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mercredi 2 octobre 2019

Sermon du Saint Curé d'Ars pour la Fête des Saints Anges Gardiens : Les anges de ces petits enfants voient sans cesse la face de mon Père céleste


Abraham servant les trois Anges (Rembrandt)


Angeli eorum in coelis semper vident faciem Patris meis qui in coelis est.
Les anges de ces petits enfants voient sans cesse la face de mon Père céleste. (Matth. 18, 10)


Quelle bonté, M F., quelle tendresse de la part de notre Dieu ! Non content de nous avoir donné son Fils unique, le plus tendre objet de ses complaisances, pour le sacrifier à la mort la plus cruelle ; non content de nous avoir arrachés à la tyrannie du démon, de nous avoir appelés à la glorieuse qualité d'enfants de Dieu et de nous avoir choisis pour cohéritiers de son royaume, il veut encore envoyer à chacun de nous un ange du ciel pour nous garder tous les jours de notre vie. Cet ange ne nous doit pas quitter, avant d'avoir paru avec nous au tribunal de Jésus-Christ, pour lui rendre compte de tout ce que nous aurons fait pendant notre vie. Oui, M.F., nos anges gardiens sont nos plus fidèles amis, parce qu'ils sont avec nous le jour, la nuit, dans tout le temps et dans tous les lieux. La foi nous apprend que nous les avons toujours à nos côtés. C'est ce qui fait dire à David : « Que rien ne pourra nous nuire, parce que le Seigneur a commandé à ses anges d'avoir soin de nous (Ps. XC, 11)  ; » et, pour montrer combien sont grands les soins qu'ils prennent de nous, le prophète dit qu'ils nous portent entre leurs mains, comme une mère porte son enfant. Ah ! c'est que Dieu prévoyait les dangers sans nombre auxquels nous serions exposés sur la terre, au milieu de tant d'ennemis, qui tous ne cherchent que notre perte. Oui, M.F., ce sont nos bons anges qui nous consolent dans nos peines, qui nous avertissent quand le démon vient nous tenter, qui présentent à Dieu nos prières et toutes nos bonnes actions, qui nous assistent à la mort et présentent nos âmes à leur souverain Juge. Oh ! M.F., que de biens nous recevons par le ministère de nos bons anges gardiens ! Afin de vous engager à avoir en eux une grande confiance, je vais vous montrer : 1° combien sont grands les soins qu'ils prennent de nous ; 2° ce que nous devons faire pour leur témoigner notre reconnaissance.
 
I. – Vouloir prouver, M.F., qu'il y a des anges, ce serait perdre son temps. Depuis le commencement du monde, le commerce des anges avec les hommes est si fréquent, que l'Écriture sainte en fait mention à tout instant. Il faudrait n'avoir pas ombre de bon sens pour en douter. Lorsque Adam fut dans le paradis terrestre, le Père céleste lui envoya ses anges pour lui faire part de ses volontés. Quand Adam eut le malheur de pécher, ce fut un ange qui le chassa du paradis (La Genèse (GEN. III, 24) dit bien que Dieu plaça un chérubin à la porte du paradis terrestre, lorsque Adam en fut chassé, mais elle ne parle pas de communications précédentes du premier homme avec les bons anges). Presque tous les patriarches et les prophètes ont été instruits par les anges des volontés du Seigneur. Souvent même, nous voyons que Dieu s'est fait représenter par des anges. – Mais, me direz-vous, si on les voyait, l'on aurait bien plus de confiance ? – Si cela eût été nécessaire au salut de notre âme, le bon Dieu les aurait rendus visibles. Mais cela importe peu ; car dans notre religion, nous ne connaissons que par la foi, et cela, afin que toutes nos actions soient plus méritoires. D'ailleurs, nous sommes aussi sûrs de leur présence, que si nous les voyions de nos propres yeux. Si vous désirez savoir le nombre des anges, leur fonction, je vous dirai qu'ils sont sans nombre ; les uns sont créés pour honorer Jésus-Christ dans sa vie cachée, souffrante et glorieuse, ou pour être les gardiens des hommes, sans cesser, pour cela, de jouir de la présence divine (Angeli eorum (parvulorum sive hominum) in coelis semper vident faciem Patris mei, qui in coelis est. MATTH. XVIII,10). Les autres s'occupent à contempler les perfections de Dieu, ou bien, veillent à notre conservation, en nous fournissant tous les moyens nécessaires à notre sanctification. Quoique le bon Dieu se suffise à lui-même, il emploie néanmoins, pour gouverner le monde, le ministère de ses anges. Tels sont établis protecteurs des royaumes, tels autres, des empires, etc.
Si nous voyons Dieu prendre tant de soin de notre vie, nous devons conclure que notre âme est quelque chose de bien grand et de bien précieux, pour qu'il emploie à sa conservation et à sa sanctification tout ce qu'il a de plus grand dans sa cour. Il nous a donné son Fils pour nous sauver. Ce Fils lui-même donne son corps et son sang pour en faire la nourriture de nos âmes, il consent à rester nuit et jour au milieu de nous, il donne à chacun de nous un et même plusieurs anges, qui s'occupent uniquement à lui demander pour nous les grâces et les secours nécessaires à notre salut. N'est-ce pas, M.F., que jamais nous n'avons bien pensé à ce que nous sommes, à ce que vaut notre âme ? Oh ! que l'homme connaît peu ce qu'il est, et la fin pour laquelle il a été créé !... Nous lisons dans l'Écriture sainte que le Seigneur disait à son peuple : « Je vais vous envoyer mon ange, afin qu'il vous conduise dans toutes vos démarches (EXOD. XXIII, 20). » Oh ! M.F., qui pourrait compter les grâces que nous recevons par la protection de nos anges gardiens ! Oui, ce sont eux qui nous consolent dans nos chagrins. Lorsque Agar, dit l'Écriture, fut chassée de la maison de son maître, elle se retira dans un désert, et là, comme elle s'abandonnait à la tristesse, le Seigneur lui envoya un ange pour la consoler et lui dire : « Ne vous laissez point aller au désespoir, mais retournez dans la maison de votre maître, et soyez plus soumise (GEN. XXI). » Ce fut un ange que le Seigneur envoya à Loth pour lui dire de sortir promptement de la ville de Sodome, avant que le Seigneur y fit tomber le feu du ciel (Ibid. XIX). Ce furent les anges qui préservèrent des flammes les trois enfants dans la fournaise de Babylone (DAN. III), et qui fermèrent la gueule des lions pour les empêcher de dévorer le prophète Daniel (Ibid. VI, 22).
Les anges, M.F., se font un grand plaisir de nous assister dans nos entreprises, quand elles sont selon Dieu ; nous en avons un bel exemple dans la personne du jeune Tobie. Son père l'envoya à Ragès pour chercher son argent ; ne sachant point le chemin, le bon Dieu lui envoya l'ange Raphaël, qui se présenta à lui sous la forme d'un jeune homme (TOB. V, 5). Tobie lui demanda s'il connaissait le chemin pour aller à Ragès. L'ange lui dit qu'il le connaissait et même l'oncle chez qui il allait. Le jeune homme, tout joyeux, va dire à son père qu'il avait trouvé un homme qui savait le chemin de Ragès et qui connaissait son oncle. L'ange partit donc avec Tobie, et lui donna tous les renseignements nécessaires à son voyage. Pendant leur route, Tobie étant allé sur le bord du Tigre, un poisson énorme sembla venir à lui pour le dévorer, il eut aussitôt recours à son protecteur, ne sachant pas qu'il était un ange. Celui-ci lui dit : « Ne craignez rien, tirez-le à vous. » À l'instant le poisson, creva (mourut). Il lui dit encore : « Prenez le fiel pour l'emporter, vous en frotterez les yeux de votre père et vous lui rendrez ainsi la vue. » Il le mena chez son oncle, où tout alla pour le mieux. Il lui sauva encore la vie en enchaînant le démon. Lorsqu'ils furent de retour, le jeune Tobie ne sachant comment payer tant de bienfaits, dit à son père : « Mon père, quand nous donnerions la moitié de tout ce que nous avons apporté, cela ne serait pas assez pour le récompenser de tous les services qu'il m'a rendus dans mon voyage : il m'a conduit et ramené sain et sauf, il m'a délivré d'un monstre qui allait me dévorer, il a obtenu lui-même l'argent que mon oncle nous devait, il m'a fait aussi épouser une femme selon le cœur de Dieu, il a enfin empêché le démon de me détruire, comme il l'a fait des sept maris qui l'ont épousée avant moi. » Le père voulant lui faire accepter la moitié de tout ce qu'ils avaient apporté, l'ange se fit connaître et disparut. Mais pour témoigner à Dieu leur reconnaissance, ils se prosternèrent longtemps la face contre terre. Voyez-vous, M.F., combien les anges prennent soin de nous, lorsque nous avons confiance en eux ?...
Nous voyons encore un bel exemple de cette protection de notre bon ange gardien, dans la personne de sainte Agnès, vierge et martyre (RIBADENERIA, au 21 janvier). Elle appartenait à, une grande famille de Rome, aussi fut-elle demandée en mariage par Procope, fils de Symphrone, alors préfet de cette ville. Agnès, qui s'était déjà donnée à Jésus-Christ, refusa ce parti, quoique avantageux pour elle. Elle ne craignit pas de dire à Procope, qui était venu la trouver lui-même : « Retire-toi, tyran, aiguillon de péché, pierre de scandale, et chair de mort, ne crois pas que je sois infidèle à mon époux Jésus-Christ. Il possède tout mon cœur, il est bon, il est beau, il a toutes les qualités que l'on puisse désirer. » Le préfet la fit appeler, et la conjura de ne point rejeter l'alliance de son fils ; ou bien alors, sur son refus, il la ferait traîner dans un lieu infâme, où elle perdrait cette pureté, qu'elle avait tant à cœur de conserver. Agnès répondit au préfet : « Ne vous mettez pas en peine, je ne crains rien ; j'ai pour me garder un ange qui aura bien soin de moi, et qui prendra ma défense d'une manière merveilleuse. » Voyant qu'il ne pouvait arriver à ses fins, le magistrat donna ordre de la dépouiller de ses vêtements, et de la traîner ainsi à travers tout Rome, pour être livrée à des libertins. Par un miracle de la puissance de Dieu, ses cheveux grandirent si merveilleusement, qu'ils suffirent à couvrir tous ses membres. Arrivée dans ce lieu infâme, son ange gardien se montra visiblement à elle pour la défendre et la vêtir d'une robe blanche comme la neige ; en même temps, cet antre d'impureté fut éclairé d'une lumière plus éclatante que le soleil. Les libertins entrèrent dans ce cachot ; mais, surpris de toutes ces merveilles, et frappés d'épouvante par la vue de cet ange d'une beauté incomparable, ils se convertirent tous. Procope crut venir à son tour braver tous ces prodiges, mais l'ange qui gardait Agnès le frappa, et il tomba mort aux pieds de la sainte. Le préfet de la ville, apprenant que son fils venait de mourir dans ce cachot, vint trouver Agnès en la traitant de « furie sortie des enfers, monstre né pour la destruction des mortels. » Agnès dit qu'elle n'avait point fait mourir Procope, mais qu'il était lui-même l'auteur de sa mort par son effronterie. Aussi son ange gardien l'avait-il frappé au moment où ce malheureux allait lui ravir sa pureté. Toutefois, la sainte voulant montrer au magistrat la puissance de son époux, et que les chrétiens savaient rendre le bien pour le mal, ressuscita Procope, qui courut toute la ville de Rome, répétant sans cesse que le Dieu des chrétiens était le seul vrai Dieu... Cet exemple vous prouve combien sont grands les secours et les grâces que nous recevons de nos bons anges gardiens, si nous avons le bonheur d'avoir en eux une grande confiance, surtout dans nos tentations et dans les périls.
Mais, me direz-vous, quand le bon Dieu nous envoie-t-il du ciel nos anges gardiens ? – C'est, M.F., lorsque nos âmes sont créées, c'est-à-dire quand nos corps sont dans le cas de les recevoir, de sorte qu'une mère enceinte a son ange gardien, et elle a aussi celui de l'enfant qu'elle porte dans son sein pour veiller à ce que rien ne puisse lui ôter la vie avant d'avoir reçu le saint Baptême. Il faudrait, M.F., pouvoir comprendre combien est grande la joie de nos bons anges gardiens, quand on nous porte à l'église pour recevoir ce sacrement. Avec quel empressement ils écrivent notre nom dans le livre de vie ! Il est très certain que nous avons quantité de démons autour de nous pour nous faire tomber dans le péché ; et, si notre ange gardien n'était pas là auprès de nous pour nous défendre, nous succomberions à toutes les attaques que le démon nous livre. C'est notre bon ange qui nous fait apercevoir la tentation ; c'est lui qui nous inspire d'avoir recours à Dieu, qui nous fait rappeler de sa présence pour nous faire craindre le péché. Si nous avons le malheur de pécher, ce sont nos bons anges gardiens qui vont se jeter aux pieds du bon Dieu pour lui demander notre grâce. En effet, après chaque péché, nous sentons ordinairement un remords d'avoir fait le mal, et nous promettons au bon Dieu de ne plus le commettre. C'est sûrement notre ange gardien qui, par ses prières, nous mérite cette grâce. S'il voit que nous sommes insensibles aux outrages que nous avons faits à Dieu, il nous menace des châtiments de la justice divine ; il nous fait penser à la mort, au regret que nous aurons, dans ce moment, d'avoir fait le mal. Il nous fait penser à quelque mort subite ou effrayante. La pensée du jugement nous poursuivra, et celle de l'enfer se logera dans notre cœur pour nous déchirer l'âme, et ainsi, nous forcera en quelque sorte à ne pas rester plus longtemps dans le péché.
Nos anges gardiens, M.F., nous accompagnent partout. Il est rapporté dans l'histoire qu'un jeune homme voyait, d'une manière sensible, son ange gardien. Quand il entrait dans l'église, son ange entrait toujours devant lui ; quand il fut prêtre, son ange ne voulut plus passer le premier ; on le voyait quelquefois parler et rester longtemps à la porte. On lui demandait pourquoi. « Avant que je fusse prêtre, dit-il, mon ange me précédait toujours ; maintenant, il ne veut plus entrer que je ne sois entré le premier (Vie de S. François de Sales, par M. Hamon). » Ah ! M.F., si nous avions la pensée, lorsque nous venons à l'église, que nos anges marchent devant nous, avec quel respect n'y viendrions-nous pas !... avec quelle modestie nous assisterions à la sainte Messe, en pensant que nous sommes à côté d'un ange gardien prosterné devant le Dieu de toute grandeur ? Avec quel empressement ne le chargerions-nous pas de présenter nos prières à Jésus-Christ ? Il est encore rapporté qu'un jeune prince anglais avait abandonné son palais pour se retirer dans un désert. Dieu, pour lui témoigner sa joie, lui donna le bonheur de voir son ange gardien tous les matins et tous les soirs. On raconte de sainte Françoise qu'elle voyait continuellement son ange gardien, sous la figure d'un enfant d'une beauté incomparable, et dont le visage était si resplendissant, que souvent elle lisait son office pendant la nuit à la clarté de la lumière qu'il répandait. Son ange avait tant de soin de la conduire à la perfection, que si, par moment, elle se laissait aller à des pensées inutiles dans sa solitude, ou s'il lui échappait quelque parole oiseuse dans la conversation, ce bon ange lui faisait connaître sa faute en disparaissant. Alors, toute remplie de confusion et de douleur d'avoir éloigné elle-même son fidèle gardien, elle pleurait amèrement, priant le bon Dieu d'avoir pitié d'elle, et lui promettant qu'elle se corrigerait. Après quelques moments de larmes, elle voyait reparaître son ange gardien, à qui elle témoignait sa douleur de l'avoir forcé de s'éloigner. Si, quelquefois, ceux qui étaient avec la sainte lui disaient quelque parole qui pût tant soit peu blesser la charité, elle témoignait la peine qu'elle en ressentait en se couvrant le visage de ses mains (RIBADENERIA, au 9 mars, qui rapporte différemment le dernier détail)...
M.F., quoique nous ne voyions pas, comme cette sainte, notre ange gardien, nous ne sommes pas moins sûrs de l'avoir auprès de nous pour veiller à la conservation de notre âme. Hélas ! de quelles tortures et de, quelles amertumes ne devons-nous pas l'abreuver, en menant une vie si misérable ? Que doit penser l'ange gardien d'une personne qui ne fait ni pâques, ni confession ? d'une personne âgée qui se roule continuellement dans le péché de l'impureté ? Ah ! mon Dieu, s'ils étaient capables de souffrir, ne seraient-ils pas aussi misérables que les réprouvés qui brûlent dans les enfers ? Comment les anges, qui sont si purs, peuvent-ils demeurer auprès de ces infâmes ? Des anges charitables peuvent-ils bien rester avec des vindicatifs et des rancuneux ? Les anges, si humbles, peuvent-ils bien accompagner un orgueilleux ? Comment un ange, qui aime tant le bon Dieu, peut-il bien être heureux avec un impie, un incrédule qui nie tout, qui ne croit à rien ? Est-il bien possible que nous soyons si mauvais, si ingrats envers des amis si bienfaisants, si fidèles à ne pas nous quitter un seul instant ?...
Nous savons que nos anges gardiens ont un grand soin de nous consoler dans nos peines et nos souffrances. Nous lisons dans l'Écriture sainte (GEN. XXVIII) que Jacob, fuyant la fureur de son frère, s'endormit en chemin. Le bon Dieu, pour le consoler, lui montra dans une vision une échelle, qui de la terre montait jusqu'au ciel ; il voyait les anges monter et descendre pour offrir nos prières à Dieu et rapporter les grâces que nous demandons. L'ange qui avait conduit et ramené le jeune Tobie, s'étant fait connaître, dit à son père : « Lorsque vous priiez et que vous ensevelissiez les morts, c'était moi-même qui portais vos bonnes actions au Seigneur (TOB. XII,12). » Il est dit dans la vie de saint Nicolas Tolentin (RIBADENERIA, au 10 septembre) que, pendant les deux mois de sa maladie, quatre anges demeuraient toute la nuit dans sa chambre. Ils chantaient une mélodie si agréable, qu'il en oubliait ses souffrances. Les six derniers jours avant sa mort, ils restèrent le jour et la nuit ; tous ceux qui eurent le bonheur d'entrer dans la chambre eurent aussi le bonheur d'entendre leurs chants. Les anges emmenèrent son âme avec eux dans le ciel. Sainte Liduwine souffrant des douleurs très violentes, un ange se montra à elle dans une si grande beauté, qu'elle oublia ses souffrances (RIBADENERIA, au 14 avril). Nous pouvons dire que les anges se plaisent à nous rendre tous les services dont ils sont capables, et qu'ils ont grandement à cœur de nous faire participer à leur bonheur. Par eux, le ciel fait un saint commerce avec la terre.
Dieu employa souvent le ministère des saints anges dans les événements les plus importants. C'est par eux qu'il instruisait les patriarches et les prophètes, par eux qu'il parlait à son peuple. Nous lisons dans l'Écriture sainte, que le Seigneur envoya son ange pour parler aux Israélites en son nom : « Je vous ai retirés de l'Égypte et vous ai fait entrer dans la Terre promise, en vous promettant que je ne vous abandonnerais jamais, mais à condition que vous me seriez fidèles. Vous n'avez pas voulu entendre ma voix, pourquoi vous êtes-vous comportés de cette manière ? C'est à cause de votre infidélité et du mépris que vous avez fait de mes grâces, que je ne vous ai pas défendus contre vos ennemis (LEVIT. XXVI, 13-17). » Les Israélites, entendant ces paroles de l'ange, se mirent à pousser des cris lamentables, et versèrent des larmes en abondance, en le priant d'avoir pitié d'eux et de ne pas les abandonner.
Nous voyons que tous les hommes qui ont été grands sur la terre, ont été annoncés par les anges. Ce fut un ange qui annonça la naissance de Samson, le vengeur du peuple de Dieu (JUDIC. XIII,3). Ce fut un ange qui annonça la conception de saint Jean (LUC. I. 13). Ce fut un ange qui annonça la conception du Sauveur, ce fut un ange qui annonça aux bergers sa naissance (Ibid, 31. II, 9), ce fut un ange qui dit à Joseph de fuir en Égypte (MATTH. II,13). Ce fut encore un ange qui consola Jésus dans son agonie au jardin des Olives (LUC. XXII,43), ce furent les anges qui ensevelirent et accompagnèrent le corps de la sainte Vierge après sa mort. Ce seront des anges qui accompagneront le Seigneur à son dernier jugement (MATTH. XXV, 31).  « D'après cela, M.F., si chacun d'eux doit être honoré selon sa dignité, nous dit saint Bernard, quel honneur et quelle louange ne devons-nous pas rendre à nos anges gardiens, eux dont la nature est si parfaite, la sainteté si éminente, la gloire si éclatante ? » Mais ce qui doit nous porter surtout à une grande vénération envers eux, c'est leur inviolable fidélité pour le bon Dieu. Leur innocence n'a jamais été souillée de la moindre tache, leur amour et leur zèle n'ont jamais souffert la moindre altération. Si nous aimions véritablement le bon Dieu, M.F., quelle joie n'aurions-nous pas de ce qu'il reçoit de ces esprits bienheureux, des louanges si parfaites ? Hélas ! combien sont imparfaites les louanges de ceux qui, même parmi nous, l'aiment le plus ! Que de distractions dans nos entretiens avec Dieu ! Pour les anges, au contraire, rien n'est capable de les distraire de la présence de Dieu, tant ils sont absorbés dans la contemplation de sa grandeur. Ils font sans cesse retentir la voûte des cieux de ce cantique d'allégresse : « Saint, Saint, Saint, le Seigneur, le Dieu des armées ; qu'honneur, gloire et adoration lui soient rendus, dans tous les siècles des siècles (APOC. IV, 8) ! »
Je dis que nos anges gardiens sont très exacts à nous secourir dans nos peines. Nous lisons dans les Actes des saints Apôtres (ACT. XII) le trait suivant. Saint Pierre ayant été mis en prison par l'ordre d'Hérode, il s'endormit entre les deux soldats qui le gardaient la nuit, c'était la veille du jour où on devait le faire mourir ; un ange se présente à lui tout à coup, l'éveille, rompt ses chaînes et ouvre les portes de la prison, lui disant : « Levez-vous promptement... et suivez-moi. » Étant guidé par l'ange, il sortit de sa prison et vint heurter à la porte de la maison où étaient réunis les disciples. Une servante ayant entendu la voix de Pierre, ne pouvant retenir sa joie, courut sans ouvrir la porte, annoncer que Pierre était là. On ne voulait point la croire ; les uns la traitaient d'insensée, les autres disaient que c'était un ange. Et Pierre étant entré, raconta à tous ses frères ce que son ange gardien avait fait pour le délivrer. Nous voyons que souvent Dieu envoyait ses anges porter secours aux martyrs. Ainsi, ce furent les anges qui apportèrent les couronnes aux quarante martyrs de Sébaste, ce qui fut cause que celui-là même qui les gardait se convertit à la vue de ce prodige (RIBADENERIA, au 10 mars).
Le saint roi David, qui connaissait combien leurs louanges sont agréables au Seigneur, invitait les anges à le louer et à le bénir en leur disant : « Bénissez le Seigneur, vous tous qui êtes les ministres de ses volontés » Suivons, M.F., l'exemple de ce saint roi, prions souvent les anges de louer et d'adorer Dieu pour nous ; prions-les de prendre notre place auprès de lui, pour le remercier de toutes les grâces qu'il nous a faites pendant notre vie. Demandons-leur qu'ils prient le bon Dieu de changer nos cœurs, et d'en faire des cœurs tout célestes.
 
II. – Pour mériter ce bonheur qui est la protection de nos anges gardiens, nous devons souvent les invoquer, les bien respecter et, surtout tâcher de les imiter dans toutes nos actions. La première chose que nous devons imiter en eux, c'est la pensée de la présence de Dieu ; à leur exemple, ne la perdons jamais. Ah ! M. F., si nous avions ce bonheur, que de péchés de moins !... En effet, si nous étions bien pénétrés de la présence de Dieu, comment pourrions-nous faire le mal ? Oh ! que nos vertus et toutes nos bonnes œuvres seraient bien plus agréables à Dieu ! Nous n'aurions plus de respect humain, plus de vues humaines. Si nous nous ressouvenions toujours de la présence de Dieu, comment aurions-nous le courage de rester dans le péché, en voyant combien nous faisons souffrir Jésus-Christ ? Comment pourrions-nous vouloir du mal à notre prochain, en pensant que le bon Dieu, lui, dont la bonté est infinie, considère, lit et écoute tous les mouvements de notre cœur ? Aussi, voulant élever le patriarche Abraham à une haute perfection, Dieu lui dit : « Abraham, veux-tu être parfait ? Marche en ma présence (GEN. XVII,1). » Comment se peut-il faire que nous oubliions si facilement le bon Dieu, tandis que nous l'avons toujours devant nous ? Pourquoi ne sommes-nous pas saisis de respect et de reconnaissance envers nos anges, qui nous accompagnent jour et nuit ? Des princes de la cour céleste !... Ô mon Dieu, que nous sommes heureux !... mais aussi, que nous sommes loin de le comprendre ! – « Je suis trop misérable, direz-vous peut-être, pour mériter cela ! » Non seulement, M.F., Dieu ne vous perd pas un instant de vue, mais il vous donne un ange qui ne cesse de guider vos pas. Oh ! bonheur trop grand, mais trop peu connu des hommes !
Nous devons imiter aussi leur amour pour Dieu. Ils ont tellement à cœur sa gloire, que lorsque nous avons le malheur de pécher, ils nous précipiteraient au fond des enfers, si Dieu ne leur défendait pas de nous punir (Exemple d'Héliodore battu par les anges. (Note du Saint) Cet exemple est tiré du IIe Livre des Macchabées, chap. III).
). Ils aimeraient mieux être jetés avec les damnés que de déplaire à Dieu en la moindre chose. Aussi, Notre-Seigneur Jésus-Christ nous dit-il qu'ils ressentent une joie immense, quand un pécheur se convertit (LUC. XV, 10). Si donc la conversion d'un pécheur réjouit toute la cour céleste, quelle joie, M.F., pour ces ministres de paix, quand ils voient régner parmi nous cette charité qui les unit si étroitement à Dieu dans le ciel !
Il est vrai que nous devons avoir une grande dévotion envers tous les anges, parce qu'ils s'occupent tous de notre salut ; mais nous devons avoir une dévotion particulière à nos saints anges gardiens, à cause des grands soins qu'ils prennent de nous et du grand désir qu'ils ont de nous conduire au ciel. Ils ne peuvent nous laisser un instant seuls, dans la crainte que le démon ne nous trompe. Oh ! quel bonheur et quelle consolation, quand nous allons nous coucher, de savoir, par la foi, que notre bon ange gardien veille à notre conservation pendant la nuit, et qu'il la passera tout entière à prier pour nous ! Quelle joie de savoir que quand nous sortons de chez nous, nous ne sommes jamais seuls en route. Les anciens étaient tellement pénétrés de la présence de l'ange gardien, qu'ils ne saluaient jamais une personne sans saluer aussi son bon ange ; et c'est de là que vient encore cette vieille habitude de dire à une personne, quoique seule : « Je vous salue et la compagnie. » Quelle est cette compagnie, sinon celle du bon ange gardien ? Mais on le dit sans y penser...
Nos anges gardiens ne nous abandonnent jamais, nous devons être dociles aux avis qu'ils nous donnent. Un solitaire avait porté ses pénitences à un si haut degré de rigueur, qu'il ne pouvait plus se tenir sur ses jambes. Comme l'eau qu'il allait chercher était bien éloignée, il se disait en lui-même : « Puisque j'ai tant de peine pour aller chercher mon eau, je vais approcher ma cellule de la fontaine. » Pendant que son esprit était occupé de cela, il entendit une voix qui disait: « Un, deux et trois, » comme une personne qui compte quelque chose. Étonné de ce langage, il se tourne, et voit son ange gardien qui comptait ses pas, en lui disant que le Seigneur le lui avait ordonné, et que aucun n'était perdu. Le saint voyant que cela était agréable à Dieu, bien loin d'approcher sa cellule, l'éloigna encore, afin de mériter davantage (Vie des Pères du désert). Hélas ! que nous sommes misérables de ne pas faire tout ce que nous faisons pour le bon Dieu ! Que nous gagnerions pour le ciel et que nous ferions plaisir à notre ange gardien ! Que nous nous trouverions riches à l'heure de la mort ! Hélas ! M.F., combien de fois nos péchés ont forcé nos bons anges de s'éloigner de nous, c'est-à-dire de nous abandonner à nos ennemis, qui sont les démons et nos passions ! Une autre grâce que nous recevons de leur part, c'est lorsque, nous trouvant dans le péché, ils ne cessent de nous donner des remords, et, comme ils sont continuellement auprès du bon Dieu, ils le conjurent de ne pas nous laisser mourir dans cet état. Ils éloignent de nous les occasions, et prennent toutes sortes de moyens pour nous faire rentrer en grâce.
Ils nous consolent dans nos peines, nos persécutions. Nous en avons un bel exemple dans l'histoire de saint Victor (RIBADENERIA, au 21 juillet. Saint Victor de Marseille). Son bon ange gardien se montrait à lui visiblement pour l'encourager â souffrir le martyre, en lui faisant voir la grandeur de la gloire qui lui était préparée dans le ciel, et combien il se rendait agréable à Dieu. Aussi voyons-nous peu de martyrs qui aient souffert avec tant de courage et de joie. Ce grand saint était soldat et vivait au temps de Dioclétien et de Maximien. Ces deux empereurs publièrent l'édit que tous ceux qui n'adoreraient pas les idoles, mourraient dans les supplices les plus cruels. Voyant que plusieurs chrétiens commençaient à chanceler, Victor allait de prison en prison, où plusieurs étaient déjà renfermés, afin de les enflammer du désir du martyre ; il les accompagnait même jusqu'au lieu de leurs supplices. Ses paroles avaient tant de force et de grâce, que les martyrs semblaient ne rien souffrir, pourvu que le soldat Victor fût à leur côté. Il leur disait : « Courage, mes amis, le ciel vous attend. Voyez Jésus-Christ qui vous tend la main ; méprisez la vie qui dure si peu ; élevez vos cœurs vers le ciel, et Jésus-Christ vous donnera la force de combattre et de vaincre. » L'empereur Maximien, guidé par la haine du nom chrétien, fait appeler Victor et ordonne de l'attacher à un cheval indompté qui le traîne dans toute la ville ; ensuite il le fait battre de verges, de sorte que le corps du saint n'était plus qu'un lambeau de chair. Au milieu de ces supplices, il priait Dieu de le soutenir par sa grâce. Jésus-Christ touché de ses souffrances, lui apparut avec sa croix :  « Courage, Victor, lui dit-il, je suis Jésus-Christ, je suis ton refuge, ne crains rien ; je serai avec toi jusqu'à la fin, prends courage. » Quelque temps après, son ange gardien lui apparut dans sa prison, lui ôta ses chaînes, et le consola en lui faisant goûter d'avance les douceurs que le Seigneur lui préparait dans le ciel. Il lui dit ensuite : « Sors de la prison et montre-toi à l'empereur, afin qu'il voie comment le Seigneur prend soin de ceux qui le servent. » Il sortit en effet. Le tyran surpris de le revoir, lui demanda qui l'avait délivré : « C'est Jésus-Christ, dit-il, qui a brisé mes chaînes, par le ministère de ses anges. » Plus en fureur que jamais, Maximien fait reconduire Victor dans sa prison. Mais le même ange apparut encore, et remplit la prison d'une si vive lumière, que tous les prisonniers qui s'y trouvaient, demandèrent avec instance le saint Baptême. L'empereur, informé de tous ces prodiges, fit écraser Victor par une énorme pierre de moulin. Alors son ange conduisit son âme en triomphe dans le ciel où Dieu l'attendait pour la récompenser. Pourquoi donc, M.F., avons-nous si peu de courage dans nos tentations, dans les persécutions ? Ah ! c'est que nous ne comptons que sur nous-mêmes, et que nous n'avons pas recours à nos anges gardiens, qui demanderaient au bon Dieu la grâce de nous rendre victorieux dans nos combats.
Je dis que nous devons bien nous unir à nos anges gardiens quand nous prions, parce qu'ils sont si agréables à Dieu, que Jésus-Christ ne peut rien leur refuser. Nous sommes sûrs qu'ils sont à côté de nous quand nous prions, et surtout quand nous entendons la sainte Messe. Un disciple de saint Jean Chrysostome nous raconte que, nombre de fois, pendant qu'il lui servait la messe, il voyait la maison de Dieu remplie d'une multitude d'anges ; les uns étaient prosternés devant le Corps adorable déjà présent sur l'autel, et les autres allaient dans l'église pour inspirer aux fidèles le respect et l'amour qu'ils devaient avoir pour Jésus-Christ. Le diacre Pierre rapporte de saint Grégoire le trait suivant : « Un jour, pendant la sainte Messe, quand il fut à ces mots que dit le célébrant : Pax Domini sit semper vobiscum : Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous, l'on entendit les anges dire d'une voix retentissante, de manière à être entendue de tous les assistants : Et cum spiritu tuo : Et avec votre esprit. » C'est pourquoi, depuis cette époque, quand le Souverain Pontife célèbre en public, personne ne répond : Et cum spiritu tuo, afin de conserver le souvenir de ce miracle.
Nos anges gardiens ne laisseront pas de marquer dans le livre de vie toutes nos bonnes actions, pour les présenter à Dieu au moment où nous serons jugés. C'est eux qui sont les dépositaires de tout le bien que nous avons fait pendant le cours de notre vie ; c'est eux qui nous inspireront, dans le moment terrible de la mort, une grande confiance, et qui nous procureront le bonheur de recevoir les derniers sacrements. Ce sont nos anges qui demandent au bon Dieu un grand regret de nos péchés. Disons tout, M.F., en deux mots : ce sont nos bons anges gardiens, qui, après nous avoir tenu compagnie pendant toute notre vie, après avoir employé tous les moyens possibles, ou pour nous faire sortir du péché, ou pour nous faire persévérer dans la grâce, emmènent nos âmes en triomphe dans le ciel. Si vous en doutez, écoutez Jésus-Christ vous dire que les anges emportèrent l'âme de Lazare dans le sein d'Abraham, qui est le ciel (LUC. XVI, 22). Saint Antoine nous dit qu'il vit l'âme de saint Paul, ermite, conduite dans le ciel par les anges (Vie des Pères du désert).
Hélas ! M.F., qui de nous pourra déplorer assez le malheur de ces chrétiens qui ne savent pas s'ils ont un ange gardien ; ou qui, peut-être, passeront un temps considérable, sans remercier le bon Dieu des grâces qu'il leur accorde par la protection de leur ange gardien, sans dire un Pater et un Ave en son honneur. Ah ! ne soyons pas étonnés d'avoir si peu de zèle pour la gloire de Dieu et le salut de nos âmes ; c'est que notre ange gardien, en punition de notre ingratitude, nous abandonne à nous-mêmes ! Aussi faisons-nous beaucoup de mal, et peu de bien. Hélas ! que de chrétiens sont damnés pour avoir méprisé leurs anges gardiens ! Quels reproches à l'heure de la mort, lorsque, implorant son secours, il nous dira, ainsi qu'à ce moribond dont il est parlé dans l'histoire : « Va, malheureux, tu n'as eu que du mépris pour moi, aussi le bon Dieu m'a commandé de t'abandonner à la puissance des démons, dont tu as été le fidèle serviteur. » Hélas ! mon Dieu, que le nombre de ces gens est grand ! ...
Voyez, M.F., combien l'Église tient à ce que nous ayons une grande dévotion envers les anges. Au mois d'octobre, chaque année, elle fait une fête en l'honneur des saints anges, et en particulier des saints anges gardiens. Il existe encore une pieuse pratique, c'est de consacrer les mardis en l'honneur des saints anges gardiens. Comment, M.F., pouvons-nous oublier ces anges protecteurs, qui sont toujours à côté de nous, et qui ne nous quittent pas un seul instant ? Tâchons de remercier souvent le bon Dieu de cette grâce, et d'avoir souvent recours à eux dans nos peines, dans nos maladies, dans nos chagrins et afflictions. Ils sont nos meilleurs amis, ils nous aiment, et ne nous quittent jamais qu'ils ne nous aient conduits dans le ciel. Tâchons de faire de temps en temps quelques prières, une aumône, de faire dire une messe en leur honneur ; que les pères et les mères surtout fassent cela, pour attirer la protection des anges sur leurs enfants, leurs domestiques. Oh ! s'ils y sont fidèles, ils verront bientôt régner dans leur famille la paix, l'union entre tous les membres, mais surtout la religion, qui les rendra heureux dans ce monde, en attendant qu'ils le soient dans l'autre. C'est le bonheur que je vous souhaite.



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