Je comprends, dira quelqu'un, combien la mortification est nécessaire, et combien elle est avantageuse ; mais je songe en même temps combien il en coûte à la nature de s'assujettir : c'est ce qui m'effraye et me décourage. A cela je réponds, premièrement avec Saint Basile, que si pour la santé de notre corps nous prenons volontiers les remèdes les plus amers et les plus dégoûtants ; si nous nous soumettons aux opérations les plus douloureuses ; si pour amasser des biens périssables, les hommes s'exposent à tant de périls sur mer et sur terre, et surmontent tant d'obstacles, que ne devons-nous point faire pour la santé de notre âme, et pour acquérir les biens éternels ? N'est-il pas juste que nous fassions violence, et n'est-il pas convenable que nous Surmontions toute difficulté ? Cependant, parce que nous sommes, tous naturellement ennemis de la peine et du travail, et que dans la nécessité indispensable où nous sommes de souffrir, nous voudrions ne souffrir que le moins qu'il est possible, je réponds en second lieu, qu'il y a plus de travail à se soustraire à la mortification, qu'à s'y soumettre et s'y assujettir. Vérité que Saint Augustin avait bien comprise, lorsqu'il disait : « Vous l'avez ordonné, Seigneur, et c'est ce qui ne manque jamais d'arriver, que tout esprit déréglé trouve en lui-même son supplice. Ce dérèglement intérieur de l'appétit à l'égard de la raison, et de la raison à l'égard de Dieu, cause à l'homme de grandes peines et de grandes inquiétudes. » On remarque le même combat jusques dans les êtres inanimés : qu'y a-t-il qui ne soit dans un état violent, lorsqu'il est déplacé, et hors des règles et des bornes que l'Auteur de la nature a établies ? Quelles douleurs ne causent point un os qui est hors de son emboîture ? Quelle violence ne souffrent point les corps naturels qui sont hors de leur élément ? Et puisque c'est une chose si naturelle à l'homme que de vivre selon la raison, la nature ne doit-elle pas réclamer en lui, et sa propre conscience ne doit-elle pas s'élever continuellement contre lui, quand il sort de l'ordre ? Qui a pu jamais lui résister, disait Job en parlant de Dieu, et avoir quelque repos ? Non, il ne faut point espérer qu'on puisse être en paix avec soi-même, en vivant de la sorte. C'est dans ce sens que Saint Jean dit dans l'Apocalypse : « que ceux qui adoraient la bête, n'avaient nul repos, ni jour ni nuit. » Votre chair et votre sensualité est cette bête ; si vous vous soumettez à elle, jamais vous n'aurez de repos.
Ou compare encore l'effet des passions dans le cœur de l'homme, aux vents et aux tempêtes qui s'élèvent sur la mer ; car de même que les vents agitent la mer, et en troublent le calme par leur souffle impétueux, de même nos passions, par leurs mouvements tumultueux et leurs appétits déréglés, forment des tempêtes dans notre cœur, et en troublent entièrement le calme. Tantôt la colère y excite des orages ; tantôt il y règne un vent d'orgueil et de vaine gloire, qui nous élève au-dessus de nous-même ; tantôt c'est l'impatience qui nous irrite, tantôt c'est l'envie qui nous dessèche. Les impies, dit Isaïe, sont comme une mer agitée qui ne saurait se calmer. Mais dès que les vents s'apaisent, le calme vient aussitôt : Il commanda aux vents et à la mer, et il se fit un calme profond. Si vous parvenez donc à pouvoir commander aux vents de vos passions et de vos appétits, à force de les mortifier et de les soumettre à la raison, vous jouirez d'une paix inaltérable et d'une tranquillité parfaite ; mais si vous négligez ce moyen de les apaiser et de les dompter, vous serez souvent exposé à de furieuses tempêtes, et au péril d'y succomber.
(Abrégé de la pratique de la perfection chrétienne)
Reportez-vous à Exercices de Mortification, Ce n'est pas mener la vie d'un Chrétien, ni même d'un homme, que de ne se point mortifier, De deux sortes de Mortifications, Que de la pratique de la mortification dépend absolument notre avancement, De la violence qu'il faut se faire à soi-même, De la haine de soi-même, et de l'Esprit de Mortification qui en est inséparable, Un
des plus grands châtiments que Dieu puisse exercer contre l'homme,
c'est de l'abandonner à ses passions, et aux désirs déréglés de son cœur, De la nécessité de la Mortification : En quoi elle consiste, De l'union étroite qui doit être entre la Mortification et l'Oraison, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la nourriture du corps, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Méditation sur le combat de la chair contre l'esprit, Moyens pour persévérer dans la sobriété et dans l'abstinence, De l'anéantissement, Méditation sur le Carême : Jésus ayant jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim ensuite, Instruction sur le Carême, Méditation sur le véritable jeûne, Méditation sur la Loi du jeûne, Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin, Prière pour demander la victoire sur ses passions, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et Sur la vaine curiosité.
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