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dimanche 19 juillet 2020

Quelle est la Qualité précise de cette vexation du malin esprit


Saint Jean Gualbert délivre du diable un moine malade


I. La possession consiste précisément en un droit que le malin esprit a de résider au corps du possédé et de l'altérer.
La résidence et l'altération, qui sont les deux points constitutifs de la possession selon divers degrés.


II. Saül était Énergumène ; mais en qui néanmoins il y avait grande liberté, et pour sa conduite particulière, et pour le gouvernement de son État.
Le même est remarqué par saint Jérôme en un favori de l'Empereur Constance.


III. Il y a des possessions dont l'altération n'est autre qu'une manière d'infirmité ordinaire.

IV. Il y en a d'autres dont l'altération n'est sinon la privation d'une ou de deux facultés ; comme de l'ouïe, de la vue, ou de la parole.
Les esprits malins sont dénommés des vices ou des peines qu'ils apportent à ceux dont ils se saisissent.
En quelques possessions l'Énergumène est exempt de la géhenne et torture de Satan.
Il y a aussi des possessions dans lesquelles l'Énergumène porte privation d'une seule faculté au regard d'un objet seulement.


V. Ce qui est commun à tous possédés, est le droit que le malin esprit a d'habiter et d'agir en eux.
Ce droit est étrange si nous considérons les personnes, si différentes : l'effet, qui est une liaison dont le ciment est la haine : et la suite, qui est un empire absolu que Satan prend sur la personne possédée.
Le pouvoir de Satan dans la possession est entièrement opposé au pouvoir que l'homme avait sur soi-même en l'état d'innocence.



Il est facile au Lecteur de reconnaître la vérité des articles précédents, car en tant qu'il est Chrétien, il sait qu'il y a une communication entre l'Ange et l'homme, si étroite quelquefois que Satan vient jusqu'à s'introduire dans son corps ; Ce qu'il ne peut pas ignorer être très dommageable, et au regard du corps, et au regard de l'âme, supposé ce que la Foi lui enseigne de la condition de ce malin esprit. Pourvu aussi qu'il soit tant soit peu versé en l'État Ecclésiastique, il y verra que ce mal est fréquent depuis l'Incarnation ; et que l'Église est assistée d'un ordre contre cet accident. Ce qui suit est plus difficile et quiconque sait bien que ce mal est grand et fréquent ; ne sait pas pourtant en quoi précisément il consiste.
Remarquons donc que comme l'ordre d'Exorciste réside en un Droit et en une Autorité que l'Église a sur les malins esprits, soit qu'elle l'emploie, soit qu'elle ne l'emploie pas : Ainsi la qualité de cette possession, contre laquelle cet ordre est établi, consiste précisément en un droit que le malin esprit à de résider en ce corps, et de l'altérer en quelque manière, soit que la résidence et altération soit continue, ou bien interrompue ; soit qu'elle soit violente ou bien modérée ; soit qu'elle apporte seulement une privation de quelque acte et usage naturellement dû à la nature, soit qu'elle ait adjoint un tourment sensible. Ce sont divers degrés dans lesquels ce mal peut monter ou rabaisser, sans que pourtant il croisse ni diminue beaucoup, car le diable y est toujours pire que tous maux. Ce sont accidents différents en divers possédés. Dont nous avons témoignage en l'histoire tant sacrée que profane.

Car en premier lieu l'Écriture nous dépeint Saül comme saisi et tourmenté du malin Esprit : Post diem alteram invasit eum spiritus Domini malus, dit le Texte (I Reg. 18), au lieu duquel le Chaldée a Mansit in eo ; Ce qui ne peut être dit au regard de l'âme ; et à cause que Satan la possédait dès longtemps auparavant ; et à cause que la possession dont il est ici parlé, est réelle, et non pas spirituelle, et même est jointe à un dérèglement extérieur. Car il est dit là même, selon le Chaldée, Delirabat in medio domus suoe (I Reg. 16), et il est dit ailleurs, Exagitabat, (ou selon les Septate, Suffocabat) eum spiritus nequam à Domino, non pas d'une agitation intérieure et spirituelle, mais corporelle et visible, puisqu'elle est aperçue de ceux de sa suite, qui lui disent, Exagitat te Spiritus Domini malus, et qui lui donnent conseil sur son mal d'avoir près de soi, hominem scientem psallere, ut quando arripuerit te spiritus malus, psallat manu sua, et levius feras. Ces conjectures me semblent valables, et ces termes exprès, à signifier la résidence du démon en Saül, et l'altération qui l'accompagne, c'est-à-dire, les deux points constitutifs d'une possession, laquelle est aussi reconnue de Tostat, de Theodoret et de Joseph (en leurs Commentaires sur ce lieu, et Joseph, au livre 6 des Antiq. Juda. c. 9 où il dit que Saül, Patiebatur damonia et suffocationes). Or son mal n'était pas continu, mais recevait plusieurs, et longs intervalles : Car dans la même histoire il est représenté tout autre, gouvernant son Royaume, commandant aux armées, suivant ses passions particulières, reconnaissant ses fautes, recevant l'influence du Saint-Esprit en la compagnie de Samuël ; bref, faisant actes de Prince, de pécheur, de pénitent, de Prophète, et non de possédé (I. Reg. c. 19, Etia Saül inter prophetas). D'où nous trouverons moins étrange ce qu'on recueille de saint Jérôme d'un favoris de l'Empereur Constance, lequel étant possédé de son bas âge, ne laissait de servir son Prince, de hanter sa Cour, sans que son mal fût aperçu, le démon ne le travaillant ordinairement que la nuit.
Le même Saül servira d'exemple des possessions moins violentes : Car son tourment est bien modéré, puisque le son d'une harpe le diminue, et puisqu'il n'en perd point l'usage et la liberté de son discernement, jugeant bien le moyen de courir son intention maligne de l'apparence d'une rencontre fortuite, en poussant sa lance contre David si à propos, que l'on estime qu'il l'adresse contre la muraille, et non contre lui (I. Reg. 19). Acte pourpensé et exécuté durant son accès, et attribué toutefois non au démon, mais à Saül.

Auquel je joindrai l'histoire de cette fille d'Abraham (ainsi et non autrement est-elle appelée de celui qui donne l'être et le nom à toutes choses) qui était affligée d'un mal référé à Satan, et au rapport du grand et divin Médecin, n'avait pas seulement une infirmité, mais habebat SPIRITUM infirmitatis ; (Hanc alligavit Satanas, dit Jésus-Christ en S. Luc, 13) Ce néanmoins, elle n'en avait autre incommodité que d'être courbée sans se pouvoir aucunement redresser. Et bien que l'enfant lunatique fut plus travaillé (Matth. I et Luc 9), si est-ce que ce qui est déduit de son mal, ne surpasse pas la fureur d'une Épilepsie, encore qu'il n'y ait pas d'apparence que le Père représentant les accès à Jésus-Christ pour l'émouvoir, ait oublié les plus violents ; ni que les Apôtres narrant l'histoire, aient recueilli les moindres.

La troisième particularité est vérifiée en deux possessions que Saint Mathieu raconte (S. Chrys. et Theop. sur S. Mathieu tiennent que ce démoniaque était muet et aveugle non de nature, mais pas la possession de Satan, de laquelle il ne ressentait autre effet que cette perte de vue et de parole), celle du démoniaque muet seulement, au chap. 9, celle de l'Énergumène muet et aveugle,  au chap. 12. De l'un desquels S. Luc faisant mention, ne rapporte non plus que S. Mathieu aucun autre accident de sa possession ; Ce qu'il n'eut omis en un fait mémorable, contesté des Pharisiens, admiré des Juifs, sur lequel expressément il repassait la main après S. Mathieu : car c'est le devoir de celui qui prend le crayon après un autre d'ajouter les traits qui manquent, et c'est la coutume des derniers Évangélistes, d'accomplir le narré de ceux qui les ont précédé. De fait, S. Luc qui n'y remarque rien de plus, y apporte plus de lumière : Car au lieu que dans S. Mathieu cette privation est attribuée à l'homme, elle est ici attribuée au démon. « Jésus, dit-il, chassait un DIABLE ET IL était muet. » Comme si cet effet, lequel il applique à ce démon, lui était propre selon le sens et l'opinion de ceux qui estiment que les malins esprits ont partagé entr'eux et les péchés et les peines, en sorte que chacun d'eux a son vice auquel il nous sollicite le plus, chacun a son tourment, lequel il nous apporte plus volontiers : d'où ils tirent leurs noms ainsi que de qualités distinctes, l'un étant nommé pour le regard des peines, l'Esprit sourd et murent en S. Marc, l'autre Esprit d'infirmité en saint Luc, et pour le regard des vices, l'un Esprit d'erreur en saint Paul, l'autre Esprit de fornication en Osée. Que si cette remarque n'est agréable à quelques-uns, au moins il leur apprend que l'un de ces malins Esprits étant qualifié l'Esprit d'infirmité, et l'autre Esprit sourd et muet, c'était leur unique ou principal effet, puisqu'ils en sont dénommés. Tellement que nous avons toujours droit d'inférer qu'il y a des possessions, dans lesquelles l'Énergumène est exempt de la géhenne et de la torture de Satan, qui a seulement le pouvoir de lui ôter l'usage d'une ou de plusieurs de ses fonctions. A quoi ils doivent consentir facilement : Car il n'y a point telle liaison entre le bien que la Nature peut perdre, et le mal qu'elle peut souffrir, que Dieu ne puisse permettre, ni Satan faire qu'elle soit incommodée en l'un, sans être intéressée en l'autre. Même chaque fonction ou faculté naturelle regardant plusieurs objets, Satan peut en interdire l'usage au regard de l'un de ceux-ci, et le laisser libre au regard des autres, ainsi qu'il apprend en l'Énergumène que Fortunatus Évêque de Poitiers récite avoir été délivrée par S. Germain Évêque de Paris, il y a mille ans ; et n'avoir eu autre incommodité en plusieurs années que dura la possession, sinon que son corps était destitué de mouvement quand elle voulait aller à l'Église.

CES particularités donc sont différentes en divers possédés. Ce qui est commun à tous, est le droit que le malin esprit a D'HABITER ET D'AGIR en eux. Droit à la vérité bien étrange s'il est considéré en sa source. Car il n'est nullement fondé en la nature chacune de ces deux personnes étant complète en son ordre, chacune étant sans relation de l'une à l'autre, chacune étant séparée d'être et d'opération, et même contraire en conditions et en desseins. Mais encore est-il plus étrange en son principal effet : car il tend à une très-étroite liaison de ces deux natures, de ces deux esprits, de ces deux personnes ensemble, liaison dont le ciment est la haine et non l'amour. Liaison seule sans amour, de toutes celles que la nature, et que la grâce opère ; ainsi que le diable est l'unique d'entre toutes les créatures qui soit sans amour. Et d'abondant il est très-dommageable en sa suite : car comme de ce droit vient cette liaison, aussi de cette liaison vient un empire absolu de Satan sur la personne, par ce que la maxime de la Nature est, que de deux choses unies ensemble l'une commande, l'autre obéisse ; et l'humeur de Satan est de vouloir commander partout où il se trouve, soit au ciel, soit en la terre, soit en l'enfer. D'où vient que s'étant logé dedans l'homme, comme dans une place qui lui appartient, en vertu de ce droit il y commande selon son orgueil ; il y dérègle et confond tout selon sa condition qui est d'être un esprit de confusion ; il y ruine et détruit selon son nom, et sa qualité de destructeur. Et au lieu que l'âme commandée de Dieu seul, avait un pouvoir absolu sur son corps, et sur ses appétits un pouvoir raisonnable ; le diable la dépouille de l'un et de l'autre : usurpant le premier sur son corps, comme il attente le second sur son âme.


Extrait de Traité des Énergumènes par l'Illustrissime et Révérendissime Cardinal De Berulle, Instituteur et premier Supérieur  Général de la Congrégation de l'Oratoire de Jésus.


Reportez-vous à Quelles sont les causes dispositives et applicatives du malin esprit au corps de l'Énergumène ?Que la Misère est grande de l'homme possédé de Satan, qui livre un combat furieux à son Âme, et donne un tourment extrême à son Corps, Que cette sorte de Communication, en laquelle Satan s'incorpore dedans l'homme, est fréquente, même depuis le Mystère de l'incarnation, Que Satan communique avec l'homme depuis l'état du péché, et jusqu'où arrive cette communication, Les possessions démoniaques sont rares uniquement pour ceux qui ne combattent pas le démon, De la conduite qu'il faut tenir à l'égard des Énergumènes, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, SCIENCE EXPÉRIMENTALE DES CHOSES DE L'AUTRE VIE, Acquise par le Père Jean-Joseph Surin, Exorciste des Religieuses Ursulines de Loudun, Des opérations malignes, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (1/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (2/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (3/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (4/4), Réflexions sur la nature et les forces des Démons, et sur l'économie du Royaume des ténèbres, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Amour du Père Surin pour tout ce que Notre-Seigneur a aimé, et premièrement de sa grande dévotion à la très-sainte Vierge, Du grand Amour du Père Surin pour les Saints Anges, dans l'union avec notre Seigneur Jésus-Christ, De l'amour du Père Surin pour l'humilité, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, Les Possédés d'Illfut : Les victimes, Les Possédés d'Illfurt : Satan et les fêtes, bals et danses, Les Possédés d'Illfut : Les victimes, Les possédés d'Illfurt : Perte du Ciel et peines de l'Enfer, Miracles de Sainte Hildegarde, Pouvoir de Saint François de Sales : Délivrance de Françoise Favre, possédée du Démon, Pouvoir de Saint François de Sales : Délivrance d'Antonie Durand, possédée du Démon, Exemple de la grande puissance de Frère Junipère contre les démons, et Des fruits merveilleux des Confessions générales au Laus ; délivrance de plusieurs possédés par l'intercession de la très-Sainte Vierge.