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dimanche 13 octobre 2019

Neuvaine en l'honneur de Sainte Thérèse d'Avila






NEUVAINE EN L'HONNEUR DE

LA GLORIEUSE MÈRE SAINTE-THÉRÈSE DE JÉSUS





INSTRUCTION SUR LA NEUVAINE


Les Indulgences que deux illustres Prélats (Monseigneur le Cardinal Archevêque de Tolède, et Monseigneur l'Évêque de Valladolid) ont accordées aux Fidèles de leurs Diocèses, qui feraient une Neuvaine en l'honneur de Sainte-Thérèse, prouvent bien l'estime qu'ils faisaient de cette dévotion. Mais quelque utile qu'elle puisse être, elle ne le serait cependant que médiocrement à quiconque ne voudrait pas entrer dans les voies de l'Oraison. Pour obtenir la protection de cette grande Sainte, il faut entrer dans son esprit ; et son esprit fut celui d'une très-grande union avec Dieu, par le moyen de l'Oraison. Sainte Thérèse fut un esprit très-élevé et une âme favorisée des grâces les plus extraordinaires. Ceux qui feront la Neuvaine ne doivent pas prétendre lui ressembler parfaitement ; mais, sans l'Oraison, ils n'auront aucun trait de ressemblance avec elle. L'on ajoute aux Prières de chaque jour des réflexions sur l'Oraison, relative aux principales vertus de cette grande Sainte, afin qu'on puisse par-là les mieux connaître, et les imiter plus facilement.

Les personnes qui ont dévotion à Sainte-Thérèse, n'ont pas besoin d'attendre le jour de sa Fête
, ni aucun autre temps de l'année pour lui donner un témoignage de leur piété et de leur confiance ; elles pourront faire cette Neuvaine quand il leur plaira, ou lorsqu'elles se trouveront dans quelques afflictions de corps ou d'esprit : cependant elles pourraient la commencer, 1. le 7 Octobre, pour la finir le jour de sa Fête, jour auquel elle regarde, du haut du ciel, avec une bonté particulière, ceux qui lui sont sincèrement dévoués ; 2. le 8 Juillet, pour la finir le 16, jour auquel on célèbre la Fête de Notre-Dame du Mont-Carmel, et qui fut celui où la Sainte conçut le projet de la réforme de son Ordre ; 3. le 19 du mois d'Août, pour la finir le 27, jour auquel se fait la Fête nouvellement établie de la Transverbération de son cœur ; 4. le 16 Novembre, pour la finir le 2e jour de la fête de Saint-Jean-de-la Croix, Carme, coopérateur de la Sainte dans l'œuvre de la réforme ; 5. le 11 de Mars, pour la finir le 19, Fête du glorieux Patriarche Saint-Joseph, auquel la Sainte fut redevable de tant de faveurs, et dont elle a étendu la dévotion par toute la terre. Enfin, quelque temps qu'on choisisse, cette Neuvaine ne peut manquer de lui être fort agréable ; et elle écoutera favorablement les prières qui lui seront alors adressées, pourvu qu'elles partent d'un cœur plein de ferveur et de confiance.

Voilà ce qui regarde le temps de la Neuvaine.

Quant à la manière de la faire avec fruit, il faut :

1. En se levant, offrir au Seigneur toutes les actions de la journée.
2. Entendre la Sainte Messe, et visiter les Autels, dans l'intention de satisfaire à Dieu pour les âmes du Purgatoire.
3. Faire quelques moments d'Oraison mentale devant et après la Messe. La sainte Mère recommandait cette pratique.
4. Faire sa Lecture et sa Méditation sur les vertus héroïques de la Sainte.
5. Pratiquer en son honneur quelques œuvres de miséricorde, faire quelques aumônes, faire quelques exercices d'humilité extérieure, sur tout si l'on est dans l'état religieux.
6. Offrir à la Sainte quelques pratiques de mortifications extérieure ou intérieure, et garder une exacte retenue de tous ses sens.
7. Éviter les fautes les plus légères.
8. Imiter quelques-unes des vertus de la Sainte, comme son amour pour Dieu et pour le prochain ; son humilité, sa patience, sa mortification.
9. Tacher, par tous les moyens possibles, d'étendre la dévotion envers cette Sainte ; et pour couronner toutes ces saintes pratiques, prendre un jour de la Neuvaine pour faire une sincère Confession de ses péchés, accompagnée d'une vraie contrition : il serait très-utile de faire alors une revue des fautes d'une partie de sa vie, ou même une confession générale, surtout si l'on n'en a jamais fait. On terminera tous ces exercices de la Neuvaine par la Communion qu'on fera avec toute la dévotion, le recueillement et la ferveur qui sont dus à la Très-Sainte Eucharistie.

Si la personne qui entreprend cette Neuvaine est Religieuse, et surtout Fille de Sainte-Thérèse, elle s'appliquera particulièrement à garder avec exactitude et ferveur, toutes les Règles et Observances de son état, sur tout le silence et le recueillement intérieur ; elle s'appliquera aussi, avec un renouvellement de dévotion, à l'Oraison, à la psalmodie et à la présence de Dieu ; elle se portera avec plus de ferveur à l'humilité et à la pénitence, s’efforçant, comme nous l'avons dit, d'imiter les vertus de la Sainte, particulièrement celles qui sont propres à l'état religieux ; c'est-à-dire, la pauvreté, la chasteté, l'obéissance, la patience, l'amour de Dieu et du prochain, surtout des Sœurs avec lesquelles elle a à vivre ; elle tachera enfin de devenir une parfaite copie de l'excellent modèle qui fait le sujet de ses méditations.


PRATIQUES ET PRIÈRES POUR TOUS LES JOURS DE LA NEUVAINE

On se mettra à genoux devant quelque Autel ou quelque image de la séraphique Mère ; là, élevant son cœur à Dieu, et se présentant à la Très Sainte Trinité, à Notre-Seigneur Jésus-Christ, à la Très-Sainte Vierge et à toute la Cour céleste, on fixera son attention sur Sainte-Thérèse, à laquelle cette Neuvaine est consacrée ; dirigeant, par son intercession, toutes ses pensées, paroles et actions, à la plus grande gloire de Dieu ; ensuite, faisant le signe de la Croix et un acte de Contrition, on récitera la Prière suivante, qu'on répétera tous les jours de la Neuvaine.


PRIÈRE

Séraphique et très-glorieuse Sainte Thérèse, Épouse de Jésus-Christ, digne d'être comparée :

Aux Anges, par la pureté de votre corps et de votre âme ;
Aux Archanges, par les excellentes entreprises que vous avez exécutées pour la plus grande gloire de Dieu ;
Aux Principautés, par le don éminent que vous avez reçu, de conduire les âmes à la plus sublime perfection ;
Aux Puissances, par le merveilleux pouvoir que Dieu vous a donné sur les esprits de ténèbres ;
Aux Vertus, par les miracles éclatants que vous avez opérés ;
Aux Dominations, par le talent singulier que le ciel vous a confié pour former des Anges terrestres ;

Trône du Très Haut, sur lequel a daigné reposer Jésus-Christ, votre divin Époux ; Chérubin lumineux, dont les écrits pleins de lumière et de feu, éclairent et embrasent le monde ; Séraphin ardent et brûlant, qui êtes mort par la violence du divin amour, et qui procurez le même bonheur à tant de Vierges Épouses de Jésus-Christ ; ma très aimable Mère, je me réjouis des faveurs signalées qui vous ont mérité d'être aimée et choisie pour Épouse, par le plus parfait et le plus accompli de tous les Époux. En vous donnant pour gage un clou sacré qui a percé sa divine main, il vous chargea, comme sa fidèle Épouse, d'étendre sur la terre son honneur et sa gloire ; il vous découvrit ses charmes, il se montra à vous dans toute sa beauté ; il vous honora de ses visites, il vous communiqua ses intimes secrets, il vous combla d'une infinité d'autres grâces tout-à-fait merveilleuses ; et pour couronner toutes ces faveurs, embrasa votre âme du feu de son saint amour : pleine de confiance en votre maternelle bonté, j'implore votre charité bienfaisante, afin que vous m'obteniez de votre tout puissant Époux, la grâce de mener une vie véritablement chrétienne et religieuse, le bonheur de mourir entre les bras de Jésus et de Marie ; que vous daigniez vous-même alors me favoriser de vos regards et de votre assistance, et me procurer, dès à présent, ce que je demande à Dieu dans cette Neuvaine, pourvu que ce soit pour sa plus grande gloire, pour votre honneur et pour le bien de mon âme, dans le temps et pour l'éternité. Ainsi soit-il.

Après cette Prière, on fera Oraison, ou au moins on lira la Réflexion marquée pour chaque jour, après laquelle on récitera la Prière qui la suit ; ensuite on dira trois Pater et trois Ave en l'honneur de la Sainte Trinité, et en reconnaissance des faveurs singulières que Sainte-Thérèse a reçues du ciel, par l'impression merveilleuse que ce sacré mystère a fait sur son âme.

On fera ici sa demande, dans la confiance d'obtenir, par l'intercession de la Sainte, ce qu'on désire : confiance d'autant mieux fondée, que Jésus-Christ, son divin Époux, lui a promis de ne lui rien refuser de ce qu'elle lui demanderait.

On finira par l'Antienne et l'Oraison de la Sainte, et celles de Saint-Jean-de-la-Croix, son fidèle Coopérateur.


PRIÈRE PRÉPARATOIRE

Glorieuse Mère Sainte-Thérèse de Jésus, qui êtes, entre toutes les Vierges, ce que les Séraphins sont parmi les Anges, heureuse Vierge, consumée par le feu de l'amour divin, et remplie de l'esprit séraphique ; si mes prières, mes vœux et mes désirs tendent à la plus grande gloire de Dieu, présentez-les à sa divine Majesté, et conjurez Jésus-Christ, votre divin Époux, de les exaucer. Mais, hélas ! si je me trompais dans mes demandes, je vous supplie instamment de les rectifier, d'en former pour moi de nouvelles, et de m'obtenir ce qui sera le plus agréable à Dieu, le plus conforme à sa gloire, et le plus avantageux à mon âme. Ainsi soit-il.



RÉFLEXIONS POUR LE PREMIER JOUR


Esprit d'Oraison de Sainte-Thérèse par rapport à l'Humilité



L’humilité consiste à se bien connaître, à se mépriser sincèrement, à supporter et à désirer même que les autres nous méprisent. Ce sont là comme les degrés qui élèvent l'âme à cette admirable vertu. Si Sainte-Thérèse n'avait pas été une fille d'oraison, elle aurait été plus vaine et plus prévenue en faveur de son mérite, qu'une autre. La raison en est évidente : elle avait plus de beauté et d'agrément dans l'esprit, que la plupart des personnes de son temps et de sa condition. Elle eut besoin de descendre profondément en elle-même, pour y reconnaître son néant. Ce fut une grâce bien singulière que Dieu lui fit d'apprendre à subjuguer son esprit, et à le perdre dans l'immensité divine. Elle ne serait jamais parvenue à se convaincre qu'elle n'était rien, sans ce degré d'Oraison sublime où Dieu l'éleva. Elle se reconnut faible, dissipée, légère, capable des plus grands écarts ; elle s'étonna de n'être pas le rebut du monde entier, et elle désira sincèrement d'être à sa place ; c'est-à-dire, d'être méprisée des hommes, se regardant comme indigne de tenir un rang dans la maison de Dieu. Si son Oraison n'eût été que médiocre, son esprit l'eût trahie ; il eût repris le dessus sur quelques désirs passagers d'humilité et d'humiliation ; mais se trouvant absorbée dans la plénitude de Dieu, dans cet infini, où toute perfection créée disparaît, elle conçut d'elle-même ce mépris profond qui captiva les illusions de son esprit. Quand on veut se bien connaître, il faut commencer par demander la grâce de connaître Dieu ; il faut entrer dans l'étude de Dieu, si j'ose parler ainsi ; et c'est ce que l'Apôtre recommandait aux premiers Fidèles, en leur parlant sans cesse de la science de Jésus-Christ. Pourquoi le monde est-il vain et présomptueux ? c'est qu'il n'a point cette science, que le même Apôtre appelle éminente. Thérèse la posséda dans un degré sublime, et elle dût cette science à l'Oraison fréquente, animée, vivifiée par les touches intérieures et ineffables de l'Esprit-Saint. Cette admirable fille a écrit des choses de Dieu, avec une éloquence et un esprit qu'elle seule vraisemblablement n'apercevait pas, tant elle était pénétrée de sa bassesse et de son incapacité. Elle ressembla, en quelque sorte, aux Prophètes qui annonçaient les mystères du salut, et qui disaient qu'ils ne savaient pas parler, qu'ils étaient comme le pur néant devant Dieu.
Ô Oraison, source de l'humilité de Thérèse, quand est-ce que je vous connaîtrai, que je vous pratiquerai, sinon dans ce degré si éminent, au moins avec l'avantage d'apprendre à me connaître, et à me mépriser ? Jamais, ô mon Dieu, je ne serai humble, si je n'entre dans les voies de l'Oraison. C'est dans ce sentier unique que je puis voir votre grandeur et ma misère, votre amour et mon indifférence. Ô Seigneur, donnez-moi un rayon de cette lumière, qui éclaira Thérèse ; une goutte de cette onction qui pénétra son cœur ; une étincelle de ce feu sacré qui embrasa son âme. Et vous, sainte Amante de Jésus, jetez un regard favorable sur moi, obtenez-moi la grâce de prier, de m'anéantir, de me plonger dans l’abîme de toutes les connaissances, et dans la fournaise du pur amour.


PRIÈRE

Mon très-doux Jésus, divin époux de Thérèse, qui avez gravé dans son âme les sentiments d'une humilité si solide, si noble, et en même-temps si profonde, qu'elle ne s'est jamais démentie dans le sublime état de sainteté où il vous a plus de l'élever, et où elle a su se maintenir, sans perdre de vue sa bassesse et son néant, quoique favorisée des grâces les plus singulières, élevée à la plus haute contemplation, et comblée des applaudissements que lui attiraient ses actions héroïques et ses miracles éclatants. Je vous supplie, divin Jésus, par cette humilité profonde de votre épouse, de m'accorder une humilité également solide et véritable, qui me fasse connaître mes péchés, qui dissipe les ténèbres de mon âme, et qui me préserve du poison subtil de la vanité ; qui dispose enfin mon cœur à recevoir enfin la grâce que je vous demande dans cette Neuvaine, si c'est pour la plus grande gloire de Dieu. Ainsi soit-il.



RÉFLEXIONS POUR LE SECOND JOUR


Esprit d'Oraison de Sainte-Thérèse, par rapport à la Pénitence


Thérèse ne commença point l'édifice de sa perfection par la Pénitence ; mais par l'Oraison ; et le Prophète-Roi en usa de même : il se prosterna aux pieds de son Dieu ; il poussa vers lui des soupirs ; puis il se revêtit de cilice, et arrosa sa couche de ses larmes. C'est l'Oraison qui découvre l'horreur du péché, et qui anime le pécheur à venger sur lui-même les droits de Dieu. Jésus-Christ prie au Jardin, et s'y voit chargé de toutes les iniquités du genre-humain ; et aussitôt il dit : Allons, qui doit me livrer à la fureur de mes ennemis, est proche. De l'Oraison, ce divin Sauveur passe au Prétoire et au Calvaire. Thérèse, à son exemple, se fortifia, dans l'Oraison, contre son ennemi domestique, qui était son corps, et elle entreprit de le réduire en servitude. Nous nous étonnons des austérités de cette Sainte, et en général de tous les Saints amis de Dieu ; c'est que nous ne savons pas ce que Dieu leur inspirait dans l'Oraison ; c'est que nous ignorons combien la ferveur de l'esprit les rendait ennemis de leurs sens. Une personne d'Oraison est une personne crucifiée : quand les croix du dehors lui manquent, elle s'en procure elle-même ; persuadée que, comme pécheresse et comme disciple de Jésus-Christ, elle doit toujours souffrir. Une preuve que la pénitence de Sainte-Thérèse prit sa source dans l'Oraison ; c'est que sa réforme a pour base l'Oraison, et pour exercice continuel et journalier, l'austérité de vie et la pénitence. Il lui eût été impossible de persuader aux hommes et aux femmes un genre de vie si contraire à la nature, si elle ne les y avait fait entrer par la voie de l'Oraison. Dans la milice temporelle, on ne s'expose pas aux travaux de la guerre, sans être animé de quelque puissant motif, comme de la gloire, de l'ambition, de l'amour de la patrie. Dans la milice spirituelle, on ne déclare point la guerre à ses sens, sans être fortifié dans l'intérieur ; et cette force ne vient que de l'Oraison. Jamais une personne d'Oraison n'est sensuelle, et jamais une personne, sans Oraison, n'est pénitente. Tout le monde n'est pas capable de pratiquer les austérités de Sainte-Thérèse ; mais quiconque s'adonne à l'Oraison, trouve mille moyens de se mortifier. Il exclut d'abord tout excès en tout genre ; il se réduit à un nécessaire fort approchant de l'austérité ; il s'interdit tous les plaisirs, non seulement dangereux, mais permis ; il cherche ; selon l'avis du pieux Auteur de l'Imitation, à posséder toujours moins que plus, il bénit Dieu des occasions qui se présentent de souffrir ; il ne passe aucun jour, sans disputer à ses sens quelqu'une des satisfactions qu'ils désirent ; il pratique en secret, selon son état, ses forces et son degré d'Oraison, quelques-unes des mortifications que la piété suggère et autorise.
Ô Pénitence ! fruit précieux de l'Oraison, je vous estime et vous aime, tout immortifié que je suis. Je n'ai rien à opposer aux exemples des Saints, et à celui de Sainte-Thérèse en particulier : sa Pénitence ne m'étonne plus, dès que je me la représente livrée totalement à l'Oraison ; je la vois revêtue de toutes les armes du Salut ; et je conçois qu'elle avait saisi parfaitement la pensée de l'Apôtre, qui ne sépare point cette sainte armure des exercices de l'Oraison. Prenez, dit-il, l'armure de Dieu, priant sans cesse en esprit. Ô, Seigneur ! conduisez-moi à la Pénitence par l'Oraison, et sanctifiez mon Oraison par la Pénitence ; que mon esprit et mon cœur soient vos victimes dans l'Oraison, et que mon corps vous soit aussi immolé par la Pénitence.


PRIÈRE

Mon très-doux Jésus, divin Époux de Sainte-Thérèse, qui lui inspirâtes l'esprit de la plus rigoureuse pénitence, qui lui suggérâtes les moyens de peupler le monde et les déserts de Pénitentes illustres et de saints Anacorètes, de remplir de ce même esprit les âmes les plus timides, et de faire triompher de la délicatesse naturelle à leur sexe, une infinité de filles qui sont devenues vos épouses, et qui, menant une vie angélique, ressemblent à ces tendres fleurs qu'on voit naître et fleurir au milieu des épines, je vous supplie, ô divin Jésus ! par cette austère pénitence de votre Épouse, de m'accorder la grâce de mortifier mon corps, de le réduire en servitude, de mener une vie véritablement chrétienne, qui me fasse embrasser volontairement les saintes rigueurs de la Pénitence, afin que j'obtienne la grâce  que je vous demande dans cette Neuvaine, si c'est la plus grande gloire de Dieu. Ainsi soit-il.



RÉFLEXIONS POUR LE TROISIÈME JOUR


Esprit d'Oraison de Sainte-Thérèse ; par rapport à la Patience


Sainte-Thérèse fut appelée à une sorte de bonnes œuvres qui exigeaient d'elle une patience invincible. Outre les peines intérieures par lesquelles Dieu l'éprouva, elle fut chargée de rétablir l'ancienne Observance dans l'Ordre du Carmel : entreprise plus difficile, en quelque sorte, que celle de fonder une Congrégation nouvelle. Les Instituteurs des saintes Sociétés n'ont eu à vaincre que le monde et ses passions ; au lieu que les Réformateurs ont à combattre les préjugés, la coutume, les raisons mêmes que suggère, jusqu'à un certain point, la prudence, et qu'appuie, à certains égards, la piété. On ne regarde pas d'un œil favorable les procédés de quiconque s'élève contre les mitigations confirmées par l'usage de plusieurs siècles, et non-réprouvées par une multitude de personnes respectables. Il faut savoir, dans ces occasions, distinguer ce qui est dû à l'obéissance légitime, de ce que l'amour-propre, la connivence, l'indulgence autorisent mal à propos ! Il faut tirer du sein de la Règle altérée, les remèdes aux abus, et former de nouvelles colonies, en dépeuplant, pour ainsi dire, la Société ancienne. On court risque alors de passer pour novateur, et l'on est exposé aux imputations d'inquiétude, d'ambition, de révolte. L'entreprise doit être infiniment plus délicate et plus épineuse, quand c'est une personne du sexe le plus faible qui y parait en chef. On ne se persuade pas aisément qu'elle soit suscitée de Dieu pour une œuvre où les génies les plus forts auraient beaucoup de peine à réussir. Il se présente des obstacles sans nombre contr'elle, quelque éclairée et quelque vertueuse qu'on la suppose ; et si elle conduit son projet à une heureuse fin, ce ne peut être qu'après des travaux presqu'incroyables. Telle fut la position de Thérèse : elle eût été capable, par son esprit, de gouverner un Empire ou une République ; mais la réforme du Carmel était une œuvre que l'Esprit de Dieu seul pût lui inspirer et lui faire exécuter. Cet Esprit divin donne des lumières, des forces, de la persévérance ; mais il laisse les épreuves et les croix. C'est même par-là qu'on juge de sa direction et de son influence. Les Fondateurs du Christianisme ont réussi, parce que l'Esprit-Saint les conduisait ; mais ils ont donné leur sang pour remplir toute l'étendue de leur vocation. Thérèse entra donc dans cette carrière de traverses, de contradictions, de tempêtes, et sa patience fut inaltérable. Mais où puisa-t-elle ses forces et cette constance, sinon dans l'exercice continuel de l'Oraison ? Ce fut sur cette base qu'elle établit son projet ; ce fut de cette source que lui vinrent les lumières, les vues et tous les moyens de réussir. Au sortir de l'Oraison, elle se présenta aux difficultés, comme les Martyrs s'offrirent aux buchers, aux chevalets et à la mort. Rien ne coûta à cette admirable Fille, pour accomplir l'œuvre dont son divin Époux l'avait chargée. Elle s'associa des Coopérateurs, et elle les anima de son courage : les voyages fatigants, la pauvreté extrême, les orages domestiques, les contradictions étrangères, la prudence trop humaine des amis ou des directeurs, les hommes et l'Enfer conjurés contre elle, ne purent la décourager, la rebuter. Dans le tourbillon des affaires et la multitude des obstacles, elles se tenait unie à Jésus-Christ, et la Croix de ce divin Sauveur était son asile. Ah ! quelle patience ! l'Oraison seule de Thérèse a pu la donner ; la Réforme du Carmel est le chef-d'œuvre de l'Oraison ; et j'en conclus que, si je suis faible dans mes entreprises, impatient dans les traverses de la vie, plein de défiance dans l'œuvre de mon Salut, c'est que la ressource de l'Oraison me manque. Avec l'Oraison, une âme est comme ces rochers battus continuellement des flots, mais toujours immobiles, malgré l'effort de la tempête. Serai-je donc toujours ennemi de l'Oraison ? Ô mon Dieu ! Négligerai-je toujours de m'établir dans la paix par ce moyen si puissant et, j'ose le dire d'après les Livres saints, si unique pour me procurer la constance parmi les tribulations qui m'environnent ? Ô grande Sainte, que je devienne aujourd'hui votre Disciple dans les voies de l'Oraison ! Je ne suis pas destinée à des entreprises aussi sublimes que les vôtres ; mais les ennemis de mon Salut sont terribles : obtenez-moi le don de l'Oraison pour leur résister et les vaincre.


PRIÈRE

Mon très-doux Jésus, divin Époux de Thérèse, qui l'avez rempli de l'esprit de force, d'un courage héroïque, capable de supporter d'immenses travaux pour votre gloire, et qui lui avez donné une invincible patience dans toutes les épreuves qu'elle a eues à soutenir, ne mettant toute sa vie son bonheur et sa gloire qu'à souffrir, et répétant sans cesse dans son cœur magnanime et embrasé de votre amour, ces belles paroles : Ou souffrir, ou mourir, je vous supplie, mon divin Jésus, par cette patience invincible de votre illustre Épouse, de m'accorder une patience si parfaite, qu'elle soit ma consolation et ma gloire dans les peines et les travaux de ma misérable vie ; qu'elle m'en assure une heureuse et éternelle ; qu'elle me porte efficacement à vivre dans les souffrances, et à être crucifié avec vous ; qu'elle me mérite enfin la grâce que je vous demande dans cette Neuvaine, si c'est pour la plus grande gloire de Dieu. Ainsi soit-il.



RÉFLEXIONS POUR LE QUATRIÈME JOUR


Esprit d'Oraison de Sainte-Thérèse, par rapport aux Peines intérieures


C'est ici surtout que l'Oraison est nécessaire, quoiqu'elle soit extrêmement laborieuse et difficile. Les peines intérieures sont les tentations, les sècheresses, les abandons, les révoltes du cœur et de l'esprit. Avec la meilleure volonté, on est comme sans volonté, parce que les nuages obscurcissent le fond de l'âme, et que les tempêtes paraissent bouleverser l'intérieur. Dans ces circonstances, l'Oraison est tout à la fois la ressource et le tourment de la créature ; sentant sa misère et ses besoins, elle se jette dans le sein du Créateur, et il lui semble qu'elle ne peut y entrer ; elle est attirée vers lui, et il lui semble qu'elle en est repoussée ; elle veut l'aimer uniquement, et il lui semble qu'elle n'a dans son fond qu'opposition à l'amour ; elle a quelquefois des lumières très-vives, et l'obscurité vient bientôt les éclipser. Sainte-Thérèse éprouva plus que personne les rigueurs de cet état, elle eut de plus à subir celle des doutes sur sa voie, parce qu'elle était extraordinaire. Jésus-Christ la conduisait au-dedans, et les hommes ne connurent que trop tard et très-difficilement le succès de cette conduite. Au lieu de la consoler, ils la troublèrent ; et bien loin de la diriger, ils l'exposèrent à des égarements. Si l'Oraison n'avait pas soutenu cette grande Âme, elle eût succombé sous le poids de ses peines, et l'œuvre admirable de sa perfection eût été détruite, comme il est arrivé à tant d'autres. Mais quelle Oraison dans une nuit si profonde ! Il ne m'est pas donné, mon Dieu, de développer ce que je peux savoir ; c'est que Thérèse persévéra dans l'union avec vous, et dans la persuasion intime de son néant ; c'est que l'Oraison fut l'Autel où elle s'immola sans cesse en votre présence ; c'est que malgré vos rigueurs apparentes, elle se tint fortement attachée à votre Croix ; c'est qu'avec toute sa docilité aux lumières et aux avis de ses Directeurs, elle eut assez de constance pour ne point sortir de sa voie ; c'est que l'état passif et douloureux où elle se trouva, lui ouvrit la route de l'Oraison la plus sublime. Il fallait dans l'Église un exemple tel que celui-ci, parce qu'il y a dans l'Église beaucoup d'âmes fidèles que Dieu éprouve par des peines intérieures. Elles apprennent de Sainte-Thérèse à ne jamais quitter l'Oraison quelque ténébreuse qu'elle leur paraisse ; à croître dans la connaissance de leur néant, par la vue et le sentiment de leurs faiblesses ; à redoubler d'ardeur, lorsque leur cœur paraît comme une terre sans eau ; et à attendre avec patience les moments de la visite du Seigneur. Si tous les Saints avaient écrit l'histoire de leur Vie, comme Sainte-Thérèse, on verrait dans tous les temps nébuleux, et toujours ces orages dissipés par la constance et la ferveur de l'Oraison. Hélas ! le grand Apôtre lui-même fut soumis à des épreuves violentes, et il se plaignit des révoltes de sa chair : et quel fut son asile ! J'ai prié, dit-il, trois fois le Seigneur et il m'a répondu : Ma grâce vous suffit.
Ô sainte Oraison, l'appui des âmes faibles, et la lumière des esprits qui cherchent Dieu parmi les ténèbres ! je m'abandonne à vous ; je veux vivre dans votre sein et vous suivre, quelques difficultés qu'il se rencontre dans la route que vous me tracez. Je dois toujours prier, suivant l'avis de l'Apôtre, et selon l'exemple que m'en a donné Sainte-Thérèse. Esprit-Saint, priez dans moi, demandez dans moi ; que vos gémissements ineffables suppléent à mes aridités, à mes tiédeurs : Entretenez dans moi le goût de la prière, et faites-moi vivre de ce pain céleste, en attendant que je m'unisse à vous invariablement dans l'éternité.


PRIÈRE

Mon très-doux Jésus, Divin Époux de Sainte-Thérèse, qui avez éprouvé la fidélité de votre Amante par plusieurs années de peines intérieures des plus sensibles ; qui avez purifié son amour, en voilant le vôtre ; resserré les nœuds de son union avec vous par l'abandon le plus douloureux, et par la soustraction de vos faveurs ; qui l'avez élevée au plus haut degré d'Oraison, par les sècheresses et les aridités ; qui avez été son guide et son maître dans le chemin de la plus sublime perfection : je vous conjure, Divin Jésus, par ce long martyre de votre fidèle épouse, de soutenir ma faiblesse dans les tentations et les épreuves de cette vie ; d'animer ma confiance dans les peines et les perplexités intérieures, de préserver mon âme de la tiédeur et du dégoût ; de fixer mon imagination, d'éclairer mon esprit, d'échauffer mon cœur dans le saint exercice de l'Oraison ; de me conduire vous-même dans la voie étroite et difficile du salut ; de m'accorder enfin ce que je vous demande dans cette Neuvaine, si c'est pour la plus grande gloire de Dieu. Ainsi soit-il.



RÉFLEXIONS POUR LE CINQUIÈME JOUR


Esprit d'Oraison de Sainte-Thérèse par rapport à l'Espérance


L'espérance chrétienne a deux objets, le salut et les moyens du salut. Nous sommes tous obligés d'espérer le salut et les moyens nécessaires pour y parvenir ; mais ce qui nous rassure dans la route du salut, et ce qui nous en procure les moyens, c'est la prière ; et, de toutes les prières, l'Oraison mentale est la plus efficace, parce qu'elle est l'exercice de l'esprit et du cœur ; parce qu'elle unit l'âme à Dieu, auteur du salut et de toutes les grâces qui y conduisent. Quand les Chrétiens se flattent de parvenir au salut, sans prier, ils sont dans une sécurité pernicieuse ; et quand ils n'ont pas la confiance d'arriver au salut, en priant, ils font injure, en quelque sorte, à la promesses de Jésus-Christ. Thérèse eut une confiance fondée sur l'Oraison. Par l'Oraison, elle devint supérieure à toutes les créatures, à toutes les pusillanimités qui écartent tant d'âmes, d'ailleurs destinées à la perfection. Ce ne furent pas les révélations et les visions qui appuyèrent la confiance de Thérèse ; ces dons peuvent être communiqués aux ennemis mêmes de Dieu ; témoin le faux Prophète Balaam et le Grand Prêtre Caïphe, qui annoncèrent des vérités. La confiance de Thérèse eut pour appui l'Oraison humble, modeste, dépendante de l'esprit de Dieu, et toujours animée de bonne volonté. L'enfer voulut la troubler, les hommes voulurent la blâmer, les événements parurent quelquefois contraires à ses projets ; Thérèse demeura ferme, elle sortait de l'Oraison, comme les Apôtres du Cénacle, dans la disposition d'agir, de souffrir, de mourir pour la gloire de Dieu. Quelques personnes font Oraison, et se défient de l'Oraison même, ou plutôt de Dieu, qui les a conduites à l'Oraison. Ils sont comme ces Fidèles imparfaits, qui hésitent, selon l'expression de l'Apôtre Saint-Jacques ; ils ne savent point entendre le Seigneur dans l'Oraison ; et c'est ce qui les laisse dans le trouble et dans l'incertitude. Thérèse excella dans cet art d'entendre Dieu, d'écouter Jésus-Christ parlant dans elle-même après la Communion ; et c'est une des plus grandes instructions qui soient contenues dans ses Ouvrages. Elle savait que dans l'Oraison, il fallait parler peu et écouter beaucoup ; que l'Esprit de Dieu se plaît à instruire, et que ses leçons portent avec elles-mêmes leur conviction.
Divin Esprit, parlez à mon cœur, rassurez le contre les craintes qui l'agitent ; craintes des tribulations, craintes des humiliations, craintes de la pauvreté, craintes de la maladie, craintes de la mort. L'Oraison dissipe toutes ces craintes, parce qu'elle établit le cœur en Dieu, qui est maitre de tout, et qui tourne tous les évènements au bien de ceux qui l'aiment.


PRIÈRE

Mon très-doux Jésus, divin Époux de Sainte-Thérèse, inspirez-moi la même espérance et la même confiance qui lui firent entreprendre et exécuter des choses impossibles en apparence. Animée de votre esprit, elle fonda plusieurs Monastères, n'ayant d'autres fonds et d'autre ressource que votre divine Providence, elle compta sur le succès de ses entreprises, dans le plus fort de ses persécutions ; et, tandis que le monde et l'enfer faisaient les plus violents efforts pour renverser ses desseins, elle tint ferme contre les ruses du Serpent infernal et les oppositions des hommes: elle ne céda, ni à leurs injustes soupçons, ni à leurs vaines alarmes : sans s'arrêter aux sentiments trop humains des personnes même les plus savantes, Thérèse suivit constamment les routes sublimes que lui traçait l'Esprit-Saint ; et près, pour ainsi dire, de succomber à la fureur des tempêtes qui s'élevèrent çontr'elle, sa grande âme ne perdit jamais rien de cette inébranlable confiance qu'elle eut en vos divines promesses. Je vous supplie, mon divin Jésus, par cette ferme espérance dont fut animée votre Épouse, de m'accorder une égale espérance de mon salut, les moyens nécessaires pour accomplir tout ce qui sera de la gloire de Dieu, sans que la crainte et le respect humain m'arrêtent jamais : je vous prie aussi d'exaucer la demande que je vous fais dans cette Neuvaine, si c'est pour votre gloire. Ainsi soit-il.



RÉFLEXIONS POUR LE SIXIÈME JOUR


Esprit d'Oraison de Sainte-Thérèse, par rapport à l'Oraison même


Il n'en est pas de l'Oraison comme des autres sciences, qui supposent des préliminaires étrangers en quelque sorte à ce que les sciences sont en elles-mêmes. On ne devient savant dans l'Oraison, que par l'Oraison même. Tout le monde sait que l'Oraison comprend l'attention de l'esprit et les affections du cœur ; mais tout le monde ne sait pas imposer, silence à l'imagination, et vider le cœur de toute affection qui ne tend pas à Dieu. Tout le monde serait prêt à recevoir les consolations du Ciel ; mais presque personne n'est résolu d'attendre le Seigneur, et de dépendre des opérations de sa grâce. L'Esprit-Saint conduisit Thérèse dans les routes de l'Oraison, et elle fut docile à la voix de ce maître intérieur ; elle eut une grande estime de l'Oraison, et une volonté déterminée à ne se point écarter de la présence Divine ; persuadée que, sans cette sainte présence, non seulement habituelle, mais encore vive et en action, il était impossible de s'élever aux communications intimes avec Dieu. Je ne sais pas, Seigneur, ces détails de l'Oraison de Thérèse ; j'ignore les secrets que vous lui dévoilâtes dans ce saint exercice de votre amour ; il ne m'appartient pas de pénétrer dans ce Sanctuaire ; je suis trop profane, pour être initié à ces mystères sublimes, à cette intimité entre l'Époux Divin et sa chaste Épouse ; mais je vois par toute la vie de cette sainte Amante de Jésus, qu'elle sortit toujours de l'Oraison plus humble, plus petite à ses yeux, plus embrasée d'amour, plus immolée au bon plaisir de Dieu, plus empressée de souffrir pour sa gloire, plus ferme dans ses résolutions, plus détachée de sa volonté propre. Je regarde son Oraison comme un champ fertile où elle moissonnait sans cesse les fruits de la sainte abnégation.
Ô Oraison de Thérèse, que vous élevez mon âme ! que vous me détachez de la terre ! que vous me faites envisager de beautés dans le commerce avec le siècle futur, qui n'est autre que le règne de Jésus-Christ ! Que cette grande âme comprit bien ce prix du détachement de tout ce qui n'est pas Dieu ! Qu'elle fut éclairée sur la vanité des choses sensibles ! Oui, Seigneur, Thérèse a accompli à la lettre ce que votre Apôtre disait en trois mots. Notre conversation est dans le Ciel. Elle vécut sur la terre comme ces bienheureux morts dont le même Apôtre disait : que leur vie était cachée avec Jésus-Christ en Dieu. Je n'aspire point, ô mon Dieu ! à l'Oraison sublime de Thérèse ; mais j'ai besoin plus qu'elle de mourir à moi-même, de faire un divorce entier avec le monde et mes passions. J'aime le saint exercice de l'Oraison ; mais j'ose tout dire, comme vos Disciples : Seigneur, apprenez-moi à prier. Et vous, grande Sainte, si riche en mérites acquis par l'Oraison, obtenez-moi l'Oraison de foi et d'amour ; faites que je sois uni à Jésus-Christ dans toutes mes actions, et que je ne perde point de vue ce bien-aimé de votre cœur.


PRIÈRE

Mon très doux Jésus, divin Époux de Sainte-Thérèse, qui l'avez favorisée d'un degré d'Oraison, si haut et si sublime qu'elle peut être comparée aux Chérubins et aux Séraphins, et qu'elle est devenue la maîtresse la plus éclairée et la plus savante en cette science des Saints, pour apprendre à toutes les âmes qui marchent dans les voies de l'Oraison de la méditation et de la contemplation, les routes sûres qu'elles doivent suivre dans tous ces différents degrés ; je vous supplie, mon Divin Jésus, par ce haut et sublime degré d'Oraison où fut élevée votre Épouse, de m'accorder la grâce de devenir un fidèle Disciple de cette séraphique Maîtresse et de profiter assez à son école, pour mériter de parvenir à un degré d'Oraison attentive, fervente et solide qui me fasse observer avec fruit votre sainte loi, et qui m'obtienne la grâce que je vous demande dans cette Neuvaine, si c'est pour la plus grande gloire de Dieu. Ainsi soit-il.



RÉFLEXIONS POUR LE SEPTIÈME JOUR


Esprit d’Oraison de Sainte-Thérèse, par rapport à la Foi


Si Sainte-Thérèse n'eût pas été une fille d'Oraison, sa foi eût été médiocre ; une foi médiocre approche beaucoup d'une foi morte, avec laquelle on se perd. Quand on s'approche de Dieu, dit l'Apôtre, il faut croire ; mais il est également vrai que pour bien croire, il faut s'approcher de Dieu. La foi conduisit Thérèse à l'Oraison, et l'Oraison perfectionna la foi de Thérèse. Dans la Vie de cette Sainte tout est Foi et Oraison. Ses lumières sur la Religion furent sublimes, parce que son Oraison fut continuelle. Oh ! qu'il y a d'instruction dans cette conduite de Thérèse ! Nous sommes assujettis par nos sens ; ils nous éloignent de Dieu, ils nous courbent vers la terre ; il faut que lame prenne son vol vers le ciel : et comment peut-elle s'élever sans l'Oraison ? Thérèse fut comme suscitée de Dieu dans ces derniers temps, pour consoler l'Église des révoltes de ses enfants. Tandis que les Hérétiques attaquaient nos dogmes, cette Sainte avait des lumières supérieures sur ces vérités ; elle lisait, en quelque sorte, dans le sein de la Divinité, et elle parlait de nos mystères avec une éloquence qui était comme la voix de Dieu. N'est-il pas admirable qu'une simple Religieuse ait écrit tant de choses sur des objets si sublimes, sans avoir jamais donné lieu à la critique la plus sévère ? Les plus habiles n'entrent dans cette route qu'en tremblant ; leurs pas glissent, à tout instant ils sont obligés de s'arrêter pour se préserver des chutes. L'Oraison guidait Thérèse, et l'Esprit de Dieu l'affermissait contre les dangers. Foi sublime, qui ne s'étendait pas seulement aux mystères de la Religion, elle faisait entrer Thérèse dans tous les secrets de la vie intérieure ; elle lui apprenait ce que Dieu est à une âme pleine de volonté, et ce que cette âme est à Dieu ; elle lui développait toutes les circonstances de la perfection, toutes les différences des voies où Dieu se plaît à conduire les âmes, toutes les illusions où engage l'amour-propre, ou la malice des Démons. Tous ces avantages tiraient leur source de l'Oraison : c'était l'école de la Foi, et la Foi était la récompense de l'Oraison. Si nous réfléchissons sur notre peu de foi, nous verrons que le défaut de l'Oraison nous réduit à cette indigence. Si nous embrassons l'Oraison, notre âme vivra dans la Foi, nos sens se tairont vis-à-vis de la Foi, nos répugnances se dissiperont par la Foi, nos jugements sur le monde, et surtout ce que le monde estime, seront conformes à ceux de Jésus-Christ, l'auteur de notre Foi. Nos discours porteront en tout l'empreinte et le sceau de la Foi ; nos prières vocales, souvent lâches, si précipitées, si inutiles, seront revêtues de l'intelligence de la Foi ; les Livres saints seront pour nous l'aliment de la Foi ; les Sacrements de l'Église fortifieront et conserveront notre Foi.
Ô Oraison de Foi ! ô Foi nourrie par l'Oraison ! que ces deux objets me paraissent sublimes dans la Vie de Thérèse ! Qu'il me tarde, ô mon Dieu, d'entrer dans la voie de l'Oraison pour devenir un homme de Foi ! J'ai été jusqu'ici une âme infidèle, parce que je n'ai eu aucun usage de l'Oraison. Je veux croire, Seigneur, et je veux vous parler : votre Prophète ne séparait point ces deux choses, et Thérèse ne s'occupa que de ces deux objets. Donnez-moi, Seigneur, l'esprit d'Oraison, afin que je croie ; et donnez-moi la grâce de croire, afin de m'avancer dans l'Oraison.


PRIÈRE

Ô mon très-doux Jésus, divin époux de Thérèse, qui l'avez favorisée d'une foi si ferme de vos Mystères, qu'elle les croyait plus fermement que si elle les avait vus des yeux du corps ; si lumineuses qu'elle lui servait de flambeau pour marcher sûrement dans les sentiers les plus élevés de la plus sublime perfection ; si vive et si enflammée que sa lumière a procuré la conversion de tout un monde. Je vous supplie, ô mon divin Jésus, par cette foi merveilleuse dont vous daignâtes éclairer votre glorieuse Épouse, de me donner une foi vive, éclairée, ferme et soumise pour tout ce que m'enseigne notre Mère la Sainte Église ; qu'elle éclaire mon esprit, dirige ma volonté, et qu'elle me mérite la grâce que je vous demande dans cette Neuvaine, si c'est pour la plus grande gloire de Dieu. Ainsi soit-il.



RÉFLEXIONS POUR LE HUITIÈME JOUR


Esprit d'Oraison de Sainte-Thérèse, par rapport à l'Amour de Dieu


L'oraison est tout-à-la-fois, l'école et l'exercice de l'amour. C'est dans la méditation, dit le Prophète, que le feu s'allume. Si Sainte-Thérèse fut une victime continuelle de l'amour divin, c'est qu'elle fut sans cesse unie à Dieu par l'Oraison. Nous la considérons aujourd'hui dans la gloire, et nous croyons que sur la terre elle mena une vie qu'il nous est impossible d'imiter. Erreur de notre imagination. Thérèse était une simple Religieuse, comme tant d'autres, mais, plus qu'une infinité d'autres, adonnée à l'Oraison ; et c'est ce qui l'a élevée à un si haut degré d'amour. Nous est-il impossible de prier et d'aimer ? Si Dieu n'allume pas dans nos cœurs un feu aussi véhément que le fut celui de Thérèse, ne mettons-nous point d'obstacle aux opérations divines, par nos tiédeurs, par nos distractions volontaires, par notre communication avec le monde, par notre éloignement de la solitude ? Savons-nous écouter notre Seigneur dans l'Oraison ? Ne nous décourageons-nous pas après les premiers efforts que nous faisons pour nous unir à lui ? Sommes-nous prêts à lui faire le sacrifice de nos vanités, de nos prétentions, de notre amour-propre ? Traitons-nous avec Dieu, comme des en fans avec leur père ? Sommes-nous simples, persévérants et de bonne volonté dans nos communications avec Jésus-Christ ? Thérèse ne fut pas toujours prosternée dans le Temple du Seigneur, ou au pied de la Croix dans sa cellule ; elle .entreprit et agit beaucoup ; mais la présence de Dieu lui fut très-familière ; et elle conversa avec son divin Époux, lors même qu'elle paraissait converser avec les créatures. Quand elle reçut des illustrations divines, elle n'en devint que plus humble et plus convaincue de son néant. Quand elle éprouva des tempêtes intérieures, elle bénit Dieu de ses rigueurs apparentes, et son amour se fortifia par les privations mêmes. N'admirons point dans cette Sainte la multitude et la singularité des grâces extraordinaires dont Dieu la combla ; admirons le don d'Oraison qui fut en elle, et concevons que ce fut la voie qui la conduisit au parfait amour. Reconnaissons la bonté ineffable du Seigneur, qui se communique aux petits et aux humbles, pour qu'ils apprennent à prier et à aimer. Paul, renversé sur le chemin de Damas, commença par prier ; et Ananie le trouva dans ce saint exercice. Qui aima plus que Paul, et qui écrivit plus que lui, pour recommander aux fidèles la divine charité ? L'amour est la vie de l'âme, et l'Oraison est l'aliment de cette vie. Toute la différence entre Thérèse et le mondain le plus éloigné du Royaume de Dieu, c'est que Thérèse entretint dans son âme la nourriture de l'amour par l'exercice de l'Oraison, et que le mondain a toutes ses affections dans la mort, parce qu'il n'est occupé que des objets terrestres. Celui-ci aime aussi ; mais son amour est déplacé, parce qu'il se porte vers les créatures ; il offre aussi des vœux, mais au démon de l'ambition, au démon des plaisirs, au démon des richesses. Étrange illusion de l'amour déplacé ! il ne faudrait qu'une Oraison bien faite pour remettre l'ordre dans cette âme ; mais le mondain ne goûte point les choses de Dieu, il ignore la prière du cœur ; il n'a aucune idée des communications de Thérèse avec Jésus-Christ.
Ah, Seigneur ! je suis probablement dans cette route d'iniquité ; rappelez-moi à vous, par l'Oraison, et blessez mon âme du trait de votre amour : il est temps, et je vous dis sincèrement, avec David : Mon cœur est prêt, Seigneur, mon cœur est prêt.


PRIÈRE

Mon très-doux Jésus, divin Époux de Sainte-Thérèse, qui l'avez embrasée tellement de votre amour, qu'elle fut semblable à un Séraphin sous une forme humaine ; qui avez blessé son cœur d'un trait si vif de votre divine charité, que ce feu sacré l'a consumée de ses célestes flammes, qu'il a rompu, par son impétuosité, les liens qui la retenaient captive sur la terre ; et que son âme, portée sur les ailes du plus pur amour, s'est élevée jusqu'au pied du trône de votre divine Majesté ; je vous supplie, divin Jésus, par l'amour dont votre Épouse fut l'heureuse victime, d'embraser mon cœur de ce même feu divin, qu'il le consume comme un holocauste d'une agréable odeur, en votre sainte présence ; que tous les instants de ma vie soient sacrifiés au divin amour, et que mon dernier soupir soit un soupir d'amour. Que l'amour élève mes mains, et vous, fasse une sainte violence, pour obtenir de votre divine bonté ce que je Vous demande dans cette Neuvaine, si c'est pour la plus grande gloire de Dieu, l'honneur de votre Épouse, et le bien de mon âme. Ainsi soit-il.



RÉFLEXIONS POUR LE NEUVIÈME ET DERNIER JOUR


Esprit d’Oraison de Sainte-Thérèse, par rapport à sa bienheureuse fin


L'esprit d'Oraison accompagna Thérèse jusqu'à sa dernière heure ; aussi mourut-elle plutôt d'un transport d'amour, comme l'Église le chante dans son Office, que des douleurs de la maladie. Son union avec Jésus-Christ avait été si grande pendant sa vie, qu'elle put, comme l'Apôtre, défier la mort de la distraire de cette sainte charité. Je n'ai que cette réflexion à faire pour mon instruction et ma conversion: il est comme impossible, au moment de la mort, de s'unir à Dieu, si durant la vie, on n'a point eu d'expérience du saint exercice de l'Oraison. Les facultés de l'âme ne se tournent point vers ce grand Objet, quand elles ont toujours été absorbées dans les objets sensibles. La consolation du mourant est la pratique journalière de L'Oraison. Jésus-Christ se communique alors plus abondamment et plus amoureusement à celui qui s'est livré à ses inspirations durant une longue suite d'années. Pour mourir comme Thérèse, il faut prier comme elle.
Esprit d'Oraison, source de lumière, de paix et de consolation, quand le monde disparaît, et que le grand spectacle de l'éternité se prépare, quand les sens s'affaiblissent, et que l'âme rompt ses liens, vous êtes toute sa ressource, son appui, sa force et son espérance ; mais ces précieux avantages ne sont réservés que pour les mourants qui ont assujetti, pendant leur vie, leurs sens à la douceur de votre empire ; qui vous ont sacrifié toutes les facultés de leur âme, qui se font une heureuse habitude de toujours prier. Que l'Oraison soit donc ma nourriture, mon aliment et mes délices ; qu'elle m'unisse à Dieu, comme Thérèse ; qu'elle m'y attache si étroitement que, ni la mort, ni l'enfer ne puissent m'en séparer.


PRIÈRE

Mon très-doux Jésus, divin Époux de Saint-Thérèse, dont la vie a été une chaîne de faveurs et de grâces extraordinaires, un exercice continuel de votre sainte présence, une union intime avec votre infinie grandeur, un parfait sacrifice d'amour, et dont la mort fut le chef-d'œuvre de votre grâce, le prodige de cette ineffable union, le triomphe de la charité : je vous conjure, divin Jésus, par cette mort si précieuse à vos yeux, de me faire marcher tous les jours, de ma vie en votre sainte présence ; de me tenir constamment uni à vous, comme à mon unique et souverain bien ; de répandre dans mon cœur quelques étincelles de ce feu sacré dont celui de Thérèse fut consumé ; afin que dans ce moment décisif où le temps finit, et l'éternité commence, j'aie la douce et vive confiance de jouir de votre divine présence ; d'être enivré de ces torrents de délices dont vous êtes la source et le principe, et de brûler, dans les siècles des siècles, de ce feu sacré, dont celui qui embrasa Thérèse sur la terre, n'est que le symbole, le gage et l'avant-goût. Mon très-doux Jésus, divin Époux de Sainte-Thérèse ; qui lui avez donné, comme à votre Disciple bien-aimé, Marie pour mère, et lui avez inspiré pour elle, dès son enfance, une dévotion si vive et si tendre, qu'elle a été toute sa vie entièrement dévouée à son service, constamment attachée à son culte, et très-zélée pour son honneur ; qu'elle a conçu au pied de ses Autels le projet de sa Réforme, l'a exécutée sous ses auspices, a mis ce grand Ouvrage sous sa puissante protection ; qu'elle a transmis ce même esprit à ses enfants, et qu'il entretient parmi eux l'amour de leur saint état. Je vous conjure, divin Jésus, par cette tendre et filiale dévotion de votre Épouse pour la Très-Sainte Vierge, de m'accorder la grâce de l'avoir moi-même pour mère, de me consacrer à son service, d'être zélé pour son honneur et ardent à étendre son culte, de multiplier le nombre de ses serviteurs et de ses enfants, afin que je puisse l'avoir pour Avocate auprès de vous.
Oui, Vierge Sainte, je me prosterne à vos pieds ; je vous supplie humblement de présenter mes vœux et mes prières à votre divin Fil. Je suis indigne d'être exaucé ; toute mon espérance est fondée sur votre puissante intercession, pour obtenir la grâce que je demande à la fin de cette Neuvaine. Ainsi soit-il.



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