place au ciel où rien de souillé ne peut entrer, et où le divin agneau marche en triomphe accompagné des chœurs des Vierges.
De plus, obtenez-moi...


SEPTIÈME JOUR

Bienheureux Père, qui avez joint la plus profonde humilité aux plus sublimes connaissances dans les voies de Dieu, obtenez-moi la véritable humilité du coeur, qui me fasse aimer l'abaissement et les opprobres ; afin que pénétré de mon néant et méprisant les vanités du monde, j'apprenne de vous à n'estimer que Dieu et les choses de Dieu.
De plus, obtenez-moi...


HUITIÈME JOUR

Mon glorieux protecteur Saint-Jean-de-la-Croix, si bien appelé le Père des pauvres, le consolateur des affligés, le secours assuré de ceux qui souffrent ; vous qui avez opéré tant de merveilles de charité pendant votre vie, et qui les renouvelez si souvent même après votre mort, par vos saintes reliques et vos images ; soyez aussi mon consolateur et mon père ; soulagez-moi dans mes maux, et aidez-moi du moins à ne voir dans toutes les croix que des gages de la divine miséricorde, afin que, par le saint usage que j'en ferai, elles m'aident à gagner le Ciel.
De plus, obtenez-moi...


NEUVIÈME JOUR

Ô mon aimable Père, qui pour imiter plus parfaitement Notre-Seigneur, avez renoncé avec tant de générosité à toutes les consolations, même spirituelles, et n'avez demandé qu'à souffrir et à être méprisé pour Dieu ; et qui êtes mort enfin avec tant de bonheur couvert de plaies et méprisé des hommes ; obtenez-moi la grâce de m'abandonner en tout et pour tout au bon plaisir de Dieu, afin que mettant uniquement mes complaisances et mon espoir en la Passion de mon Sauveur, j'aille avec vous me reposer dans la gloire.
De plus, obtenez-moi...


On se recueille ensuite un moment pour s'occuper de la Grâce qu'on demande pendant la Neuvaine, après quoi on récite les Litanies du Saint.


(Le Manuel des enfants du Carmel)










Litanies de Saint Jean de la Croix, invoqué pour la patience dans les calomnies, rebuts et délaissement des créatures




Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus-Christ, ayez pitié de nous.
Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus-Christ, écoutez-nous.
Jésus-Christ, exaucez-nous.

Dieu du Ciel, notre Père, ayez pitié de nous.
Dieu le Fils, Sauveur du monde, ayez pitié de nous.
Dieu le Saint-Esprit, ayez pitié de nous.
Trinité-Sainte qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.

Sainte Marie, Mère de Dieu, reine et gloire du Carmel, priez pour nous.
Saint Jean-de-la-Croix, notre glorieux Père, priez pour nous.
Fils bien-aimé de Marie, la Reine du Carmel, priez pour nous.
Fleur qui embaumez le Carmel de vos parfums, priez pour nous.
Admirable héritier de l'esprit d’Élie, priez pour nous.
Pierre fondamentale de la réforme du Carmel, priez pour nous.
Fils et Père bien-aimé de Sainte Thérèse, priez pour nous.
Admirable observateur de la réforme du Carmel, très-vigilant dans la pratique de toutes les vertus, priez pour nous.
Trésor de charité, priez pour nous.
D'une humilité très-profonde, priez pour nous.
D'une très-parfaite obéissance, priez pour nous.
D'une patience invincible, priez pour nous.
Amant fidèle de la pauvreté, priez pour nous.
Doué d'une simplicité et d'une douceur de colombe, priez pour nous.
Héros de Pénitence, priez pour nous.
Amateur insatiable de la mortification, priez pour nous.
Prodige de Sainteté, priez pour nous.
Flambeau qui brûlez, et qui brillez, priez pour nous.
Docteur mystique qui enseignez une doctrine céleste, priez pour nous.
Maître de la vie intérieure, si sublime en oraison, priez pour nous.
Fervent prédicateur de la parole de Dieu, priez pour nous.
Qui portez la joie et la paix dans les âmes, priez pour nous.
Qui avez opéré tant de miracles, priez pour nous.
Terreur des puissances de l'enfer, priez pour nous.
Rempli de l'esprit prophétique, priez pour nous.
Embrasé du désir du Martyre, priez pour nous.
Gardien fidèle du champ du Seigneur, priez pour nous.
L'ornement et la gloire du Carmel, priez pour nous.

Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, exaucez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, ayez pitié de nous

Saint-Jean-de-la-Croix, notre Père, priez pour nous,
Afin que nous soyons rendus dignes des promesses de Jésus-Christ.


PRIÈRE

Ô Dieu, qui avait rendu Saint-Jean-de-la-Croix, votre confesseur et notre Père, si admirable par son amour pour la Croix, et l'abnégation de soi-même, faites-nous la grâce de parvenir, par la constante imitation de sa vie crucifiée, à la gloire de la vie éternelle, par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ainsi soit-il.

(Le Manuel des enfants du Carmel)


Reportez-vous à Neuvaine à Saint-Jean-de-la-Croix, invoqué pour la patience dans les calomnies.












dimanche 17 avril 2022

Des sentiments de reconnaissance envers Dieu



Le quatrième effet que doit produire en nous la méditation des mystères de la Passion et des souffrances du Fils de Dieu, est d'être pénétré des plus vifs sentiments de reconnaissance pour un bienfaiteur de qui nous avons tant reçus. « Notre esprit peut-il penser, dit Saint Augustin, notre bouche peut-elle exprimer, notre plume peut elle écrire quelque chose de meilleur que ces paroles : Grâces soient rendues à Dieu. » On ne peut ni dire de plus court, ni rien entendre de plus agréable, ni rien concevoir de plus élevé, ni rien faire de plus utile. Dieu lui-même a toujours pris tant de plaisir à la reconnaissance et aux actions de grâces que lui rendent les hommes, que dès qu'il avait accordé quelque faveur extraordinaire à son peuple, il voulait qu'on lui en témoignât aussitôt la reconnaissance, en chantant des Cantiques de louanges : Immolez à Dieu un sacrifice de louanges. S. Augustin, parlant des dix Lépreux que le Fils de Dieu guérit, remarque que le Sauveur du monde loua la reconnaissance de celui qui vint seul le remercier de sa guérison, et qu'il blâma l'ingratitude des neuf autres : N'y en a-t-il pas eu dix de guéris, dit-il ? Où sont donc les neuf autres ? Il ne s'est trouvé que cet étranger qui est revenu pour rendre gloire à Dieu. Gardons-nous de tomber dans une pareille ingratitude pour les bienfaits que nous avons reçus de la main libérale de Dieu, et moins encore au plus grand de ses bienfaits, lorsqu'il s'est fait homme, et qu'il a bien voulu mourir pour nous sur la Croix. « N'oubliez jamais, dit le sage, la grâce que vous a faite celui qui a répondu pour vous et qui s'est rendu votre caution ; car il a donné pour vous sa propre vie. »
J. C. a répondu et payé pour nous, il lui en a coûté la vie ; il est bien juste que nous ayons la plus vive et la plus sincère reconnaissance d'un aussi grand bienfait, et que nous n'en perdions jamais le souvenir.
S. Thomas, parlant de la gratitude, dit qu'elle opère de trois manières, ou qu'elle produit trois effets sensibles dans une âme qui en est pénétrée. Le premier consiste à concevoir dans le fond de son cœur toute l'estime que mérite le bienfait qu'on a reçu, et à en conserver précieusement le souvenir ; le second consiste à remercier le bienfaiteur par des louanges qui répondent à la grandeur du bienfait ; le troisième c'est de répondre aux bienfaits reçus par des bienfaits réciproques, ou au moins par le bon usage que l'on en fait : voilà, selon S. Thomas, ce que nous devons faire pour marquer à Dieu, comme nous le devons, notre reconnaissance. Exerçons-nous, en méditant sur tous les mystères de la Passion, à former en nous ces trois actes de reconnaissance. Appliquons-nous premièrement à concevoir dans notre cœur de grands sentiments d'estime pour tant de bienfaits que renferme chacun de ces mystères et après avoir examiné en détail toutes les grâces que nous en avons reçues et que nous en devons recevoir, excitons-nous, par cette considération, à ressentir plus vivement l'obligation où elles nous mettent de nous attacher à Dieu sans interruption, sans partage et sans réserve.
Occupons-nous ensuite à le louer et à le glorifier de bouche, selon ces paroles de S. Paul : « Offrons donc toujours à Dieu par lui une hostie de louange, c'est-à-dire, le fruit des lèvres qui rendent gloire à son nom ; invitons toutes les créatures à se joindre à nous pour lui rendre un si juste tribut de louanges ; efforçons-nous enfin de répondre par nos actions à tant de bienfaits, et pour cela abandonnons-nous entièrement à lui, comme nous l'avons dit dans le précédent article, et offrons-lui tout ce que nous sommes. Hélas ! que nous sommes éloignés de connaître ce que Dieu a fait pour nous ! En effet, ô mon Dieu ! si je concevais bien vivement que vous vous êtes fait homme, et que vous êtes mort sur une croix pour l'amour de mois, il ne me faudrait point d'autre considération pour vous donner entièrement mon cœur, et pour m'abîmer dans votre amour : ce serait-là véritablement un juste tribut, tel qu'un vrai Chrétien le doit rendre à son Dieu.
Jésus-Christ n'aurait pas refusé, dit Saint Chrysostôme, de faire pour un seul ce qu'il a fait pour tous les hommes ensemble. Il y a plus : c'est que Dieu s'est souvenu particulièrement de moi, qu'il m'a eu présent devant les yeux en se faisant homme et en mourant sur la Croix ; Qu'il m'a aimé avec une charité perpétuelle, comme il dit lui-même par la bouche de Jérémie : et qu'enfin il s'est livré volontairement à la mort pour me procurer la vie. Chaque Chrétien doit donc regarder les bienfaits de Dieu comme si Dieu n'avait rien fait que pour lui, et envisager l'amour dont ils procèdent, comme si Dieu n'avait aimé que lui seul : et s'écrier avec Saint Paul : Il m'a aimé, et il s'est livré à la mort pour moi. Quand on fera toutes ces considérations avec une sérieuse attention, il sera impossible de ne se pas sentir excité à former les plus vifs sentiments de reconnaissance et d'amour envers ce Dieu-Sauveur, qui nous a toujours aimés avec une charité perpétuelle.

(Abrégé de la Pratique de la Perfection Chrétienne)


Reportez-vous à Des sentiments d'amour pour Dieu, Des sentiments que doit produire en nous la Méditation des souffrances de Jésus-Christ : et premièrement des sentiments de compassion qu'elle doit exciter dans nos cœurs, Combien la Méditation des souffrances de Jésus-Christ est méritoire pour nous, et agréable à Dieu, Jésus crucifié est le Livre des Élus, Des fruits que porte Jésus crucifié, l'Arbre de vie, VIE CHRÉTIENNE : Dévotion envers la Passion de Jésus-Christ, Des Trésors infinis que nous possédons en JÉSUS-CHRIST, Sur Jésus-Christ et L'intérieur de Jésus-Christ.












mercredi 6 avril 2022

Dieu qui est partout, demande le respect intérieur



Le respect est dû aux Rois de la terre, et c'est ce qui est inséparable de la haute élévation où les met leur grandeur royale. On peut voir même par une induction générale de toutes les personnes qualifiées, qu'elles s'attirent la vénération de celles qui leur sont inférieures. Où iront donc nos respects pour la présence de Dieu, devant qui toutes les Majestés du monde, et tout le reste des créatures ne sont qu'un peu de poussière, et même sont moins que rien ? Apprenons de l'adorable Jésus ce que nous lui devons rendre. Ô si nous étudions bien en sa divine école, efforçons-nous en sa sainte vertu de nous instruire aux pieds de ses Autels, de la manière étonnante qu'il y réside. Ah ! nous l'y verrons autant de fois anéanti, qu'il s'y rencontre en la divine Eucharistie. Ô merveille ! ô miracle d'une humiliation incompréhensible ! Celui qui est égal à son Père, et Dieu comme lui, se faisant homme, s'anéantit lui-même en autant de lieux qu'il se trouve, par le respect qu'il lui porte. Ah ! que ferons-nous donc, chétifs néants que nous sommes. Celui qui est tout, se met dans le rien devant la grandeur infinie de son Père, et où le rien se mettra-t-il ? Il ne faut pas s'étonner si les Saints, après cela, ont toujours vécu dans un esprit de sacrifice ; s'ils ont été des hosties vivantes, s'immolant sans cesse à la grandeur de Dieu par la destruction de leurs passions, de leur propre esprit, de leur propre volonté, des plaisirs des sens, et évitant d'être quelque chose dans les autres créatures, ne voulant y avoir aucune part, soit dans leur esprit par leur estime, soit dans leur cœur par leur amitié ; car ils ne pouvaient souffrir d'entrer en partage avec Dieu, et d'occuper au moins une partie des esprits et des cœurs, qu'il doit remplir lui seul : et pour ce sujet, que n'ont-ils pas fait pour se cacher, pour n'être rien dans les créatures, ou pour s'y perdre dès-lors qu'ils se sont aperçus qu'ils y étaient quelque chose, prenant toutes sortes de voies, et les plus humiliantes pour s'y détruire ?
Le respect donc intérieur que nous devons à la présence de Dieu, est un état d'anéantissement perpétuel que nous devons porter, lui sacrifiant sans cesse tout ce que nous sommes, tout ce que nous faisons, et tout ce que nous souffrons, le monde et toutes les créatures du monde. Voilà le fond de la disposition respectueuse que nous devons à son adorable présence.
Dans cet état d'anéantissement, ne se regardant plus soi-même, on ne voit plus que Dieu ; et à la vue de sa Majesté suprême on fait tout le bien qu'il demande de nous. Pour lors les voies qui conduisent à lui, et qui sont les plus difficiles, deviennent aplanies, et le cœur se trouvant dilaté, on court dans les sentiers les plus saints de la perfection Chrétienne ; car il n'y a rien qui anime davantage que la vue de sa divine présence. N'est-ce pas même ce qui arrive parmi les enfants du siècle ? Que ne font pas les soldats quand ils combattent à la vue de leur Roi ? De simples ouvriers même travaillent avec plus de vigueur, quand celui qu'ils servent a les yeux sur eux, et qu'ils savent qu'il les regarde.
Davantage on ne fait pas seulement le bien, mais on le fait dans une grande perfection ; ce qui remédie à une infinité de dérèglements qui se trouvent dans les meilleures actions que l'on fait souvent très-imparfaitement. La présence de Dieu sanctifie encore les actions les plus indifférentes, comme celles du boire, du manger, du dormir, des récréations nécessaires. Elle fait agir le Chrétien en Chrétien en toutes choses, par des principes surnaturels, à la différence des honnêtes infidèles, qui, en plusieurs choses, agissent moralement bien : comme lorsqu'ils assistent les misérables, qu'ils honorent leurs pères et mères, que les pères aiment leurs enfants, les maris leurs femmes : mais qui ne font ces choses que par nature, et non pas par la grâce.
Mais le respect qui est dû à la présence de Dieu, demande particulièrement que l'on évite le péché. Ô combien cette vérité est efficace pour nous empêcher d'offenser la Majesté infinie de cet être suradorable. Dieu nous regarde. Ce Solitaire s'en servit saintement à l'égard d'une malheureuse qui le sollicitait au péché : Allons, lui dit-il, dans la place publique ; ce qui ayant comblé de confusion cette infâme créature, qui s'écria, qu'il n'était pas possible de commettre des actions pareilles devant tant de monde : Héla, lui répondit le Solitaire, comment donc peut-on les faire devant Dieu ? Un autre Hermite se servit encore heureusement de la même pensée, qui, dans un voyage, s'étant trouvé dans une hôtellerie où il rencontra une femme qui le portait au crime, il lui dit qu'il le voulait bien, à condition qu'elle le menât en quelque lieu si retiré, qu'ils n'y puissent être aperçus de personne. Ensuite cette femme l'ayant conduit dans plusieurs chambres écartées (car l'Hermite lui disait toujours qu'il n'en trouvait pas d'assez retirée) comme elle lui en demandait la raison ; c'est, lui dit-il, que je n'en trouve point où nous ne soyons vus de Dieu.
Où ira donc le pécheur pour se cacher de son esprit, et pour fuir de devant sa face ? Il n'y a point de ténèbres qui le puissent cacher à ses yeux ; car la nuit même sera lumineuse au milieu de ses plaisirs. L'obscurité des ténèbres n'est point obscure pour Dieu, elle est claire pour lui comme le jour, et la nuit et le jour sont à son égard les mêmes choses. Comment donc faire en sa divine présence, ce qu'on ne voudrait pas devant la moindre honnête personne ? Si saint Bernard s'étonnait si fortement de ce que l'on osait pécher en la présence de son Ange gardien, dans quels étonnements devons-nous être de ce que l'on est assez hardi d'offenser Dieu devant Dieu ?
Mais voici quelque chose de bien plus surprenant : c'est que non-seulement le pécheur commet ses crimes en la présence de Dieu, mais dans Dieu même, dont l'immense Majesté remplit toutes choses. Certainement cette vérité est grande et efficace : Dieu nous regarde. Mais c'est une vérité sainte et terrible, nous sommes dans Dieu ; nous aurions bien de la peine à contenir ici nos larmes, si nous avions plus de lumière et plus d'amour. Hé ! quoi donc, le pécheur offense Dieu dans Dieu même. C'est dans Dieu que cet impie le blasphème, que ce vindicatif se venge, que l'on profère tant de mauvaises paroles, et enfin que l'on commet toutes les méchantes actions. Après un attentat si horrible contre la grandeur infinie du Créateur du ciel et de la terre, cessons de nous étonner s'il le punit par des supplices éternels. Ô, si l'on était fortement pénétré de ces tourments inexplicables !
Dieu est plus dans nous que notre propre âme, rien donc ne lui peut être caché. Nous entendons et nous imaginons dedans son être. Cette vérité nous fait connaître que toute cette grande multitude de créatures qu'il voit, ne diminue rien de ses attentions, et qu'il nous considère aussi attentivement, que si nous étions seuls dans tout l'Univers. Il n'est pas un seul instant sans nous regarder, il considère toutes nos actions les unes après les autres, il les pèse, tous nos gestes, tous nos mouvements ; et il n'y a pas une seule de nos pensées qui ne demeure à toute éternité dans sa connaissance.
Il ne faut pas s'inquiéter des mauvaises que l'on souffre avec peine, et sans y donner un consentement libre : toutes les plus abominables qui arrivent contre notre volonté, ne nous peuvent rendre désagréables à Dieu. Elles ont servi d'exercice aux plus saintes âmes, et elles ont aidé à leur perfection. Elles ne sont criminelles que lorsque l'on y adhère librement : mais comment pouvoir le faire ? Il est vrai que nous rougirions, si souvent ce que nous pensons, était connu de la dernière créature du monde : comment donc nous y entretenir volontairement dans Dieu même ? Comment même nous amuser non-seulement dans des pensées mauvaises, mais dans tant de pensées ridicules, ou vaines, ou inutiles ?
Mais si nous rougirions de nos pensées si elles étaient connues de la plus chétive créature ; que ferions-nous, si une ville entière, si une province, si tout un royaume le savait ? On se met en colère si l'on fait quelque rapport de nos défauts ; et cependant, dit un serviteur de Dieu, quand Dieu les voit, ils sont plus connus que s'ils étaient publiés à son de trompe par toute la terre ; et il y a plus d'infamie que s'ils étaient rapportés dans une assemblée de tout ce qu'il y a de grand, de sage et d'illustre dans le monde.
Ô l'horreur d'une âme qui est dans le péché ! Qui pourrait donner à entendre combien c'est une chose énorme, de le commettre devant une si grande Majesté ! J'ai été saisie de frayeur, s'écrie sainte Thérèse, pensant à cette horreur. Ne vous en étonnez pas, mais seulement comme je peux vivre lorsque j'y fais réflexion. Dieu lui avait fait voir l'âme comme un clair miroir transparent, qu'il remplissait de ses divines clartés, et dans lequel il se manifestait d'une manière admirable.
Quelle abomination de désolation, lorsqu'elle est souillée d'un péché mortel, et qu'elle substitue le démon à la place de Dieu. Ce n'est pas que sa Majesté infinie cesse d'y être ; mais autant qu'il est en elle, elle en rend le démon le maître. Ces horreurs peuvent-elles se concevoir ?

(Dieu présent partout, par M. H-M Boudon)


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samedi 2 avril 2022

Dieu qui est partout demande que l'on se souvienne de sa divine présence



C'est le propre des grandes choses, de celles qui sont extraordinairement belles et rares, d'attirer les yeux, et d'occuper l'esprit. Ainsi, vous verrez des gens qui y sont attachés avec plaisir, et qui ont de la peine à en retirer leurs yeux. Ah ! si cela est, comment ne point avoir d'application à la présence de Dieu, devant qui toutes les beautés les plus charmantes ne sont que de vilaines laideurs, devant qui tout ce qu'il y a de plus rare parmi les choses créées, soit dans la terre, soit dans le ciel même, ne mérite pas qu'on s'applique un moment à le regarder ? Est-il possible que ce Dieu qui fera toute l'occupation du Paradis, et dont l'occupation en fera la félicité, qui est un bonheur infini, soit ainsi dans l'oubli en ce monde ; et qu'étant partout, partout on ne le voie point ?
Mais dira-t-on, c'est qu'il est caché à nos yeux corporels. Réponse bien indigne de l'homme, qui n'a pas seulement un corps qui a des yeux, ce qui lui est commun avec les bêtes, mais une âme spirituelle, douée d'intelligence, qui lui fait discerner ce que les sens n'aperçoivent pas. Nous avons dit que plusieurs Philosophes, par la seule lumière naturelle, avaient connu la présence de la Divinité en toute chose. Mais réponse intolérable dans le Chrétien qui a reçu le don de la foi, qui est un œil spirituel qui lui découvre certainement la présence de Dieu qui est partout, et avec plus d'assurance que les choses qui sont plus présentes à ses sens. Est-ce donc que ce bel œil qui est même éclairé par la lumière divine, lui sera inutile, et qu'il n'en sera point d'usage ?
Quoi donc, il sera vrai que nous marcherons dans Dieu ; que si nous regardons, nos regards passent à travers de Dieu ; que si nous respirons, c'est en Dieu ; que l'être de Dieu est intimement présent à notre être, qu'il le pénètre, qu'il l'anime, qu'il le soutient, qu'il lui donne la vie, l'opération, et tout ce qu'il a, et que néanmoins nous ne le regarderons pas seulement, on n'y pensera pas ?
Cependant on regarde, on s'applique à tout ce qui tombe sous les sens, en sorte, dit saint Augustin, qu'il semble que l'homme soit devenu tout chair ; car il ne pense qu'à ce que ses yeux de chair lui découvrent. Étrange et malheureuse corruption ! Infâme extase bestiale, par la domination de la partie animale ! Ainsi, l'homme dépravé est tout occupé des choses sensibles, soit qu'il soit seul, soit qu'il soit en compagnie. Que l'on fasse réflexion sur l'occupation des hommes ; leur pauvre esprit n'est rempli que de créatures, de terre, et des choses de la terre, de maisons, de jardins, de bois, de rivières, d'ameublements, de chevaux, d'équipages, d'habits, d'honneurs, de plaisirs, et des biens temporels. C'est à quoi ils pensent, c'est ce qu'ils aiment. Voilà le sujet de leurs entretiens, la matière de leurs conversations, pendant, hélas ! que l'on passe sa vie dans la désoccupation du Créateur.
Un serviteur de Dieu, (et c'est ce que nous avons rapporté autre part, dans l'un des ouvrages que la divine Providence nous a fait donner au public) arrivant à Paris par la voie d'un carrosse public, entendant toutes les personnes de sa compagnie qui s'entretenaient des nouveaux bâtiments que l'on avait faits dans cette grande ville, et qui s'invitaient à la regarder. Hélas ! dit-il, et personne ne pense à dire que Dieu est ici, et personne ne pense à le regarder. Un autre faisant voyage sur l'eau dans un bateau plein de monde, comme quelques-uns ayant remarqué qu'il était tout pensif, et qu'il ne disait rien, lui en eussent demandé la cause ; hélas ! leur répondit-il, c'est que je pensais à l'intime présence de Dieu qui remplit ce bateau, et que personne n'y pense. Le même, dans plusieurs autres voyages, ne pouvait assez s'étonner, qu'il ne trouvait que des gens qui s'occupaient de tout ce qui se présentait à leurs yeux corporels, sans se souvenir de l'immense Majesté de Dieu qui remplit toutes choses. Mais ce qui le surprenait davantage, est que lorsqu'il leur montrait combien il était juste de s'y appliquer, une si grande vérité ne faisait aucune impression, ni sur leurs esprits, ni sur leurs cœurs. Ah ! disait-il en lui-même, il faut que l'esprit et le cœur de l'homme soient dans un épouvantable dérèglement ! On lui dit : voilà des bêtes, des maisons, des arbres : il les regarde, il en parle, il ne fait son entretien ; on lui dit : voilà Dieu, et il n'y pense pas, et il n'en parle point ! On plaignait la personne dont nous parlons, qui , dans un long voyage, se trouvait seule dans un carrosse public ; et elle ne pouvait assez admirer la l'aveuglement des gens qui ne considéraient pas qu'elle avait avec elle les trois Personnes divines de la suradorable Trinité. Si en passant par quelques lieux, et que l'on prît quelqu'un dans le carrosse, on lui marquait que ce lui serait une satisfaction d'avoir de la compagnie : ô pauvres aveugles, disait-elle en elle-même, j'en ai bien une autre ; et bien loin d'avoir du plaisir de celle des créatures, elles me donnent de la peine ; car elles ne servent qu'à divertir de celle du Créateur.
Ô qu'une âme qui découvrirait la présence de Dieu, y goûterait de délices, et qu'elle y trouverait de matière pour s'entretenir avec cette suprême Majesté ! Ô quelle différence entre la vie des sains Anachorettes, et celles des personnes qui vivent dans le siècle ! Les créatures du monde, à peine peuvent-elles supporter la retraite. Il leur faut toujours de la compagnie, et des divertissements qui ne sont que bagatelles. Elles passent leur vie à s'entretenir avec d'autres créatures leurs semblables, et une demi-heure que dure la célébration du très-saint Sacrifice de la Messe, leur paraît bien longue. On crie si un Prédicateur parle plus d'une heure des plus grandes vérités de la Religion. On dit qu'on a de la peine à s'entretenir avec Dieu l'espace d'une demi-heure ou d'une heure ; et cependant, où trouve-t-on de ces créatures du monde parfaitement contentes, même de celle qui jouissent davantage de ce que l'on y recherche le plus. Leurs jeux, leur bonne chère, leurs récréations, leurs plaisirs, leurs plus belles conversations, donnent-ils à leur cœur un repos entier ? C'est ce qu'ils ne peuvent faire, parce qu'ils n'ont rien de véritablement solide, ils ne sont qu'une pure vanité.
Au contraire les divins Solitaires, dans une entière séparation des créatures, sans avoir de conversation avec elles, sans leurs jeux, leurs divertissements, n'ayant que Dieu seul dans leurs déserts pour compagnie, qui était toutes leurs richesses, tout leur plaisir, possédaient une tranquillité que le monde ne connaît point. Une paix divine qui surpasse tout sentiment, demeurait dans leurs cœurs. Ils menaient une vie angélique, et ils commençaient à en goûter les joies célestes. Ô ! qui pourrait nous dire ce qui s'est passé dans l'intérieur du divin Paul, Hermite, qui a vécu plus de quatre-vingts ans dans le désert, sans jamais y avoir vu ni parlé à personne ; car il y avait plus de quatre-vingts ans qu'il s'y était retiré lorsqu'il y fut visité par saint Antoine. Certainement sa vie a été une vie du Paradis, toujours dans la contemplation de la Divinité.
Malheur à nous, qui en sommes si peu occupés. Malheur à toi, ô monde, dans tes ténèbres, qui, ayant Dieu présent partout, et qui partout ne le regardes pas, et qui t'ennuies si-tôt dans le peu de temps que tu y penses, et que l'on te parle de sa suprême Majesté. Ô si tu savais quel honneur c'est que la permission qu'il nous donne de nous entretenir avec sa grandeur infinie, que ne serais-tu pas pour jouir d'un bien si divin ? Une âme éclairée voit bien que s'il fallait souffrir durant toute la vie pour avoir cette grâce seulement un moment, que ce serait peu de chose : et voici que nous pouvons, quand il nous plaît, et facilement avec le secours divin, jouir de cet honneur inestimable ; et nous le négligeons !
Ô vraiment, s'écriait la séraphique Thérèse, puisque mon Dieu est partout, je ne le laisserai pas sans avoir l'honneur de l'entretenir ! Certainement c'est une indignité insupportable à une chétive créature, de traiter de la sorte son Créateur. Hélas ! voudrait-on en user de cette manière avec une personne un peu considérable ? C'est ce qui paraîtrait insupportable à une créature, et il faut qu'un Dieu le souffre !
Mais d'où vient un aveuglement si excessif parmi les hommes ? C'est que les esprits sont aveuglés par la terre à laquelle ils sont attachés. Ô bienheureux ceux qui ont le cœur pur par le dégagement ; car ils verront Dieu. C'est à eux à qui il se manifeste avec des amours ineffables ; et c'est cette manifestation qui est le don de sa divine présence.
Toutes les créatures à la vérité, avec le secours de sa grâce, peuvent le voir partout, puisqu'il remplit tout de son immense Majesté. Mais dans la voie commune, il faut s'appliquer avec une attention spéciale pour découvrir son adorable présence. Les Chrétiens, avec la lumière de la Foi, s'y appliquent comme ceux qui cherchent quelque chose avec une chandelle durant l'obscurité de la nuit ; c'est avec une attention particulière, et avec peine. Mais il y en a à qui il se découvre par une lumière infuse, et qui marchent sans peine en sa présence, comme ceux qui cheminent pendant la clarté d'un grand jour, à qui les objets sont présents sans aucune difficulté. C'est le don que ce Dieu de toute bonté fait à ceux qui le servent en vérité, par un véritable renoncement à eux-mêmes, au monde, et à toutes les choses du monde. Il s'en est même trouvé qui ont eu ce don continuel : comme il est rapporté du saint Homme, le grand dévot de l'Immaculée Conception de la Mère de Dieu, le vénérable Frère Alphonse Rodriguez, Religieux de la Compagnie de Jésus, comme lui-même l'assura un jour à plusieurs Pères de sa Compagnie, qui, disputant un jour sur ce sujet, estimaient que cela n'était pas possible. Mais ce qui ne l'est pas dans la voie ordinaire, l'est bien extraordinairement, quand il plaît à Dieu d'en faire la grâce.
Ce divin Souverain qui en est le Maître, en dispose comme bon lui semble. Toujours est-il vrai que ceux qui le cherchent le trouveront. Ainsi, le Chrétien, qui, se servant de la Foi, s'applique de temps en temps à son adorable présence, peu à peu avec son secours en aura la sainte habitude, et souvent s'en souviendra.
Il ne faut donc pas borner l'Oraison dans l'espace de nos Églises. L'Apôtre voulait qu'on priât Dieu en toutes sortes de lieux. Tout le monde, dit Saint Cyprien, est le Temple de la Divinité ; dans toute son étendue, l'on y trouve la société des trois Personnes divines de la suradorable Trinité, nous avons donc partout une belle compagnie. Que personne donc ne se plaigne de sa solitude. Que les Religieuses pensent à cette importante vérité, et leur retraite n'aura plus rien de rebutant pour elles ; et ce leur sera une peine d'aller aux parloirs. Les premières carmélites de la réforme de saint Thérèse, assuraient que ce leur était une espèce de martyre, quand elles étaient obligées de s'y rendre ; et leur grand soin était d'en sortir au plutôt. Que les pauvres, et les autres personnes délaissées se consolent, puisqu'elles ont avec elles ces Personnes divines qui font tout le bonheur du Paradis. Ô si elles savaient le don de Dieu ! Il est aisé de se passer des créatures quand on a le Créateur. Comment après cela désirer avec empressement la conversation des hommes, ou se plaindre d'en être privé ?

(Dieu présent partout, par M. H-M Boudon)


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