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vendredi 21 août 2020

Neuvaine au Saint Curé d'Ars pour notre Temps

 

Un peu essoufflés de ne trouver chaque année que des neuvaines modernistes ou peu édifiantes, en l'honneur du Saint Curé d'Ars, nous désirions composer une neuvaine où seraient exprimés les besoins de notre âme pour notre temps. C'est chose faite, et nous la publions aujourd'hui afin que nous ne soyons pas les seuls à en profiter. Nous avons choisi pour cela un enseignement du Saint Curé d'Ars pour chaque jour de la neuvaine, puis avons rédigé (nous vous remercions de votre indulgence) une prière que vous trouverez après chacune des lectures spirituelles proposées, et avons repris l'oraison de la Fête du Saint, dans un Missel de 1957 (à dire chaque jour de la neuvaine). Si par bonheur, vous trouvez une neuvaine officielle, éditée avant l'année 1958, nous vous remercions, ou plutôt, nous vous supplions de bien vouloir la partager sur internet, afin que tous en profitent, et nous aussi...

 

 

1er Jour : Sur les Saints

M. Vianney parlait souvent des saints ; il n'en parlait qu'avec des larmes. À entendre ses récits pleins de drame, de menus détails et de poésie touchante, on était tenté de croire qu'il avait connu ces bons saints, qu'il avait vécu avec eux dans la plus étroite intimité. Il savait d'eux des choses complètement inédites et qu'on croyait entendre pour la première fois. Dans la vie des serviteurs de Dieu, le côté légendaire était celui qui séduisait le plus son cœur. Il avait ce courage de la foi qui ne recule devant rien de ce qui peut renverser l'orgueil de la raison humaine et scandaliser les impies. « Le soleil, disait-il, ne se cache pas, de peur d'incommoder les oiseaux de nuit. » Il se séparait entièrement de cette école hagiographique des Baillet, des Tillemont et autres, qu'on a appelés des dénicheurs de saints, et qui mettaient une gloire étrange à limiter la puissance de Dieu, en écartant le surnaturel de presque toutes les vies où il leur arrivait de le rencontrer ; comme si la sainteté elle-même n'était pas la résultante de toutes les forces surnaturelles mises en action ! Pour lui, cette puissance adorable, qui se joue dans l'univers et qui est si souvent en Dieu au service de la bonté, ne brillait jamais d'un assez vif éclat. Ce qu'il y avait de plus prodigieux et de plus contraire au cours ordinaire des choses, était ce qui le ravissait le plus.
« Voyez, ajoutait en pleurant le bon Curé, voyez jusqu'où Dieu est bon à ceux qui l'aiment ! Il fait des miracles pour rien, quand c'est un de ses amis qui les lui demande. L'homme commande en maître au bon Dieu quand il a un cœur pur. Saint François de Paule apprit un jour qu'on voulait faire mourir ses parents, parce qu'on avait trouvé un homme assassiné dans leur jardin et qu'on les accusait de l'avoir tué. Alors il dit : “Seigneur, faites donc que je me trouve près d'eux demain !” La nuit, un ange le transporta à quatre cents lieues, dans le pays où ils étaient. Le lendemain il dit devant tout le monde : “Faites apporter cet homme qui a été tué.” On l'apporte. Il dit alors : “Je te commande, au nom de Dieu, de déclarer si ce sont mes parents qui t'ont donné la mort ?” Voilà mon homme qui se lève et qui s'écrie devant tout le monde : “Non, ce ne sont pas tes parents.” Alors le saint dit encore au Seigneur : “Faites-moi emporter dans mon monastère ?” Pendant la nuit, l'ange le reprit et l'emporta ; il fit ainsi huit cents lieues. Le bon Dieu ne peut rien refuser à un cœur pur.
Saint Vincent Ferrier faisait tant de miracles, que son supérieur, craignant qu'il n'y rencontrât un piège pour son humilité, lui défendit d'exercer sans permission le pouvoir qu'il avait reçu de Dieu. Un jour qu'il était en adoration devant Notre-Seigneur, un ouvrier qui travaillait à la réparation de l'église, tomba du haut d'un échafaud. Le bon saint lui cria : “Arrêtez ! arrêtez ! Je n'ai pas le pouvoir de vous ressusciter.” Puis il alla en toute hâte demander la permission dont il avait besoin à son supérieur, qui ouvrit de grands yeux et ne comprit rien à la chose, étant persuadé que, dans tous les cas, la permission arriverait trop tard. Quelle ne fut pas sa surprise, lorsque, ayant suivi saint Vincent sur le lieu de l'accident, il vit suspendu en l'air le malheureux maçon qu'il s'attendait à trouver gisant sur le pavé ! “Allez, dit-il au saint ; faites donc tout ce que vous voudrez. Aussi bien, il n'y a pas moyen de vous en empêcher.” » (Esprit du Saint Curé d'Ars)

Prière

Ô Saint Curé d'Ars, obtenez-nous ce courage de la foi dont vous nous avez donné l'exemple ici-bas, et par lequel vous avez ravi tant d'âmes. Apprenez-nous, de votre céleste demeure, à aimer nos frères les saints, et à les faire aimer. Rappelez-nous quelle est cette vie surnaturelle que nous devons embrasser, et intercédez pour nous, afin que nous soyons de ces âmes à qui le bon Dieu ne peut rien refuser. Ainsi soit-il.


2e Jour : Sur l'abnégation

M. Vianney était convaincu, comme le furent tous les saints, que l'unique trésor du cœur est le détachement ; que sacrifier n'est pas détruire, mais vivifier, que c'est supprimer l'obstacle, et rompre les chaînes qui empêchent la liberté de l'âme en l'attachant aux choses finies.
C'est pourquoi il a toujours beaucoup insisté sur la mort à soi-même et le renoncement à sa volonté.
« Nous n'avons en propre, disait-il, que notre volonté ; c'est la seule chose que nous puissions tirer de notre fond pour en faire hommage au bon Dieu. Aussi assure-t-on qu'un seul acte de renoncement à la volonté lui est plus agréable que trente jours de jeûne. »
« Toutes les fois que nous pouvons renoncer à notre volonté pour faire celle des autres, lorsqu'elle n'est pas contre la loi de Dieu, nous acquérons de grands mérites, qui ne sont connus que de Dieu seul. Qu'est-ce qui rend la vie religieuse si méritoire ? C'est ce renoncement de chaque instant à la volonté, cette mort continuelle à ce qu'il y a de plus vivant en nous. Tenez, j'ai souvent pensé que la vie d'une pauvre domestique, qui n'a de volonté que celle de ses maîtres, si elle sait mettre à profit ce renoncement, peut être aussi agréable à Dieu que celle d'une religieuse qui est toujours en face de la règle. »
« Dans le monde même, à toute heure, on trouve à renoncer à sa volonté : on se prive d'une visite qui fait plaisir, on remplit une œuvre de charité qui ennuie, on se couche deux minutes plus tard, on se lève deux minutes plus tôt ; lorsque deux choses se présentent à faire, on donne la préférence à celle qui nous plaît le moins. »
« J'ai connu de belles âmes dans le monde qui n'avaient point de volonté, qui étaient tout à fait mortes à elles-mêmes. C'est là ce qui fait les Saints. Voyez ce bon petit saint Maur, qui était si puissant auprès du bon Dieu et si cher à son supérieur par sa simplicité et son obéissance. Les autres religieux en étaient jaloux ; le supérieur leur dit : "Je vais vous montrer pourquoi j'estime tant ce cher petit frère..." Il fit le tour des cellules : tous avaient quelque chose à terminer avant d'ouvrir ; il n'y eut que saint Maur, qui était à copier l'Écriture sainte, qui laissa sur-le-champ son travail pour répondre à l'appel de saint Benoît. »
« Il n'y a que le premier pas qui coûte dans cette voie de l'abnégation. Quand une fois on y est entré, ça va tout seul, et quand on a cette vertu, on a tout. » (Esprit du Saint Curé d'Ars)

Prière

Ô Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, apprenez-nous à vivifier notre âme par le détachement et l'abnégation. Aidez-nous, par votre précieuse intercession, à renoncer à notre volonté propre, pour embrasser la vraie liberté des enfants de Dieu. Ainsi soit-il.


3e Jour : Sur la tentation

Notre divin Sauveur, ayant été notre modèle en tout, a voulu l'être aussi dans la tentation. C'est pour cela qu'il s'est laissé conduire au désert.
Comme le bon soldat n'a pas peur du combat, de même le bon chrétien ne doit pas avoir peur de la tentation. Tous les soldats sont bons en garnison : c'est sur le champ de bataille que l'on fait la différence des courageux et des lâches.
La plus grande des tentations est de n'en point avoir. On peut presque dire qu'on est heureux d'avoir des tentations : c'est le moment de la récolte spirituelle où nous amassons pour le ciel. C'est comme au temps de la moisson, on se lève de grand matin, on se donne beaucoup de peine ; mais on ne se plaint pas, parce qu'on ramasse.
Le démon ne tente que les âmes qui veulent sortir du péché et celles qui sont en état de grâce. Les autres sont à lui, il n'a pas besoin de les tenter.
Un saint, passant un jour devant un couvent, vit une quantité de démons qui tourmentaient les religieux sans venir à bout de les séduire. Il passa ensuite devant une ville et en vit un seul assis, qui se croisait les bras et faisait marcher toute la population. Alors le saint lui demanda comment il était seul pour une grande ville, pendant qu'ils étaient un si grand nombre pour tourmenter une poignée de religieux. Le démon lui répondit qu'il suffisait bien pour la ville, parce que ceux qui étaient enclins à la haine, à l'impureté, à l'ivrognerie, il les prenait par là, et c'était d'abord fait ; tandis qu'avec les religieux, c'était plus difficile. L'armée de démons occupés à les tenter y perdaient leur temps et leur peine ; ils n'en pouvaient rien tirer. Aussi attendaient-ils qu'il en vînt d'autres qui s'ennuyassent de l'austérité de la règle.
Dans un monastère, un des frères vit pendant le saint sacrifice, des démons qui rôdaient autour de ces bons religieux. Il en vit un surtout qui piétinait sur la tête d'un moine, et un autre qui avançait et reculait tour à tour. Après la messe, ce frère demanda aux deux religieux ce qui les avait occupés pendant l'office. Le premier dit qu'il avait pensé à un plancher qu'il voulait faire dans le couvent, et le second, que le démon était venu l'attaquer, mais qu'il avait toujours tâché de le repousser. C'est ce que font tous les bons chrétiens. Aussi la tentation est pour eux une source de mérites.
Les tentations les plus ordinaires sont l'orgueil et l'impureté. Un des moyens par lesquels on y résiste le mieux est une vie active pour la gloire de Dieu. Bien des gens se livrent à la mollesse et à l'oisiveté : dès lors il n'est pas étonnant que le démon leur ait le pied dessus.
Un religieux se plaignait à son supérieur d'être violemment tenté. Le supérieur ordonna au jardinier et au cuisinier de l'appeler à tout moment ; quelque temps après, il lui demanda comment il allait : « Ah ! mon Père, lui dit-il, je n'ai plus le temps d'être tenté. »
Si nous étions bien pénétrés de la sainte présence de Dieu, il nous serait très-facile de résister à l'ennemi. Avec cette pensée : Dieu te voit ! nous ne pécherions jamais.
Il y avait une fois une bonne sainte, — je crois bien que c'est sainte Thérèse, — qui se plaignait à Notre-Seigneur après la tentation, et lui disait : « Où étiez-vous donc, mon Jésus tout aimable, pendant cette horrible tempête ? » Notre-Seigneur lui répondit : « J'étais au milieu de ton cœur, qui prenais plaisir à te voir combattre. »
Au moment de la tentation, il faut renouveler fermement les promesses de son baptême... Tenez, écoutez bien ça. Lorsque vous êtes tentés, offrez au bon Dieu le mérite de cette tentation pour obtenir la vertu opposée. Si vous êtes tentés d'orgueil, offrez la tentation pour obtenir l'humilité ; de pensées déshonnêtes, pour obtenir la pureté ; si c'est contre votre prochain, la charité. Offrez aussi la tentation pour demander la conversion des pécheurs : ça dépite le démon et le fait fuir, parce que la tentation se tourne contre lui. Allez ! après cela il vous laissera bien tranquilles.
Un chrétien doit toujours être prêt au combat. Comme en temps de guerre il y a toujours des sentinelles placées çà et là, pour voir si l'ennemi approche ; de même, nous devons toujours être sur nos gardes, pour voir si l'ennemi ne nous tend pas des pièges, et s'il ne vient pas nous surprendre...
De deux choses l'une : ou un chrétien domine ses penchants, ou ses penchants le dominent ; il n'y a pas de milieu. C'est comme deux hommes qui se prennent au collet à qui sera le plus fort et terrassera l'autre.
Il y en a presque toujours un qui finit par mettre l'autre à bas, et quand il le tient par terre, le pied sur la gorge, il s'en embarrasse bien ! Il est le maître. De même, avec nos penchants la lutte est rarement égale : ou nos penchants nous mènent, ou nous menons nos penchants.
Mes frères, que c'est triste de se laisser mener par ses penchants ! Un chrétien est noble ; il doit comme un grand seigneur commander à ses vassaux. Nos vassaux sont nos penchants. On demandait à un berger qui il était. Il répondit « qu'il était roi. — Sur qui régnez-vous ? — Sur mes sujets ? — Et quels sont vos sujets ? — Mes penchants. » Ce berger avait bien raison de dire qu'il était roi.
Nous sommes en ce monde comme un vaisseau sur la mer. Qu'est-ce qui produit les vagues ? C'est l'orage. En ce monde le vent souffle toujours. Les passions soulèvent la tempête dans notre âme : ce sont ces combats qui nous mériteront le ciel.
Il ne faut pas croire qu'il y ait quelque lieu sur la terre où nous puissions échapper à cette guerre. Nous trouverons le démon partout ; et partout il cherchera à nous ravir le ciel. Mais partout et toujours nous pouvons être vainqueurs. Ce n'est pas comme dans les autres combats. Entre deux partis il y a toujours un vaincu : là, si nous voulons, avec la grâce de Dieu, qui ne nous est jamais refusée, nous pouvons toujours triompher.
Lorsque nous croyons que tout est perdu, nous n'avons qu'à crier : Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! Car Notre-Seigneur est là, tout à côté de nous, qui nous regarde avec complaisance, nous sourit et nous dit : « Vraiment tu m'aimes ; je reconnais que tu m'aimes. » En effet, c'est dans les combats contre l'enfer, et dans la résistance aux tentations, que nous prouvons à Dieu notre amour.
Qu'il y a d'âmes inconnues dans le monde qu'on verra riches un jour de toutes ces victoires de chaque instant ! C'est à ces âmes que le bon Dieu dira : Venez, les bénis de mon Père... entrez dans la joie de votre Maître...
Notre ange gardien est toujours là, à côté de nous, la plume à la main, pour écrire nos victoires. Il faut nous dire, tous les matins : « Allons, mon âme, travaillons à acquérir le ciel. Ce soir nos combats seront finis. » Le soir : « Demain, mon âme, toutes les peines de la vie seront peut-être passées pour toi... »
Nous n'avons pas encore souffert comme les martyrs. Demandez-leur s'ils sont fâchés maintenant... Le bon Dieu ne nous en demande pas tant... Il y en a qu'un seul mot renverse. Une petite humiliation fait chavirer la barque... Courage ! mes frères, courage ! Quand viendra le dernier jour, vous direz : « Heureux combats qui m'ont valu le ciel ! » (Extrait de l'Homélie sur l'Évangile du premier dimanche de Carême)

Prière

Ô Saint Curé d'Ars, Vainqueur du Grappin, nous vous en supplions, obtenez du bon Dieu, que nous ne nous perdions pas dans de faux combats, mais que nous travaillions à acquérir le ciel et triomphions du monde, du démon et de la chair. Soutenez-nous dans le combat contre l'enfer et contre nous-mêmes, afin que nous ne succombions pas à la tentation. Guidez-nous pour que nous résistions aux ténèbres du paganisme, de la superstition, et des pratiques occultes qui envahissent le monde et le cœur des Chrétiens. Intercédez pour nous, Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, afin que, malgré les tentatives de Satan pour effacer de la terre le nom de Dieu et de son Christ, nous restions fermes dans la foi et fidèles à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ainsi soit-il.


4e Jour : Sur le Saint-Esprit

Oh ! que c'est beau, mes enfants ! Le Père est notre Créateur, le Fils est notre Rédempteur, et le Saint-Esprit notre Conducteur...
L'homme n'est rien par lui-même, mais il est beaucoup avec l'Esprit-Saint. L'homme est tout terrestre et tout animal ; il n'y a que l'Esprit-Saint qui puisse élever son âme et le porter en haut. Pourquoi les saints étaient-ils si détachés de la terre ? Parce qu'ils se laissaient conduire par le Saint-Esprit. Ceux qui sont conduits par le Saint-Esprit ont des idées justes. Voilà pourquoi il y a tant d'ignorants qui en savent plus long que les savants. Quand on est conduit par un Dieu de force et de lumière, on ne peut pas se tromper.
L'Esprit-Saint est une lumière et une force. C'est lui qui nous fait distinguer le vrai du faux et le bien du mal. Comme ces lunettes qui grossissent les objets, le Saint-Esprit nous fait voir le bien et le mal en grand. Avec le Saint-Esprit, on voit tout en grand : on voit la grandeur des moindres actions faites pour Dieu, et la grandeur des moindres fautes. Comme un horloger avec ses lunettes distingue les plus petits rouages d'une montre, avec les lumières du Saint-Esprit, nous distinguons tous les détails de notre pauvre vie. Alors les moindres imperfections paraissent très-grosses ; les moindres péchés font horreur. C'est pourquoi la très-sainte Vierge n'a jamais péché. L'Esprit-Saint lui faisait comprendre la laideur du mal. Elle frémissait d'épouvante à la moindre faute.
Ceux qui ont l'Esprit-Saint ne peuvent pas se sentir, tellement ils connaissent leur pauvre misère. Les orgueilleux sont ceux qui n'ont point l'Esprit-Saint.
Les gens du monde n'ont pas l'Esprit-Saint, ou, s'ils l'ont, ils ne l'ont qu'en passant ; il ne s'arrête pas chez eux ; le bruit du monde le fait partir. Un chrétien qui est conduit par l'Esprit-Saint n'a pas de peine à laisser les biens de ce monde pour courir après les biens du ciel. Il sait faire la différence. L'œil du monde ne voit pas plus loin que la vie, comme le mien ne voit pas plus loin que ce mur, quand la porte de l'église est fermée. L'œil du chrétien voit jusqu'au font de l'éternité. Pour l'homme qui se laisse conduire par l'Esprit-Saint, il semble qu'il n'y a point de monde ; pour le monde, il semble qu'il n'y a point de Dieu... Il s'agit donc de savoir qui nous conduit. Si ce n'est pas le Saint-Esprit, nous avons beau faire, il n'y a point de substance ni de saveur dans tout ce que nous faisons. Si c'est le Saint-Esprit, il y a une douceur moelleuse... c'est à mourir de plaisir !
Ceux qui se laissent conduire par le Saint-Esprit éprouvent toute sorte de bonheur au-dedans d'eux-mêmes tandis que les mauvais chrétiens se roulent sur les épines et les cailloux.
Une âme qui a le Saint-Esprit ne s'ennuie jamais en la présence de Dieu : il sort de son cœur une transpiration d'amour.
Sans le Saint-Esprit nous sommes comme une pierre du chemin... Prenez dans une main une éponge imbibée d'au, et dans l'autre un petit caillou ; pressez-les également. Il ne sortira rien du caillou, et de l'éponge vous ferez sortir de l'eau en abondance. L'éponge, c'est l'âme remplie du Saint-Esprit, et le caillou, c'est le cœur froid et dur où le Saint-Esprit n'habite pas.
Une âme qui possède le Saint-Esprit goûte une saveur dans la prière qui fait qu'elle trouve le temps toujours trop court : elle ne perd jamais la sainte présence de Dieu. Son cœur, devant notre bon Sauveur, au saint sacrement de l'autel, est un raisin sous le pressoir.
C'est le Saint-Esprit qui forme les pensées dans le cœur des justes et qui engendre les paroles... Ceux qui ont le Saint-Esprit ne produisent rien de mauvais : tous les fruits du Saint-Esprit sont bons.
Sans le Saint-Esprit tout est froid : aussi lorsqu'on sent que la ferveur se perd, il faut vite faire une neuvaine au Saint-Esprit pour demander la foi et l'amour... Voyez, lorsqu'on a fait une retraite ou un jubilé, on est plein de bons désirs : ces bons désirs sont le souffle de l'Esprit-Saint qui a passé sur notre âme et qui a tout renouvelé, comme ce vent chaud qui fond la glace et qui ramène le printemps... Vous qui n'êtes pas cependant de grands saints, vous avez bien des moments où vous goûtez les douceurs de la prière et de la présence de Dieu : ce sont des visites du Saint-Esprit. Quand on a le Saint-Esprit, le cœur se dilate, se baigne dans l'amour divin. Le poisson ne se plaint jamais d'avoir trop d'eau : de même le bon chrétien ne se plaint jamais d'être trop longtemps avec le bon Dieu. Il y en a qui trouvent la religion ennuyeuse, c'est qu'ils n'ont pas le Saint-Esprit.
Si l'on disait aux damnés : Pourquoi êtes-vous en enfer ? ils répondraient : Pour avoir résisté au Saint-Esprit. Et si l'on disait aux saints : Pourquoi êtes-vous au ciel ? ils répondraient : Pour avoir écouté le Saint-Esprit... Quand il nous vient de bonnes pensées, c'est le Saint-Esprit qui nous visite.
Le Saint-Esprit est une force. C'est le Saint-Esprit qui soutenait saint Siméon sur sa colonne ; c'est lui qui soutenait les martyrs. Sans le Saint-Esprit, les martyrs seraient tombés comme la feuille des arbres. Quand on allumait contre eux les bûchers, le Saint-Esprit éteignait la chaleur du feu par la chaleur de l'amour divin.
Le bon Dieu, en nous envoyant le Saint-Esprit, a fait à notre égard comme un grand roi qui chargerait son ministre de conduire un des ses sujets, disant : « Vous accompagnerez cet homme partout, et vous me le ramènerez sain et sauf. » Que c'est beau, mes enfants, d'être accompagné par le Saint-Esprit ! C'est un bon guide que celui-là... Et dire qu'il y en a qui ne veulent pas le suivre !...
Le Saint-Esprit est comme un homme qui aurait une voiture avec un bon cheval, et qui voudrait nous mener à Paris. Nous n'aurions qu'à dire oui, et à monter dedans... C'est bien une belle affaire que de dire oui !... Eh bien ! le Saint-Esprit veut nous mener au ciel ; nous n'avons qu'à dire oui, et à nous laisser conduire.
Le Saint-Esprit est comme un jardinier qui travaille notre âme... Le Saint-Esprit est notre domestique...
Voilà un fusil : bon ! Vous le chargez... mais il faut quelqu'un pour y mettre le feu et pour le faire partir... De même, il y a en nous de quoi faire le bien... C'est le Saint-Esprit qui met le feu, et les bonnes œuvres partent.
Le Saint-Esprit repose dans les âmes justes comme la colombe dans son nid. Il couve les bons désirs dans une âme pure, comme la colombe couve ses petits.
L'Esprit-Saint nous conduit comme une mère conduit son enfant de deux ans par la main... comme une personne qui y voit conduit un aveugle.
Les sacrements que Notre-Seigneur a institués ne nous auraient pas sauvés sans le Saint-Esprit. La mort même de Notre-Seigneur nous aurait été inutile sans lui. C'est pourquoi Notre-Seigneur a dit à ses apôtres : « Il vous est utile que je m'en aille, car si je ne m'en allais pas, le Consolateur ne viendrait pas... » Il fallait que la descente du Saint-Esprit vint faire fructifier cette moisson de grâces. C'est comme pour un grain de blé ; vous le jetez en terre : bon ! mais il faut le soleil et la pluie pour le faire lever et monter en épi.
Il faudrait dire chaque matin : « Mon Dieu, envoyez-moi votre Esprit qui me fasse connaître ce que je suis et ce que vous êtes (Noverim te, noverim me ! Que je vous connaisse et que je me connaisse ! disait saint Augustin). »

Prière

Ô Saint Jean-Marie Vianney, obtenez-nous de notre Père des Cieux, nous vous en prions, qu'il nous accorde la docilité aux inspirations du Saint-Esprit, afin qu'à l'écoute de ses enseignements, notre âme fleurisse chaque jour davantage pour l'amour de Dieu et notre salut éternel. Faites par votre sainte intercession que nous fassions fructifier les grâces de l'Esprit divin et transpirions de l'amour de Dieu ; c'est alors que l'on pourra dire de nous : celui-là est guidé par le Saint Esprit. Apprenez-nous, Saint Curé d'Ars, à nous laisser conduire, à votre exemple, par l'Esprit de Dieu, plus encore en ces temps d'apostasie, de schismes, et d'hérésies, afin que nous sachions distinguer le vrai du faux et le bien du mal, et que nous sortions enfin de l'aveuglement de notre orgueil. Ainsi soit-il.


5e Jour : Sur la communion spirituelle

Il y en a qui font tous les jours la communion spirituelle avec du pain bénit. Si nous sommes privés de la communion sacramentelle, remplaçons-la, autant qu'il se peut, par la communion spirituelle que nous pouvons faire à chaque instant ; car nous devons toujours être dans un désir brûlant de recevoir le bon Dieu. La communion fait à l'âme comme un coup de soufflet à un feu qui commence à s'éteindre, mais où il y a encore beaucoup de braise : on souffle, et le foyer se rallume. Après la réception des sacrements, lorsque nous sentons l'amour de Dieu se ralentir, vite la communion spirituelle !... Lorsque nous ne pouvons venir à l'église, tournons-nous du côté du tabernacle ; le bon Dieu n'a pas de mur qui l'arrête ; disons cinq Pater, cinq Ave, pour faire la communion spirituelle... Nous ne pouvons recevoir le bon Dieu qu'une fois le jour ; une âme embrasée d'amour supplée à cela par le désir de le recevoir à chaque instant.
Ô homme, que tu es grand !... nourri et abreuvé du corps et du sang d'un Dieu ! oh ! quelle douce vie que cette vie d'union avec le bon Dieu ! C'est le ciel sur la terre : il n'y a plus de peines, plus de croix ! Lorsque vous avez le bonheur d'avoir reçu le bon Dieu, vous sentez dans votre cœur une jouissance, un baume, pendant quelques instants !... Les âmes pures sont toujours comme cela ; aussi cette union fait leur force et leur bonheur. (Esprit du Saint Curé d'Ars)

Prière

Ô Saint Curé d'Ars, Soyez notre guide, en ce temps où l'Eucharistie reçoit de toutes parts les flèches de l'Ennemi. Dirigez-nous, nous vous le demandons, ô bon et saint prêtre du Seigneur, qui avez sanctifié tant d'âmes par votre amour de l'Eucharistie et de la sainte Église catholique. Apprenez-nous à communier spirituellement chaque jour que Dieu fait, afin de puiser dans le Cœur-sacré de Jésus, la vie de notre âme. Ainsi soit-il.


6e Jour : Sur la Foi, l'Espérance et la Charité

Voyez, mes enfants, le bon chrétien parcourt le chemin de ce monde, monté sur un beau char de triomphe ; ce char est traîné par les anges, et c'est Notre-Seigneur lui-même qui le conduit. Tandis que le pauvre pécheur est attelé au char de la vie, et le démon est sur le siège, qui le force d'avancer à grands coups de fouet.
Mes enfants, les trois actes de foi, d'espérance et de charité renferment tout le bonheur de l'homme sur la terre. Par la foi, nous croyons ce que Dieu nous a promis : nous croyons que nous le verrons un jour, que nous le posséderons, que nous serons éternellement avec lui dans le ciel. Par l'espérance, nous attendons l'effet de ces promesses : nous espérons que nous serons récompensés de toutes nos bonnes actions, de toutes nos bonnes pensées, de tous nos bons désirs. Que faut-il de plus pour être heureux ?
Au ciel, la foi et l'espérance n'existeront plus ; car les brouillards qui obscurcissent notre raison seront dissipés. Notre esprit aura l'intelligence des choses qui lui sont cachées ici-bas. Nous n'espérerons plus rien, puisque nous aurons tout. On n'espère pas acquérir un trésor qu'on possède... Mais l'amour ! oh ! nous en serons enivrés ! nous serons noyés, perdus dans cet océan de l'amour divin, anéantis dans cette immense charité du cœur de Jésus !... Aussi la charité est un avant-goût du ciel. Si nous savions la comprendre, la sentir, la goûter, oh ! que nous serions heureux ! Ce qui fait qu'on est malheureux, c'est qu'on n'aime pas Dieu.
Quand nous disons : « Mon Dieu, je crois ! je crois fermement, c'est-à-dire sans le moindre doute, sans la moindre hésitation... » oh ! si nous nous pénétrions de ces paroles : « Je crois fermement que vous êtes présent partout, que vous me voyez, que je suis sous vos yeux, qu'un jour je vous verrai clairement moi-même, que je jouirai de tous les biens que vous m'avez promis !... mon Dieu, j'espère que vous me récompenserez de tout ce que j'aurai fait pour vous plaire !... mon Dieu, je vous aime ! j'ai un cœur pour vous aimer !...» oh ! comme cet acte de foi, qui est aussi un acte d'amour, suffirait à tout !... Si nous comprenions le bonheur que nous avons de pouvoir aimer Dieu, nous demeurerions immobiles dans l'extase...
Si un prince, un empereur, faisait comparaître devant lui un de ses sujets et qu'il lui dit : « Je veux faire votre bonheur ; demeurez avec moi ; jouissez de tous mes biens ; mais veillez à ne pas me déplaire en tout ce qui est juste ; » quel soin, quelle ardeur ce sujet ne mettrait-il pas à satisfaire son prince ? Eh bien ! Dieu nous fait les mêmes avances... et on ne se soucie pas de son amitié ; on ne fait aucun cas de ses promesses... Que c'est dommage ! (Esprit du Saint Curé d'Ars)

Prière

Ô Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, enivré de l'amour divin, obtenez-nous cette foi pure, cette espérance consolante, cette charité parfaite, qui ont porté les saints au-dessus des persécutions, et dont vous fîtes jaillir l'éclat par votre exemple. Allumez en nous la flamme des vertus, afin que partout où la Providence divine nous mènera, nous portions en notre âme et propagions l'amour de Dieu. Ainsi soit-il.


7e Jour : Sur le péché

Voyez, mes enfants, comme le péché dégrade l'homme ! D'un ange créé pour aimer Dieu il fait un démon qui le maudira pendant toute l'éternité... Ah ! si Adam, notre premier père, n'avait pas péché, et si nous ne péchions pas tous les jours, comme nous serions heureux ! Nous serions aussi heureux que les saints dans le ciel. Il n'y aurait plus de malheureux sur la terre. Oh ! que ce serait beau !...
En effet, mes enfants, c'est le péché qui attire sur nous toutes les calamités, tous les fléaux, la guerre, la peste, la famine, les tremblements de terre, les incendies, la gelée, la grêle, les orages, tout ce qui nous désole, tout ce qui nous rend malheureux.
Voyez, mes enfants, une personne qui est en état de péché est toujours triste. Elle a beau faire, elle est ennuyée, dégoûtée de tout ; ... tandis que celle qui est en paix avec le bon Dieu est toujours contente, toujours joyeuse... Ô belle vie !... et belle mort !...
Mes enfants, nous avons peur de la mort... je le crois bien ! C'est le péché qui nous fait peur de la mort ; c'est le péché qui rend la mort affreuse, épouvantable ; c'est le péché qui effraye le méchant à l'heure du terrible passage. Hélas ! mon Dieu ! il y a bien de quoi être effrayé... Penser qu'on est maudit ! maudit de Dieu !... ça fait trembler ! Maudit de Dieu !... Pour un blasphème, pour une mauvaise pensée, pour une bouteille de vin, pour deux minutes de plaisir !... Pour deux minutes de plaisir perdre Dieu, son âme, le ciel, pour toujours !... On verra monter au ciel, en corps et en âme, ce père, cette mère, cette sœur, ce voisin, qui étaient là près de nous,... avec qui nous avons vécu, mais que nous n'avons pas imités ; tandis que nous descendrons en corps et en âme dans l'enfer pour y brûler. Les démons se rouleront sur nous. Tous les démons dont nous aurons suivi les conseils viendront nous tourmenter...
Mes enfants, si vous voyiez un homme dresser un grand bûcher, entasser des fagots les uns sur les autres, et que lui demandant ce qu'il fait il vous répondît : « Je prépare le feu qui doit me brûler, » que penseriez-vous ? Et si vous voyiez ce même homme approcher la flamme du bûcher, et, quand il est allumé, se précipiter dedans... que diriez-vous ?... En commettant le péché, c'est ainsi que nous faisons. Ce n'est pas Dieu qui nous jette en enfer, c'est nous qui nous y jetons par nos péchés. Le damné se dira : « J'ai perdu Dieu, mon âme et le ciel : c'est par ma faute, par ma faute, par ma très-grande faute !...» Il s'élèvera du brasier pour y retomber... Il sentira toujours le besoin de s'élever, parce qu'il était créé pour Dieu, le plus grand, le plus haut des êtres, le TRÈS-HAUT... comme un oiseau dans un appartement vole jusqu'au plancher et retombe... la justice de Dieu est le plancher qui arrête les damnés.
Il n'est pas besoin de prouver l'existence de l'enfer. Notre-Seigneur en parle lui-même, quand il raconte l'histoire du mauvais riche qui criait : « Lazare ! Lazare ! » On sait bien qu'il y a un enfer, mais on vit comme s'il n'y en avait point ; on vend son âme pour quelques pièces de monnaie. Nous renvoyons notre conversion à la mort ; mais qui nous assure que nous aurons le temps et la force, à ce moment redoutable que tous les saints ont appréhendé, où l'enfer se réunit pour nous livrer assaut, voyant que c'est l'instant décisif ? Il y en a bien qui perdent la foi, qui ne voient l'enfer qu'en y entrant. On leur administre les sacrements ; mais demandez-leur s'ils ont fait tel péché, ils vous répondent : « Oh ! arrangez cela comme vous voudrez !...»
Il y en a qui offensent le bon Dieu à tout moment ; leur cœur est une fourmilière de péchés ; il ressemble à un morceau de viande gâtée, rongée par les vers...
Non, vraiment, si les pécheurs songeaient à l'éternité, à ce terrible TOUJOURS !... ils se convertiraient sur-le-champ... Il y a près de six mille ans que Caïn est dans l'enfer, et il ne fait que d'y entrer. (Esprit du Saint Curé d'Ars)

Prière

Ô très Saint Curé d'Ars, zélé pasteur des âmes, nous vous supplions de bien vouloir nous inspirer une sainte horreur du péché, afin que, travaillant à l'arracher de notre cœur, nous soyons, à l'heure de la mort, comptés parmi le nombre des élus de Dieu et accueillis dans la céleste patrie, pour goûter avec vous les joies éternelles. Obtenez-nous l'amour de la pénitence, qui ne trouve, en ces temps de calamités et de châtiments, que peu d'amants parmi les dévots du Seigneur ; et pour notre salut, la grâce de la parfaite contrition de nos fautes. Enfin, Saint Jean-Marie Vianney, faites augmenter en nous, par votre sainte intercession, le désir du Ciel et des récompenses promises aux fidèles du Seigneur, afin que, entendant de sa bouche glorieuse la sentence suivante : "Venez ! les bénis de mon Père !", nous puissions Le louer éternellement dans le Ciel. Ainsi soit-il.


8e Jour : Sur la Sainte Vierge

Le Père se plaît à regarder le cœur de la très-sainte Vierge Marie comme le chef-d'œuvre de ses mains ; on aime toujours son ouvrage, surtout lorsqu'il est bien fait ; le Fils, comme le cœur de sa mère, la source dans laquelle il a puisé le sang qui nous a rachetés ; le Saint-Esprit comme son temple.
Les prophètes ont publié la gloire de Marie, avant sa naissance ; ils l'ont comparée au soleil. En effet, l'apparition de la sainte Vierge peut bien se comparer à un beau soleil dans un jour de brouillards.
Avant sa venue, la colère de Dieu était suspendue sur nos têtes comme un sabre prêt à nous frapper. Aussitôt que la sainte Vierge parut sur la terre, sa colère fut apaisée... Elle ne savait pas qu'elle devait être la mère de Dieu, et, lorsqu'elle était petite, elle disait : « Quand verrai-je donc cette belle créature qui doit être la mère de Dieu ? »
La sainte Vierge nous a engendrés deux fois, dans l'incarnation et au pied de la croix : elle est donc deux fois notre mère.
On compare souvent la sainte Vierge à une mère, mais elle est encore bien meilleure que la meilleure des mères ; car la meilleure des mères punit quelquefois son enfant qui lui fait du chagrin, même elle le bat ; elle croit bien faire. Mais la sainte Vierge ne fait pas comme ça : elle est si bonne qu'elle nous traite avec amour et ne nous punit jamais.
Le cœur de cette bonne mère n'est qu'amour et miséricorde ; elle ne désire que nous voir heureux. Il suffit seulement de se tourner vers elle pour être exaucé...
Le Fils a sa justice, la mère n'a que son amour.
Dieu nous a aimés jusqu'à mourir pour nous ; mais dans le cœur de Notre-Seigneur, il y a la justice, qui est un attribut de Dieu ; dans celui de la très-sainte Vierge, il n'y a que la miséricorde... Son Fils était prêt à punir un pécheur, Marie s'élance, arrête le glaive, demande grâce pour le pauvre coupable : « Ma mère, lui dit Notre-Seigneur, je ne puis rien vous refuser. Si l'enfer pouvait se repentir, vous lui obtiendriez sa grâce. »
La très-sainte Vierge se tient entre son Fils et nous. Plus nous sommes pécheurs, et plus elle a de tendresse et de compassion pour nous. L'enfant qui a coûté le plus de larmes à sa mère est le plus cher à son cœur. Une mère ne court-elle pas toujours au plus faible et au plus exposé ? Un médecin, dans un hôpital, n'a-t-il pas plus d'attention pour les plus malades ?
Le cœur de Marie est si tendre pour nous, que ceux de toutes les mères réunies ne sont qu'un morceau de glace auprès du sien.
Voyez comme la sainte Vierge est bonne ! Son grand serviteur saint Bernard lui disait souvent : Je vous salue, Marie... Un jour cette bonne mère lui répondit : Je te salue, mon fils Bernard...
L'Ave Maria est une prière qui ne lasse jamais.
La dévotion à la sainte Vierge est moelleuse, douce, nourrissante.
Quand on parle des objets de la terre, de la politique... on se lasse ; mais quand on parle de la sainte Vierge, c'est toujours nouveau.
Tous les saints ont une grande dévotion en la sainte Vierge ; aucune grâce ne vient du ciel sans passer par ses mains.
On n'entre pas dans une maison sans parler au portier : eh bien ! la sainte Vierge est la portière du ciel.
Lorsqu'on veut offrir quelque chose à un grand personnage, on fait présenter cet objet par la personne qu'il préfère, afin que l'hommage lui soit plus agréable. Ainsi nos prières présentées par la sainte Vierge ont un tout autre mérite, parce que la sainte Vierge est la seule créature qui n'ait jamais offensé Dieu. Il n'y a que la sainte Vierge qui ait accompli le premier commandement : Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement. Elle l'a accompli dans son entier... Tout ce que le Fils demande au Père lui est accordé. Tout ce que la Mère demande au Fils est pareillement accordé.
Lorsque nos mains ont touché des aromates, elles embaument tout ce qu'elles touchent ; faisons passer nos prières par les mains de la sainte Vierge, elle les embaumera.
Je pense qu'à la fin du monde, la sainte Vierge sera bien tranquille, mais tant que le monde dure, on la tire de tous les côtés... La sainte Vierge est comme une mère qui a beaucoup d'enfants. Elle est continuellement occupée à aller de l'un à l'autre. (Esprit du Saint Curé d'Ars)


Prière

Ô Saint Curé d'Ars, qui avait répandu, par votre zèle, comme un miel, la dévotion à la Sainte Vierge, dans les âmes, rappelez-nous sans cesse, dans le cours de notre vie de Chrétiens, l'amour que nous devons porter à la Mère de Dieu et notre Mère. Apprenez-nous à imiter les vertus et la vie intérieure de Celle qui fut choisie pour enfanter le Sauveur. Ô Notre guide, plein de la tendresse des enfants de Marie, répandez sur nous ses parfums, afin que nous trouvions grâce devant Dieu. Ainsi soit-il.


9e Jour : Sur les souffrances

Qu'on le veuille ou non, il faut souffrir. Il y en a qui souffrent comme le bon larron, et d'autres comme le mauvais. Tous deux souffraient pareillement. Mais l'un sut rendre ses souffrances méritoires ; il les accepta en esprit de réparation, et se tournant du côté de Jésus crucifié, il recueillit de sa bouche ces belles paroles : « Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. » L'autre, au contraire, poussait des hurlements, vociférait des imprécations et des blasphèmes, et expira dans le plus affreux désespoir.
« Il y a deux manières de souffrir : souffrir en aimant et souffrir sans aimer. » Les saints souffraient tout avec patience, joie et persévérance, parce qu'ils aimaient. Nous souffrons, nous, avec colère, dépit et lassitude, parce que nous n'aimons pas. Si nous aimions Dieu, nous aimerions les croix, nous les désirerions, nous nous plairions en elles... Nous serions heureux de pouvoir souffrir pour l'amour de Celui qui a bien voulu souffrir pour nous. De quoi nous plaignons-nous ? Hélas ! les pauvres infidèles, qui n'ont pas le bonheur de connaître Dieu et ses amabilités infinies, ont les mêmes croix que nous ; mais ils n'ont pas les mêmes consolations.
Vous dites que c'est dur ? Non, c'est doux, c'est consolant, c'est suave : c'est le bonheur ! Seulement, il faut aimer en souffrant, il faut souffrir en aimant.
Dans le chemin de la croix, voyez, mes enfants, il n'y a que le premier pas qui coûte. C'est la crainte des croix qui est notre plus grande croix... On n'a pas le courage de porter sa croix, on a bien tort ; car, quoi que nous fassions, la croix nous tient, nous ne pouvons lui échapper. Qu'avons-nous donc à perdre ? pourquoi ne pas aimer nos croix et ne pas nous en servir pour aller au ciel ?... Mais, au contraire, la plupart des hommes tournent le dos aux croix et fuient devant elles. Plus ils courent, plus la croix les poursuit, plus elle les frappe et les écrase de fardeaux... Si vous voulez être sages, marchez à sa rencontre comme saint André, qui disait, en voyant la croix se dresser pour lui dans les airs : « Salut, ô bonne croix ! Ô croix admirable ! ô croix désirable !... reçois-moi dans tes bras, retire-moi d'entre les hommes, et rends-moi à mon Maître qui m'a racheté par toi. »
Écoutez bien ça, mes enfants : Celui qui va au-devant de la croix, marche à l'opposé des croix ; il les rencontre peut-être, mais il est content de les rencontrer ; il les aime ; il les porte avec courage. Elles l'unissent à Notre-Seigneur ; elles le purifient ; elles le détachent de ce monde ; elles emportent de son cœur tous les obstacles ; elles lui aident à traverser la vie, comme un pont aide à passer l'eau... Voyez les saints ; quand on ne les persécutait pas, ils se persécutaient eux-mêmes... Un bon religieux se plaignait un jour à Notre-Seigneur de ce qu'on le persécutait. Il disait : « Seigneur qu'ai-je donc fait pour être traité ainsi ? » Notre-Seigneur lui répondit : « Et moi, qu'avais-je donc fait quand on m'a conduit au Calvaire ?... » Alors le religieux comprit ; il pleura, il demanda pardon et n'osa plus se plaindre.
Les gens du monde se désolent quand ils ont des croix, et les bons chrétiens se désolent quand ils n'en ont pas. Le chrétien vit au milieu des croix comme le poisson vit dans l'eau.
Voyez sainte Catherine, qui a deux couronnes, celle de la pureté et celle du martyre : combien elle est contente, cette chère petite sainte, d'avoir mieux aimé souffrir que de consentir au péché ! Il y avait un religieux qui aimait tant la souffrance qu'il s'était attaché une corde de puits au corps ; cette corde avait écorché la peau et s'était peu à peu enfoncée dans la chair d'où il sortait des vers. Les religieux demandèrent qu'on le renvoyât de la communauté. Il alla content et joyeux se cacher au fond d'un antre de rocher. Mais, la même nuit, le supérieur entendit le Seigneur lui dire : « Tu as perdu le trésor de ta maison. » De suite, on retourna chercher ce bon saint, on voulut voir d'où sortaient ces vers. Le supérieur fit ôter la corde, ce qui se fit en retournant toutes les chairs. Enfin il guérit.
Il y avait tout près d'ici, dans une paroisse du voisinage, un petit garçon qui était tout écorché dans son lit, bien malade et bien misérable ; je lui disais : « Mon pauvre petit, tu souffres bien ! » Il me répondait : « Non, monsieur le curé, je ne sens pas aujourd'hui mon mal d'hier, et demain je ne souffrirai pas de ma douleur d'aujourd'hui. » — « Tu voudrais bien guérir ? » — « Non, j'étais méchant avant d'être malade ; je pourrais le redevenir. Je suis bien comme je suis... » C'était bien le vinaigre, mais l'huile l'emportait... Nous ne comprenons pas cela, parce que nous sommes trop terrestres. Des enfants en qui le Saint-Esprit réside nous font honte.
Si le bon Dieu nous envoie des croix nous nous rebutons, nous nous plaignons, nous murmurons, nous sommes si ennemis de tout ce qui nous contrarie, que nous voudrions toujours être dans une boîte de coton ; c'est dans une boîte d'épines qu'il faudrait nous mettre. C'est par la croix que l'on va au ciel. Les maladies, les tentations, les peines, sont autant de croix qui nous conduisent au ciel. Tout cela sera bientôt passé... Voyez les saints qui sont arrivés avant nous... Le bon Dieu ne demande pas de nous le martyre du corps, il nous demande seulement le martyre du cœur et de la volonté... Notre-Seigneur est notre modèle ; prenons notre croix et suivons-le. Faisons comme les soldats de Napoléon. Il fallait traverser un pont sur lequel on tirait à mitraille ; personne n'osait passer. Napoléon prit le drapeau, marcha le premier, et tous suivirent. Faisons de même ; suivons Notre-Seigneur qui a marché le premier.
Un militaire me racontait un jour que, dans une bataille, il avait marché pendant une demi-heure sur des cadavres ; il n'y avait presque pas où mettre les pieds ; la terre était toute teinte de sang. C'est ainsi que dans le chemin de la vie il faut marcher sur les croix et les peines pour arriver à la patrie.
La croix est l'échelle du ciel... Qu'il est consolant de souffrir sous les yeux de Dieu, et de pouvoir se dire, le soir, dans son examen : « Allons ! mon âme, tu as eu aujourd'hui deux ou trois heures de ressemblance avec Jésus-Christ. Tu as été flagellée, couronnée d'épines, crucifiée avec lui !...» Oh ! quel trésor pour la mort !... Qu'il fait bon mourir quand on a vécu sur la croix !
Nous devrions courir après les croix, comme l'avare court après l'argent... Il n'y a que les croix qui nous rassureront au jour du jugement. Quand ce jour viendra, que nous serons heureux de nos malheurs, fiers de nos humiliations, et riches de nos sacrifices !
Si quelqu'un vous disait : « Je voudrais bien devenir riche, que faut-il faire ? » Vous lui répondriez : « Il faut travailler. » Eh bien ! pour aller au ciel il faut souffrir. Notre-Seigneur nous montre le chemin dans la personne de Simon le Cyrénéen ; il appelle ses amis à porter sa croix après lui.
Le bon Dieu veut que nous ne perdions jamais de vue la croix, aussi la place-t-on partout, le long des chemins, sur les hauteurs, dans les places publiques, afin qu'à cette vue nous puissions dire : « Voilà comment Dieu nous a aimés ! »
La croix embrasse le monde ; elle est plantée aux quatre coins de l'univers ; il y en a un morceau pour tous.
Les croix sont sur la route du ciel comme un beau pont de pierre sur une rivière pour la traverser. Les chrétiens qui ne souffrent pas passent cette rivière sur un pont fragile, un pont de fil de fer, toujours prêt à se rompre sous leurs pieds.
Celui qui n'aime pas la croix pourra peut-être bien se sauver, mais à grand'peine : ce sera une petite étoile dans le firmament. Celui qui aura souffert et combattu pour son Dieu, luira comme un beau soleil.
Les croix transformées dans les flammes de l'amour, sont comme un fagot d'épines que l'on jette au feu et que le feu réduit en cendre. Les épines sont dures, mais les cendres sont douces.
Oh ! que les âmes qui sont tout à Dieu dans la souffrance éprouvent de douceur ! C'est comme une eau dans laquelle on met beaucoup d'huile : le vinaigre est bien toujours vinaigre ; mais l'huile en corrige l'amertume, et on ne le sent presque plus.
Mettez un beau raisin sous le pressoir, il en sortira un jus délicieux : Notre âme, sous le pressoir de la croix, produit un jus qui la nourrit et la fortifie. Lorsque nous n'avons pas de croix, nous sommes arides : si nous les portons avec résignation, nous sentons une douceur, un bonheur, une suavité !... c'est le commencement du ciel. Le bon Dieu, la sainte Vierge, les anges et les saints nous environnent ; ils sont à nos côtés et nous voient. Le passage du bon chrétien, éprouvé par l'affliction, à l'autre vie est comme celui d'une personne que l'on transporte sur un lit de roses.
Les épines suent le baume et la croix transpire la douceur. Mais il faut presser les épines dans ses mains et serrer la croix sur son cœur pour qu'elles distillent le suc qu'elles contiennent.
C'est la croix qui a donné la paix au monde ; c'est elle qui doit la porter dans nos cœurs. Toutes nos misères viennent de ce que nous ne l'aimons pas. C'est la crainte des croix qui augmente les croix. Une croix portée simplement, et sans ces retours d'amour-propre qui exagèrent les peines, n'est plus une croix. Une souffrance paisible n'est plus une souffrance. Nous nous plaignons de souffrir ! nous aurions bien plus de raison de nous plaindre de ne pas souffrir, puisque rien ne rend plus semblables à Notre-Seigneur que de porter sa croix. Ô belle union de l'âme avec Notre-Seigneur Jésus-Christ par l'amour et la vertu de sa croix !... Je ne comprends pas comment un chrétien peut ne pas aimer la croix et la fuir ! n'est-ce pas fuir en même temps Celui qui a bien voulu y être attaché et y mourir pour nous ?
Les contradictions nous mettent au pied de la croix, et la croix à la porte du ciel. Pour y arriver il faut qu'on nous marche dessus, que nous soyons vilipendés, méprisés, broyés... Il n'y a d'heureux dans ce monde que ceux qui ont le calme de l'âme, au milieu des peines de la vie : ils goûtent la joie des enfants de Dieu... Toutes les peines sont douces quand on souffre en union avec Notre-Seigneur...
Souffrir ! qu'importe ? Ce n'est qu'un moment. Si nous pouvions aller passer huit jours dans le ciel, nous comprendrions le prix de ce moment de souffrance. Nous ne trouverions pas de croix assez lourde, pas d'épreuve assez amère... La croix est le don que Dieu fait à ses amis.
Que c'est beau de s'offrir tous les matins en sacrifice au bon Dieu, et de tout accepter en expiation de ses péchés !... Il faut demander l'amour des croix : alors elles deviennent douces. J'en ai fait l'expérience pendant quatre ou cinq ans. J'ai été bien calomnié, bien contredit, bien bousculé. Oh ! j'avais des croix... j'en avais presque plus que je n'en pouvais porter ! Je me mis à demander l'amour des croix : alors je fus heureux. Je me dis : Vraiment, il n'y a de bonheur que là !... Il ne faut jamais regarder d'où viennent les croix : elles viennent de Dieu. C'est toujours Dieu qui nous donne ce moyen de lui prouver notre amour. (Esprit du Saint Curé d'Ars)

Prière

Ô Saint Curé d'Ars, dont les croix firent votre bonheur, nous vous en supplions, obtenez-nous l'amour des croix et la paix intérieure au milieu des peines de la vie, afin que notre âme, sous le pressoir de la croix, produisant un jus qui la nourrit et la fortifie, nous ne craignions plus ni les calomnies, ni les mépris, ni les contradictions de cette vie, et que goûtant les délices de la souffrance au pied de la Croix de notre Sauveur, nous puissions dire : Allons ! mon âme, tu as eu aujourd'hui deux ou trois heures de ressemblance avec Jésus-Christ. Ainsi soit-il.


Après la prière du Jour :

V/ Saint Curé d'Ars, montrez-nous le chemin du Ciel,
R/ Afin que nous devenions dignes des promesses de Notre-Seigneur Jésus-Christ.


ORAISON

Dieu tout-puissant et miséricordieux, vous avez rendu saint Jean-Marie Vianney admirable dans son zèle pastoral et son incessante ardeur pour la prière et la pénitence. Faites qu'à son exemple et par son intercession, nous puissions gagner au Christ les âmes de nos frères et parvenir avec eux à la gloire éternelle. Nous vous en prions par Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ainsi soit-il. (Missel vespéral et rituel, 1957)

Saint Curé d'Ars, priez pour nous. (x3)



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