mardi 15 octobre 2019

ABRÉGÉ DE LA VIE DE SAINTE THÉRÈSE D'AVILA



Extrait de "Neuvaine en l'honneur de Sainte Thérèse de Jésus" :




Sainte Thérèse naquit à Avila, ville épiscopale de la vieille Castille. Ses parents, Alphonse de Cépède et D. Béatrix d'Ahumade, étaient également distingués par leur naissance et par leurs vertus.
L'amour divin embrasa de bonne heure le cœur de la jeune Thérèse. Dès l'âge de sept ans, enflammée par l'histoire des Saints, elle se détermine, avec un de ses frères, à chercher, au pays des Maures, la couronne du Martyre. Son oncle les trouve en chemin, demandant l'aumône, et les ramène à la maison paternelle.
Les douze premières années de sa vie s'écoulèrent dans des exercices de piété, qui furent interrompus par la mort de sa mère. Sa conduite moins éclairée sans doute alors, la lecture des Romans, surtout les conversations d'une cousine galante et dissipée, tout devint funeste à l'innocence de Thérèse. Le goût de la parure, la coquetterie et la dissipation emportait, pour ainsi dire, tous ses instants.
Un esprit juste, mais un génie ardent, une âme noble, mais un cœur sensible au mérite, à l'amitié ; voilà Thérèse capable de grandes choses, et susceptible des plus fortes impressions. Les charmes de sa conversation, l'égalité de son humeur, ses manières aisées et sa droiture, entraînaient les cœurs: il n'est pas étonnant que Thérèse se plût dans la société, quand elle en faisait les délices. Trois ans de cette vie si précieuse s'étaient déjà perdus dans la frivolité, lorsque son père, pour en prévenir les suites, l'envoya au couvent de Notre-Dame de Grâce. Les entretiens de la Maîtresse des Pensionnaires ranimèrent sa ferveur ; et, une maladie l'ayant forcée de quitter le Couvent, elle demanda à y rentrer pour prendre l'habit de Religieuse. Son père qui l'aimait à l'excès, s'y opposa vainement ; elle s'enfuit avec son frère, et courut se renfermer à Avila, dans le Monastère de l'Incarnation, de l'Ordre de Mont-Carmel.
L'année de son Noviciat fut une année de ferveur et de pénitence ; mais elle devait combattre avant que de triompher. Sur le point de prendre l'habit, la faiblesse de son tempérament lui fit naître des doutes sur sa vocation. Elle balança entre le Monde et le Couvent ; mais Dieu l'emporta sur la Créature. Elle prononça ses vœux à l'âge de dix-neuf ans. Sa Profession rendit le calme à son âme, et la livra en proie aux flammes de l'amour divin. Ses mortifications, qu'elle outra, ayant détruit sa santé, elle fut obligée de sortir encore de son Couvent pour la rétablir.
Cette réconciliation forcée avec le Monde, fut encore une nouvelle épreuve à laquelle Dieu la soumit. Sa santé se rétablit un peu ; mais à son retour, elle rapporta, dans sa retraite, cet esprit de dissipation, que des visites fréquentes et de longues conversations entretenaient. Elle en vint au point de renoncer à l'Oraison, sous prétexte de sa santé.
Telles étaient ses dispositions, quand elle partit d'Avila pour aller fermer les yeux à son père. Sa mort qui la toucha vivement, et les conseils de son Directeur, la ramenèrent à l'Oraison ; et quoique Dieu pendant dix-huit ans, pour la punir sans doute de ses infidélités, l'ait privée des dons célestes, dont il la favorisait auparavant dans cet exercice, elle ne l'a jamais interrompu depuis ce temps-là. Elle tenait cependant encore un peu au Monde ; mais une conversation qu'elle eut intérieurement avec Dieu, et une vision de l'Enfer, achevèrent de rompre les liens qui l'y attachaient.
À mesure que sa ferveur augmentait, le défaut de clôture et le peu de régularité qui régnait dans son Monastère, l'en dégoûtèrent. Un soir qu'elle s'en plaignait, en présence d'une Religieuse et d'une nièce qu'elle gardait au Couvent pour son éducation : Eh bien, s'écria celle-ci, sortons-en toutes trois, et commençons un genre de vie plus austère et plus conforme à celui des Anachorettes.
Ce dessein, proposé d'abord en riant, fut traité fort sérieusement ensuite, et on songea aux moyens de l'exécuter ; mais Dieu ne paya d'abord le zèle de Thérèse, que par les railleries des hommes. Un Réformateur a plus d'obstacles à surmonter qu'un Fondateur ; et quoique Thérèse se crut réellement inspirée dans son projet de réforme, elle n'osa résister à la volonté de ses Supérieurs, qui s'y opposaient. Cette déférence, agréable sans doute à Dieu, qui en était l'objet, porta le dernier coup à sa réputation : on ne la regarda plus que comme une femme téméraire et inconséquente.
Dieu sembla vouloir la consoler, en lui communiquant sa puissance. On trouva un neveu de la Sainte, écrasé sous les débris d'un pan de muraille écroulé. Le père, sans trop savoir ce qu'il faisait, l'apporta à Thérèse dans son Monastère. Touchée de sa douleur, elle prit l'enfant dans ses bras, fit sa prière au Ciel qui l'exauça, et l'enfant recouvra la vie.
Mais enfin, il était temps que Thérèse commençât le grand œuvre des fondations. Dieu changea les esprits, et le 24 août 1562, on consacra à Avila le premier Monastère des Carmélites réformées, sous l'invocation de Saint-Joseph. Cette affaire approuvée et tacitement dirigée par le Pape Pie IV, et par l'Évêque, n'éclata que dans le temps de l'exécution, et fut un coup de foudre pour les habitons d'Avila. Pour apaiser le bruit, la Supérieure manda Thérèse, qui sut par sa franchise et son ingénuité, calmer et la Supérieure et le Provincial.
Cependant le Gouverneur, le Maire et les Échevins, les principaux Habitants, les Théologiens, les Jurisconsultes, les Chefs de chaque Communauté, les Députés du Chapitre de la Capitale, et deux Religieux de chaque Couvent, s'assemblèrent pour délibérer sur cette entreprise qui agitait toute la Ville ; et on allait conclure à la démolition du Monastère, si le Père Bagnez, Dominicain, ne leur eût fait voir l'irrégularité d'un pareil procédé. Ce fut en vain que le Gouverneur fit sommer les quatre Novices de sortir du Couvent, elles déclinèrent sa juridiction et répondirent avec fermeté, qu'elles n'avoient d'ordre à recevoir, sur ce point, que de leur Évêque.
Tandis que tout s'armait contre cet établissement, Thérèse, du fond de sa solitude, levait les mains vers le Ciel, et revenait du pied des autels aussi calme et aussi tranquille que si elle eût été protégée par tout l'univers. Le Prélat, dans la suite, ayant reconnu sa prudence et l'étendue de ses lumières, la força de se charger du gouvernement de ce nouveau Monastère. Elle fonda sa règle sur l'exercice de l'Oraison et la mortification des sens. Elle clôtura la maison, ferma les parloirs, et abrégea la durée des conversations. Elle voulut qu'on vécût de l'aumône, habilla ses Religieuses de grosse serge, leur donna des sandales au lieu de souliers, des paillasses pour matelas, et une grossière nourriture. Cette conduite désarma toute !a Ville, et d'abondantes aumônes succédèrent aux brocarts dont on les avait accablées.
Telle a été Thérèse dans toutes ses entreprises. C'est avec le même zèle, la même prudence et la même fermeté qu'elle a fondé tant de Couvent de Carmélites et de Carmes réformés (elle a fondé trente-deux Couvents). Des maladies presque continuelles, des voyages pénibles et dangereux, renouvelles si fréquemment pendant seize ans, loin de la décourager, ne faisaient qu'enflammer son zèle ; tantôt applaudie, tantôt persécutée, toujours supérieures aux événements, la gloire n'égara jamais sa prudence, comme les traverses ne triomphèrent jamais de sa fermeté.
Le soleil reste souvent enveloppé des brouillards et d'épais nuages ; mais bientôt ses rayons, plus ardents, absorbent ce qui l'environne, et le monde est ébloui de sa splendeur. C'est ainsi que la vertu de la Sainte, victorieuse des persécutions, parut enfin dans tout son éclat. L'odeur de sa sainteté se répandît au loin. Les peuples volaient sur son passage ; son entrée, dans la moindre Bourgade, était une fête solennelle. On lui rendait les plus grands honneurs ; c'était à qui aurait le bonheur de la loger. Un riche Paysan, ayant appris qu'elle devait passer par son Village, fit ranger sa maison, prépara un bon dîner, et y invita toute sa famille, qui était des plus nombreuses ; il rassembla ses troupeaux aussi, afin de faire bénir, par Thérèse, les hommes et les animaux. Mais la Sainte n'ayant pas pu s'y prêter, ce bon homme sortit avec tout son train, pour lui demander sa bénédiction. Thérèse fut touchée de ce spectacle, et fit les vœux les plus ardents pour cette famille.
Cependant ses forces diminuaient, sans que sa piété se ralentît : ses exercices n'en étaient point interrompus. Ô mon Dieu, disait-elle, j'ai accompli ce que vous vouliez de moi. J'ai réformé, par votre ordre, le Carmel, nonobstant les contradictions des hommes. J'espère, Seigneur, que ce peuple nouveau servira de lumière à la nouvelle Israël, en ramenant, par les prières et par l'oraison, les brebis égarées à leurs Pasteurs.
Le jour de Saint Michel, après avoir entendu la Messe et communié, elle se sentit extraordinairement affaiblie par un flux de sang, et fut contrainte de se mettre au lit qu'elle ne devait quitter qu'après sa mort.
Arrêtons ici un moment, et jetons un coup-d’œil sur l'âme de Thérèse. C'est bien ici qu'on peut s'écrier : Que les voies de Dieu sont impénétrables ! Le plus faible instrument opère dans sa main les plus grands prodiges.
Dieu conçoit un vaste projet : est-ce un homme puissant, un Monarque qu'il a choisi pour l'exécution ? Non, c'est une faible créature, qui, à la fragilité de son sexe, joint la faiblesse de son tempérament ; c'est Thérèse. Mais que dis-je, la sainteté n'a point de sexe, et Thérèse devait être un modèle de sainteté : eh ! de quelles vertus le Seigneur ne l'avait-il pas ornée ! Sa foi vive et inébranlable, sa confiance intrépide, et son ardente charité furent, dès son enfance, les garants de sa perfection évangélique. La foi lui donna l'esprit d'oraison, qui la distingua si fort des autres Saintes ; c'est par cet esprit d'oraison, que, dégagée de ses sens, elle puisait au sein de Dieu même, qui daigna souvent se communiquer à elle, les vertus nécessaires à l'exécution de ses pieux desseins ; cette douceur persuasive, qui ramenait toujours les esprits les plus prévenus ; cette profonde humilité, qui n'opposait qu'un silence religieux aux persécutions et aux injures ; cette modestie que le moindre éloge déconcertait, et cette patience invincible, qui triomphait de la douleur et la provoquait : Grand Dieu, s'écriait-elle à chaque instant, souffrir ou mourir.
L'espérance lui avait donné ce courage héroïque, qui ressemblait à la témérité. Faut-il aller à Burgos fonder un nouveau Monastère ? sa santé, la rigueur de la saison, sont des vains obstacles ; elle part. On apprend en route que les chemins sont impraticables ; rien ne l'intimide. On arrive à la naissance d'un pont submergé par les eaux qui inondaient toute la campagne. Le passage est étroit, caché sous les flots ; et pour peu qu'on s'en écarte, on se précipite dans la rivière. Ici la prudence humaine s'arrêterait ; mais l'Esprit-Saint qui enflamme Thérèse l'élève au-dessus de l'humanité. Je passe la première, dit-elle à sa suite, si je péris, retournez à l'hôtellerie, sinon suivez-moi. À ces mots, elle fend les flots ; et parvenue à l'autre rive, elle appelle ses Compagnes. Tout se transforme en héros, à la voix de cette héroïne ; on s'élance, et nul ne périt au passage.
C'est au zèle de sa charité qu'elle dût cette ferveur impatiente qui lui fit fonder tant de Monastères, pour servir d'asile à la piété. Plus heureuse encore si son sexe lui avait permis les fonctions de l'Apostolat qu'elle enviait.
Elle a fait plusieurs miracles que sa modestie désavouait. Un de ses Religieux lui disant un jour qu'elle passait pour sainte ; on a dit, de moi, trois choses, répondit-elle ; on a dit que j'étais bien faite, que j'avais de l'esprit, et que j'étais sainte. J'ai cru les premières pensées pendant quelque temps, je n'ai jamais pu me persuader un instant la troisième.
La dévotion de Thérèse n'avait rien de farouche ; ce n'était point cette religieuse misantropie, qui semble puiser au sein de Dieu même cette tristesse qu'elle répand dans la société. Thérèse conserva, jusqu'à sa mort sa gaieté naturelle. Elle respire, dans ses ouvrages même, pieux et doctes monuments consacrés par tant d'illustres suffrages. Son caractère y est peint avec vérité, quoiqu'avec modestie. Les approches de sa mort répandirent l'effroi parmi ses Religieuses, qui la chérissaient tendrement. Elle était alors au Monastère d'Albe. Le premier jour d'Octobre, ayant passé toute la nuit dans la prière, elle fit appeler le Père Antoine de Jésus, pour la confesser. Ce Père lui ayant demandé, si elle ne vouloir pas que son corps fût porté à Saint-Joseph d'Avila, qui était son propre Couvent : Ai-je quelque chose qui m'appartienne, répondit-elle, et ne me donnera-t-on pas bien ici un peu de terre ?
La veille de Saint François, sentant que l'heure de sa mort approchait, elle demanda les Sacrements, et fît les plus pieuses et les plus tendres exhortations à ses Religieuses, en les priant de lui pardonner ses fautes. La vue de son Dieu ranima ses forces, elle se leva courageusement sur son lit pour le recevoir. Venez, Seigneur, s'écria-t-elle avec transport, venez, cher Époux, enfin, l'heure est venue, et je vais sortir de cet exil.
Elle passa la nuit dans les plus grandes douleurs, au milieu de ses Religieuses qui fondaient en larmes. Vers les sept heures du matin, jour de Saint François, elle laissa tomber sa tête sur le sein de sa chère Anne de Saint-Barthelemy, qui ne la quittait point. Elle prit dans ses mains un Crucifix qu'elle n'abandonna plus, et demeura paisiblement dans cette attitude, les yeux ouverts et fixés sur l'image de son Dieu, jusqu'à neuf heures du soir, qu'elle les ferma pour toujours. Elle mourut âgée de soixante-sept ans, six mois et sept jours, ayant vécu, vingt-sept ans au Monastère d'Avila, et vingt dans sa réforme.
À l'instant de sa mort, plusieurs signes miraculeux frappèrent les yeux de l'assemblée. Son corps, que la mort semblait avoir rajeuni, loin de le défigurer, demeura exposé jusqu'au lendemain. Après la célébration de la Messe, il fut mis dans un lieu qui servait alors de Chœur d'en bas. Mais ce corps n était pas là selon sa dignité. Une odeur délicieuse qu'il exhalait souvent, et de grands coupa frappés autour du sépulcre semblaient en avertir les Religieuses ; et enfin le Provincial, au récit de ces merveilles, le fit déterrer neuf mois après, et on le trouva aussi frais, aussi flexible qu'auparavant. Le Provincial en ayant coupé la main gauche pour la porter au Monastère d'Avila, on le revêtit d'un nouvel habit, (celui qui le couvrait s'étant trouvé pourri) on l'enveloppa d'un linceul de toile fine, et on le remit en attendant au même endroit.
En l'année 1585, le Chapitre général des Carmes réformés, à la sollicitation du Père Gratien, ayant fait transporter, à Avila, le corps de la Sainte, à l'insu du Duc d'Albe, celui-ci s'en plaignit au Pape, qui ordonna qu'on le rendît an Monastère ; ce qui fut exécuté. Dans la suite, on lui érigea un magnifique monument ; le corps est encore aujourd'hui dans une Chapelle de ce Monastère.
L'Acte de sa Canonisation a été fait d'une manière irréprochable, et Dieu s'est plu à répandre ses grâces sur ses Religieuses. C'est à M. de Bérulle que nous devons l'établissement des Carmélites en France. Les vertus de la Sainte semblent devenir héréditaires et se perpétuer dans leurs maisons. On nous dispensera de nous étendre sur leurs louanges, le choix qu'une auguste Princesse, de nos jours, a fait de cet Ordre, est un éloge auquel nous ne pouvons rien ajouter.



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